Évaluation préalable

Groupe des substances azoïques aromatiques et à base de benzidine
Certaines amines aromatiques

Environnement et Changement climatique Canada
Santé Canada
Mai 2016

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Table des matières

Liste des tableaux

Sommaire

Conformément aux articles 68 et 74 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) [LCPE (1999)], les ministres de l'Environnement et de la Santé ont procédé à une évaluation préalable de 16 amines aromatiques. Ces substances constituent un sous-groupe du groupe des substances aromatiques azoïques et à base de benzidine évaluées dans le cadre de l'Initiative des groupes de substances du Plan de gestion des produits chimiques (PGPC) du gouvernement du Canada d'après leur similarité structurale et leurs applications. Ces substances figurent parmi celles qui ont été jugées prioritaires pour une évaluation, car elles répondaient aux critères de catégorisation en vertu du paragraphe 73(1) de la LCPE (1999) ou étaient considérées comme prioritaires en raison d'autres préoccupations relatives à la santé humaine.

Le numéro de registre du Chemical Abstracts Service (n° CAS)Note de bas de page[1], les noms dans la Liste intérieure des substances (LIS) et les noms communs des 16 substances du sous-groupe des amines aromatiques sont présentés dans le tableau ci-dessous.

Identité des 16 amines aromatiques dans le groupe des substances azoïques aromatiques et à base de benzidine
N° CASNom dans la Liste intérieureNom commun utilisé dans la présente évaluation
88-53-9Note de bas de page 0 [b]Acide 5-amino-2-chlorotoluène-4-sulfoniqueAmine Red Lake C
90-04-0Note de bas de page 0 [a],[b]o-Anisidineo-Anisidine
91-59-8[a], [b]2-Naphtylamine2-Naphtylamine
95-51-22-Chloroaniline2-Chloroaniline
95-53-4[a], [b]o-Toluidineo-Toluidine
95-76-13,4-Dichloroaniline3,4-Dichloroaniline
95-80-7[a], [b]4-Méthyl-m-phénylènediamineToluène-2,4-diamine
100-01-6[b]4-Nitroaniline4-Nitroaniline
106-47-8[a], [b]4-Chloroaniline4-Chloroaniline
106-49-0[b]p-Toluidinep-Toluidine
108-45-2m-PhénylènediamineBenzène-1,3-diamine
123-30-8[b]4-Aminophénolp-Aminophénol
156-43-4 [b]p-Phénétidinep-Phénétidine
540-23-8 [b]Chlorure de p-toluidiniumChlorhydrate de p-Toluidine
541-69-5 [b]m-Phénylènediamine, dichlorhydrate1,3-Diaminobenzène dihydrochloride
615-05-4[a], [b]4-Méthoxy-m-phénylènediamine2,4-Diaminoanisole
Note de bas de page 0 a

indique que l'amine aromatique fait partie des 22 amines aromatiques (UE22 énumérées à l'annexe 8 du Règlement (CE) no 1907/2006 (EU 22).

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Note de bas de page 0 b

Cette substance n'a pas été identifiée en vertu du paragraphe 73(1) de la LCPE (1999), mais a été incluse dans cette évaluation, car elle a été désignée comme étant prioritaire, d'après d'autres préoccupations relatives à la santé humaine.

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À l'échelle mondiale, les sources anthropiques d'amines aromatiques comprennent la combustion de combustibles fossiles et de biomasse, la synthèse de produits chimiques, les usines de gazéification du charbon, la fonte d'aluminium, les usines de traitement des eaux usées, les usines d'eau potable , les raffineries et les installations de production, les ateliers de teinture, et les usines de fabrication de produits chimiques. Ces 16 amines aromatiques analysées dans la présente évaluation sont des produits chimiques industriels principalement utilisés comme produits intermédiaires dans la synthèse de pigments, de colorants, de pesticides, de médicaments et de produits en caoutchouc, ainsi que dans les produits chimiques de laboratoire.

Aucune activité de fabrication de ces 16 amines aromatiques au Canada n'a été signalée comme dépassant le seuil de 100 kg/an, d'après de récentes enquêtes menées en vertu de l'article 71 de la LCPE (1999). Sept des amines aromatiques ont été déclarées comme ayant été importées au Canada en une quantité supérieure au seuil de déclaration de 100 kg/an de l'enquête. Deux autres amines aromatiques ont été déclarées comme ayant été importées au Canada, mais en une quantité inférieure au seuil de déclaration de 100 kg par an.

Environnement

Les 16 amines aromatiques sont solubles dans l'eau. En ce qui concerne les rejets potentiels dans l'eau, les sédiments et le sol, en prenant en considération les propriétés physiques et chimiques de ces substances, les amines aromatiques se lient à la matière organique dissoute, à la matière particulaire et aux sédiments avec le temps; toutefois, l'eau est considérée comme la principale voie d'exposition.

