Sels d’aluminium, contenu final : chapitre 2.3

2. Résumé des informations nécessaires à l'évaluation du caractère toxique au sens de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999)

2.3 Caractérisation de l’exposition

2.3.1 Devenir dans l’environnement

Les sections suivantes résument l’information disponible sur la distribution et le devenir dans l’environnement de l’aluminium et des sels d’aluminium, tels que le chlorure, le nitrate et le sulfate d’aluminium. Une analyse plus détaillée sur le devenir de ces substances dans l’environnement existe dans la littérature (Bélanger et al., 1999; Germain et al., 2000; Roy, 1999a).

2.3.1.1 Air

Dans l’air, le chlorure d’aluminium hydraté réagit en milieu humide pour produire de l’acide chlorhydrique et de l’oxyde d’aluminium (Vasiloff, 1991). De même, le nitrate et le sulfate d’aluminium peuvent réagir avec l’humidité pour former l’acide nitrique et l’acide sulfurique respectivement. Comme les trois sels d’aluminium étudiés dans le cadre de cette évaluation ne sont généralement pas émis dans l’air, les quantités d’aluminium qui en découlent sont probablement plus négligeables que celles provenant de l’érosion naturelle des sols (Environnement Canada et Santé Canada, 2000).

2.3.1.2 Eau

L’altération des roches, des dépôts glaciaires, des sols et de leurs dérivés minéraux ainsi que le dépôt atmosphérique des particules de poussière sont des sources naturelles de rejets d’aluminium dans les milieux aquatiques. Les hausses les plus évidentes de concentrations d’aluminium ont été systématiquement liées à l’acidification de l’environnement (Driscoll et Schecher, 1988; Nelson et Campbell, 1991). C’est pourquoi, les récents changements climatiques mondiaux et les altérations de l’acidité des systèmes atmosphériques et océaniques, dus en partie aux activités humaines, ont le pouvoir d’influer sur la présence et la mobilité de l’aluminium dans l’environnement (Pidwirny et Gow, 2002; Crane et al., 2005). Ces rapports sont toutefois complexes et il reste encore de la recherche à faire pour déterminer les impacts potentiels sur le biote. Selon Crane et al. (2005), les conditions climatiques extrêmes de plus en plus répétées pouvant être attribuées aux changements climatiques mondiaux (l’augmentation des précipitations abondantes dans certaines régions, par exemple) pourraient accentuer les processus d’érosion physico-chimique. Ceci, combiné aux effets de l’acidification des eaux, risquerait de conduire à des changements importants dans la spéciation et la mobilité de l’aluminium et d’autres métaux.

Les minéraux du sol comme la gibbsite (Al(OH)3) et la jurbanite (AlSO4(OH)•5H2O) sont considérés comme les sources principales de rejets d’aluminium dans le milieu aqueux, surtout dans les bassins-versants mal tamponnés (Driscoll et Schecher, 1990; Campbell et al., 1992; Kram et al., 1995). Dans les bassins mieux tamponnés, c’est un sorbant humique en phase solide dans le sol qui est mis en cause dans les rejets d’aluminium (Cronan et al., 1986; Bertsch, 1990; Cronan et Schofield, 1990; Cronan et al., 1990; Seip et al., 1990; Taugbol et Seip, 1994; Lee et al., 1995; Rustad et Cronan, 1995).

Les trois sels d’aluminium -- chlorure, nitrate et sulfate -- sont extrêmement solubles et forment diverses espèces dissoutes au contact de l’eau. Le devenir et le comportement de l’aluminium dans le milieu aquatique sont très complexes. La spéciation de l’aluminium, c’est-à-dire sa répartition en diverses formes physiques et chimiques, ainsi que sa solubilité dépendent d’un très grand nombre de paramètres environnementaux dont le pH, la température de la solution, la teneur en carbone organique dissous (COD) et de la présence (et concentrations) de nombreux ligands. Les métaux en solution peuvent être des complexes dissous, des ions libres ou aqueux, associés à des particules, ou sous forme de colloïdes ou de solides en cours de précipitation. Les particules colloïdales (soit celles comprises entre 0,001 et 1 μm) sont importantes dans le transport des métaux dans les écosystèmes des cours d’eau (Kimball et al., 1995; Schemel et al., 2000) ainsi que dans l’accumulation des métaux dans les sédiments (Church et al., 1997) et les biofilms (Besser et al., 2001), et dans le transfert au biote. Farag et al. (2007) ont émis l’hypothèse que les colloïdes et les biofilms pourraient jouer des rôles critiques dans le cheminement des métaux dans la chaîne alimentaire. La réactivité de l’aluminium, son comportement géochimique ainsi que sa biodisponibilité et sa toxicité dépendent de sa spéciation (Neville et al., 1988; Gagnon et Turcotte, 2007).

Il existe deux types généraux de ligands qui peuvent former de solides complexes avec l’aluminium en solution. Les ligands inorganiques comprennent notamment des anions comme les sulfates (SO42-), les fluorures (F-), les phosphates (PO43-), les bicarbonates (HCO3-) et les hydroxydes (OH-). Les ligands organiques comprennent les acides oxalique, humique et fulvique (Driscoll et al., 1980; Sparling et Lowe, 1996). Les concentrations relatives des ligands organiques et inorganiques déterminent en général les proportions et les types de complexes qui seront formés en solution.

Les interactions avec le potentiel d'hydrogène (pH) (Campbell et Stokes, 1985; Hutchinson et Sprague, 1987; Schindler, 1988; Driscoll et Postek, 1996) et le carbone organique dissous (COD)> (Hutchinson et Sprague, 1987; Kullberg et al., 1993) sont d’une importance primordiale dans le devenir et le comportement de l’aluminium. Dans l’eau, le COD formera avec l’aluminium des complexes alumino-organiques et réduira les concentrations des formes monomères d’aluminium (Farag et al., 1993; Parent et al., 1996). À un pH de 4,5, une concentration de 1 mg/L de COD peut complexer environ 0,025 mg Al/L, ce pouvoir complexant s’accentuant avec l’augmentation du pH (Neville et al., 1988). Les fractions d’aluminium organique dissous ont été estimées dans diverses rivières canadiennes à l’aide des modèles MINEQL+ (Schecher et McAvoy, 1994) et WHAM (Tipping, 1994). Les résultats ont montré que l’importance de la complexation avec la matière organique dissoute (MOD) diminuait dans l’intervalle 7,0 à 8,5 du pH, probablement à cause de la réduction des concentrations des espèces Al3+ et AlOH2+ pouvant se lier à la matière organique dissoute (MOD) (Fortin et Campbell, 1999).

L’aluminium a un fort pouvoir hydrolysant et est relativement insoluble dans la fourchette des pH neutres (6,0 - 8,0) (figure 2.1). En présence de ligands complexants et en milieux acides (pH < 6) ou alcalins (pH > 8), sa solubilité est accrue. En milieux acides, l’aluminium dissous se présente principalement sous forme aqueuse (Al3+). L’hydrolyse survient lorsque le pH augmente, produisant une série de complexes hydroxydes moins solubles (Al(OH)2+ et Al(OH)2+, par exemple). La solubilité de l’aluminium atteint un minimum lorsque le pH s’approche de 6,5 à 20 °C et augmente ensuite à mesure que l’anion Al(OH)4- commence à se former aux valeurs de pH plus élevées (Driscoll et Schecher, 1990; Witters et al., 1996). Ainsi, à 20 °C et à un pH inférieur à 5,7, l’aluminium se présente principalement sous les formes Al3+ et Al(OH)2+. Dans la fourchette de pH comprise entre 5,7 et 6,7, c’est l’hydroxyde d’aluminium qui domine, incluant Al(OH)2+ et Al(OH)2+  et puis Al(OH)3. À un pH d’environ 6,5, c’est essentiellement Al(OH)3 qui l’emporte sur toutes les autres espèces. Dans ces milieux, la solubilité de l’aluminium est faible et sa disponibilité pour le biote aquatique devrait l’être également. À des valeurs de pH supérieures à 6,7, Al(OH)4- devient l’espèce dominante. Les complexes d’hydroxyde d’aluminium dominent les complexes de fluorure d’aluminium en milieux alcalins. Toutefois, les expériences de spéciation réalisées dans certaines rivières canadiennes ont démontré qu’une seule rivière de pH inférieur à 7 présentait une concentration importante (> 1 %) de complexes de fluorure d’aluminium (Fortin et Campbell, 1999). Il est important de noter que les différentes espèces d’aluminium décrites ci-dessus sont toujours présentes simultanément, quel que soit le pH. L’influence du pH dans les systèmes aquatiques est surtout d’en affecter la proportion par sa variation (courriel de l’Association canadienne des eaux potables et usées à J. Pasternak, Environnement Canada; aucune référence, 2008).

Les produits hydrolytiques d’aluminium mononucléaire se combinent pour former des espèces polynucléaires en solution (Bertsch et Parker, 1996). L’aluminium commence à se polymériser lorsque le pH d’une solution acide augmente sensiblement au-delà de 4,5 :

2Al(OH)(H2O)52+ double flèches Al2(OH)2(H2O)84+ + 2H2O

La polymérisation produit progressivement des structures plus grandes, conduisant à la formation du polycation Al13 (Parker et Bertsch, 1992a, 1992b). Dans le milieu naturel, les conditions favorisant la formation des formes polynucléaires de l’aluminium peuvent être créées par le chaulage dans les bassins-versants acides riches en aluminium (Weatherley et al., 1991; Lacroix, 1992; Rosseland et al., 1992) et peut-être aussi par l’ajout d’alun dans des eaux à pH neutre (Neville et al., 1988; LaZerte et al., 1997).

Figure 2.1 : Solubilité des espèces d’aluminium (et de l’aluminium total, Alt) en fonction du pH dans un système en équilibre avec la gibbsite microcristalline
(0,001 mM = 0,027 mg/L; Driscoll et Schecher, 1990)

Graphique indiquant la solubilité des espèces d'aluminum

La température a montré son influence sur la solubilité, l’hydrolyse et la distribution de la masse moléculaire des espèces d’aluminium aqueux ainsi que sur le pH des solutions. Selon Lydersen et al. (1990b), le degré d’hydrolyse de l’aluminium ainsi que la polymérisation en espèces de masse moléculaire plus grande sont plus élevés dans les solutions d’aluminium inorganique conservées pendant un mois à 25 °C que dans celles conservées à 2 °C durant le même laps de temps. Les chercheurs ont supposé que la polymérisation plus poussée, qui se manifeste à une température plus élevée, conduit à des réactions de déprotonation et de condensation, probablement à cause des valeurs du pH qui sont plus basses dans les solutions d’essai à 25 °C (4,83 à 5,07) que dans celles à 2 °C (5,64 à 5,78). La solubilité et la sédimentation sont sensiblement plus élevées à 25 °C, la dissolution étant contrôlée par la gibbsite microcristalline. Bien que les espèces d’aluminium à masse moléculaire élevée soient abondantes dans la solution à 2 °C, peu de sédimentation a été observée dans celle-ci. La dissolution à basse température semble contrôlée par le Al(OH)3(s) amorphe à solubilité beaucoup plus grande, et donc une grande proportion des espèces d’aluminium inorganique à masse moléculaire élevée restent sous forme de colloïdes dans la solution. Les effets des basses températures sur l’efficacité de coagulation du sulfate d’aluminium ont été étudiés dans le cadre des procédés de traitement de l’eau (Braul et al., 2001; Wobma et al., 2001; Kundert et al., 2004). Les résultats ont confirmé que les fluctuations dépendantes de la température des espèces prédominantes d’aluminium présentes dans le système aquatique s’observent dans les régions du Canada qui sont sujettes à des fluctuations saisonnières marquées.

Lorsqu’il est rejeté dans l’eau à partir d’une station de traitement de l’eau par exemple, l’aluminium contenu dans les sels d’aluminium examinés ici s’hydrolyse en majeure partie pour former des hydroxydes d’aluminium (Hossain et Bache, 1991). Les réactions entre les sels d’aluminium, l’eau et les impuretés produisent un floculat qui se sépare de la phase aqueuse pour former une boue d’alun. Une petite fraction de l’aluminium peut persister dans l’eau sous forme colloïdale ou dissoute. Barnes (1985) décrit les diverses réactions qui aboutissent à la formation d’hydroxyde d’aluminium en solution aqueuse; cette réaction peut être globalement illustrée par l’équation suivante :

Al2(SO4)3 + 6H2O double flèches 2Al(OH)30 + 3H2SO4

En principe, l’hydroxyde d’aluminium présent dans la boue persiste essentiellement sous forme solide après son rejet dans l’eau de surface. Ramamoorthy (1988) a montré que moins de 0,2 % de l’hydroxyde d’aluminium présent dans la boue a été rejeté dans l’eau surnageante à un pH de 6, et que cette proportion était inférieure à 0,0013 % à un pH de 7,65. Dans les deux cas, l’hydroxyde d’aluminium se présentait surtout sous forme particulaire. À ces valeurs de pH, la solubilité de l’aluminium est faible et la cinétique favorise la forme solide de l’hydroxyde d’aluminium.

L’alun utilisé pour l’épuration des eaux usées réagit également avec le phosphate pour donner l’équation suivante (Romano, 1971; Barnes, 1985) :

Al2(SO4)3 + 2PO43 double flèches AlPO4(s) + 3SO42-

Ce procédé est utilisé depuis de nombreuses années pour traiter le phosphore présent dans les eaux usées, réduire les concentrations de phosphore dans les eaux de ruissellement provenant des terres agricoles fertilisées avec du fumier de poule ainsi que pour restaurer les lacs eutrophes riches en phosphore (Lewandowski et al., 2003).

Kopáček et al. (2001) ont étudié le rôle possible de l’aluminium dans le cycle naturel du phosphore qui est souvent un élément nutritif limitant dans les systèmes aquatiques. Selon eux, l’aluminium provenant de sols voisins de pH plus faible pourrait pénétrer dans des plans d’eau à pH neutre durant certaines périodes d’acidification épisodiques, comme la fonte des neiges au printemps, conduisant à la formation de flocs d’oxyhydroxydes d’aluminium qui auraient un fort pouvoir adsorbant sur l’orthophosphate de la colonne d’eau. Les particules d’aluminium agglomérées par le phosphate se déposent au fond du lac, supprimant ainsi la biodisponibilité du phosphate pour les organismes de la colonne d’eau. L’augmentation des concentrations de flocs d’aluminium-phosphore dans les sédiments perturbe le cycle du phosphore dépendant des réactions d’oxydoréduction dans le lac; ceci démontre que même s’il n’entre pas directement dans les cycles biotiques, l’aluminium peut influer sur les cycles biogéochimiques de substances faisant partie intégrante des milieux vivants. Étant basé sur les caractéristiques de solubilité de l’aluminium (voir figure 2.1), ce processus pourrait également avoir lieu lorsque des eaux acides contenant en général le plus d’aluminium (Gensemer et Playle, 1999) se mélangent en aval à des eaux de pH plus élevé.

Le cycle et la disponibilité d’autres éléments traces (comme l’azote) et du carbone organique peuvent également être affectés par les propriétés d’adsorption et de coagulation de l’aluminium (Driscoll et Schecher, 1990; Lee et Westerhoff, 2006). Le COD dispose d’un important système tampon (acide faible/base) aidant à la régulation du pH dans les eaux acides diluées; ainsi, le piégeage du COD par l’adsorption sur l’aluminium pourrait avoir des effets négatifs sur les conditions du pH dans un cours d’eau (Johannessen, 1980; Driscoll et Bisogni, 1984). De même, la coagulation et le piégeage du COD et autres matières atténuant la lumière pourraient altérer les cycles d’échauffement de la colonne d’eau, conduisant à une réduction de la stabilité thermique dans le plan d’eau (Almer et al., 1974; Malley et al., 1982). Les changements dans le cycle d’échauffement et la stratification thermique d’un lac peuvent avoir un impact profond sur les écosystèmes, altérant le transport vertical des solutés et limitant la pêche des poissons d’eaux froides (Driscoll et Schecher, 1990).

Dans l’eau de mer, l’aluminium est très réactif et sera rapidement piégé par la matière particulaire s’il est rejeté dans ce milieu (Nozaki, 1997). Le temps de résidence moyen prévu de l’aluminium dans le milieu océanique est plus court que celui d’autres éléments et se situe entre 100 et 200 ans. De plus, sa distribution verticale est régie par les dépôts terrestres et atmosphériques à la surface, par le piégeage intense des particules le long de la colonne d’eau et enfin par une certaine régénération dans les eaux de fond (Orians et Bruland, 1985). La force ionique plus élevée et l’importance relative des concentrations individuelles d’ions dans les eaux salées par rapport aux eaux douces amènent des différences dans les réactions de coagulation avec les sels d’aluminium. Duan et al. (2002) ont identifié les différentes caractéristiques de chaque type d’eau, relatives à la déstabilisation et au piégeage des colloïdes ainsi qu’aux mécanismes de coagulation. Ces différences peuvent se révéler importantes quand les procédés de traitement de l’eau incluent le rejet, dans les eaux marines ou saumâtres, d’effluents ou de matières résiduelles des lavages à contre-courant.

