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La crue des eaux et les vagues causées par l'ouragan Juan à Halifax

Préparé par Peter Bowyer, 17 octobre 2003

Ondes de tempête - Généralités

Un onde de tempête, comme l' implique le nom, est une montée soudaine des eaux côtières qui est un phénomène produit directement par la tempête. Un onde de tempête sur un littoral quelconque se caractérise par une arrivée massive d'eau de mer (d'eau douce dans le cas d'un lac) sur les côtes, causée par les effets conjugués des vents forts et de la basse pression qui accompagnent un cyclone (système dépressionnaire). On observe des ondes de tempête tant lors des cyclones tropicaux (ouragans p. ex.) que lors des cyclones extratropicaux (tempêtes hivernales p. ex.). La basse pression au centre de la tempête " aspire " l'océan qui se soulève, un peu comme le fait un tapis au passage de l'aspirateur. Cet effet est parfois vu comme le principal responsable des ondes de tempêtes qui accompagnent les ouragans. En fait, c'est le vent qui précède l'ouragan qui joue le rôle clé dans l'arrivée de fortes ondes de tempête sur les côtes; il arrive que l'onde de tempête résulte à 75 % des vents, et non de la pression.

Voici une règle générale simple pour estimer le rôle de la basse pression dans la formation d'une onde de tempête : une élévation supérieure de 1 cm à celle prévue normalement en fonction de la marée pour chaque hectopascal en dessous de la pression atmosphérique normale qui est de 1013 hectopascals (hPa). Par exemple, la pression atmosphérique au centre de l'ouragan Juan était de 974 hPa lorsqu'il a touché les côtes, soit 39 hPa en dessous de la pression normale. Le seul effet de la pression aurait donc causé une onde de tempête de 39 cm or, l'onde de tempête observée dans le port d'Halifax mesurait environ 150 cm. Il est donc clair qu'un autre mécanisme que la pression atmosphérique est intervenu.

Le vent est l'élément clé. Lorsqu'un ouragan s'approche des côtes, le fort gradient barométrique (écart marqué dans les pressions atmosphériques relevées sur un secteur géographique restreint) pousse la surface de l'océan au devant de la tempête et principalement à la droite de sa trajectoire. D'autres facteurs, comme la vitesse de déplacement de la tempête, l'angle avec lequel il aborde les côtes et la bathymétrie de la zone côtière (le relief du fond de l'océan) permettent également de calculer plus précisément l'intensité de l'onde de tempête en divers points de la côte. Le vent demeure toutefois le facteur le plus important.

L'onde de tempête causée par Juan - Vue d'ensemble

Quatre phénomènes indépendants doivent être en présence pour que le " pire des scénarios " se réalise en matière d'onde de tempête dans les Maritimes, à savoir une marée de vive eau, un périgée lunaire, une marée haute et une forte tempête. Comment tous ces phénomènes se sont ils produits au moment du passage de l'ouragan Juan?

Tout d'abord, la nouvelle lune, le 25 septembre, signifiait que la marée de vive eau bi-hebdomadaire - une des deux marées de plus forte amplitude du cycle mensuel des marées - se traduirait par de grandes marées le 28 septembre. Ensuite, la lune étant à son périgée - le point de son orbite le plus proche de la terre - le 28 septembre, on pouvait s'attendre à des marées plus fortes que d'habitude. En outre, on observe, sur la côte atlantique de la Nouvelle Écosse, deux marées hautes quotidiennes, ce qui représente deux possibilités d'inondation par jour lors des marées de vive eau. Enfin, l'arrivée de Juan, un ouragan de catégorie 2, non loin de l'heure de la marée haute, venait couronner le tout, causant une onde de tempête dévastatrice.

L'ouragan Juan a suivi une trajectoire plein nord pendant 24 heures, pratiquement la trajectoire la plus susceptible de causer une forte élévation du niveau de la mer le long de la côte atlantique de la Nouvelle Écosse. Une trajectoire rectiligne cause les pires vagues et un déplacement vers le nord engendre une mauvaise onde de tempête. Les plus fortes élévations du niveau de la mer ont été observées à l'est du point d'arrivée sur les côtes situé non loin de Prospect, en Nouvelle Écosse.