Les données expérimentales et modélisées disponibles sur la dégradation abiotique et biotique des 16 amines aromatiques indiquent que ces substances sont persistantes dans l'eau, les sédiments et le sol. Les renseignements existants sur les logarithmes des coefficients de partage octanol-eau et les facteurs de bioconcentration (FBC) chez les poissons indiquent que ces substances ne devraient vraisemblablement pas présenter de potentiel de bioconcentration ou de bioaccumulation dans les organismes aquatiques.

Il existe un vaste ensemble de données sur la toxicité aiguë et chronique des amines aromatiques pour les organismes aquatiques (concentrations efficaces médianes [CE50] ou concentrations létales médianes [CL50] : 0,0004-418 mg/L). La toxicité des composés d'aniline substitués dépend du mode d'action de la substance ainsi que du type (chloro-, méthyl-, etc.), du nombre (mono-, di-, etc.) et de la position (ortho-, méta-, para-) des substituants. Les invertébrés aquatiques (Daphnia) sont plus sensibles aux amines aromatiques que les autres organismes. Des données limitées sur la toxicité étaient disponibles pour les organismes terrestres et benthiques.

Des scénarios d'exposition aquatique ont été élaborés pour représenter les rejets environnementaux majeurs qui pourraient survenir en raison d'activités industrielles ou de consommation au cours desquelles des amines aromatiques sont utilisées. Les concentrations environnementales estimées dans le milieu aquatique ont été calculées pour les rejets des substances définies dans le cadre de l'article 71, notamment dans les scénarios suivants : fabrication de pneus, usure des pneus, formulation de cosmétiques et utilisation de produits de soins personnels et de cosmétiques par les consommateurs. La probabilité que la concentration environnementale estimée de ces amines aromatiques dépasse la concentration estimée sans effet était faible (environ 5 % ou moins) pour les quatre scénarios, ce qui signifie qu'un faible risque d'effets néfastes sur les organismes aquatiques devrait découler de ces activités industrielles et de consommation, respectivement.

Compte tenu de tous les éléments de preuve disponibles présentés dans cette évaluation préalable, le risque que les 16 amines aromatiques nuisent aux organismes et à l'intégrité générale de l'environnement est faible. On conclut que ces amines aromatiques ne satisfont pas aux critères énoncés aux alinéas 64a) ou b) de la LCPE (1999), car ils ne pénètrent pas dans l'environnement en une quantité, à une concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement ou sur la diversité biologique, ou à mettre en danger l'environnement essentiel pour la vie.

Santé humaine

Cette évaluation de la santé humaine met l'accent sur les substances dont les quantités déclarées sont supérieures au seuil de déclaration de 100 kg par an au cours des récentes enquêtes menées en vertu de l'article 71 de la LCPE (1999) ou pour lesquelles il existe des données indiquant une exposition potentielle de la population générale du Canada. L'exposition potentielle de la population générale du Canada a été caractérisée pour neuf substances, à savoir : 2-naphthylamine, o-toluidine, toluène-2,4-diamine, 4-chloroaniline, 3,4-dichloroaniline, o-anisidine, p-aminophénol, benzène-1,3-diamine et amine L'exposition potentielle de la population générale du Canada a été caractérisée pour 9 des 16 substances incluses dans cette évaluation, à savoir : 2-naphtylamine, o-toluidine, toluène-2,4-diamine, 4-chloroaniline, 3,4-dichloroaniline, o-anisidine, p-aminophénol, benzène-1,3-diamine et amine Red Lake C. L'exposition de la population générale du Canada à au moins une ou plusieurs des neuf amines aromatiques a été estimée d'après l'utilisation de certains produits de consommation, comme les ustensiles de cuisson, les textiles et les produits cosmétiques. Aucune donnée fiable sur les concentrations des neuf amines aromatiques dans les milieux naturels au Canada n'a été relevée. À l'exception du p-aminophénol, les données recueillies en vertu de l'article 71 indiquent de faibles volumes d'utilisation de ces neuf amines aromatiques au Canada; par conséquent, des expositions dans les milieux naturels ne devraient généralement pas avoir lieu pour ces substances. Dans le cas du p-aminophénol, les milieux naturels ne sont pas considérés comme une source importante d'exposition, compte tenu de l'exposition directe découlant de l'utilisation de cette substance dans les produits cosmétiques.

Aucune exposition n'était à prévoir pour les sept autres amines aromatiques de ce sous-groupe, c'est-à-dire celles qui n'ont pas été déclarées en vertu de l'article 71 et celles pour lesquelles aucune autre information indiquant une exposition n'a été recensée.

La cancérogénicité a été définie comme un effet préoccupant pour la santé dans le cas de six des neuf amines aromatiques pour lesquelles l'exposition a été caractérisée. Les substances 2-naphtylamine, o-toluidine, toluène-2,4-diamine, 4-chloroaniline et o-anisidine sont classées comme agents cancérogènes connus pour l'homme ou potentiellement cancérogènes pour l'homme par le Centre international de recherche sur le cancer (groupe 1 ou 2B) et par l'Union européenne (catégorie 1A ou 1B). La cancérogénicité n'a pas été définie comme un paramètre préoccupant pour le p-aminophénol, la benzène-1,3-diamine et l'amine Red Lake C; par conséquent, les concentrations associées à un effet critique pour la santé autre que le cancer ont été choisies pour la caractérisation des risques.