2.3.1.3 Sédiments

Les sédiments, où les métaux sont généralement considérés comme moins biodisponibles, constituent néanmoins un milieu important pour l’aluminium (Stumm et Morgan, 1981; Campbell et al., 1988; Tessier et Campbell, 1990). L’aluminium existe à l’état naturel dans les silicates d’aluminium, principalement sous forme de particules de silt et d’argile, et peut être lié à la matière organique (acides fulvique et humique) dans les sédiments (Stumm et Morgan, 1981). À des pH supérieurs à 5,0, la MOD peut coprécipiter avec l’aluminium, influant sur ses concentrations dans les lacs où elle existe elle-même en concentrations élevées (Urban et al., 1990). La MOD joue un rôle similaire dans les tourbières (Bendell-Young et Pick, 1995). Lorsque le pH est inférieur à 5,0, le cycle de l’aluminium dans les lacs est réglé par la solubilité des phases minérales comme la gibbsite microcristalline (Urban et al., 1990). Les lacs qui reçoivent leur eau de bassins-versants acidifiés peuvent devenir des puits d’aluminium (Troutman et Peters, 1982; Dillon et al., 1988; Dave, 1992).

L’acidification expérimentale de lacs et de bassins limnologiques a démontré que les concentrations d’aluminium aqueux augmentent rapidement sous l’effet de l’apport en acide (Schindler et al., 1980; Santschi et al., 1986; Brezonick et al., 1990). Des études de bilan massique ont démontré que la rétention de l’aluminium par les sédiments diminue en même temps que le pH (Dillon et al., 1988; Nilsson, 1988). Dans de telles conditions, les sédiments des bassins-versants acidifiés peuvent devenir une source d’aluminium pour la colonne d’eau (Nriagu et Wong, 1986). En s’appuyant sur leurs calculs de flux dans les lacs acides, Wong et al. (1989) estiment que les sédiments constituent une source d’aluminium pour la colonne d’eau susjacente.

Les rejets directs de boues d’hydroxyde d’aluminium par les stations de traitement de l’eau dans l’eau de surface constituent la voie principale de pénétration de l’aluminium issu des sels dans les sédiments. Si la vitesse du courant est faible au point de rejet, la boue se déposera en grande partie à la surface des sédiments locaux. Étant donné qu’au Canada le pH des eaux recevant de tels rejets est typiquement neutre, la solubilité de l’aluminium de ces boues sera en général minimale (Environnement Canada et Santé Canada, 2000).

2.3.1.4 Sols

Le dépôt atmosphérique d’aluminium sur les sols est principalement attribué au dépôt de particules de poussière et est généralement faible (Driscoll et al., 1994). L’activité volcanique peut également constituer une source naturelle majeure d’aluminium dans les sols (Pichard, 2005). L’aluminium arrive au troisième rang des éléments les plus abondants de la croûte terrestre. Il constitue environ 8 % des roches et des minéraux et représente près de 1 % de la masse totale de la Terre (Landry et Mercier, 1992; Skinner et Porter, 1989). Le Canada est recouvert par des tills glaciaires sur environ 75 % de sa superficie (Landry et Mercier, 1992). Le feldspath, les micas, les amphiboles et les pyroxènes constituent des exemples de minéraux alumineux provenant des tills glaciaires (minéraux primaires). La transformation des minéraux primaires par les réactions d’altération chimique conduit à de nouvelles phases solides (minéraux secondaires). Les minéraux alumineux secondaires comme la smectite, la vermiculite et le chlorite se retrouvent souvent dans les sols canadiens qui se sont formés sur des tills glaciaires.

L’apport d’aluminium dans les solutions de sol découle généralement de la mobilisation de l’aluminium provenant de l’altération chimique des minéraux. L’hydrolyse est la réaction la plus importante du processus d’altération chimique des minéraux silicatés courants. Toutefois, l’aluminium n’est pas très soluble dans la gamme normale des pH du sol; ainsi, il persiste en général près du site de rejet pour former des minéraux argileux ou précipiter sous forme d’oxydes amorphes ou cristallins, d’hydroxydes ou d’oxydes hydratés. La silice est beaucoup plus soluble que l’aluminium aux valeurs normales de pH du sol et ses quantités dépassent toujours celles qui forment la plupart des minéraux argileux; une certaine proportion est donc éliminée du sol dans le lixiviat (Birkeland, 1984). Dans certaines régions du monde, la chélation semble jouer un rôle plus important que l’hydrolyse seule. Dans les sols forestiers de régions froides et humides comme celles de l’est du Canada, on pense que l’aluminium est transporté des horizons supérieurs aux horizons inférieurs du sol par les acides organiques lessivés du feuillage et de la lente décomposition de la matière organique dans le sol forestier (Courchesne et Hendershot, 1997). Les mouvements des complexes d’aluminium organique cessent lorsque la solution de sol devient saturée (ou lorsque le ratio aluminium-carbone organique atteint une valeur critique), réduisant ainsi leur solubilité. En milieux non pollués, l’aluminium est normalement retenu dans l’horizon B du sol. La transformation d’un minéral en un autre par l’échange de cations intercouches constitue une troisième réaction importante impliquant l’aluminium (Sposito, 1996).

Même si les réactions de dissolution et de précipitation des minéraux alumineux sont souvent une bonne indication de la solubilité de l’aluminium dans les sols, elles sont loin de constituer les seuls processus pédogénétiques déterminant les concentrations d’aluminium des solutions de sol. Beaucoup d’autres processus peuvent influer partiellement sur l’absorption d’aluminium par les plantes et les organismes du sol. L’aluminium peut ainsi être : 1) adsorbé sur les sites d’échange de cations; 2) incorporé à la matière organique du sol; 3) absorbé par la végétation; ou 4) éliminé du sol par lixiviation (Ritchie, 1995). L’aluminium peut former des complexes stables avec divers types de matière organique soluble et insoluble, allant des simples acides organiques à faible poids moléculaire aux acides humiques et fulviques (Vance et al., 1996; Ritchie, 1995). Les ligands organiques jouent un rôle important dans la spéciation de l’aluminium dans les solutions de sol (David et Driscoll, 1984; Driscoll et al., 1985; Ares, 1986).

Dans l’est du Canada, le dépôt atmosphérique d’acides forts comme l’acide nitrique et l’acide sulfurique a accéléré l’acidification naturelle du sol. L’activité accrue des radicaux H+ (pH plus bas) dans la solution de sol crée un nouvel équilibre où une portion plus importante de Al3+ est dissoute dans la solution de sol, les cations Ca2+, Mg2+ et K+ sont remplacés dans le complexe d’échange par Al3+ et les cations basiques sont finalement éliminés du sol par lixiviation.

La solubilité du Al3+ peut varier de façon importante en fonction de la profondeur dans le profil pédologique (Hendershot et al., 1995). Dans les horizons de surface, les solutions de sol ont tendance à être sous-saturées en minéraux alumineux; dans les horizons inférieurs B et C, l’aluminium des solutions est probablement en équilibre avec certains solides de l’aluminium. La concentration à l’équilibre se rapproche de celle qu’on aurait si l’équilibre était contrôlé par la gibbsite, mais celle-ci est en général inexistante dans les sols canadiens. D’autres formes d’aluminium, comme la vermiculite hydroxylée interstratifiée, peuvent contrôler la solubilité de l’aluminium à des valeurs proches de celles de la gibbsite. L’aluminium amorphe complexé avec la matière organique pourrait également présenter une courbe similaire de la solubilité en fonction du pH, qui sera fonction de la variation dépendante du pH du nombre de sites de fixation.

Les complexes fluorures et hydroxydes sont les deux groupes d’associations d’ions inorganiques avec l’aluminium les plus forts dans les solutions de sol (Nordstrom et May, 1995). Dans les sols très acides, l’aluminium des solutions est surtout présent sous forme de Al3+ libre; à mesure que le pH augmente, cet Al3+ libre s’hydrolyse pour former des complexes avec les ions OH- (AlOH2+, Al(OH)2+ et Al(OH)30, par exemple). À un pH proche de 6,5, la solubilité de l’aluminium est minimale, mais elle augmente en milieux neutres à alcalins à cause de la formation de Al(OH)4- (Driscoll et Postek, 1996). Selon Lindsay et al. (1989), la dissolution de minéraux fluoreux produit un dégagement de fluor qui est l’élément le plus électronégatif et l’un des plus réactifs. Dans les sols acides (pH < 5,5), des complexes à petit nombre de ligands comme l’AlF2+ sont normalement formés. En milieux neutres à alcalins, il est plus difficile au F- de concurrencer le OH- pour complexer l’aluminium dans les solutions à cause de la teneur accrue en OH- et probablement de la présence de calcium qui tend à se lier avec le fluorure (CaF2). Par conséquent, les complexes d’hydroxyde d’aluminium prédominent par rapport aux complexes de fluorure d’aluminium en milieux alcalins.

La complexation de l’aluminium avec le sulfate est plus faible que celle de l’aluminium avec le fluorure. Toutefois, dans les sols acides où la concentration de sulfate est élevée, l’aluminium peut aussi former des complexes de sulfate d’aluminium (Driscoll et Postek, 1996). À de faibles concentrations de sulfate, l’AlSO4+ est la forme aqueuse dominante, alors que dans les solutions de sol à concentrations plus élevées c’est l’Al(SO4)2- qui domine. Brown et Driscoll (1992) ont montré que plusieurs complexes de silicate d’aluminium, incluant le AlSiO(OH)32+, sont présents dans diverses régions de l’est des États-Unis et du Canada.

Il a été démontré que la majeure partie de l’aluminium dissous dans les solutions de sol de la couverture forestière est liée organiquement et que les complexes alumino-organiques diminuent avec la profondeur du sol (Nilsson et Bergkvist, 1983; David et Driscoll, 1984; Driscoll et al., 1985). Dans la chaîne des Adirondacks de l’état de New York, David et Driscoll (1984) ont observé que 82 % et 93 % de l’aluminium total dissous dans les horizons organiques de peuplements de conifères et de feuillus, respectivement, formaient des complexes alumino-organiques. Dans les deux sites, la proportion d’aluminium organique par rapport à l’aluminium inorganique diminuait à mesure que l’on passait de l’horizon organique aux horizons minéraux supérieurs, et des horizons minéraux supérieurs aux inférieurs. Dans les solutions de sol des horizons minéraux, les complexes alumino-organiques représentaient 67 % de l’aluminium total dans les sites de conifères et 58 % dans les sites de feuillus, montrant ainsi l’importance des complexes alumino-organiques dans les sols riches en humus de l’est de l’Amérique du Nord.

2.3.1.5 Biote

De manière générale, une substance est considérée comme biodisponible si, dans les conditions d’exposition existantes, elle peut être absorbée par des organismes (Environnement Canada, 1996). La biodisponibilité d’une substance est déterminée par sa forme chimique, les caractéristiques physico-chimiques du milieu (eau, sol et aliments, par exemple) où elle se trouve, les espèces réceptrices et la voie d’exposition (absorption cutanée, ingestion et inhalation, par exemple). En ce qui concerne les métaux comme l’aluminium, les ions dissous libres ou hydratés (soit Al3+, Al(OH)2+ et Al(OH)2+) sont normalement considérés comme les principales formes biodisponibles (Newman et Jagoe, 1994). Cependant, il a été prouvé que d’autres formes de métal, comme les composés organo-métalliques (de mercure et d’étain, par exemple), les oxyanions du métal (CrO42- et AsO43-, par exemple) ainsi que les complexes dissous de métal organique et inorganique (les complexes d’aluminium colloïdal et polynucléaire, par exemple) peuvent également être absorbés par les organismes (Parker et Bertsch, 1992b; Benson et al., 1994; Campbell, 1995).

La biodisponibilité influe directement sur le potentiel de bioconcentration, de bioaccumulation et de bioamplification d’une substance dans les organismes. ICMM (2007) définit la bioconcentration comme étant l’augmentation de la concentration d’une substance dans un organisme (ou dans des tissus particuliers) par rapport à sa concentration dans le milieu environnant (généralement l’eau) dans lequel cet organisme évolue. La bioaccumulation est la quantité d’une substance dans un organisme, absorbée à partir de l’eau (bioconcentration), mais aussi par ingestion via les aliments et l’inhalation. Quant à la bioamplification, c’est le processus de rétention d’une substance bioaccumulée dans les tissus à des teneurs de plus en plus élevées à mesure que l’on s’élève (d’au moins deux niveaux) dans la hiérarchie des organismes d’une chaîne alimentaire (Parametrix, 1995). Les trois processus sont des indicateurs importants de la tendance d’une substance à transmettre sa toxicité à des organismes et à des niveaux trophiques plus élevés de la chaîne alimentaire. Cependant, la bioaccumulation d’éléments essentiels (comme certains métaux) dans les organismes est généralement soumise à la régulation métabolique (ICMM, 2007).

Les facteurs de bioconcentration (FBC) et de bioaccumulation (FBA) sont des valeurs sans unité obtenues en divisant les concentrations à l’équilibre d’une substance dans les tissus par sa concentration à l’équilibre dans l’environnement (ICMM, 2007). Pour les composés organiques synthétiques, l’utilisation d’une valeur seuil pour le facteur de bioconcentration (FBC) et le facteur de bioaccumulation (FBA) (comme celle de 5000 indiquée dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE (1999); Canada, 2000) fournit une importante information pour l’évaluation des dangers et des risques. La bioaccumulation est plus complexe quand il s’agit de substances inorganiques qui existent à l’état naturel comme les métaux, puisque des processus d’adaptation et d’acclimatation peuvent moduler à la fois l’accumulation et l’impact toxique potentiel (ICMM, 2007). Tout biote accumulera naturellement des métaux sans subir d’effet nuisible jusqu’à un certain degré et comme certains sont des éléments essentiels, la bioaccumulation n’implique pas nécessairement des effets nuisibles potentiels (McGreer et al. 2003). La bioaccumulation des métaux essentiels à la fonction biologique est soumise à la régulation homéostatique (Adams et al. 2000), mais celle des métaux non essentiels peut l’être jusqu’à un certain degré, puisque ces mécanismes ne sont pas propres à un métal en particulier (ICMM 2007).

L’interprétation de l’importance toxicologique des données de bioaccumulation des métaux tels que l’aluminium est donc complexe. Roy (1999a) et Bélanger et al. (1999) présentent une analyse plus complète sur la biodisponibilité de l’aluminium et ses implications dans la bioaccumulation et la toxicité.

Les études portant sur l’absorption et l’accumulation de l’aluminium par les algues sont rares. Bien que les essais biologiques sur les algues réalisés par Parent et Campbell (1994) n’aient pas été spécialement conçus pour déterminer les effets du pH sur la bioaccumulation de l’aluminium, leurs données indiquent tout de même que l’accumulation de l’aluminium par Chlorella pyrenoidosa augmente en fonction de la concentration d’aluminium inorganique monomère. De plus, la comparaison des essais effectués à la même concentration d’aluminium, mais à des valeurs de pH différentes, montrent que l’accumulation de l’aluminium cesse lorsque le pH est bas (Parent et Campbell, 1994). Les invertébrés aquatiques peuvent également accumuler des quantités importantes d’aluminium, mais les observations portent à conclure que le métal est surtout adsorbé sur les surfaces externes, et non incorporé dans l’organisme (Havas, 1985; Frick et Hermann, 1990). D’après les résultats de Havas (1985), le FBC pour Daphnia magna varie de 10 000 à un pH de 6,5 à 0 à un pH de 4,5. On a fait état de résultats semblables, c’est-à-dire d’une réduction de l’accumulation d’aluminium avec la baisse du pH, pour les écrevisses (Malley et al., 1988), les phryganes (Otto et Svensson, 1983), les unionidés (Servos et al., 1985) et les chironomes (Young et Harvey, 1991). D’autres études réalisées sur des coquillages et des insectes benthiques n’ont montré aucun rapport entre le pH de l’eau et l’accumulation dans les tissus (Sadler et Lynam, 1985; Servos et al., 1985). Frick et Herrmann (1990) ont observé qu’une majeure partie (70 %) de l’aluminium se retrouvait dans l’exuvie de l’éphémère Heptagenia sulphurea, montrant ainsi que le métal était surtout adsorbé et non incorporé dans l’organisme.

Les FBC des poissons varient de 400 à 1365 selon les résultats présentés par Roy (1999a). De nombreuses études réalisées sur le terrain et en laboratoire ont démontré que les poissons accumulent l’aluminium à la surface et à l’intérieur de leurs branchies. Le taux de transfert de l’aluminium dans l’organisme des poissons est lent ou négligeable dans les conditions environnementales naturelles (Spry et Wiener, 1991). L’absorption initiale d’aluminium par les poissons ne se produit pas à la surface des branchies, mais principalement dans la muqueuse qui recouvre ces dernières (Wilkinson et Campbell, 1993). Les poissons éliminent rapidement ce mucus et l’aluminium qui lui est lié après l’exposition. Par exemple, Wilkinson et Campbell (1993) et Lacroix et al. (1993) ont observé que l’élimination naturelle de l’aluminium présent sur les branchies des saumons de l’Atlantique (Salmo salar) est extrêmement rapide une fois le poisson transféré dans l’eau pure. Ces auteurs pensent que cette perte rapide est due à l’expulsion de l’aluminium contenu dans le mucus.

Les études qui ont porté sur l’accumulation d’aluminium dans les organismes benthiques sont beaucoup plus rares. Toutefois, il semble que les chironomes n’accumulent pas l’aluminium au même degré que d’autres invertébrés aquatiques. Krantzberg (1989) a mesuré ,chez les chironomes, des concentrations d’aluminium inférieures à 0,3 nmol/g p.s. pour l’organisme entier et inférieures à 0,1 nmol/g p.s. pour les structures internes. La plus grande partie de l’aluminium est soit adsorbée sur les surfaces externes, soit liée au contenu de l’appareil digestif des chironomes (Krantzberg et Stokes, 1988; Bendell-Young et al., 1994).