L'onde de tempête à Halifax - Gros plan

Les graphiques illustrant les données enregistrées par le marégraphe situé dans le port d'Halifax (exploité par le Service hydrographique du Canada) montrent les éléments suivants : le niveau d'eau prévu en fonction des marées astronomiques (ligne verte), le niveau réel de la mer enregistré par le marégraphe (ligne orange), la différence entre les deux valeurs causée par la tempête - l'onde de tempête (ligne rouge), l'ancien record en matière d'élévation du niveau de la mer (ligne bleu clair) le nouveau record atteint lors de l'ouragan Juan (ligne bleu foncé). Les trois graphiques montrent les données relevées par le marégraphe aux alentours de l'arrivée de Juan, sur des périodes successives plus ou moins longues, à savoir, 4 jours, 1 jour et 8 heures, respectivement.

Des ondes de tempête graphique, montrent les données relevées par le marégraphe aux alentours de l'arrivée de Juan, sur des périodes successives plus ou moins longues, à savoir, 4 jours, 1 jour et 8 heures, respectivement
Des ondes de tempête graphique, montrent les données relevées par le marégraphe aux alentours de l'arrivée de Juan, sur des périodes successives plus ou moins longues, à savoir, 4 jours, 1 jour et 8 heures, respectivement

Des ondes de tempête graphique, montrent les données relevées par le marégraphe aux alentours de l'arrivée de Juan, sur des périodes successives plus ou moins longues, à savoir, 4 jours, 1 jour et 8 heures, respectivement
Des ondes de tempête graphique, montrent les données relevées par le marégraphe aux alentours de l'arrivée de Juan, sur des périodes successives plus ou moins longues, à savoir, 4 jours, 1 jour et 8 heures, respectivement
Des ondes de tempête graphique, montrent les données relevées par le marégraphe aux alentours de l'arrivée de Juan, sur des périodes successives plus ou moins longues, à savoir, 4 jours, 1 jour et 8 heures, respectivement
Des ondes de tempête graphique, montrent les données relevées par le marégraphe aux alentours de l'arrivée de Juan, sur des périodes successives plus ou moins longues, à savoir, 4 jours, 1 jour et 8 heures, respectivement

L'onde de tempête s'est formée rapidement vers 21 h 35 HAA le 28 septembre, pour atteindre un maximum d'environ 1,50 m (5 pieds) à 1 h HAA le 29 septembre, battant tous les records établis à Halifax depuis au moins 1940. Le niveau de la mer étant déjà élevé en raison de la grande marée, on a enregistré, à Halifax, un niveau de la mer record à 2,90 m (au dessus du niveau repère des marées appelé " zéro des cartes "). Cette valeur est supérieure à toutes celles enregistrées à Halifax depuis au moins 1961, bien que le nouveau record n'ait pas encore été confirmé par le Service hydrographique du Canada. Malheureusement, ce record s'est traduit par une inondation massive du front de mer, tant à Dartmouth qu'à Halifax.

Lorsque les vents ont tourné, vers 1 heure du matin, l'eau accumulée dans le port d'Halifax a reflué vers le large. Il a fallu 5 heures pour que le niveau de la mer dans le port s'élève de 2 mètres (6,7 pieds) avec la marée montante et l'onde de tempête. Les vents d'ouragan d'est sud est ont tassé les eaux dans le fond du port, les empêchant de repartir vers le large comme c'est normalement le cas à la marée descendante. Il a suffi que les vents à l'entrée du port passent du sud est au sud pour que s'ouvre cette " porte d'écluse " et que l'excès d'eau de 2 mètres au dessus du niveau normal s'épanche rapidement dans l'océan. Le port a retrouvé son niveau d'eau normal en une heure et demie.

Les vagues à Halifax

Un véritable champ de vagues d'une hauteur significative (moyenne des hauteurs du tiers supérieur des lames formées) de 9 à 13 mètres (30 - 43 pieds) s'est approché des côtes de la Nouvelle Écosse avec l'ouragan Juan. La bouée 44258 d'Environnement Canada, située juste à l'extérieur du port d'Halifax, a enregistré des vagues d'une hauteur significative de 9 m au moment précis où Juan arrivait sur les côtes. La hauteur maximale des vagues observée à ce même moment était de 19 à 20 mètres (62 - 66 pieds). Le graphique montre que les vagues les plus fortes ont été enregistrées entre 0 h 20 et 1 h 20 HAA.