D'après une étude dirigée par Santé Canada en 2012, quatre substances (2-naphtylamine, toluène-2,4-diamine, 4-chloroaniline et o-anisidine) ont été détectées dans certains produits de textile et de cuir importés. Les marges entre les estimations de l'exposition de la population générale par contact cutané avec des textiles et par la mise en bouche de textiles par des nourrissons et les seuils critiques d'effet sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant les effets sur la santé et l'exposition.

Des données indiquent que les substances o-toluidine, toluène-2,4-diamine, o-anisidine, 4-chloroaniline et benzène-1,3-diamine résiduelles peuvent migrer vers les aliments préparés avec des ustensiles de cuisson en polyamide. Les marges entre l'estimation de l'exposition quotidienne par voie orale attribuable à l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide et les seuils critiques d'effet sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant les effets sur la santé et l'exposition.

Des expositions aux substances p-aminophénol, benzène-1,3-diamine, 4-chloroaniline et amine Red Lake C ont été signalées du fait de l'utilisation de certains produits cosmétiques. Les marges entre les estimations de l'exposition et les seuils critiques d'effet pour chacune de ces substances sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant les effets sur la santé et l'exposition.

L'o-toluidine a été détectée à de faibles concentrations dans le lait maternel chez un petit échantillon de femmes canadiennes. La marge entre l'estimation de l'absorption quotidienne d'o-toluidine dans le lait maternel chez les nouveau-nés qui ne sont pas nourris avec une préparation pour nourrissons et le seuil critique d'effet est considérée comme adéquate pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant les effets sur la santé et l'exposition.

Pour les sept amines aromatiques restantes (2,4-diaminoanisole, 2-chloroaniline, p-toluidine, chlorhydrate de p-toluidine, 4-nitroaniline, p-phénétidine et dichlorhydrate de m-phénylènediamine), aucune information n'a été relevée pour appuyer l'exposition actuelle de la population générale du Canada. Ainsi, le risque pour la santé humaine découlant de ces substances n'est pas prévu.

Certaines amines aromatiques figurant dans la présente évaluation préalable ont des effets préoccupants en raison du potentiel de cancérogénicité. Bien que l’information disponible n’indique pas de risque pour ka santé humaine pour les canadiens aux niveaux actuels d’exposition, il pourrait y avoir des préaccupations si l’exposition augmentait.

À la lumière des renseignements contenus dans la présente évaluation préalable, on conclut que les amines aromatiques évaluées dans cette évaluation ne satisfont pas aux critères énoncés à l'alinéa 64c) de la LCPE (1999), car ils ne pénètrent pas dans l'environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.

Conclusion générale

On conclut que les amines aromatiques étudiées dans la présente évaluation ne satisfont à aucun des critères énoncés à l'article 64 de la LCPE (1999).

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1. Introduction

Conformément aux articles 68 et 74 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) [LCPE (1999)] (Canada, 1999), les ministres de l'Environnement et de la Santé procèdent à une évaluation préalable des substances afin de déterminer si elles présentent ou sont susceptibles de présenter un risque pour l'environnement ou la santé humaine.

L'Initiative des groupes de substances constitue un élément clé du Plan de gestion des produits chimiques (PGPC) du gouvernement du Canada. Le groupe des substances azoïques aromatiques et à base de benzidine comprend 358 substances qui ont été déclarées prioritaires pour une évaluation, car elles satisfaisaient aux critères de catégorisation en vertu de l'article 73 de la LCPE (1999) ou étaient considérées comme prioritaires en raison de préoccupations relatives à la santé humaine (Environnement Canada et Santé Canada, 2007). D'autres administrations ont déterminé que certaines substances de ce groupe de substances représentent une source de préoccupations en raison du risque de clivage des liaisons azoïques, qui peut mener à la libération d'amines aromatiques connues pour être cancérogènes ou génotoxiques, ou susceptibles de l'être.

Bien que bon nombre de ces substances présentent des caractéristiques structurelles communes et des usages fonctionnels similaires comme teintures ou pigments dans plusieurs secteurs, nous avons tenu compte de la diversité importante au sein de ce groupe de substances en établissant des sous-groupes. L'établissement de sous-groupes en fonction de leurs similitudes structurelles, de leurs propriétés physiques et chimiques, ainsi que de leurs utilisations et applications fonctionnelles communes permet de tenir compte de la variabilité au sein de ce groupe de substances et de mettre en œuvre des approches propres aux sous-groupes dans le cadre des évaluations préalables. La présente évaluation préalable vise 16 substances qui appartiennent au sous-groupe des « amines aromatiques ». Deux autres substances, 4,4'-méthylènedianiline (n° CAS 101-77-9) et 4,4'-méthylènebis(2-chloroaniline) (n° CAS 101-14-4), étaient également incluses à l'origine dans le sous-groupe des amines aromatiques, mais ne sont pas prises en considération dans la présente évaluation. La 4,4'-méthylènedianiline est évaluée dans le cadre de l'initiative du Groupe de substances de diisocyanates de méthylènediphényle et de méthylènediphényldiamines (DMD/MDD)Note de bas de page[2], et un processus d'évaluation distinct est suivi pour le 4,4'-méthylènebis(2-chloroaniline) afin de mieux correspondre aux activités internationales sur cette substance.