Les études qui ont porté sur l’accumulation d’aluminium dans les organismes benthiques sont beaucoup plus rares. Toutefois, il semble que les chironomes n’accumulent pas l’aluminium au même degré que d’autres invertébrés aquatiques. Krantzberg (1989) a mesuré chez les chironomes des concentrations d’aluminium inférieures à 0,3 nmol/g p.s. pour l’organisme entier et inférieures à 0,1 nmol/g p.s. pour les structures internes. La plus grande partie de l’aluminium est soit adsorbée sur les surfaces externes, soit liée au contenu de l’appareil digestif des chironomes (Krantzberg et Stokes, 1988; Bendell-Young et al., 1994).

Les FBC pour les plantes terrestres ont été calculés à partir des données de l’étude de Bélanger et al. (1999). Pour les feuillus et les conifères, les FBC calculés dans les études réalisées avec des solutions d’aluminium variaient de 5 à 1300 pour le feuillage et de 20 à 79 600 pour les racines. Dans celles réalisées sur des échantillons de sol, les FBC étaient inférieurs pour le feuillage (0,03 à 1,3) et les racines (325 à 3526). Dans les expériences concernant les cultures fourragères et céréalières réalisées avec des solutions, ces valeurs variaient de 4 à 1260 pour le feuillage et de 200 à 6000 pour les racines. Quant aux FBC foliaires des échantillons de sol, ils variaient de 0,07 à 0,7.

2.3.2 Concentrations dans l’environnement

Les données canadiennes les plus récentes ont été utilisées, dans la mesure du possible, pour déterminer les concentrations d’aluminium présentes dans différents milieux environnementaux au Canada, bien que des données d’autres pays aient aussi été étudiées. Les concentrations dans les différents milieux (soit l’air, l’eau potable, le sol et les aliments) ont été utilisées comme données pour l’évaluation de l’exposition humaine et estimées en fonction de l’aluminium total. Bien que d’autres sources d’aluminium aient été présentées (produits de consommation, par exemple) afin de donner une vue d’ensemble de l’exposition à l’aluminium, elles n’ont pas été utilisées pour estimer l’exposition de la population générale (voir section 3.2.1). La biodisponibilité de l’aluminium dans différents milieux est examinée séparément à la section 2.3.3. Les données de cette section portent aussi sur l’évaluation des effets écotoxicologiques.

2.3.2.1 Air
2.3.2.1.1 Air ambiant

L’air ambiant de plus de 40 sites canadiens situés essentiellement en zones urbaines a été échantillonné au cours des 10 dernières années (1996 à 2006). Plus de 10 000 échantillons dont le nombre variait d’une année à l’autre ont été prélevés sur différents sites canadiens. En 2006, seuls 25 sites ont été mesurés, produisant 1400 échantillons dont 96 % présentaient des niveaux supérieurs à la limite de détection (environ 0,001 μg/m3).

Les concentrations d’aluminium total mesurées dans des échantillons de PM10 (particules de diamètre inférieur à10 µm) allaient de la limite de détection à 24,94 μg/m3, la concentration la plus faible étant mesurée à Saint John, au Nouveau-Brunswick, et la plus élevée à Vancouver, en Colombie-Britannique (Dann, 2007).

La figure 2.2 montre les concentrations moyennes estimées d’aluminium mesurées dans l’air ambiant pour tous les sites d’échantillonnage par province, sur une période de 10 ans. D’après ces mesures provenant de partout au Canada, la concentration moyenne estimée d’aluminium dans les PM10 est d’environ 0,17 μg/m3. Cette valeur a été utilisée pour évaluer l’exposition de la population canadienne à l’aluminium dans l’air ambiant.

Figure 2.2 : Concentrations moyennes d’aluminium dans les PM10 de l’air extérieur selon les provinces et les territoires canadiens (µg/m3) (1996 - 2006)

Graphique à barres indiquant les concentrations moyennes d'aluminium dans les PM10 de l'air extérieur au Canada.

Pour la plupart des sites canadiens où des mesures de PM10 ont été effectuées, des données étaient aussi disponibles pour les particules PM2,5 (diamètre inférieur à 2,5 μm). Près de 20 000 mesures étaient disponibles de 1998 à 2006, dont 77 % présentaient des niveaux supérieurs à la limite de détection. Pour l’ensemble des données disponibles, la concentration moyenne d’aluminium dans les PM2,5 au Canada est d’environ 0,069 μg/m3, la concentration maximale d’aluminium étant de 9,24 μg/m3 à Vancouver, en Colombie-Britannique (Dann, 2007).

Il n’existe aucune donnée publiée sur les concentrations d’aluminium dans l’air ambiant près des alumineries ou d’autres industries au Canada, et seules des données limitées issues d’autres pays ont été identifiées. Dans une zone industrielle de la province de Turin en Italie, des concentrations d’aluminium de 1,12 et de 0,4 µg/m3 ont été mesurées lors d’activités industrielles et de jours de congé respectivement (Polizzi et al., 2007). Selon la JECFA (2007), la concentration d’aluminium dans l’air ambiant de zones industrielles peut varier de 25 à 2500 µg/m3. Il est à noter qu’il est peu probable que les trois sels d’aluminium (chlorure, nitrate et sulfate) aient contribué de façon importante aux concentrations totales mesurées dans l’air ambiant puisqu’ils ne sont généralement pas rejetés dans l’air.

2.3.2.1.2 Air intérieur

Il existe peu de données sur les concentrations d’aluminium dans l’air intérieur d’habitations au Canada. Des études menées aux États-Unis ont permis d’obtenir des données sur l’aluminium dans l’air intérieur. Les conclusions sont résumées ci-dessous.

En 1990, l’étude PTEAM menée à Riverside, en Californie, a prélevé des échantillons auprès de 178 non-fumeurs de 10 ans et plus. En plus de l’échantillonnage individuel (échantillonneur portatif), des échantillonneurs fixes ont été installés à l’intérieur des habitations et à l’extérieur près de la porte d’entrée. Des échantillons de particules (PM10 et PM2,5) ont été recueillis pour deux périodes de 12 heures (nuit et jour) et plus de 2900 échantillons ont été analysés (Clayton et al., 1993; Thomas et al., 1993). Les concentrations d’aluminium de cette étude étaient supérieures à la limite de détection de 0,05 µg/m3 pour plus de la moitié des échantillons individuels de PM10 prélevés lors des deux périodes. En ce qui concerne les PM2,5, seules 20 % des mesures étaient supérieures à la limite de détection. Pour les PM10 à l’intérieur, à l’extérieur et les instruments de contrôle de l’exposition personnelle, les concentrations médianes diurnes d’aluminium ont été estimées à 1,9, 2,5 et 3,4 μg/m3, respectivement; les concentrations médianes nocturnes correspondantes étaient de 0,99, 1,7 et 1,0 μg/m3. Selon les concentrations moyennes diurne et nocturne d’aluminium dans les particules PM10, la concentration moyenne estimée d’aluminium dans l’air intérieur était d’environ 1,49 μg/m3.

Pour évaluer l’exposition de la population canadienne générale, cette concentration moyenne estimée d’aluminium dans les particules PM10 de 1,49 μg/m3 a été jugée représentative de la concentration d’aluminium dans l’air intérieur au Canada. Comme pour l’air ambiant, il est peu probable que les trois sels (chlorure, nitrate et sulfate) aient contribué de façon importante aux concentrations d’aluminium total mesurées dans l’air intérieur.

2.3.2.2 Eau
2.3.2.2.1 Eau de surface

L’aluminium est présent à l’état naturel dans tous les plans d’eau au Canada et ailleurs. Il peut être analysé sous diverses formes, mais auparavant les résultats étaient surtout exprimés sous forme d’aluminium total à cause du faible coût et de la simplicité de l’analyse. Dans bien des cas, les concentrations d’aluminium extractible et dissous sont également mesurées. L’aluminium total représente la totalité de l’élément présent dans un échantillon d’eau, incluant la fraction particulaire. L’aluminium extractible comprend la fraction dissoute et faiblement liée aux particules ou adsorbée sur ces dernières. Quant à l’aluminium dissous, il représente la fraction présente dans un échantillon filtré à travers une membrane de 0,45 µm. On considère que la totalité de l’aluminium biodisponible est contenue dans cette fraction, mais l’aluminium dissous n’est pas entièrement biodisponible. L’aluminium colloïdal (0,01 à 0,1 µm) et l’aluminium organique (lié à des ligands organiques solubles) de cette fraction sont jugés moins biodisponibles que les véritables formes dissoutes du métal (Roy, 1999a).

Dans les lacs et les rivières de référence canadiens, qui n’ont pas reçu d’effluents d’installations utilisant des sels d’aluminium, les concentrations moyennes d’aluminium total variaient de 0,05 à 0,47 mg/L, la valeur maximale de 10,4 mg/L ayant été mesurée en Colombie-Britannique. Les concentrations moyennes d’aluminium extractible variaient de 0,004 à 0,18 mg/L, la valeur maximale de 0,52 mg/L ayant été mesurée dans un lac de l’Abitibi, au Québec. Celles de l’aluminium dissous variaient de 0,01 à 0,08 mg/L, avec un maximum de 0,9 mg/L signalé en Colombie-Britannique (Germain et al., 2000).

De l’aluminium a été détecté dans des échantillons d’eau prélevés en amont et en aval d’installations utilisant des sels d’aluminium et rejetant de l’aluminium ou des sels d’aluminium, mais les sites d’échantillonnage étaient en général trop éloignés des sources de rejet pour évaluer l’impact local des effluents. Les concentrations moyennes d’aluminium total variaient en général de 0,002 à 2,15 mg/L, la valeur maximale de 28,7 mg/L ayant été mesurée dans la rivière Oldman, à 40 km en aval de Lethbridge, en Alberta. Les concentrations d’aluminium total sont généralement supérieures dans les rivières des Prairies où la teneur en matière particulaire totale est élevée. Les concentrations moyennes d’aluminium extractible variaient de 0,03 à 0,62 mg/L, la valeur maximale de 7,23 mg/L ayant été atteinte dans la rivière Red Deer, à Drumheller, en Alberta. Celles de l’aluminium dissous étaient beaucoup plus faibles, variant de 0,01 à 0,06 mg/L. Dans l’eau de surface, la concentration maximale d’aluminium dissous (0,24 mg/L) a été mesurée dans la rivière Peace, en Alberta (Germain et al., 1999). Les concentrations mesurées dans les sites en aval n’étaient pas systématiquement plus élevées que celles mesurées en amont, indiquant que les rejets de sels d’aluminium avaient probablement un impact essentiellement local.

Bien que l’information soit manquante sur les formes d’aluminium dissous présentes dans ces sites de surveillance, les résultats de modélisation de l’équilibre portent à conclure que la majeure partie de l’aluminium dissous présent dans des eaux de pH égal ou supérieur à 8,0 existe sous formes monomères inorganiques (Fortin et Campbell, 1999). Dans les 12 sites des Prairies où les concentrations d’aluminium dissous et total ont été mesurées, le pH était égal ou supérieur à 8,0 et l’aluminium dissous représentait moins de 3 % de l’aluminium total (Roy, 1999b). La concentration moyenne globale de l’aluminium dissous était de 0,022 mg/L, une valeur comparable aux concentrations déclarées d’aluminium monomère inorganique dans les eaux de surface les plus pures de la région des Adirondacks (pH de ~5,8 à ~7,2). Celles-ci oscillaient autour de 0,027 mg/L (Driscoll et Schecher, 1990).

Seuls quelques sites ont fourni des données empiriques montrant une augmentation des concentrations d’aluminium dans l’eau ambiante exposée à des entrées de sels d’aluminium. Une concentration d’aluminium total de 36 mg/L a été mesurée immédiatement en aval de la conduite d’évacuation d’une station de traitement de l’eau de la MROC, dans des échantillons d’eau prélevés en 1993 à la suite d’un lavage à contre-courant de routine. Ceux prélevés à 200 m en aval présentaient une concentration d’aluminium total de 0,5 mg/L. En 1994, elle a atteint 11,3 mg/L immédiatement en aval du point de rejet. En 2008, tous les déchets des stations de traitement de l’eau de la MROC, destinés précédemment à la rivière des Outaouais, ont été complètement déviés vers une station de traitement locale pour subir un traitement préliminaire (Wier, communication personelle, 2008). Dans la rivière Kaministiquia, l’augmentation observée de la concentration moyenne d’aluminium total des stations en amont et en aval correspond approximativement aux rejets provenant de l’usine de pâtes et papiers située à Thunder Bay, en Ontario. La différence moyenne de 0,071 mg/L mesurée dans les concentrations d’aluminium total d’échantillons prélevés le même jour aux deux stations, entre 1990 et 1996, équivaut à l’augmentation prévue de 0,069 mg/L calculée à partir des rejets déclarés par l’usine (Germain et al., 2000). Pour les rivières des Outaouais et Kaministiquia, les concentrations estimées d’aluminium monomère dissous étaient de 0,027 mg/L et 0,040 mg/L respectivement. Ces valeurs ont été obtenues à l’aide du modèle MINEQL+ et des concentrations estimées dans les effluents, en supposant que la solubilité était contrôlée par la gibbsite microcristalline (Fortin et Campbell, 1999). Quand c’est la boehmite qui contrôle la solubilité de l’aluminium, les concentrations d’aluminium inorganique dissous sont inférieures (0,005 mg/L et 0,007 mg/L respectivement).

Le ministère de l’Environnement du Québec, maintenant connu sous le nom de ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, et Environnement Canada ont examiné le potentiel toxique d’effluents générés par 15 SMTEU du Québec (Ministère de l’Environnement du Québec et Environnement Canada, 2001). Les stations étudiées étaient représentatives des méthodes de traitement les plus couramment utilisées au Québec et couvraient les besoins de plus de 50 % de la population de la province. L’échantillonnage complet des effluents a eu lieu deux fois par an durant les périodes de fonctionnement hivernale et estivale, entre 1996 et 1999. Les concentrations d’aluminium total mesurées dans les effluents variaient de valeurs inférieures à la limite de détection (0,002 à 0,1 mg/L) à 3,57 mg/L en été pour atteindre 4,25 mg/L l’hiver. Dans toutes les stations, à l’exception de deux, les concentrations sont restées inférieures ou égales à 1 mg/L durant l’année; toutefois, 20 lectures d’été sur 45 et 25 lectures d’hiver sur 39 ont dépassé la recommandation provisoire pour la qualité de l’eau relative à la protection de la vie dulcicole (pH égal ou supérieur à 6,4) de 0,156 mg/L du CCME (CCME, 2003). L’étude a conclu que l’azote ammoniacal et les agents surfactants étaient les principaux responsables de la toxicité des effluents, les pesticides pouvant être un facteur supplémentaire durant les mois d’été; cependant, la présence d’aluminium dans les effluents à des concentrations supérieures à la concentration de fond pourrait y avoir également contribué jusqu’à un certain point. Les résultats indiquent que des épisodes périodiques de toxicité de l’aluminium sont possibles dans certains milieux récepteurs, mais la nature des données recueillies rend les conclusions difficiles quant au risque potentiel sur l’environnement. L’étude a été conçue pour évaluer le potentiel toxique de l’ensemble des effluents et n’a pas pris en compte des facteurs tels que les effets de dilution, les interactions entre les différents constituants des effluents et les concentrations naturelles d’aluminium dans les environnements récepteurs. Par conséquent, même si les concentrations des effluents sont supérieures aux recommandations pour la qualité de l’eau, il n’est pas sûr que ces dernières ne soient pas également dépassées dans les eaux de surface recevant ces effluents. Il est aussi probable qu’une grande fraction de l’aluminium total présent dans les effluents soit associée à des particules qui se déposeraient dans les eaux de surface au moment du rejet (Germain et al., 2000). Ceci réduirait considérablement le potentiel toxique sur les organismes pélagiques, bien que des impacts négatifs puissent tout de même toucher les organismes benthiques. Ces impacts pourraient être directement associés à la toxicité de l’aluminium ou à des aspects physiques tels que les effets de blanketing et/ou la présence d’autres contaminants toxiques.