Des ondes de tempête graphique, montre que les vagues les plus fortes ont été enregistrées entre 0 h 20 et 1 h 20 HAA
Des ondes de tempête graphique, montre que les vagues les plus fortes ont été enregistrées entre 0 h 20 et 1 h 20 HAA

Les hautes vagues ont contribué à l'accumulation d'eau dans le port et ont frappé de plein fouet les endroits les plus exposés, près de l'entrée du port.

On a frôlé le pire...

Outre les vents les plus forts de l'ouragan Juan, Halifax a subi les effets conjugués de la plus forte onde de tempête et des plus hautes vagues qui ont atteint les côtes au même moment, aggravant considérablement les problèmes d'inondation du front de mer. Au Canada, il arrive parfois, quand des ouragans touchent les côtes, que l'onde de tempête se manifeste en même temps que l'ouragan, tandis que les vagues les plus hautes sont observées environ une heure ou deux plus tard. Par ailleurs, la trajectoire rectiligne de Juan en direction du nord dans les 24 heures qui ont précédé son arrivée sur les côtes a provoqué un gonflement important des vagues. Qui plus est, Juan se déplaçait à une vitesse quasi idéale pour provoquer, simultanément, la plus forte onde de tempête, les plus hautes vagues et les vents les plus forts.

À bien des égards, on a donc frôlé le pire.

Sans toutefois l'atteindre

Si on se penche davantage sur le moment où le niveau d'eau s'est élevé à Halifax, on peut constater le bon côté de la chose : Juan a manqué la marée haute! S'il était arrivé 2 heures plus tôt, l'onde de tempête maximale dans le port d'Halifax aurait coïncidé exactement avec la marée haute, ce qui aurait provoqué une élévation du niveau de la mer supérieure de 45 cm (1,5 pied) à celle qui a été enregistrée. S'il était arrivé 10 heures et demie plus tard, son arrivée aurait coïncidé avec la plus forte des deux marées quotidiennes et, dans ce cas, on aurait enregistré un niveau de la mer de 60 cm (2 pieds) supérieur au niveau observé, ce qui aurait eu des conséquences inimaginables.

Outre le fait que les conditions " idéales " pour le pire scénario ne se soient pas produites simultanément, l'ouragan a abordé les côtes avec un léger angle. La côte et le fond de l'océan sont orientés face au sud est et non face au sud. La tempête aurait été plus dévastatrice encore si l'ouragan avait approché les côtes par le sud est plutôt que par le sud, comme ce fut le cas.

Si on observe de plus près l'intensification des vagues, on constate que Juan se déplaçait un tout petit peu trop vite pour provoquer une élévation maximale. Au moment de son arrivée sur les côtes, Juan précédait déjà les vagues qu'il avait engendrées. S'il s'était déplacé un peu plus lentement, son arrivée sur les côtes aurait coïncidé davantage avec l'arrivée des vagues qu'il avait provoquées, et on aurait observé dans le port une houle encore plus forte.

À bien des égards, Juan n'était donc pas " la tempête parfaite "; il aurait pu être bien pire.

Conclusion

De mémoire d'homme, il ne fait aucun doute que l'ouragan Juan est la plus forte tempête observée dans la municipalité régionale d'Halifax. Toutefois, de nombreuses conditions propices laissent penser qu'une tempête encore plus forte pourrait frapper, une tempête avec des vents plus forts, des vagues plus hautes, une onde de tempête plus forte et une combinaison des trois facteurs plus dévastatrice.

La question n'est donc pas de savoir SI cela se produira, mais QUAND, dans combien de temps? Ce que nous savons, c'est que la dernière tempête semblable s'est produite il y a 110 ans. Statistiquement parlant, on ne verra vraisemblablement pas un autre Juan avant une centaine d'années, mais il est tout aussi probable qu'un ouragan plus intense que Juan frappe Halifax la semaine prochaine.

On dit que la climatologie, c'est ce qu'on prévoit, et que la météo, c'est ce qu'on voit! La climatologie nous pousse à penser qu'on n'est pas près d'observer un autre ouragan comme Juan, mais la météorologie nous incite, malgré tout, à être vigilants.

Remerciements

Je remercie les personnes suivantes pour leur contribution à ce rapport :

  • Lorne Ketch, de la Division de la science atmosphérique, pour avoir préparé la carte et les graphiques qui accompagnent le rapport et pour son interprétation des données et son examen critique.
  • George Parkes, du Centre canadien de prévision d'ouragan, pour son interprétation des données et son examen critique.

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