Les amines aromatiques peuvent être produites par le clivage de la liaison azoïque des substances azoïques aromatiques et à base de benzidine. Certaines amines aromatiques, communément appelées amines aromatiques figurant sur EU22Note de bas de page[3], ainsi que les colorants azoïques connexes font l'objet de restrictions dans d'autres pays (Union européenne, 2006). Des renseignements sur l'approche de création de sous-groupes pour le groupe des substances azoïques aromatiques et à base de benzidine en vertu du Plan de gestion des produits chimiques, ainsi que des renseignements généraux additionnels et le contexte réglementaire, figurent dans un document préparé par Environnement Canada et par Santé Canada (2013a).

Les évaluations préalables sont axées sur les renseignements permettant de déterminer si les substances satisfont aux critères énoncés à l'article 64 de la LCPE (1999). Pour ce faire, les renseignements scientifiques sont examinés afin de tirer des conclusions en intégrant la méthode du poids de la preuve et le principe de prudenceNote de bas de page[4].

La présente évaluation préalable tient compte des renseignements sur les propriétés chimiques, le devenir dans l'environnement, les dangers, les utilisations et l'exposition, ainsi que des renseignements supplémentaires soumis par les intervenants. Nous avons relevé des données pertinentes jusqu'en octobre 2013. Les données empiriques obtenues d'études clés, ainsi que certains résultats de modélisation ont servi à formuler des conclusions. Lorsqu'ils étaient disponibles et pertinents, les renseignements contenus dans les évaluations effectuées par d'autres instances ont été utilisés.

La présente évaluation préalable ne constitue pas un examen exhaustif de toutes les données disponibles. Étant donné que les effets élevés sur la santé humaine et les risques écologiques associés à bon nombre de ces amines aromatiques sont bien établis et ont déjà fait l'objet d'évaluations approfondies par d'autres organismes, la présente évaluation préalable a pour but de caractériser le risque aux degrés d'exposition prévus au Canada, d'après les principales utilisations de ces substances. À ce titre, elle fait état des études et des éléments de preuve les plus importants pour appuyer la conclusion.

La présente évaluation préalable a été préparée par le personnel du Programme des substances existantes de Santé Canada et d'Environnement Canada et elle intègre les résultats d'autres programmes exécutés par ces ministères. Les parties de la présente évaluation préalable qui portent sur la santé humaine et l'écologie ont fait l'objet d'un examen externe par écrit par des pairs ou d'une consultation de ces derniers. M. Harold Freeman, Ph. D. (North Carolina State University, États-Unis) et Mme Gisela Umbuzeiro, Ph. D. (University of Campinas, Brésil) ont fourni des commentaires sur les parties techniques concernant l'environnement. M. David Josephy, Ph. D. (Université Guelph, Canada), Michael Bird, Ph. D. (Université d'Ottawa, Canada) et Kannan Krishnan, Ph. D. (Université de Montréal, Canada) ont fourni des commentaires sur les portions techniques concernant la santé humaine. De plus, une ébauche de cette évaluation préalable a fait l'objet d'une période de commentaires du public de 60 jours. Bien que des commentaires externes aient été pris en considération, Santé Canada et Environnement Canada assument la responsabilité du contenu final et des résultats de l'évaluation préalable.

Les principales données et considérations sur lesquelles repose la présente évaluation sont présentées ci-après.

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2. Identité des substances

La présente évaluation préalable cible 16 substances qui appartiennent au sous-groupe des amines aromatiques faisant partie du groupe des substances azoïques aromatiques et à base de benzidine. Ce sous-groupe a été établi à partir des similarités structurales et comprend les substances définies comme des produits prévus du clivage des liaisons azoïques parmi celles faisant partie du groupe des substances azoïques aromatiques et à base de benzidine (tableau 2-1). Pour les besoins de cette évaluation préalable, les 16 amines aromatiques figurant dans le tableau 2-1 sont appelées collectivement « amines aromatiques ».