Des organismes comme le District régional du Grand Vancouver (DRGV), devenu maintenant Metro Vancouver, contrôlent régulièrement les égouts produits par les stations municipales de traitement pour évaluer la qualité des effluents et s’assurer de leur conformité à la réglementation provinciale telle que la B.C. Environmental Management Act. Le contrôle des eaux usées du DRGV est réalisé par le Greater Vancouver Sewerage & Drainage District et établit les concentrations d’aluminium dissous et total dans les affluents et les effluents des stations de traitement des eaux usées ainsi que les estimations de leur charge en aluminium. Les données mensuelles sont résumées sur le site du DRGV (disponible en anglais seulement) et rassemblées annuellement dans un rapport de contrôle de la qualité. En 2006 (date du dernier rapport disponible sur le site), les concentrations des affluents mesurées dans cinq stations de traitement des eaux usées du DRGV étaient comprises entre 0,47 et 2,74 mg/L pour l’aluminium total et entre 0,04 et 0,25 mg/L pour l’aluminium dissous (DRGV, 2006). Quant aux effluents, leurs concentrations variaient de 0,05 à 0,97 mg/L pour l’aluminium total et de 0,02 à 0,16 mg/L pour l’aluminium dissous. Alors que les concentrations d’aluminium total des affluents étaient généralement similaires dans les stations de traitement primaires et secondaires des eaux usées, les concentrations moyennes d’aluminium total des effluents se sont révélées supérieures dans les stations primaires, indiquant probablement un plus grand piégeage des particules d’aluminium dans la phase d’eau durant les processus secondaires de coagulation et de floculation. De manière générale, les concentrations d’aluminium total et dissous des affluents étaient similaires dans les deux types de stations. Cependant, les taux de charge estimés variaient considérablement entre les stations et annuellement à l’intérieur d’une même station. Dans le cas des affluents, ils variaient de 7,8 à 1380 kg/jour pour l’aluminium total et de 1,0 à 98 kg/jour pour l’aluminium dissous. Ceux des effluents étaient compris entre 0,9 et 943 kg/jour pour l’aluminium total et entre 0,2 et 59 kg/jour pour l’aluminium dissous. Une analyse des concentrations d’aluminium total des effluents de stations de traitement réalisée entre 1997 et 2006 a indiqué soit des concentrations généralement stables tournant autour de 0,1 à 1,0 mg/L, soit une réduction constante durant cette période. Une baisse notable de l’aluminium total a été observée dans deux stations à la suite de l’implantation d’un traitement secondaire en 1998 et 1999, confirmant l’efficacité de ce processus dans le piégeage de l’aluminium particulaire de l’eau.

2.3.2.2.2 Eau potable

De nombreuses stations de traitement de l'eau au Canada utilisant des réserves d’eau de surface ajoutent des sels d’aluminium (sulfate d’aluminium ou alun, chlorure d’aluminium et formes polymériques) comme coagulants ou floculants pour éliminer les composés organiques, les micro-organismes et les particules en suspension. Le traitement aux sels d’aluminium n’augmente pas forcément la concentration d’aluminium total dans l’eau potable distribuée aux consommateurs puisque l’aluminium associé aux matières en suspension est éliminé. Toutefois, l’addition de sels d’aluminium semble faire augmenter la concentration d’espèces d’aluminium dissous à faible poids moléculaire qui présentent potentiellement une biodisponibilité plus élevée (Santé Canada, 1998b). Des informations additionnelles sur la biodisponibilité de l’aluminium dans l’eau potable se trouvent à la section 2.3.3.1.1.

Pour la plupart des provinces et des territoires, les données sur les concentrations d’aluminium dans l’eau potable ont été obtenues directement des municipalités qui utilisent des sels d’aluminium dans le traitement de l’eau (Santé Canada, 2007b). Des données proviennent aussi des programmes de surveillance réalisés dans cinq provinces et territoires entre 1990 et 1998 (Environnement Canada et Santé Canada, 2000). Plus de 10 000 échantillons d’eau potable provenant d’environ 1200 sites canadiens ont été analysés au cours des 20 dernières années. La grande majorité des données analysées a été recueillie sur une période de plus de dix ans qui, dans certains cas, va jusqu’en 2007 (Santé Canada, 2007c).

Au Canada, la concentration moyenne d’aluminium total a été estimée à 101 μg/LNote de bas de page 2 pour les stations de traitement de l’eau ayant des sources d’eau de surface et utilisant des sels d’aluminium. Les concentrations moyennes des différentes provinces (voir figure 2.3) varient de 20,0 μg/L au Nouveau-Brunswick (de 1995 à 2007) à 174 μg/L en Alberta (de 1990 à 2002).

En plus de l’analyse de l’eau potable traitée à l’alun, plus de 2800 échantillons d’eau potable provenant de sources d’eau souterraine de différentes municipalités canadiennes ont été analysés. Les sels d’aluminium n’étaient pas utilisés pour traiter l’eau souterraine, sauf dans certains sites des Territoires-du-Nord-Ouest. Les puits privés du Nouveau-Brunswick avaient les concentrations moyennes d’aluminium total les plus élevées avec près 40,0 mg/L, et l’Ontario les plus faibles avec environ 10,0 mg/L. En utilisant toutes les données d’environ 30 systèmes d’épuration des eaux au Canada, la concentration moyenne d’aluminium a été estimée à 25,2 mg/L dans les sources d’eau souterraine, soit quatre fois moins que ce qui a été estimé pour l’eau de surface traitée à l’alun.

La valeur moyenne de 101 mg/L, associée aux diverses sources d’eau traitée à l’alun, a été utilisée pour évaluer l’exposition de la population canadienne à l’aluminium dans l’eau potable.

Figure 2.3 : Concentrations moyennes d’aluminium total dans l’eau potable traitée à l’aluminium des provinces et des territoires canadiens (mg/L) (1990 - 2007)

Graphique à barres indiquant les concentrations moyennes d'aluminium total dans l'eau potable au Canada
2.3.2.3 Sédiments

D’après quelques données limitées, les concentrations d’aluminium total présentes dans les sédiments au Canada sont du même ordre de grandeur que celles mesurées dans les sols (voir section 2.3.2.4), variant entre 0,9 % et 12,8 %. Les concentrations les plus élevées ont été mesurées dans le lac Saint-Louis, au Québec. Celles obtenues dans les sédiments de la rivière des Outaouais, moins de 300 m en aval d’un site où ont été rejetées pendant près de 27 ans les eaux de rinçage de la station de traitement de l’eau de Britannia, présentent un intérêt particulier (Environnement Canada, 2008c). En 1989, la concentration moyenne d’aluminium total des sédiments d’un site témoin situé à 100 m du panache des effluents de la station de traitement  était de 17 543 mg/kg p.s., tandis que la valeur mesurée aux abords du déversoir était de 125 160 mg/kg p.s. (Germain et al., 2000). Les concentrations moyennes mesurées à 300 m et à 500 m en aval du point de rejet étaient de 51 428 et 41 331 mg/kg p.s. respectivement, demeurant plus élevées que le site témoin et un site en amont (concentration moyenne de 20 603 mg/kg p.s.). Dans une étude de suivi menée en 2000 (Ville d’Ottawa, 2002), l’échantillonnage a confirmé que les concentrations d’aluminium étaient les plus élevées dans les sédiments des lits de rivière situés au point de rejet de la station de traitement de l’eau de Britannia (moyenne approximative de 150 000 mg/kg p.s.), puis diminuaient sur 500 m jusqu’à 12 000 mg/kg p.s. Cette concentration n’était pas beaucoup plus élevée qu’à 150 m en amont du déversoir (10 000 mg/kg). Ensuite, elle a augmenté jusqu’à une valeur approximative de 61 000 mg/kg à 1500 m, indiquant que ce site était probablement un champ éloigné de dépôt. Les boues résiduelles à base d’aluminium provenant des stations de traitement de l’eau d’Ottawa, précédemment destinées à la rivière des Outaouais, ont été déviées en 2008 vers la station locale de traitement des eaux usées pour y être traitées (Environnement Canada, 2008c).

2.3.2.4 Sol

L’aluminium est le troisième élément le plus abondant de l’écorce terrestre, après l’oxygène et le silicium, sous forme d’aluminosilicates et d’autres minerais. Les données sur les concentrations d’aluminium dans le sol présentées ci-dessous proviennent d’études des sols englobant plusieurs régions géographiques et représentent généralement les concentrations d’aluminium d’origine naturelle.

Au Canada, l’échantillonnage de sol existe depuis les années 1930, mais l’aluminium n’a été analysé que depuis les 20 dernières années. Les données de plus de 40 études fondées sur plus de 40 000 échantillons de sol prélevés sur le territoire canadien depuis les 20 dernières années sont disponibles aujourd’hui et ont été utilisées pour estimer les concentrations d’aluminium total dans le sol. Deux études portant sur les industries locales, les types de sols, les horizons du sol ou les groupes de sols ou son utilisation englobent tout le Canada, tandis que d’autres se concentrent sur des régions particulières comme les Prairies, une province ou une municipalité. Certaines données canadiennes sur l’aluminium dans la poussière des habitations ont aussi pu être examinées. De plus amples informations décrivant les données disponibles sur les concentrations dans le sol peuvent être consultées dans la documentation justificative de cette évaluation (Santé Canada, 2008a).

L’estimation de l’exposition de la population canadienne est basée sur des données représentant les horizons des sols de surface ou les premiers décimètres, et non sur des données mesurées dans l’horizon C (environnement primaire; Reimann et Garrett, 2005). Les concentrations en surface des éléments naturels sont néanmoins directement liées à leur concentration dans l’environnement primaire.

Certains chercheurs soutiennent que les concentrations de fondNote de bas de page 3 ne doivent pas être exprimées en valeurs absolues, mais plutôt sous forme de gammes variant selon le lieu et l’étendue de l’échantillonnage (Choinière et Beaumier, 1997; Reimann et Garrett, 2005). La concentration d’aluminium dans le sol de surface de cette évaluation a été basée sur la moyenne arithmétique de l’ensemble des données disponibles et non sur une gamme de concentrations.

La concentration moyenne d’aluminium total au Canada est estimée à 41 475 mg/kgNote de bas de page 4. La figure 2.4 résume les concentrations moyennes d’aluminium total dans les sols par province et dans l’ensemble du Canada. La concentration moyenne d’aluminium total varie de 12 000 mg/kg en Nouvelle-Écosse à 87 633 mg/kg en Colombie-Britannique. Bien qu’une seule estimation de la concentration d’aluminium dans le sol n’ait été calculée pour cette évaluation, il est important de reconnaître que les concentrations d’aluminium dans le sol varient énormément d’une région à l’autre.

Au cours des dernières années, Santé Canada a entrepris des travaux de recherche dans la région d’Ottawa afin de comparer les concentrations moyennes d’aluminium dans les jardins résidentiels à celles dans la poussière se trouvant à l’intérieur des habitations. Les résultats ont démontré que les concentrations moyennes d’aluminium étaient d’environ 26 000 mg/kg à l’intérieur des habitations et de plus du double de cette valeur (55 841 mg/kg) dans les jardins (Rasmussen et al., 2001).

Figure 2.4 : Comparaison des concentrations moyennes d’aluminium total dans les sols des provinces canadiennes (mg/kg) (1987 - 2007)

Figure 2.4 Comparaison des concentrations moyennes d’aluminium total dans les sols des provinces canadiennes (mg/kg) (1987 -- 2007)
Mesures d’aluminium extractible et dissous dans le sol

En général, à moins que le pH du sol ne tombe en dessous de 4, les concentrations de la forme la plus soluble d’aluminium Al3+ (celle considérée comme la plus biodisponible) dans les solutions des pores du sol sont probablement faibles. Hendershot et Courchesne (1991) ont mesuré l’aluminium dans les solutions de sol à Saint-Hippolyte, au Québec. La concentration médiane d’aluminium total dissous était de 0,570 mg/L, celle de l’aluminium inorganique de 0,190 mg/L et celle de la forme Al3+ de 0,0003 mg/L dans les échantillons prélevés à une profondeur de 25 cm (pH = 5,5). L’aluminium total dissous a également été mesuré dans une solution de sol à Niagara, en Ontario; sa concentration a atteint 1214 mg/L (pH de 4,2) dans le sol non traité. Suite à un traitement à la chaux, l’aluminium n’a pas été détecté dans l’eau des pores et le pH a augmenté jusqu’à 4,8 - 5,5 avant la plantation de luzerne (Medicago sativa L.). Après trois coupes de cette dernière, le pH a augmenté à 6,0 dans les lots témoins et à 7,5 - 8,0 dans les lots traités; la concentration moyenne de l’aluminium total dissous était de 0,335 mg/L dans les premiers et compris entre 0,016 et 0,397 mg/L dans les seconds (Su et Evans, 1996).

Turmel et Courchesne (2007) ont observé des concentrations de 16,5 à 18,5 mg/kg p.s. d’aluminium total valorisable (traitement à l’acide nitrique) dans les échantillons de sol de surface (pH de 5,2) prélevés en 2005 dans une plantation agricole abandonnée, située à proximité d’une usine de zinc à Valleyfield, au Québec. L’échantillon de sol prélevé dans une forêt voisine (pH de 6,0) a montré une concentration d’aluminium total valorisable variant de 8,8 à 11,7 mg/kg p.s. La fraction d’aluminium soluble dans l’eau était comprise entre 0,477 et 0,507 mg/L pour les échantillons de sol agricole et entre 0,403 et 0,424 mg/L pour les échantillons de sol forestier.

Les données concernant les concentrations d’aluminium dans les sols traités avec des boues d’hydroxyde d’aluminium sont limitées. Près de Régina, en Saskatchewan, 1100 tonnes de boues d’alun provenant d’une station de traitement de l’eau ont été épandues sur 16 ha de sol à un taux de 75 tonnes par hectare. Il n’y avait aucune différence statistique dans la concentration moyenne d’aluminium extractible à l’acide entre les sols témoins (4,0 %) et les sols traités (4,1 %) (Bergman et Boots, 1997). Dans une étude réalisée pour l’American Water Works Association, Novak et al. (1995) ont mesuré la teneur en aluminium dans le sol de deux sites (pH de 4,7 et de 5,5) avant et après l’application de boues résiduelles. Le Chlorure de polyaluminium (CPA) résiduel contenait 2330 mg Al/kg p.s. et l’alun résiduel 6350 mg/kg p.s. Dans les terres d’assolement traitées selon la procédure d’extraction de Mehlich III qui estime la quantité d’aluminium biodisponible pour les organismes, les concentrations de cet aluminium disponible variaient entre 405 et 543 mg/kg p.s. (ou 0,04 % et 0,05 %) avant l’application des résidus de traitement de l’eau. L’ajout de CPA et d’alun résiduels a produit une augmentation de l’aluminium disponible à 770 mg/kg p.s. et 1115 mg/kg p.s. respectivement. Dans une autre expérience, de l’alun résiduel contenant 150 000 mg Al/kg p.s. a été appliqué à un sol forestier (pH de 4,7). Les analyses réalisées 30 mois plus tard n’ont montré aucune différence entre les lots témoins et les lots traités en ce qui concerne l’aluminium biodisponible et l’aluminium total.

2.3.2.5 Biote

Au Canada, les concentrations d’aluminium dans la végétation relatives à la production ou à l’utilisation des sels d’aluminium analysés ici ne sont disponibles que pour quelques endroits. Vasiloff (1991, 1992) a observé les concentrations d’aluminium dans le feuillage du chêne à gros fruits (Quercus macrocarpa) prélevé à partir d’arbres situés au voisinage d’une usine de production de chlorure d’aluminium à Sarnia, en Ontario. Les concentrations d’aluminium total variaient de 25 à 170 mg/kg p.s. en 1989 et de 57 à 395 mg/kg p.s. en 1991. Elles étaient plus élevées dans le feuillage des arbres situés plus près de l’usine. Elles étaient en deçà de la limite supérieure des concentrations d’aluminium jugées normales pour le feuillage des arbres dans les zones rurales ontariennes (Vasiloff, 1992). Les émissions fugitives de chlorure d’aluminium et leur hydrolyse subséquente pour former de l’acide chlorhydrique ont endommagé les arbres et même causé la mort de certains d’entre eux à l’un des sites étudiés. L’usine a cessé ses activités au milieu des années 90. Aucun dommage de ce type n’a été signalé près des usines de sulfate d’aluminium.

Novak et al. (1995) ont mesuré les concentrations d’aluminium dans des sols (de deux sites de pH 4,7 et 5,5) avant et après l’épandage de résidus de traitement de l’eau (boues de CPA et d’alun) ainsi que les teneurs en aluminium dans les tissus du maïs (Zea mays), du blé (Triticum aestivum) et du pin blanc (Pinus taeda) dans des échantillons de sol témoins et traités. Ils n’ont relevé des différences statistiques de concentration d’aluminium que dans les tissus du maïs. Les plantes cultivées dans des sols traités avec 2,5 % de résidus de CPA affichaient des concentrations d’aluminium inférieures (15,1 mg/kg p.s.) à celles des plantes cultivées dans les sols traités avec 1,34 % d’alun ou dans les sols témoins (18,6 à 19,6 mg/kg p.s.). Toutefois, les rendements des cultures (kg/ha) n’étaient pas inférieurs. Chez le pin blanc, aucune différence statistique dans les concentrations d’aluminium des tissus n’a été relevée entre les arbres cultivés dans le sol témoin (270 mg/kg p.s.) et ceux cultivés dans le sol traité (152 à 170 mg/kg p.s.)

Aucune donnée disponible n’a montré l’existence de liens entre les concentrations d’aluminium présent dans les animaux et l’aluminium entrant dans l’environnement à la suite de la production directe ou de l’utilisation des trois sels d’aluminium étudiés ici.

Morrissey et al. (2005) ont signalé des concentrations moyennes de 55 mg/kg p.s. dans les plumes du cincle d’Amérique (Cinclus mexicanus) vivant dans le bassin-versant de la Chilliwack en Colombie-Britannique et des concentrations de 2780 mg/kg p.s. dans ses excréments. Les échantillons ont été prélevés entre 1999 et 2001 et considérés comme représentatifs de l’exposition globale aux sources naturelles et anthropiques de la région. Les invertébrés benthiques (essentiellement les larves d’insectes) et les alevins de saumon,  qui sont des aliments clés pour les oiseaux, présentaient des concentrations moyennes d’environ 1500 mg/kg p.s. et 165 mg/kg p.s. respectivement. L’aluminium était présent dans tous les échantillons de matières fécales des invertébrés (n = 30), des poissons (n = 9) et des oiseaux (n = 14), mais seulement dans 16 % des échantillons de plumes (n = 82). En se basant sur l’apport alimentaire total de 26 mg/kg pc/jour, calculé à l’aide des procédures décrites dans le CCME (1998), les chercheurs ont émis l’hypothèse que les populations de cincles dans la région pourraient être soumises à des effets d’exposition chronique à l’aluminium.

2.3.2.6 Aliments

La plupart des aliments, qu’ils soient d’origine végétale ou animale, contiennent une certaine quantité d’aluminium provenant : a) de l’aluminium d’origine naturelle dans le sol, b) d’additifs alimentaires à base de sels d’aluminium, et c) de la migration des matériaux contenant de l’aluminium en contact avec les aliments (InVS-Afssa-Afssaps, 2003). Plus de 80 % des concentrations d’aluminium total dans les aliments et les boissons varient entre 0,1 et 10 mg/kg poids humide. Les concentrations d’aluminium de certains aliments contenant des additifs peuvent même dépasser 100 mg/kgNote de bas de page 5.

Sélection des données pour les aliments au Canada

Les données sur les concentrations d’aluminium dans les denrées canadiennes proviennent des Études de la diète totale canadiennes réalisées par la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada, la cinquième étude étant la plus récente. L’Étude de la diète totale estime les concentrations de plus d’une quinzaine de métaux en traces (essentiels ou non) dans les aliments consommés régulièrement par les Canadiens.

L’estimation des quantités d’aluminium ingérées par des personnes est un processus complexe, les aliments étant des matériaux composites aux différentes concentrations d’aluminium. Dans les Études de la diète totale, les aliments achetés à l’épicerie sont préparés selon la diète canadienne; la viande crue est donc cuite et les légumes sont épluchés, coupés ou simplement lavés pour être servis s’ils ne sont pas cuits. Les aliments ou les mélanges traités sont préparés selon les instructions.

Bien que l’Étude de la diète totale fournisse des données sur les concentrations d’aluminium total dans les aliments, elle ne permet pas d’estimer la proportion d’aluminium d’origine naturelle versus la proportion de sels d’aluminium ajoutée. Des informations qualitatives à ce sujet sont cependant présentées ci-dessous.

L’aluminium provenant du contact d’aliments avec matériaux d’emballage serait comprise dans la concentration d’aluminium total mesurée dans les aliments de l’Étude de la diète totale. Les ustensiles et les batteries de cuisine en aluminium ne sont pas utilisés pour préparer les aliments -- cette source potentielle n’est donc pas représentée dans les concentrations mesurées. Des informations à ce sujet issues d’autres études sont toutefois présentées ci-dessous.

L’exposition estimée de cette évaluation est basée sur les données préliminaires des trois premières années de la cinquième Étude de la diète totale (2000 - 2002) réalisée à Ottawa (2000), Saint John (2001) et Vancouver (2002) (Dabeka, 2007).

Concentrations moyennes d’aluminium dans les aliments canadiens

Au Canada, certains aliments ont des concentrations d’aluminium total naturellement élevées, notamment la levure, les raisins secs, les mollusques et les crustacés ainsi que certaines épices et fines herbes - concentrations supérieures à 400 mg/kg - (le poivre noir et l’origan, par exemple) (Dabeka, 2007). Bien que les concentrations de certaines fines herbes et épices soient élevées, leur contribution totale à l’alimentation quotidienne est faible, seules de petites quantités étant normalement ingérées.

Le thé est fréquemment étudié par les chercheurs, la plante assimilant généralement de fortes concentrations d’aluminium (Wu et al., 1997). La cinquième Étude de la diète totale canadienne a montré des concentrations d’aluminium d’environ 4,3 mg/kg dans le thé infusé; cette même concentration est de 0,67 mg/kg dans le vin rouge, de 0,51 mg/kg dans la bière et de seulement 0,08 mg/kg dans le café (Dabeka, 2007). Tous les échantillons canadiens ont été analysés tels qu’ils sont préparés pour la consommation (soit du thé et du café infusés).

En plus de l’aluminium d’origine naturelle, il est permis d’utiliser des additifs alimentaires contenant de l’aluminium dans les aliments comme colorants, affermissants, stabilisants, régulateurs de pH, antiagglomérants, agents de poudrage, émulsifiants et substances de support. Les concentrations maximales précisées dans la Loi sur les aliments et drogues du Canada varient de 0,036 % (ou 360 mg/kg) pour le sulfate d'aluminium dans certains produits à base d'œufs à 3,5 % (ou 35 000 mg/kg) pour le phosphate double d'aluminium et de sodium dans les produits de fromage en crème et fondu (Santé Canada, 2004).

Le tableau 2.5 résume les concentrations moyennes d’aluminium total dans divers groupes d’aliments au Canada, tirées de la cinquième Étude de la diète totale réalisée entre 2000 et 2002. Comme certains groupes d’aliments comprennent divers éléments, les concentrations d’aluminium peuvent varier considérablement à l’intérieur d’un même groupe. De plus amples informations portant sur les concentrations présentes dans des éléments particuliers sont présentées ci-dessous.

Les produits céréaliers sont généralement la principale source d’exposition alimentaire à l’aluminium, suivis par les aliments contenant du sucre et les produits laitiers. D’autres catégories d’aliments représentent moins de 10 % de l’exposition alimentaire à l’aluminium total. La concentration moyenne d’aluminium total dans les produits céréaliers provient des concentrations plus élevées (variant entre 11 et 250 mg/kg) dans les gâteaux, les crêpes, les muffins, les danoises, les beignets et les biscuits (prêts-à-servir ou les mélanges). De telles concentrations peuvent être attribuées aux additifs alimentaires à base d’aluminium ou à la levure chimique dans laquelle il est aussi permis d’utiliser des additifs alimentaires à base d’aluminium (la levure chimique achetée dans les magasins et utilisée dans les plats maison ne contient pas en général de sels d’aluminium ajoutés). De plus faibles concentrations d’aluminium sont présentes dans les pâtes alimentaires, le riz, le pain ainsi que les flocons de blé, d’avoine et de maïs cuits qui font aussi partie de la catégorie des produits céréaliers.

De même, la concentration moyenne d’aluminium dans la catégorie « aliments, principalement le sucre » est attribuée à la concentration d’aluminium dans la gomme à mâcher. La majorité des produits alimentaires de cette catégorie dont les bonbons, les desserts à la gélatine, le miel, le pouding et le sirop contient de très faibles concentrations d’aluminium.

Tableau 2.5 : Concentrations moyennes d’aluminium total dans divers groupes d’aliments tirées de la cinquième Étude de la diète totale canadienne (2000-2002)
Groupe d’aliments Concentration moyenne d’aluminium total (mg/kg)
Produits laitiers 0,45
Matières grasses 0,38
Fruits et produits à base de fruits 1,35
Légumes 1,21
Produits céréaliersNote de bas de page a 28,8
Viande et volaille 1,42
Poisson 2,16
Œufs 0,17
Aliments, principalement le sucreNote de bas de page a 9,36
Plats composés et soupes 0,49
Noix et graines 2,65
Boissons gazeuses et alcool 1,13

Les études de la diète totale canadienne ont aussi examiné divers repas rapides; des concentrations moyennes d’aluminium supérieures à 1 mg/kg ont été observées dans les frites et la pizza et jusqu’à environ 50 mg/kg dans les burgers au poulet (Dabeka, 2007).

Deux des trois sels apparaissant sur la LSIP (le chlorure et le nitrate) ne sont pas utilisés comme additifs alimentaires. Le sulfate d’aluminium (incluant ses sels de potassium et de sodium) peut être utilisé comme additif alimentaire, mais d’autres additifs contenant de l’aluminium (phosphate double d’aluminium et de sodium basique et acide, et aluminosilicate de sodium) sont plus largement utilisésNote de bas de page 6. Ceci a été confirmé par de récentes informations recueillies par la Direction des aliments de Santé Canada auprès des membres de l’industrie alimentaire fabriquant des produits dans lesquels les additifs alimentaires à base d’aluminium sont permis. Ces informations indiquent que le sulfate d’aluminium (et ses sels) est utilisé comme additif alimentaire dans un certain nombre de produits alimentaires tels que les muffins, les pizzas, les tortillas, les burritos, les produits aux œufs et certains mélanges à gâteaux, et représente moins de 0,5 % du poids final du produit.

Concentrations moyennes d’aluminium dans les préparations pour nourrissons canadiennes et le lait maternel

Santé Canada analyse régulièrement les concentrations de métaux dans les préparations pour nourrissons ainsi que l’eau qui y est ajoutée comme point de comparaison. Des données provenant de la plus récente Étude de la diète totale ainsi que des informations issues d’études réalisées par la Direction générale des produits de santé et des aliments sont évaluées pour estimer les concentrations d’aluminium dans les préparations pour nourrissons à base de protéines bovines et de soya

Selon la cinquième Étude de la diète totale canadienne réalisée entre 2000 et 2002, des concentrations d’aluminium de 0,20 et de 0,79 mg/kg ont été mesurées respectivement dans les préparations pour nourrissons à base de protéines bovines et de soya, reconstituées préparées pour la consommation.

Les concentrations d’aluminium présentes dans plusieurs types de préparations pour nourrissons à base de protéines bovines et de soya ont aussi été mesurées dans le cadre d’une autre étude canadienne réalisée entre 1999 et 2001 (Santé Canada, 2003). Les concentrations moyennes dans les préparations à base de protéines bovines étaient d’environ 0,13 mg/kg dans les concentrés liquides, de 0,18 mg/kg dans les préparations en poudre à laquelle une certaine quantité d’eau a été ajoutée et d’environ 0,40 mg/kg dans les concentrés de type prêt-à-servir avec supplément de fer. Les préparations pour nourrissons à base de soya avaient des concentrations moyennes d’aluminium d’environ 0,73 mg/kg dans les préparations sous forme de concentrés de type prêt-à-servir et en poudre. Encore une fois, ces concentrations ont toutes été mesurées dans des préparations pour nourrissons reconstituées préparées pour la consommation.

Au Canada, deux études ont été réalisées pour mesurer les concentrations d’aluminium dans le lait maternel. Elles ont démontré que les concentrations moyennes d’aluminium dans le lait maternel étaient du même ordre de grandeur que celles observées ailleurs dans le monde. Dans le cadre d’une étude menée au Québec sur cinq femmes seulement, une concentration moyenne d’aluminium de 0,34 mg/kg a été mesurée dans le lait maternel (Bergerioux et Boisvert, 1979). Dans une seconde étude, une concentration médiane d’aluminium de 0,014 mg/kg a été mesurée chez 12 Albertaines (Koo et al., 1988). La concentration moyenne d’aluminium dans le lait maternel est donc d’environ 0,11 mg/kgNote de bas de page 7.

Migration de l’aluminium provenant de matériaux en contact avec les aliments

En règle générale, les concentrations d’aluminium dans les aliments augmentent lorsqu’il y a contact direct avec un matériau d’emballage en aluminium ou des ustensiles et des batteries de cuisines en aluminium, surtout lorsque les aliments sont cuits. Des chercheurs ont démontré que la migration de l’aluminium vers les aliments pourraient dépendre du pH, du type de récipient, du temps de cuisson, de la pureté de l’aluminium utilisé dans le revêtement des ustensiles ou des casseroles en aluminium ou de l’addition de sel à l’eau bouillante (Muller et al., 1993; Abercrombie et Fowler, 1997; Gramiccioni et al., 1996; Gourrier-Fréry et Fréry, 2004; Pennington,1988; InVS-Afssa-Afssaps, 2003). Par exemple, les concentrations d’aluminium dans le café, les boissons gazeuses et la bière sont passées de 0,02 mg/L à plus de 0,25 mg/L lorsqu’un percolateur en aluminium a été utilisé pour préparer le café ou encore lorsque les boissons gazeuses et la bière ont été conservées dans des cannettes en aluminium pendant plus de six mois. Des concentrations atteignant jusqu’à 0,87 mg/L ont été observées dans les boissons ayant séjourné 12 mois dans des cannettes (Muller et al., 1993; Abercrombie et Fowler, 1997). Des concentrations atteignant jusqu’à 35 mg/L ont aussi été observées dans les jus de fruits acidifiés après avoir bouilli dans une casserole en aluminium (Liukkonen-Lilja et Piepponen, 1992).

En ce qui a trait à l’utilisation des trois sels -- chlorure d’aluminium, nitrate d’aluminium et sulfate d’aluminium -- dans l’emballage des aliments, le sulfate d’aluminium entre dans la composition des films métallisés et le chlorure d’aluminium dans une cire appliquée comme revêtement aux films plastiques. Bien que ces deux produits soient utilisés dans l’emballage des aliments, la quantité d’aluminium susceptible de migrer de ces films vers les aliments serait négligeable (Santé Canada, 2008b).

2.3.2.7 Produits de consommation
2.3.2.7.1 Médicamentsavec et sans ordonnance

Les principales utilisations pharmaceutiques de l’aluminium sont les suivantes : antiacide et chélateur du phosphate pour les patients souffrant d’insuffisance rénale chronique (hydroxyde d’aluminium); composant du médicament antiulcéreux, sucralfate (complexe de sucrose-sulfate et d’aluminium); composant de certains vaccins et d’injections (extraits d’allergènes précipités à l’alun et vaccin ROR, par exemple) (voir section 2.3.2.8); composant de l’aspirine tamponnée (aminoacétate de dihydroxyaluminium, par exemple); agent hémostatique pour contrôler les saignements dus à des coupures légères (sulfate double d'aluminium et de potassium - alun - chlorure d’aluminium ou sulfate d’aluminium); composant du silicate d'aluminium et de magnésium hydraté dans les antidiarrhéiques, les attapulgites et les astringents (il existe de nombreux dérivés d’aluminium dans les antisudorifiques et les désodorisants). Les antiacides contenant de l’aluminium sont de loin l’exposition potentielle à l’aluminium la plus importante pour les personnes consommant ces médicaments régulièrement sur une longue période de temps.

Les concentrations des composés d’aluminium dans les produits en vente libre au Canada proviennent de la Base de données sur les produits pharmaceutiques de Santé CanadaNote de bas de page 8 qui comprend le nom commercial, le numéro d'identification du médicament (DIN), les ingrédients et d’autres renseignements sur environ 23 000 médicaments dont l’utilisation est approuvée au Canada. Compte tenu des concentrations dans divers composés d'aluminium, la teneur en aluminium élémentaire des produits en vente libre administrés par voie orale au Canada varie entre 8700 et 60 000 mg/kg de produit pour les antiacides (médicaments contre les brûlures d’estomac), entre 30 000 et 50 000 mg/kg de produit pour les agents dentaires et est de 3500 mg/kg de produitpour les attapulgitesNote de bas de page 9.

2.3.2.7.2 Cosmétiques

Les composés comme le chlorhydrate d’aluminium, le sulfate d'aluminium et d'ammonium, l’hydroxyde d'aluminium, l’octénylsuccinate d'amidon et d'aluminium, les colorants à base d’aluminium et le silicate d’aluminium sont utilisés dans les désodorisants, les crèmes antirides, les dentifrices, le maquillage pour les yeux et le visage, les shampoings, les rouges à lèvres, les hydratants et d’autres produits cosmétiques vendus au Canada. Les données sur les concentrations des composés d’aluminium dans ces produits se retrouvent dans le Système de déclaration des cosmétiques de Santé Canada, un système obligatoire en vertu duquel les fabricants doivent soumettre des renseignements sur leurs produits, notamment leur composition, avant d’être autorisés à les vendre au Canada.

Le tableau 2.6 présente des gammes possibles de concentrations d’aluminium pouvant provenir d’une grande variété de produits cosmétiques vendus au Canada. Toutefois, il est à noter que les données sur les concentrations sont disponibles en fonction des catégories de déclaration (< 0,1 %, 0,1 % à 0,3 %, 0,3 % à 1,0 %, 1 % à 3 %, 3 % à 10 %, 10 % à 30 % et 30 % à 100 %). La concentration maximale représente donc la borne supérieure d’une catégorie de déclaration et est fort probablement une surestimation de la concentration réelle maximale jusqu’à un facteur de 3,3 de la catégorie de produit.

Tableau 2.6 : Gamme de concentrations d’aluminium total dans diverses catégories de produits cosmétiques vendus au Canada
Catégorie de produit Gamme de concentrations d’aluminium total
(mg/kg)Note de bas de page a.1
Colorant capillaire 442 - 300 000
Crème antiride 171 - 333 000
Crème protectrice 78 - 10 377
Dentifrice 1 588 - 52 930
Déodorant et antisudorifique 171 - 529 300
Maquillage pour les yeux 42 - S.O.Note de bas de page b
Maquillage pour le visage 44 - S.O.Note de bas de page b
Fragrance 206 - 30 000
Revitalisant capillaire 78 - 15 879
Rouge à lèvres 44 - 300 000
Préparation de manucure 44 - 300 000
Produit pour bébés 78 - 2349
Nettoyant pour la peau 57 - 529 300
Hydratant pour la peau 42 - 158 790
Préparations pour le bronzage 5 293 - 15 879
Produit pour le bain 346 - 10 000
Produit de rasage 57 - 157 700
Shampoing 309 - 1588
2.3.2.8 Vaccins

La plupart des vaccins autorisés au Canada contiennent un adjuvant à base de sels d’aluminium conformément au calendrier de vaccination systématique chez les nourrissons, les jeunes enfants, les adolescents et les adultes (Agence de la santé publique du Canada, 2006). Différents types d’adjuvants de vaccins tels que l’hydroxyde d’aluminium, le phosphate d’aluminium, le sulfate d’aluminium et le sulfate double d'aluminium et de potassium sont utilisés par les compagnies pharmaceutiques. La quantité d’aluminium varie entre 125 µg et 1000 µg (hydroxyde d’aluminium) par dose selon le vaccin. Il n’existe aucune norme ou recommandation au Canada sur la quantité maximale d’aluminium ou de composé d’aluminium pouvant être utilisée comme adjuvant dans les vaccins.