Tableau 2-1. Identité des 16 amines aromatiques
N° CASNom dans la LISNom commun utilisé dans le présent rapport
88-53-9Acide 5-amino-2-chlorotoluène-4-sulfoniqueAmine Red Lake C
90-04-0o-Anisidineo-anisidine
91-59-82-Naphtylamine2-naphtylamine
95-51-22-Chloroaniline2-chloroaniline
95-53-4o-Toluidineo-toluidine
95-76-13,4-Dichloroaniline3,4-dichloroaniline
95-80-74-Méthyl-m-phénylènediamineToluène-2,4-diamine
100-01-64-Nitroaniline4-nitroaniline
106-47-84-Chloroaniline4-chloroaniline
106-49-0p-Toluidinep-toluidine
108-45-2m-PhénylènediamineBenzène-1,3-diamine
123-30-84-Aminophénolp-aminophénol
156-43-4p-Phénétidinep-phénétidine
540-23-8Chlorure de p-toluidiniumChlorhydrate de p-toluidine
541-69-5m-Phénylènediamine, dichlorhydrateDichlorhydrate de m-phénylènediamine
615-05-44-Méthoxy-m-phénylènediamine2,4-diaminoanisole

Abréviations :
N° CAS, numéro de registre du Chemical Abstracts Service;
LIS, liste intérieure des substances.

Les amines aromatiques sont des composés organiques qui contiennent au moins un groupement amine fixé directement sur une partie aryle (Woo et Lai, 2012), comme un groupe phényle ou naphtyle. Afin de simplifier l'analyse et la présentation de l'ensemble de données important dont nous disposons sur le sous-groupe des amines aromatiques pour l'évaluation écologique, nous avons divisé les substances du sous-groupe des amines aromatiques en sept sous-ensembles structuraux écologiques déterminés à partir des groupes fonctionnels présentés dans le tableau 2-2. Cette division supplémentaire en sous-groupes indique systématiquement qu'il existe des différences importantes entre les sept sous-ensembles sur le plan des propriétés physiques et chimiques, de la persistance, du potentiel de bioaccumulation ou de la toxicité.

Tableau 2-2. Définitions des sept sous-ensembles écologiques d'amines aromatiques en fonction de la structure
Sous-ensemble écologiqueDéfinition
1Amines aromatiques méthylées et comptant un groupement oxy-
(un groupe fonctionnel méthyle, méthoxy ou éthoxy; n = 5)
2Amines phénoliques
(un groupe fonctionnel hydroxyle; n = 1)
3Benzènediamines
(deux groupes fonctionnels amines; n = 4)
4Amines aromatiques chlorées
(un ou deux groupes fonctionnels chlore; n = 3)
5Nitroanilines
(un groupe fonctionnel nitro; n = 1)
6Naphthalènamines
(un groupe fonctionnel naphtalène; n = 1)
7Amines aromatiques sulfoniques
(un groupe fonctionnel sulfonique; n = 1)

Le tableau 2-3 présente l'identité de chaque substance visée par cette évaluation préalable par sous-ensemble structural écologique. Une liste des autres dénominations chimiques (p. ex., les appellations commerciales) est disponible auprès du National Chemical Inventories(NCI, 2012).

Tableau 2-3. Identité et structure des 16 substances présentées dans sept sous-ensembles écologiques
Sous-ensemble écologiqueSubstanceDescription des groupes fonctionnels critiquesStructureMasse moléculaire (g/mol)
1o-toluidineGroupe amine (1), groupe méthyle (1) [position ortho] Structure chimique o-toluidine107,2
1p-toluidineGroupe amine (1), groupe méthyle (1) [position para] Structure chimique p-toluidine107,2
1Chlorhydrate de p-toluidineGroupe amine (1), groupe méthyle (1) [position para] Structure chimique p-toluidine hydrochloride143,62
1o-anisidineGroupe amine (1), groupe méthoxy (1) [position ortho] Structure chimique o-anisidine123,16
1p-phénétidineGroupe amine (1), groupe éthoxy (1) [position para] Structure chimique p-phenetidine137,18
2p-aminophénolGroupe amine (1), groupe alcool (1) [position para] Structure chimique p-aminophenol109,13
3Benzène-1,3-diamineGroupes amines (2) Structure chimique 1,3-diaminobenzene108,14
3Toluène-2,4-diamineGroupes amines (2), groupe méthyle (1) Structure chimique 2,4-diaminotoluene122,17
3Dichlorhydrate de m-phénylènediamineGroupes amines (2) Structure chimique 1,3-diaminobenzene dihydrochloride181,06
32,4-diaminoanisoleGroupes amines (2), groupe méthoxy (1) Structure chimique 2,4-diaminoanisole138,17
42-chloroanilineGroupe amine (1), groupe chlore (1) [position ortho] Structure chimique 2-chloroaniline127,57
44-chloroanilineGroupe amine (1), groupe chlore (1) [position para] Structure chimique 4-chloroaniline127,57
43,4-dichloroanilineGroupe amine (1), groupes chlore (2) Structure chimique 3,4-dichloroaniline162,02
54-nitroanilineGroupe amine (1), groupe nitro (1) [position para] Structure chimique 4-nitroaniline138,13
62-naphtylamineGroupe amine (1), groupe naphtyle (1) Structure chimique 2-naphthylamine143,19
7Amine Red Lake CGroupe amine (1), groupe méthyle (1), groupe chlore (1), groupe sulfonique (1) Structure chimique red lake c amine221,66