2.3.3 Toxicocinétique : êtres humains et animaux de laboratoire

Une vue d’ensemble des processus toxicocinétiques de l’aluminium a été réalisée afin de mettre l’accent sur les différents facteurs qui influent sur son trajet, de l’environnement aux organes cibles. Chaque processus toxicocinétique est décrit ci-après (absorption, distribution et élimination). L’aluminium ne subit pas de réactions de biotransformation de phases I et II, qui ne se produisent qu’à l’état d’oxydation +3. Le métabolisme de l’aluminium est donc décrit en fonction de sa spéciation, dans un contexte de processus de distribution et d’élimination.

2.3.3.1 Absorption

Même à des concentrations modérément élevées dans l’environnement, une exposition à l’aluminium ne provoque qu’une faible augmentation de l’aluminium dans les tissus humains en raison de sa faible biodisponibilité par toutes les voies d’exposition. La biodisponibilité fait référence à la fraction d’une substance ingérée, inhalée ou absorbée par la peau qui pénètre dans la grande circulation. Cette évaluation met l’accent sur la biodisponibilité orale, la dose journalière estimée (DJE) de la population canadienne montrant l’ingestion comme la principale voie d’exposition (voir section 3.2.1); la biodisponibilité de l’aluminium par d’autres voies d’exposition (pulmonaire et cutanée) est aussi étudiée. Les estimations de biodisponibilité sont résumées dans le tableau 2.7 pour toutes les voies d’exposition.

2.3.3.1.1 Absorption orale

L’interprétation des estimations de biodisponibilité orale de l’aluminium demande une bonne compréhension : a) des méthodes utilisées pour calculer la biodisponibilité orale et b) des facteurs physiologiques et biochimiques qui influent sur l’absorption orale. La matrice ingérée à laquelle l’aluminium est lié influe probablement sur son potentiel d’absorption; les biodisponibilités orales de l’aluminium mesurées à partir de l’eau potable, des aliments et du sol se distinguent donc les unes des autres.

Méthodes de calcul de la biodisponibilité orale

Les méthodes servant à calculer la biodisponibilité orale dans les études expérimentales sont les suivantes : a) le bilan massique basé sur la dose et les excrétions fécales et urinaire; b) la comparaison dose-excrétion urinaire; c) la concentration dans un seul échantillon de sang et un volume de distribution calculé; d) la concentration d’aluminium dans les tissus; et e) la comparaison des aires sous la courbe de concentration plasmatique en fonction du temps après une administration par voies orale et intraveineuse (Yokel et McNamara, 2000). La comparaison dose-excrétion urinaire est la méthode la plus courante, étant la plus simple, la moins invasive et relativement fiable si la période de prélèvement permet de mesurer la presque totalité de l’aluminium excrété dans l’urine.

Avant 1990, les analyses d’aluminium se basaient sur la quantification de 27Al, l’isotope le plus courant (≈ 100 % des isotopes naturels). Comme le 27Al est ubiquitaire dans l’environnement, une contamination peut facilement se produire lors de l’échantillonnage et de l’analyse, menant à une surestimation des concentrations dans les tissus, particulièrement lorsque les quantités d’aluminium administrées frôlent l’exposition de base. La contribution relative de 27Al endogène peut être atténuée par l’administration de doses beaucoup plus élevées que les concentrations présentes dans l’environnement. Toutefois, l’absorption orale peut dépendre de la dose. Cette approche augmente donc l’incertitude liée à l’estimation de la biodisponibilité des concentrations d’aluminium dans l’environnement. Sur ce point, on a observé une relation variable entre la dose et la biodisponibilité : des doses accrues d’aluminium ont réduit sa biodisponibilité dans les études expérimentales de Greger et Baier (1983), de Weberg et Berstad (1986) et de Cunat et al. (2000), tandis que d’autres études animales ont donné des résultats opposés (Yokel et McNamara, 1985; Ittel et al., 1993).

La spectométrie de masse par accélérateur (SMA) a été récemment employée pour quantifier l’isotope 26Al, administré comme traceur (Priest, 2004). Cette méthode d’analyse a permis aux chercheurs de mesurer de façon plus précise la biodisponibilité de l’aluminium à des niveaux comparables à ceux auxquels la population générale est exposée, l’aluminium dans la dose administrée (26Al) pouvant être distingué de celui déjà présent dans le corps (27Al). Toutefois, le coût et le faible nombre d’installations limitent l’analyse des échantillons, réduisant ainsi la précision de l’estimation et de l’information portant sur la variabilité intra-individuelle (Yokel et McNamara, 2000).

Facteurs influant sur l’absorption orale

Le principal mécanisme d’absorption de l’aluminium ingéré semble être la diffusion passive paracellulaire (Zhou et Yokel, 2005). Cette diffusion se produit principalement dans l’intestin grêle (le duodénum et le jéjunum) et dans une moindre mesure, dans l’estomac par la muqueuse gastrique (Powell et Thompson, 1993; Walton et al., 1994). En plus de la diffusion passive, Cunat et al. (2000) ont indiqué que l’absorption de l’aluminium pouvait se produire par voie transcellulaire et saturable, ce qui expliquerait la dépendance possible de l’absorption à la dose.

Il a été démontré que le taux d’absorption et, par conséquent, l’absorption cumulée d’aluminium, variait en fonction des facteurs physiologiques et chimiques. Krewski et al. (2007) ont résumé ces facteurs en se basant sur les résultats d’études humaines et animales :

  • solubilité : l’absorption croît avec la présence de composés d’aluminium plus solubles;
  • pH gastrique : l’absorption est plus importante à un pH de 4 plutôt qu’à un pH de 7, probablement en raison de la création de plus de composés d’aluminium solubles;
  • acides carboxyliques : absorption accrue en présence d’acides carboxyliques, particulièrement le citrate naturellement présent dans plusieurs aliments et jus de fruits;
  • composés de silicium : absorption réduite en présence de composés de silicium dans l’apport alimentaire, en raison de la formation possible d’hydroxyaluminosilicates.

Parmi les facteurs ci-dessus, une attention particulière a été accordée à l’impact important du citrate lors de l’ingestion d’aluminium. La biodisponibilité orale a augmenté d’un facteur de 5 à 150 lorsque l’aluminium a été ingéré avec une solution de citrate, comme l’ont démontré des études utilisant le même complexe d’aluminium et les mêmes conditions expérimentales (Weberg et Berstad, 1986; Yokel et McNamara, 1988; Froment et al., 1989; Priest et al., 1996; Drueke et al., 1997; Schönholzer et al., 1997). Le citrate a probablement favorisé l’absorption en ouvrant l’étroite jonction entre les cellules intestinales (Froment et al., 1989; Zhou et Yokel, 2005). Zhou et al. (2008) se sont récemment penchés sur l’influence du citrate dans l’eau potable - concentration molaire similaire à celle de l’aluminium. Les chercheurs n’ont pas observé une importante augmentation dans l’absorption de l’aluminium pour un rapport molaire Al:citrate de 1:1, et ont indiqué que l’absorption de l’aluminium dépendait peut-être de la dose de citrate.

La principale explication biochimique de l’influence des facteurs énumérés ci-dessus sur l’absorption est la nature du ligand auquel l’ion Al3+ est associé dans le fluide gastro-intestinal. Des études in vitro utilisant des cellules Caco-2 de l’intestin grêle humain ont montré des différences de taux d’absorption de l’aluminium entre les ligands; le citrate d’aluminium et le nitrilotriacétate d’aluminium ont été absorbés plus rapidement que le lactate d’aluminium (Alvarez-Hernandez et al., 1994), tandis que le taux d’absorption du fluorure d’aluminium était plus élevé, en ordre décroissant, que le Al3+, le maltolate d’aluminium, le citrate d’aluminium et l’hydroxyde d’aluminium (Zhou et Yokel, 2005). Des résultats d’études in vitro ont démontré qu’il existait d’importantes différences dans la biodisponibilité orale calculée pour différents complexes d’aluminium ingérés (Yokel et McNamara, 1988; Froment et al., 1989). Les résultats d’une étude dans laquelle de l’aluminium a été injecté dans les intestins de rats ont permis à Cunat et al. (2000) de conclure que les ligands organiques permettaient une meilleure absorption de l’aluminium que les ligands inorganiques (citrate > tartrate, gluconate, lactate >  glutamate, chlorure, sulfate, nitrate).

Le pH du milieu d’exposition peut jouer un rôle important dans l’absorption de l’aluminium, car il influe sur sa spéciation. Dans de l’eau à faible pH traitée à l’alun, le sulfate d’aluminium et l’ion Al3+ (très soluble) sont les principales formes; lorsque le pH passe de 6,3 à 7,8, le principal complexe est alors l’hydroxyde d’aluminium (probablement insoluble). Lorsque le pH est supérieur à 7,8, la solubilité dans l’eau augmente en raison de la présence d’ions négatifs d’hydroxyle d’aluminium (Walton et al., 1994). Tel que mentionné à la section 2.3.2.2.2, bien que le traitement à l’alun réduise la concentration d’aluminium total dans l’eau distribuée aux consommateurs par rapport à la source d’eau non traitée en éliminant les matières en suspension contenant de l’aluminium, il est prouvé que le traitement aux sels d’aluminium augmente aussi la concentration des espèces d’aluminium dissous à faible poids moléculaire (Santé Canada, 1998b).

Le faible pH du fluide gastrique crée un fort potentiel de transformation du complexe d’aluminium ingéré. Ceci a permis à Reiber et al. (1995) de soutenir que l’aluminium dans l’eau potable n’était pas plus facilement assimilé que d’autres formes d’aluminium, et que peu importe la forme de l’aluminium consommé, une grande partie sera probablement solubilisée en aluminium monomoléculaire dans l’estomac. Toutefois, d’autres chercheurs considèrent ceci comme une simplification excessive, étant donné les différences observées dans l’absorption orale des différents composés d’aluminium (Krewski et al., 2007).

Il a été démontré que l’absorption simultanée d’aluminium et d’autres nutriments peut affecter l’absorption intestinale de ce métal. Par exemple, la présence de vitamines D améliore probablement l’absorption de l’aluminium (Adler et Berlyne, 1985; Ittel et al., 1988; Long et al., 1991; Long et al.,1994), tandis que la consommation de suppléments d’acide folique diminue son absorption et/ou son accumulation dans divers organes (os, reins et cerveau) par la formation possible d’un complexe acide folique-aluminium (Baydar et al., 2005). Domingo et al. (1993) ont étudié les effets de divers composants alimentaires tels que les acides lactique, malique et succinique sur les degrés d’absorption et de distribution de l’aluminium dans l’eau potable et dans l’alimentation de souris où ils ont remarqué une absorption accrue avec ces ingestions simultanées.

Les quelques études permettant d’examiner si la composition des aliments ou encore la présence d’aliments dans l’estomac influait sur la biodisponibilité orale de l’aluminium ont obtenu des résultats mitigés. La nature du contenu de l’estomac a influé sur l’absorption de l’aluminium dans l’étude de Walton et al. (1994) où des rats adultes Wistar ont été exposés à de l’eau traitée à l’alun et à divers boissons et aliments. Les concentrations sériques d’aluminium ont augmenté lorsque l’eau potable traitée à l’alun a été consommée avec du jus d’orange; ce phénomène a aussi été observé, mais dans une moindre mesure, avec le café. Les auteurs ont noté que les faibles concentrations d’aluminium dans ces deux boissons n’auraient pas pu contribuer à ces concentrations accrues d’aluminium. Par contre, lorsque l’eau traitée à l’alun a été consommée avec de la bière, du thé ou du cola (boissons pouvant contenir des concentrations appréciables d’aluminium), la concentration sérique n’a pas sensiblement augmenté. La viande et les produits riches en glucides/céréaliers ont réduit l’absorption de l’aluminium. Drüeke et al. (1997) ont réalisé une étude sur des rats à l’aide de l’isotope 26Al pour examiner les effets du silicium contenu dans l’eau potable et les aliments solides sur l’absorption de l’aluminium. Dans leur étude, les concentrations élevées de silicium dans l’eau potable n’ont pas réussi à réduire la fraction absorbée de 26Al, comme en témoignent l’accumulation dans les os et l’excrétion urinaire. L’absorption de 26Al était aussi environ 15 fois plus élevée à jeun que non à jeun. Dans le cadre d’une étude réalisée sur des rats avec du 26Al, Yokel et al. (2001a) ont vérifié l’hypothèse selon laquelle le contenu de l’estomac influait sur l’absorption de l’aluminium. Les auteurs ont constaté que le contenu de l’estomac n’avait pas sensiblement modifié le degré d’absorption de 26Al, bien qu’il ait ralenti l’absorption de l’aluminium.

Estimation de la biodisponibilité orale de l’aluminium dans l’eau potable

Des données expérimentales sur la biodisponibilité orale de l’aluminium dans l’eau potable, obtenues à partir d’études humaines et animales et de diverses méthodes de calcul et de quantification, ont été évaluées.

Le rassemblement des valeurs centrales (moyennes ou médianes) des résultats de différentes études humaines impliquant plus d’un volontaire indique que la biodisponibilité orale de l’aluminium dans l’eau potable se situe entre 0,010 % et 0,52 %. La plus petite valeur est la moyenne obtenue à partir des données de l’étude de Priest et al. (1998) dans laquelle deux volontaires ont été exposés à de l’hydroxyde d’aluminium (26Al). Cette étude expérimentale a aussi observé la valeur la plus élevée de 0,52 % lorsque ces mêmes volontaires ont été exposés à du citrate d’aluminium (26Al). Une étude plus vaste comprenant 29 sujets consommant une alimentation contrôlée en aluminium a estimé que la biodisponibilité orale attribuée à l’eau potable traitée à l’alun variait entre 0,36 % et 0,39 % (Stauber et al., 1999).

En ce qui concerne les valeurs centrales de biodisponibilité orale des animaux de laboratoire, des gammes allant de 0,04 % à 5,1 % et de 0,01 % à 4,56 % ont été signalées dans des études expérimentales avec les isotopes 26Al et 27Al respectivement. La valeur centrale maximale de 5,1 % de l’expérience animale utilisant le 26Al a été obtenue suite à l’ingestion d’une solution concentrée de citrate (Schönholzer et al., 1997). La seconde valeur la plus élevée de 0,97 % est fondée sur l’exposition au chlorure d’aluminium (Zafar et al., 1997). La valeur centrale maximale de 4,56 % pour le 27Al a été obtenue suite à l’ingestion de citrate d’aluminium par des rats souffrant d’insuffisance rénale (Yokel et McNamara, 1988). La valeur maximale aurait été de 2,18 % pour le citrate d’aluminium (27Al) si seuls des animaux en santé avaient été pris en compte.

En ce qui concerne la biodisponibilité orale de l’aluminium dans l’eau potable, Krewski et al. (2007) ont proposé une gamme allant de 0,05 % à 0,4 % pour les rats et les lapins et de 0,1 % à 0,5 % pour les êtres humains, avec une valeur centrale de 0,3 %. La quasi-concordance entre les gammes et les estimations les plus probables de biodisponibilité dans l’eau potable chez les animaux et les êtres humains indique qu’il existe peu de différence entre les espèces à ce sujet.

Estimation de la biodisponibilité orale de l’aluminium dans les aliments

Malgré l’importante contribution des aliments à l’exposition totale à l’aluminium, la banque de données sur la biodisponibilité orale de l’aluminium dans les aliments est limitée. Dans une ancienne étude sur l’absorption potentielle de l’aluminium dans les aliments, Jones (1938) a démontré qu’un pourcentage important d’aluminium dans le pain préparé avec de la levure chimique à base d’aluminium était soluble dans le suc gastrique des chiens. Quelques décennies plus tard, Yokel et Florence (2006) ont confirmé que de l’aluminium provenant des biscuits faits avec de la levure chimique contenant du phosphate double d’aluminium (26Al) et de sodium (SALP, sodium aluminum phosphate) pénétrait dans la grande circulation. Dans cette étude, environ 0,12 % de l’aluminium ingéré a traversé le tractus gastro-intestinal des rats exposés. Utilisant la même méthode expérimentaleNote de bas de page 10, Yokel et al. (2008) ont estimé des biodisponibilités orales d’environ 0,1 % et 0,3 % lorsque le 26Al-SALP a été incorporé dans du fromage à des concentrations de 1,5 % et 3 % respectivement.