2.1  Sélection des analogues et utilisation de modèles de relations quantitatives structure-activité [R(Q)SA]

Des lignes directrices relatives à l'utilisation des méthodes de déduction de données à partir d'analogues ont été élaborées par divers organismes comme l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2014). Elles ont été appliquées dans le cadre de divers programmes de réglementation, y compris le Programme des substances existantes de l'Union européenne (UE). Le rapport d'Environnement Canada et de Santé Canada (2013a) fournit la méthode de sélection des analogues, ainsi que l'utilisation des modèles sur les relations (quantitatives) structure-activité [R(Q)SA]. Le recours aux analogues n'a pas été nécessaire pour la caractérisation des effets sur la santé humaine, à l'exception de la caractérisation des effets sur la santé de la 3,4-dichloroaniline et de l'amine Red Lake C (voir la section 7.3 pour plus de précisions). En ce qui concerne l'évaluation écologique, les données présentées dans les autres sections sont donc des données déduites à partir d'analogues.

Les analogues utilisés pour servir de base à l'évaluation écologique ont été choisis en fonction de la disponibilité de données empiriques pertinentes concernant les propriétés physicochimiques, la persistance, la bioaccumulation et l'écotoxicité. De telles données ont été utilisées au besoin comme données déduites à partir des analogues pour les amines aromatiques en raison du manque de données empiriques, ou comme soutien du poids de la preuve concernant les données empiriques existantes. Bien que les données déduites à partir d'analogues soient utilisées de préférence afin de combler les lacunes en matière de données pour les substances dans cette évaluation, des modèles R(Q)SA (relations quantitatives structure-activité) ont été utilisés pour produire des prévisions et leur applicabilité a été déterminée au cas par cas.

Nous avons déterminé les candidats analogues acceptables au sein du sous-groupe des amines aromatiques pour deux des 16 substances. Dans le sous-ensemble structural écologique 1, la p-toluidine est utilisée en tant que substance analogue du chlorhydrate de p-toluidine pour les propriétés physiques et chimiques, la persistance, la bioaccumulation et l'écotoxicité. Dans le sous-ensemble structural écologique 3, la benzène-1,3-diamine est utilisée en tant que substance analogue du dichlorhydrate de m-phénylènediamine pour les mêmes paramètres. Le chlorhydrate de p-toluidine et le dichlorhydrate de m-phénylènediamine se présentent sous forme de cristaux qui se comportent comme un sel et produisent respectivement la p-toluidine et la benzène-1,3-diamine lorsqu'ils sont en solution.

La 1-naphtylamine (numéro de registre du Chemical Abstracts Service [n° CAS] 134-32-7) a été choisie comme un analogue approprié de la 2-naphtylamine pour évaluer sa persistance et son potentiel de bioaccumulation. Les deux substances ont une structure similaire, la seule différence étant la position du groupe fonctionnel amine sur le groupe naphtyle. Les substances acide 4-aminotoluène-3-sulfonique (n° CAS 88-44-8) et acide 4-amino-6-chlorotoluène-3-sulfonique (n° CAS 88-51-7) ont été choisies comme des analogues appropriés de l'amine Red Lake C. L'acide 4-aminotoluène-3-sulfonique (acide 4B) a été utilisé pour évaluer la persistance et l'écotoxicité de l'amine Red Lake C, et le 4-amino-6-chlorotoluène-3-sulfonique (acide 2B) a servi à combler les lacunes dans les données sur certaines propriétés physiques et chimiques, à savoir le coefficient de partage octanol-eau (log Koe) et la pression de vapeur.

Une liste des divers analogues utilisés afin de guider cette évaluation est présentée dans le tableau 2-4, ainsi qu'une indication des paramètres pour lesquels il existe des données déduites à partir d'analogues.

Tableau 2-4. Identité des analogues utilisés pour déterminer les propriétés physiques et chimiques, le devenir dans l'environnement et l'écotoxicité des substances du sous-groupe des amines aromatiques
Nom commun
(n° CAS)
Sous-ensemble écologiqueStructure chimique et formulePoids moléculaire (g/mol)Paramètres à utiliser dans la technique de lecture croisée
1-naphtylamine
(n° CAS 134-32-7)
Naphthalènamines (sous-ensemble 6)

Structure chimique 134-32-7

C10H9N

143,19Dégradation, bioaccumulation
Acide 4B
(n° CAS 88-44-8)
Amines aromatiques sulfoniques (sous-ensemble 7)

Structure chimique 88-44-8

C7H9NO3S

187,22Dégradation, écotoxicité
Acide 2B
(n° CAS 88-51-7)
Amines aromatiques sulfoniques (sous-ensemble 7)

Structure chimique 88-51-7

C7H8ClNO3S

221,66Log Koe, pression de vapeur

Abréviation :
Koe, coefficient de partage octanol-eau;
MM, masse molaire

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3. Propriétés physiques et chimiques

Les propriétés physiques et chimiques définissent les caractéristiques globales d'une substance et sont utilisées afin de déterminer la pertinence de différentes substances pour diverses applications. De telles propriétés jouent également un rôle clé dans la détermination du devenir dans l'environnement des substances (y compris leur potentiel de transport à grande distance), ainsi que leur toxicité pour les humains et les organismes non humains.