La bioaccessibilité oraleNote de bas de page 11 de l’aluminium présent dans différents aliments a été mesurée par López et al. (2002) et Owen et al. (1994). Toutefois, il est impossible de comparer directement leurs résultats puisque leur méthodologie diffère. De plus, les estimations de bioaccessibilité, allant de 0,3 % à 0,9 % d’Owen et al. (1994), et de 0,85 % à 2,15 % de Lopez et al. (2002) ne peuvent être directement utilisées pour évaluer la biodisponibilité orale de l’aluminium, la relation in vitro-in vivo n’ayant pas été établie (Ruby et al., 1999). Ces études de bioaccessibilité démontrent néanmoins que la biodisponibilité orale est faible et peut changer selon la nature des aliments consommés. Par exemple, l’aluminium présent dans le pain, la confiture et le thé semble être environ 2,7 fois plus soluble que celui d’un gâteau éponge (Owen et al., 1994). La biodisponibilité orale réelle de l’aluminium dans les aliments serait donc moins élevée que ces valeurs de bioaccessibilité, la solubilité dans le tractus intestinal n’étant pas le seul facteur limitant l’absorption.

La biodisponibilité orale de l’aluminium dans les aliments a aussi été estimée en comparant la dose d’aluminium de la population générale et l’excrétion urinaire et/ou la charge corporelle d’aluminium (Ganrot, 1986; Priest, 1993; Powell et Thompson ,1993; Nieboer et al., 1995; Priest, 2004). Ces estimations varient de 0,1 % à 0,8 %. Il est à noter que l’estimation de biodisponibilité orale de Yokel (2006) de 0,12 % de rats ayant ingéré des biscuits contenant de l’aluminium et celle de 0,53 % de Stauber et al. (1999) basée sur une alimentation contrôlée chez des êtres humains sont comprises dans cette gamme.

La biodisponibilité de l’aluminium dans les antiacides (hydroxyde d’aluminium) a été estimée dans trois études chez les êtres humains, mesurée seule ou en combinaison avec le citrate, le jus d’orange, le bicarbonate ou l’acétate de calcium (Mauro et al., 2000; Haram et al., 1987; Weberg et Berstad, 1986). Ces biodisponibilités mesurées, allant de 0,001 % à 0,2 %, sont généralement comparables à celles mesurées dans les aliments.

Les données limitées sur la biodisponibilité orale de l’aluminium à partir des aliments ne permettent pas de déterminer une valeur prédictive fiable de l’absorption potentielle de l’aluminium dans les aliments. La gamme allant de 0,1 % à 0,8 % et celle plus probable allant de 0,1 % à 0,3 %, basées sur les récentes études de Yokel et Florence (2006) et de Yokel et al. (2008), ont été retenues afin d’être comparées à d’autres milieux (tableau 2.7).

Estimation de la biodisponibilité orale de l’aluminium dans les sols

La biodisponibilité orale de l’aluminium dans le sol ingéré est un autre facteur important de l’évaluation de l’exposition humaine liée à l’aluminium, l’ingestion de sol étant un trajet d’exposition important pour le groupe des tout-petits (voir section 3.2.1). Aucune donnée n’existe sur la biodisponibilité, bien que des données limitées sur la bioaccessibilité de l’aluminium dans le sol soient disponibles - mesure in vitro de la fraction soluble d’une substance disponible pour absorption.

Shock et al. (2007) ont estimé la bioaccessibilité de l’aluminium dans différents échantillons de sol de toundra contaminé par des résidus d’opérations minières en utilisant un fluide gastrique simulé dans une expérience in vitro. Les valeurs estimées variaient entre 0,31 % et 4,00 % selon la granulométrie et le rapport solide-fluide de l’expérience. Comme il fallait s’y attendre, c’est l’aluminium dans le sol ayant la plus petite granulométrie qui était le plus disponible pour absorption.

Comme pour les données sur la bioaccessibilité de l’aluminium dans les aliments, ces estimations doivent être associées à des estimations de biodisponibilité in vivo obtenues à partir de modèles in vivo appropriés (Ruby et al., 1999). Bien que les protocoles expérimentaux utilisés pour mesurer la bioaccessibilité de l’aluminium dans les aliments et le sol diffèrent quelque peu, les données de Shock et al. (2007) indiquent que la bioaccessibilité de l’aluminium dans le sol est similaire à celle dans les aliments. En l’absence de données plus pertinentes, la gamme de la biodisponibilité orale de l’aluminium dans le sol est donc censée être plus ou moins similaire à celle dans les aliments. La biodisponibilité orale relative de l’aluminium dans le sol est considérée comme une source importante d’incertitude pour ce trajet d’exposition. Toutefois, on s’attend à ce que la biodisponibilité à partir du sol soit faible.

2.3.3.1.2 Absorption cutanée

L’utilisation d’un antisudorifique à base d’aluminium contribuerait à la charge corporelle si l’aluminium traversait la barrière cutanée. Les études de cas ci-dessous ont démontré que de petites quantités d’aluminium pénétraient dans la grande circulation. Toutefois, à ce jour, il n’existe aucune donnée sur la biodisponibilité cutanée issue d’études contrôlées réalisées sur plus de deux personnes.

Dans l’étude de Flarend et al. (2001), le chlorhydrate d’aluminium (26Al) -- complexe d’aluminium dans les antisudorifiques -- a été appliqué sous une seule aisselle d’un homme et celle d’une femme. L’excrétion urinaire cumulée après les 43 jours qui ont suivi l’application représentait 0,0082 % (homme) et 0,016 % (femme) de la dose appliquée. Après avoir corrigé cette fraction en fonction de l’aluminium qui n’a pas été excrété dans l’urine (15 % de la dose absorbée), il a été estimé que cette application entraînait une biodisponibilité cutanée d’environ 0,012 %. Les auteurs ont donc conclu que la quantité d’aluminium absorbée suite à une utilisation régulière serait de 0,25 mg/jour.

Guillard et al. (2004) ont présenté le cas clinique d’une femme qui a utilisé une crème antisudorifique à base de chlorhydrate d'aluminium durant quatre ans et qui a des concentrations plasmatique et urinaire élevées d’aluminium (10,47 mg/dL dans le plasmaNote de bas de page 12). Lorsque cette femme a cessé de l’utiliser, ses concentrations urinaire et plasmatique ont chuté pour atteindre des valeurs normales après les troisième et huitième mois respectivement.

2.3.3.1.3 Absorption pulmonaire

L’air ambiant de nombreux milieux de travail tels que l’industrie de production de l’aluminium et les usines de soudage (Priest, 2004) peut présenter des concentrations élevées d’aluminium. L’excrétion urinaire plus élevée d’aluminium de travailleurs exposés comparée à celle de la population générale démontre qu’une certaine quantité d’aluminium inhalée peut pénétrer dans la grande circulation (Sjogren et al., 1985; Sjogren et al., 1988; Pierre et al., 1995). Cette absorption dépend de la forme de l’aluminium dans l’air ambiant (adsorption sur des PM, vapeurs et paillettes); dans le cas des particules, elle dépend aussi de la distribution des diamètres aérodynamiques des PM (PM2,5 vs PM10).

Dans son une étude portant sur deux volontaires ayant inhalé de l’oxyde d’aluminium (26Al) adsorbé sur des particules ayant un diamètre aérodynamique moyen en masse (DAMM) de 1,2 µm, Priest (2004) a estimé à 1,9 % la fraction d’aluminium reçue dans les poumons. Cette valeur est étayée par des études animales montrant un dépôt d’escarbilles de 2 % à 12 % dans les poumons (Krewski et al., 2007). D’ailleurs, Yokel et McNamara (2001) ont proposé une fraction absorbée variant de 1,5 % à 2 % en se fondant sur la relation entre l’excrétion urinaire de travailleurs exposés à l’aluminium et les concentrations atmosphériques d’aluminium soluble mesurées dans leur milieu

Une étude menée sur des lapins de Nouvelle-Zélande exposés par la voie olfactive nasale (une éponge trempée dans une solution d’aluminium introduite dans la fosse nasale durant quatre semaines) a démontré que l’aluminium inhalé par le tractus olfactif peut traverser l’épithélium nasal et atteindre directement le cerveau par transport axonal (Perl et Good, 1987). Bien qu’un protocole d’analyse quantifiant l’aluminium empruntant ce trajet dans des conditions environnementales d’exposition ait été établi (Divine et al., 1999), des études supplémentaires documentant le transport de l’aluminium par ce trajet jusqu’au bulbe olfactif et, par la suite, à d’autres régions du cerveau sont requises.

2.3.3.1.4 Administration parentérale

L’injection intraveineuse de produits contenant de l’aluminium (des solutions d’alimentation intraveineuses, par exemple) rend l’aluminium entièrement disponible à la grande circulation (Yokel et McNamara, 2001; Priest, 2004). Dans le cas de l’injection intramusculaire d’espèces d’aluminium (par la vaccination, par exemple), la totalité de l’aluminium injecté peut être absorbée par la circulation sanguine. Toutefois, le taux d’absorption dans la circulation sanguine par les cellules musculaires diffère selon le complexe d’aluminium, comme l’a démontré une étude expérimentale dans laquelle de l’hydroxyde d’aluminium (26Al) et du phosphate d’aluminium (26Al ) -- deux adjuvants de vaccins courants -- ont été injectés à des lapins à des doses standards. Après 28 jours, 17 % de l’hydroxyde d’aluminium et 51 % du phosphate d’aluminium étaient absorbés (Flarend et al., 1997). Les auteurs ont estimé que cette dose, lorsqu’administrée à des êtres humains, se traduirait par une augmentation de 0,4 mg/dL dans le plasma (se référer à la section 2.3.3.2 sur la distribution pour des estimations de concentrations plasmatiques normales).

2.3.3.1.5 Résumé des estimations de biodisponibilité de l’aluminium

Les estimations de biodisponibilité de l’aluminium présentées dans les sections 2.3.3.1.1 à 2.3.3.1.4 pour les différentes voies d’exposition sont résumées dans le tableau 2.7. L’information permettant de déterminer ces estimations varie considérablement en fonction de la voie d’exposition et doit être prise en compte lors de l’utilisation de ces estimations dans le cadre d’une évaluation des risques.

Tableau 2.7 : Gammes de biodisponibilité estimée de l’aluminium provenant de diverses voies d’exposition chez les êtres humains et/ou les animaux
Voie d’exposition Biodisponibilité (%)
Orale

Eau potableNote de bas de page a.2

0,0086 à 0,65Note de bas de page h
0,01 à 5,1Note de bas de page i

Estimation probable proposée : 0,3

Orale

AlimentsNote de bas de page b.1

0,10 à 0,80Note de bas de page h
0,02 à 0,3Note de bas de page i

Gamme probable proposée :
0,1 à 0,3

Orale

AntiacidesNote de bas de page c
0,001 à 0,20Note de bas de page h
Orale

Ingestion de solNote de bas de page d
Inférieure ou égale aux aliments
(hypothèse par défaut)
CutanéeNote de bas de page e 0,012Note de bas de page h
PulmonaireNote de bas de page f 1,5 à 2,0Note de bas de page h
ParentéraleNote de bas de page g 100,0
2.3.3.1.6 Intégration de la biodisponibilité dans l’évaluation des risques pour la santé humaine

Tel qu’examiné précédemment, la généralement faible absorption orale de l’aluminium est bien connue (< 1 %). Il existe néanmoins une grande incertitude liée aux différences de biodisponibilité orale relativement à :

  • la biodisponibilité de l’aluminium dans différents milieux environnementaux (les sols, différents types d’aliments, l’eau potable, l’air, une application cutanée);
  • la biodisponibilité de l’aluminium chez les êtres humains vs différentes espèces d’animaux de laboratoire;
  • l’influence de la dose et du régime posologique (bolus vs exposition répétée par l’eau potable ou les aliments).

Pour la caractérisation des risques pour la santé humaine c’est la biodisponibilité relative et non la biodisponibilité absolue qui est le paramètre d’intérêt. La biodisponibilité relative d’une substance peut, par exemple, se rapporter au ratio des fractions absorbées par deux différents trajets d’exposition, ou encore au ratio de l’absorption totale chez les êtres humains (tout trajet confondu) sur l’absorption totale chez les animaux de laboratoire dans l’étude ou les études critiques.

La biodisponibilité relative peut être exprimée comme le ratio de la mesure directe de deux fractions d’absorption; elle peut aussi être établie indirectement à partir de la mesure de la bioaccessibilité in vitro, puis comparée à des bioaccessibilités in vitro (la fraction d’une substance extraite à partir d’une solution d’acide faible simulant le fluide gastrique, par exemple). Dans le cas de l’aluminium, la bioaccessibilité surestimerait considérablement la biodisponibilité puisqu’il a été démontré que seule une fraction dissoute dans l’estomac finit par être absorbée. Toutefois, dans la mesure où la bioaccessibilité est proportionnelle à la biodisponibilité, la bioaccessibilité relative est à peu près équivalente à la biodisponibilité relative.

Dans les sections précédentes, des données expérimentales ont été examinées par rapport à la biodisponibilité et à la bioaccessibilité des sels d’aluminium dans divers milieux, chez les êtres humains et les animaux de laboratoire. L’analyse qui suit réexamine ces données du point de vue la biodisponibilité relative.

Les données les plus complètes portent sur la biodisponibilité de l’aluminium dissous dans l’eau potable, mesurée dans les études humaines et animales. Les mesures d’absorption orale de l’aluminium (complexes de citrate, de chlorure, d’hydroxyde ou de lactate) varient généralement entre 0,01 % et 0,65 % chez les êtres humains et entre 0,01 % et 5,1 % chez les animaux de laboratoire. Les gammes se chevauchent dans une large mesure et ne démontrent aucune différence entre les êtres humains et les animaux en ce qui a trait à la biodisponibilité de l’aluminium dans l’eau potable. L’estimation probable proposée pour la biodisponibilité de l’aluminium chez les êtres humains et les animaux est de 0,3 % (voir tableau 2.7).

Les données sur la biodisponibilité de l’aluminium dans les aliments sont beaucoup plus limitées aussi bien chez les êtres humains que chez les animaux. La section 2.3.3.1.1 propose une gamme allant de 0,1 % à 0,8 % pour la biodisponibilité des sels d’aluminium dans les aliments chez les êtres humains et de 0,02 % à 0,3 % chez les animaux. Ces gammes ont un niveau d’incertitude élevé en raison de la base de données limitée, mais elles ne démontrent aucune différence entre les êtres humains et les animaux en ce qui a trait à la biodisponibilité de l’aluminium dans les aliments.

Les bioaccessibilités de l’aluminium dans le sol et les aliments ont aussi été comparées à la section 2.3.3.1.1. Ces données très limitées ne révèlent aucune différence dans la quantité d’aluminium disponible pour absorption dans ces deux milieux. Il est donc impossible de conclure qu’il existe des différences de biodisponibilité entre le sol et les aliments.

La comparaison de la biodisponibilité de l’aluminium dans l’eau potable et les aliments chez les êtres humains et les animaux montre un chevauchement considérable des gammes de valeurs expérimentales; la valeur probable proposée pour l’eau potable est la borne supérieure de la gamme probable proposée pour les aliments. Les données disponibles ne permettent donc pas d’établir de différence de biodisponibilité de l’aluminium dans l’eau potable et les aliments.

En ce qui a trait à l’absorption pulmonaire de l’aluminium, il existe encore une fois une importante variabilité dans les données disponibles. Elles indiquent que la biodisponibilité de l’aluminium par inhalation est susceptible d’être plus élevée que celle par voie orale; toutefois, comme les concentrations d’aluminium dans l’air ambiant et intérieur sont faibles, le facteur d’absorption de la voie d’inhalation n’influerait pas beaucoup sur l’évaluation de l’exposition cumulative par le sol, l’air, l’eau potable et les aliments.

Bien que l’absorption cutanée des sels d’aluminium soit considérée comme très faible, les données sont extrêmement limitées (issues de deux études seulement impliquant une ou deux personnes) (voir section 2.3.3.1.2). Aucune conclusion finale ne peut donc être tirée quant à leur biodisponibilité relative, bien que l’information disponible indique qu’elle soit plus faible que celle d’autres voies d’exposition.

La prise en compte de la biodisponibilité peut considérablement influer sur les conclusions d’une caractérisation des risques pour la santé humaine si les biodisponibilités relatives des différents sels, milieux d’exposition et espèces sont supérieures ou inférieures à un. Dans cette évaluation toutefois, les données disponibles limitées n’ont pas permis de démontrer que les biodisponibilités orales relatives étaient sensiblement différentes de un, qu’il s’agisse de comparaisons entre des êtres humains et des animaux de laboratoire, ou encore entre l’eau, les aliments et le sol. La biodisponibilité pulmonaire, plus élevée que la biodisponibilité orale, n’influerait pas sensiblement sur la dose absorbée estimée, les concentrations d’aluminium estimées dans l’air ambiant et intérieur étant faibles. L’exposition cutanée, associée à une très faible absorption, n’a été prise en compte que qualitativement dans cette évaluation. C’est pour ces raisons que les valeurs estimées de biodisponibilité par différents milieux n’ont pas été intégrées explicitement dans l’estimation de l’exposition de la population ou dans la caractérisation de la contribution relative de ces trois sels à l’exposition totale.

2.3.3.2 Distribution

Une fois absorbée dans la grande circulation, une grande partie du Al3+ se lie facilement aux sites de fixation de la transferrine (Tf), la protéine plasmatique transporteuse de fer. Comme, dans des conditions normales, la Tf dans le sang n’est saturée de fer qu’au tiers, des sites de fixation sont disponibles pour l’aluminium absorbé (Harris et al., 1996). Par conséquent, le complexe Al-Tf devient l’espèce prédominante d’aluminium dans le plasma, représentant environ 91 % de l’aluminium total dans le plasma (7 % à 8 % de l’aluminium est associé au citrate et moins de 1 % au phosphate ou à l’hydroxyde) (Martin, 1996). Day et al. (1994) ont d’ailleurs indiqué qu’une heure après l’ingestion de citrate d’aluminium (26Al), 99 % du 26Al présent dans le sang a été mesuré dans le plasma - 80 % était lié à la Tf, 10 % à l’albumine et 5 % à des protéines à faible poids moléculaire; après 880 jours, 86 % de l’aluminium sanguin était lié aux protéines plasmatiques (surtout la Tf) et le reste aux érythrocytes.