Plusieurs propriétés physiques et chimiques, à savoir le point de fusion, l'hydrosolubilité, la taille, le coefficient de partage octanol-eau (log Koe), la pression de vapeur, la constante de la loi d'Henry et la constante de dissociation acide (pKa), sont importantes dans le cadre de l'évaluation des risques pour l'environnement et la santé humaine. Les données expérimentales et modélisées (le cas échéant) sur les propriétés physiques et chimiques se rapportant au devenir dans l'environnement et à l'écotoxicité des substances des sept sous-ensembles structuraux écologiques du sous-groupe des amines aromatiques et de leurs analogues sont présentées dans le rapport d'Environnement Canada (2014a). Des valeurs déterminantes, y compris les points de données uniques moyens (p. ex. le point de fusion et le point de décomposition) ou une gamme de valeurs, ont été choisies pour représenter les propriétés de chaque sous-ensemble structural écologique.

En général, les 16 amines aromatiques ont un faible poids moléculaire (de 107,2 à 221,66 g/mol). L'hydrosolubilité de ces substances est de modérée à élevée (de 6,4 mg/L à 238 000 mg/L) en raison de la présence d'au moins un groupe fonctionnel solubilisant, tel que le groupe fonctionnel amine. La plupart des 16 amines aromatiques sont des bases faibles (valeurs de pKa inférieures à 5,5) qui se trouveront sous forme protonée à un pH faible, mais sous forme neutre à un pH pertinent du point de vue de l'environnement (de 7 à 9). Étant donné leur caractère hydrophile et ionique, comme le montrent les valeurs faibles à modérées de pKa, les valeurs expérimentales du log Koe et du coefficient de distribution (log D) de ces 16 amines aromatiques sont généralement de très faibles à faibles. Toutefois, des différences ont été constatées entre les sept sous-ensembles structuraux écologiques d'après la plage des valeurs du log Koe (de -0,89 à 2,69), les sous-ensembles structuraux écologiques des amines aromatiques chlorées et des naphthalènamines étant associés aux valeurs de Koe supérieures. D'après la faible pression de vapeur (inférieure à 0,01 Pa) et la constante de la loi d'Henry négligeable (inférieure à 0,01 Pa m3/mol), la plupart des amines aromatiques de ce sous-groupe sont considérées comme non volatiles. Cependant, quelques substances des sous-ensembles structuraux écologiques 1 et 4 sont considérées comme semi-volatiles ou complètement volatiles d'après leur pression de vapeur (de 1,4 à 53 Pa) et leur constante de la loi d'Henry (de 0,0114 à 0,25 Pa m3/mol).

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4. Sources et utilisations

4.1  Sources

À l'échelle mondiale, les sources anthropiques des amines aromatiques sont notamment la combustion de biomasse et de combustibles fossiles, la synthèse de produits chimiques, les usines de gazéification du charbon, la fonte d'aluminium, les usines de traitement des eaux usées, les usines d'eau potable , les raffineries et les installations de production, les ateliers de teinture et les usines de fabrication de produits chimiques (Börnick et al., 1996; Jurado-Sanchez et al., 2012; Van Aken et Agathos, 2002; OCDE, 2004a; OCDE, 2005a; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008; API, 2011; Ge et al., 2011).

Au cours des dernières années (depuis 2005), les 16 substances du sous-groupe des amines aromatiques ont fait l'objet d'enquêtes effectuées en vertu de l'article 71 de la LCPE (1999). Ces enquêtes ont permis de recueillir des renseignements sur les activités de fabrication et d'importation au Canada, avec un seuil de déclaration de 100 kg/an (Canada, 2006, 2009 et 2011). Le tableau 4-1 présente un résumé des renseignements recueillis dans le cadre de ces enquêtes. Aucune de ces substances n'a été fabriquée au Canada.

Tableau 4-1. Quantités annuelles importées des amines aromatiques ayant fait l'objet des enquêtes menées en 2005, en 2008 et en 2010 (Environnement Canada, 2006, 2009, 2012)
Sous-ensemble structural écologiqueSubstanceQuantité annuelle importée en 2005 (kg)Note de bas de page 4-1 [a]Quantité annuelle importée en 2008 (kg)Note de bas de page 4-1 [b]Quantité annuelle importée en 2010 (kg)Note de bas de page 4-1 [c]
1o-toluidine100 à 1 000
1p-toluidine0 à 100
1Chlorhydrate de p-toluidineNon indiqué
1o-anisidine0 à 100
1p-phénétidine0 à 1 000
2p-aminophénol10 000 à 100 000
3Benzène-1,3-diamine1 000 à 10 000
3Toluène-2,4-diamineNon indiqué
3Dichlorhydrate de m-phénylènediamineNon indiquéNon indiqué
32,4-diaminoanisoleNon indiquéNon indiqué
42-chloroanilineNon indiqué
44-chloroaniline100 à 1 000Non indiqué
43,4-dichloroanilineNon indiqué
54-nitroanilineNon indiqué
62-naphtylamine100 à 1 000Non indiqué
7Amine Red Lake C1 000 à 10 000

– : Substance n'ayant pas fait l'objet de l'enquête

Note de bas de page 4-1 a

Environnement Canada (2006).