Le squelette est le principal compartiment physiologique de l’aluminium. Krewski et al. (2007) ont indiqué qu’environ 58 %, 26 %, 11 %, 3 %, 0,95 %, 0,3 %, 0,25 % et 0,2 % de la charge corporelle d’aluminium se trouverait dans les os, les poumons, les muscles, le foie, le cerveau, le cœur, les reins et la rate respectivement. L’aluminium mesuré dans les poumons représente peut-être le dépôt de particules en suspension. Une quantité notable d’aluminium analysé dans la peau est aussi susceptible de provenir de l’aluminium non absorbé déposé sur la peau (Priest, 2004).

Il a été démontré que le transport de l’aluminium dans le corps et son dépôt dans les tissus et les organes varient beaucoup (Priest, 2004). Certains des mêmes facteurs affectant l’absorption de l’aluminium expliquent peut-être cette variabilité qui produit différentes concentrations d’aluminium dans les tissus et les organes. La présence de citrate, par exemple, semble accroître la distribution d’aluminium dans les tissus avant sa liaison avec la Tf (Quartley et al., 1993; Maitani et al., 1994). Selon Jouhanneau et al. (1997), l’ingestion concomitante de citrate comparée à celle sans citrate accroît l’absorption d’aluminium, sans toutefois modifier la distribution relative de 26Al dans les os, le cerveau et le foie.

Des études expérimentales ont indiqué des volumes de distribution (Vd) pour l’aluminium, décrivant son potentiel de distribution dans les tissus et les organes. La plupart de ces études ont indiqué que le Vd initial serait à peu près égal au volume de sang (Krewski et al., 2007). De plus longues périodes de prélèvement ont cependant mené à un Vd plus élevé, indiquant une dépendance possible entre le taux d’élimination et les concentrations d’aluminium dans le sang (Krewski et al., 2007) (voir section 2.3.3.3). La biodisponibilité orale de l’aluminium calculé à partir du volume sanguin au lieu du Vd peut donc être sous-estimée (voir section 2.3.3.1).

Comme les effets neurologiques, sur la reproduction et le développement sont les plus préoccupants par rapport aux expositions environnementales déterminées dans cette évaluation (voir section 3.2.3.2), une attention particulière est accordée aux processus de distribution conduisant à une accumulation dans le cerveau et le fœtus. La rétention d’aluminium dans les os a aussi été étudiée, puisqu’elle joue un rôle important dans la cinétique de l’aluminium. Les principales observations concernant la rétention dans ces tissus ainsi que les concentrations plasmatiques d’aluminium sont brièvement décrites dans ce qui suit.

Le plasma

Lors de l’examen des concentrations d’aluminium dans le sang de personnes en santé, des mesures dans le plasma ou le sérum variant de 0,19 mg/dL à 1,02 mg/dL ont été observées dans 11 études (Nieboer et al., 1995). Cependant, selon les auteurs, les problèmes potentiels de prévention de la contamination et d’optimisation de la sensibilité d’analyse ont influé sur les estimations des rapports précédents; la valeur réelle reposerait plutôt entre 0,11 et 0,32 µg/dL (0,04 à 0,12 µmol/L). Valkonen et Aitio (1997) ont indiqué une concentration moyenne d’aluminium de 0,16 µg/dL (0,06 µmol/L) dans le sérum d’une population en santé, non exposée (n = 44) n’ayant pas utilisé de médicaments antiacides. Dans une autre étude, la concentration sérique moyenne de 18 sujets n’utilisant pas de médicaments contenant de l’aluminium était de 0,099 µg/dL (Razniewska et Trzcinka-Ochocka, 2003). Liao et al. (2004) ont observé des concentrations d’aluminium dans le sang d’employés de trois entreprises spécialisées en optoélectronique à Taiwan, en Chine. La concentration médiane d’aluminium mesurée était de 0,36 µg/dL chez les employés exposés (n = 103) et de 0,32 µg/dL chez les employés de bureau non exposés (n = 67). Des concentrations d’aluminium plus élevées ont été observées chez les soudeurs d’aluminium, avec des concentrations plasmatiques moyennes de 1,25 à 1,39 µg/dL (avant le quart de travail) et de 1,48 à 1,86 µg/dL (après le quart de travail) (Kiesswetter et al., 2007).

Des données sur les concentrations sériques mesurées d’aluminium chez des animaux exposés par l’alimentation normale de laboratoire ont été identifiées. Kohila et al. (2004), Johnson et al. (1992), Gonzalez-Munoz et al. (2008) et Kaneko et al. (2004) ont indiqué des valeurs allant d’environ 0,15 à 0,66 mg/dL chez différentes souches de rats et de souris. Il est à noter que certaines variations de concentrations sériques sont probablement attribuables à la variabilité élevée des concentrations d’aluminium présentes dans les différents marques et lots de nourriture de laboratoire.

Aucune étude comparant les concentrations sériques des animaux et des êtres humains à l’aide de la même méthode d’analyse n’a pu être identifiée. Comme la teneur en aluminium de l’alimentation standard des animaux de laboratoire est sensiblement plus élevée que celle de l’alimentation humaine type, il n’est pas improbable que les concentrations sériques d’aluminium observées chez les animaux de laboratoires soient généralement plus élevées que celles observées chez les humains.

Les os

Les os présentent plus d’affinité pour l’aluminium que le cerveau; par exemple, la concentration d’aluminium dans les os est environ cinq fois plus élevée que celle dans le cerveau après une exposition répétée chez des rats et des lapins (DuVal et al., 1986; Fiejka et al., 1996; Garbossa et al., 1998). Toutefois, l’élimination plus lente de l’aluminium dans le cerveau que dans les os peut être attribuée en partie au taux de renouvellement des cellules osseuses et au manque de renouvellement des neurones (Krewski et al., 2007).

L’aluminium dans les os est généralement capté au niveau du front de minéralisation et de l’ostéoïde (Boyce et al., 1981; Cournot-Witmer et al., 1981; Ott et al., 1982; Schmidt et al., 1984). Trois mécanismes possibles de dépôt d’aluminium dans les os régissent le taux d’élimination de l’aluminium dans cette matrice (Priest, 2004). Tout d’abord, l’aluminium peut se fixer à la surface des os par échange hétéroionique avec le calcium; cet aluminium peut être facilement libéré dans les fluides situés à proximité de la surface des os, puis fixé à la Tf. L’aluminium peut aussi être intégré à la structure du cristal d’hydroxyapatite en développement durant la formation de la structure minérale, ce qui fixe solidement la molécule aux cellules osseuses; la libération subséquente d’aluminium de la structure osseuse est minime. Et enfin, l’aluminium peut être complexé à des composants organiques à la surface des os. En pareil cas, la migration de l’aluminium par dépôt au niveau du front de minéralisation peut se produire et mener à un renouvellement lent.

Le cerveau

Les concentrations mesurées dans le cerveau de rats exposés allaient de 0,0006 % à 0,0009 % de la dose d’aluminium administrée par gramme de cerveau, après une injection intraveineuse ou intrapéritonéale (Krewski et al., 2007). Il a été avancé que 90 % de l’aluminium du cerveau était lié au citrate, 5 % à l’hydroxyde, 4 % à la Tf et 1 % au phosphate (Yokel, 2001). Chez les êtres humains, l’accumulation d’aluminium est plus importante dans le cortex cérébral et l’hippocampe que dans toute autre structure du cerveau (Gupta et al., 2005).

L’aluminium peut atteindre le système nerveux central de deux façons différentes : par la barrière hémato-encéphalique ou le liquide céphalorachidien sécrété par les plexus choroïdes des ventricules du cerveau. Bien qu’il ait été démontré que l’aluminium traverse la barrière hémato-encéphalique par la voie de l’endocytose par récepteur de la Tf des complexes Al-Tf (Roskams et Connor, 1990), d’autres mécanismes d’absorption, indépendants de la Tf, tels que la diffusion des espèces d’aluminium à faible poids moléculaire ou d’autres processus de transport semblent aussi être impliqués (Yokel et McNamara, 1988; Allen et al., 1995; Radunovic et al., 1997). L’aluminium peut aussi atteindre le cerveau par l’épithélium nasal grâce au transport axonal (Perl et Good, 1987; Zatta et al., 1993), bien que l’importance potentielle de ce trajet n’ait pas été quantifiée. À l’exception d’un cadre professionnel particulier, on ne s’attend toutefois pas à ce que le transport axonal contribue sensiblement à l’exposition de la population générale, en raison de la faible concentration d’aluminium dans l’air ambiant (voir section 2.3.2.1).

Le transport de l’aluminium hors du cerveau semble survenir lors de sa liaison avec le citrate (Yokel, 2000). La capacité d’élimination de l’aluminium du cerveau est faible (Krewski et al., 2007). Par exemple, Yokel et al. (2001b) ont indiqué que la concentration d’aluminium dans le cerveau de rats à qui du 26Al-Tf avait été administré par voie IV n’avait pas diminué de façon notable après 128 jours.

Le placenta et le fœtus

L’aluminium parvient au placenta et au fœtus comme l’ont démontré des études expérimentales dans lesquelles de l’aluminium a été administré à des lapins, des souris et des cobayes par différentes voies lors de la gestation (Yokel, 1985; Cranmer et al., 1986; Golub et al., 1996b; Yumoto et al., 2000). Yumoto et al. (2000) ont estimé qu’environ 0,2 % de la dose de chlorure d’aluminium (26Al) injectée par voie sous-cutanée a été transférée au fœtus ainsi qu’au placenta. Dans l’étude de Cranmer et al. (1986), la concentration fœtale d’aluminium a sensiblement augmenté suite à l’administration intrapéritonéale et orale, avec une augmentation plus marquée pour la dose intrapéritonéale. Aucune étude n’a examiné la concentration d’aluminium dans le placenta humain.

Le lait

L’aluminium est transféré du sang au lait de façon efficace chez les animaux laitiers exposés (Yokel et McNamara, 1985; Muller et al., 1992; Yumoto et al., 2000) ainsi que chez les mères allaitantes (voir section 2.3.2.5). D’après les calculs de Findlow et al. (1990), la quasi-totalité de l’aluminium dans le lait (maternel et bovin) est associée au citrate, dont environ 88 % sous forme de Al(citrate)(OH)2-2 et environ 11 % sous forme de Al(citrate) (OH)-1.

2.3.3.3 Élimination

Le rein est le principal organe d’excrétion de l’aluminium (> 95 %) (Exley et al., 1996; Krewski et al., 2007). L’excrétion urinaire se produit probablement par filtration passive au niveau du glomérule rénal, plutôt que par sécrétion active au niveau du tube proximal. Cette hypothèse est fondée sur les résultats d’études animales démontrant que le taux d’élimination de l’aluminium est à peu près semblables au taux de filtration glomérulaire en supposant que seule la fraction libre d’aluminium est éliminé du sang (Henry et al., 1984; Yokel et McNamara, 1985, 1988). Si cette hypothèse est valide, les facteurs influant sur ce taux de filtration glomérulaire (une maladie rénale, une grossesse et l’âge, par exemple) devraient aussi affecter le taux d’élimination de l’aluminium (Guyton, 1991). En effet, il a été observé que les personnes ayant une insuffisance rénale avaient une plus faible capacité d’élimination (Nieboer et al., 1995; Krewski et al., 2007).

Une petite partie de l’aluminium absorbé semble être éliminée par d’autres voies d’excrétion. L’excrétion biliaire est probablement la seconde voie la plus importante. La plupart des études expérimentales réalisées sur des animaux ont démontré que moins de 1,5 % de l’aluminium total était éliminé par excrétion biliaire (Krewski et al., 2007). La transpiration, la salive et le fluide séminal peuvent contribuer aussi, dans une moindre mesure, à éliminer l’aluminium du corps (Krewski et al., 2007).

Le taux d’élimination de l’aluminium semble réglé par la présence de divers complexes d’aluminium dans la grande circulation du corps. Les complexes de citrate d’aluminium sont éliminés plus facilement que l’Al-Tf (Maitani et al., 1994), le poids moléculaire plus faible du complexe de citrate d’aluminium facilitant probablement la filtration glomérulaire. Ceci explique peut-être pourquoi la présence de citrate peut accroître l’élimination rénale (Van Ginkel et al., 1993; Cochran et al., 1994). La présence concomitante d’aluminium et de silicium produit aussi un complexe filtrable (probablement semblable à celui observé dans le tractus gastro-intestinal); ce complexe semble favoriser l’excrétion rénale en limitant la réabsorption rénale de l’aluminium (Bellia et al., 1996; Birchall et al., 1996). Le fluore est un élément naturel qui contribue également à éliminer rapidement l’aluminium (Chiba et al., 2002).

Des éliminations plus faibles d’aluminium du corps et, par conséquent, des demi-vies d’élimination (t½) plus élevées ont été observées suite à une augmentation des doses d’aluminium dans le cadre de certaines études animales (Höhr et al., 1989; Pai et Melethil, 1989; Xu et al., 1991). Ceci s’explique probablement par le fait que la fraction des complexes d’aluminium ultrafiltrables décroît lorsque les concentrations d’aluminium dans le sang augmentent (Xu et al,. 1991; Yokel et McNamara, 1988). D’ailleurs, Greger et Radzanowski (1995) ont obtenu une corrélation positive entre la t½ de l’aluminium dans le tibia et les reins de rats exposés et leur âge, indiquant que la capacité d’éliminer l’aluminium peut décroître avec le temps.

Priest et al. (1995) et Talbot et al. (1995) ont étudié le taux d’élimination de l’aluminium chez les êtres humains en se basant sur les profils chronologiques de l’aluminium dans le sang et l’urine de sept volontaires ayant reçu des injections intraveineuses de citrate d’aluminium (26Al). Le sang, l’urine et les selles ont été prélevés durant les cinq jours qui ont suivi l’injection, à l’exception du volontaire de Priest et al. (1995) pour qui le suivi a eu lieu après 13 jours. Environ 59,1 % (gamme 46,4 % - 74,42 %) de la dose a été excrétée dans l’urine totale recueillie durant les 24 heures qui ont suivi l’injection, tandis qu’après cinq jours, environ 71,8 % de la dose a été retrouvée dans l’urine (gamme 62,3 % - 82,9 %). Ces résultats diffèrent sensiblement de ceux de l’étude de Steinhausen et al. (2004) dans laquelle deux volontaires ont reçu une injection de chlorure d’aluminium (26Al) par voie IV et l’excrétion urinaire après cinq jours ne représentait que 25 % de la dose.

Priest et al. (1995) et Talbot et al. (1995) ont décrit la rétention corporelle, la concentration dans le sang et l’excrétion urinaire d’aluminium dès le premier jour suivant l’injection, sous la forme d’une fonction de puissance (par exemple, Cb(t) = 0,37t-0,9, exprimé sous forme de pourcentage d’injection par litre). Dans le cadre d’une étude ayant une période de suivi de 11 ans, Priest (2004) a démontré que le modèle de rétention corporelle de l’aluminium doit être représenté sous forme d’équation multi-exponentielleNote de bas de page 13. De nombreuses études ont d’ailleurs démontré que le taux d’élimination de l’aluminium dans le sang décroît avec le temps suite à l’administration d’aluminium; ainsi, une seule t½ ne peut décrire l’élimination corporelle de l’aluminium (Priest, 2004). Certains auteurs ont tenté de calculer les t½  d’aluminium spécifiques aux tissus et aux organes des rats (Greger et al., 1994; Greger et Radzanowski, 1995; Rahnema et Jennings, 1999). En général, il a été démontré que l’aluminium qui se dépose sur des tissus et des organes bien perfusés (les reins et les poumons, par exemple) est libéré plus rapidement que celui des tissus perfusés lentement (les os et la rate, par exemple). Ces valeurs de t½ varient de 2,3 à 113 jours. Toutefois, même si le cerveau est bien perfusé, la rétention de l’aluminium semble élevée (voir section 2.4.2.2). En se basant sur des données expérimentales animales, Krewski et al. (2007) ont estimé que la t½ de l’aluminium qui se dépose dans le cerveau varie entre 13 et 1635 jours.

Un modèle multicompartimental a été élaboré pour décrire la cinétique de l’aluminium chez les êtres humains en se fondant sur la rétention de 26Al du volontaire de l’étude de Priest et al. (1995) suivi sur une période de plus de dix ans (Priest, 2004). Cinq compartiments ont été utilisés pour décrire l’accumulation d’aluminium dans les différents organes et tissus; chaque compartiment s’est vu attribuer des tissus ou des organes particuliers ainsi qu’une demi-vie d’élimination. Ces compartiments étaient alimentés par le compartiment de sang et des fluides extracellulaires. Nolte et al. (2001) ont également proposé un modèle compartimental ouvert pour décrire la cinétique de l’aluminium chez les êtres humains en se fondant sur la liaison de l’aluminium avec la transferrine et le citrate; ce modèle a été utilisé par Steinhausen et al. (2004).

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