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Note de bas de page 4-1 b

Environnement Canada (2009).

Retour à la note de page 4-1 b

Note de bas de page 4-1 c

Environnement Canada (2012).

Retour à la note de page 4-1 c

Certaines amines aromatiques ont été décelées comme substances résiduelles dans le procédé de fabrication d'autres produits chimiques, comme impuretés ou produits de dégradation d'autres produits chimiques ou encore comme substances formées par le clivage réducteur des liaisons azoïques dans des pigments et des colorants azoïques (Environnement Canada et Santé Canada, 2013a). Par exemple, en Corée du Sud, on a mesuré l'o-toluidine dans l'effluent des eaux usées d'une usine de fabrication de pigments inorganiques, dont le jaune de chrome et le rouge de molybdate (Jo et al., 2008). L'o-toluidine et la p-toluidine ont été décelées sous forme de métabolites provenant de la dégradation de composés nitroaromatiques explosifs par des moisissures ligninolytiques (Van Aken et Agathos, 2002). La toluène-2,4-diamine peut se former par l'hydrolyse du 2,4-diisocyanate de toluène dans certaines conditions (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008). L'o-anisidine et l'o-toluidine ont été détectées dans des encres à tatouage où elles étaient présentes probablement comme résidus ou produit de fractionnement de colorants azoïques (CVUA, 2011; Hauri, 2011; Agence de protection de l'environnement du Danemark, 2012; RAPEX, 2012).

La 4-chloroaniline et la 3,4-dichloroaniline peuvent se trouver sous forme de résidus dans les aliments du fait de l'utilisation de pesticides ou de la biotransformation chimique dans les milieux naturels (BUA, 1994; Wittke et al., 2001; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006).

Au Canada, un pesticide homologué contient du diflubenzuron (communication personnelle, courriel de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], daté de 2015; source non citée), dont les résidus peuvent être métabolisés en partie in vivo en 4-chloroaniline (USEPA, 1997; EFSA, 2012).

Au Canada, aucune utilisation du propanil n'est homologuée (communication personnelle, courriel de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], daté de 2014; source non citée). Aux États-Unis, principalement en Californie et dans les états du centre sud, le propanil est homologué aux États-Unis en tant qu'herbicide sélectif en postlevée appliqué au stade de 2 à 3 feuilles de la mauvaise herbe et il est utilisé dans environ 50 à 70 % des cultures de riz aux États-Unis (USEPA, 2006). Par conséquent, le riz importé de certaines régions des États-Unis pourrait contenir des résidus du propanil et ses produits de dégradation, à savoir la 3,4-dichloroaniline.

D'autres produits contribuant potentiellement à la 3,4-dichloroaniline dans l'environnement au Canada sont les herbicides homologués, notamment le diuron (cinq préparations commerciales) et le linuron (cinq préparations commerciales) (communication personnelle, courriel de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], daté de 2014; source non citée), qui peuvent tous deux subir une biotransformation, en partie de la 3,4-dichloroaniline.

En outre, la 4-chloroaniline et la 3,4-dichloroaniline peuvent être présentes dans l'environnement sous forme de résidus de fabrication du triclocarban, une substance antibactérienne (Barber et al., 2006a,b; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006; Halden, 2006; CalEPA, 2010a). De même, la 4-chloroaniline peut aussi être présente dans les produits de consommation contenant de la chlorhexidine sous forme de résidus de synthèse ou de produit de dégradation (PISSC, 2003; Zong, 2011).

Certaines amines aromatiques ont été décelées dans la fumée de cigarette, à savoir la 2-naphtylamine, la p-toluidine, l'o-toluidine et l'o-anisidine (communication personnelle, courriel de la Direction des substances contrôlées et de la lutte au tabagisme [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], daté de 2013, source non citée; Pieraccini et al., 1992; Luceri et al., 1993; Stabbert et al., 2003; Goniewicz et Czogala, 2005; Saha et al., 2009).

4.2  Utilisations

Les données sur les utilisations des amines aromatiques proviennent des renseignements soumis en réponse aux enquêtes (Canada, 2006, 2009 et 2011), des bases de données internes de Santé Canada et des renseignements accessibles au public.

Dans l'ensemble, au Canada, aucune utilisation intentionnelle et directe n'a été relevée pour les amines aromatiques dans les aliments, les emballages alimentaires, les produits pharmaceutiques, les médicaments vétérinaires, les produits biologiques, les produits de santé naturels ou les produits antiparasitaires (communications personnelles, courriels du Bureau de gestion du risque [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], datés de 2011; source non citée).

Dix amines aromatiques figurent sur la Liste critique des ingrédients dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques (communément appelée « liste critique »), un outil administratif que Santé Canada utilise pour faire savoir aux fabricants et à d'autres intervenants que certaines substances, si elles sont présentes dans un cosmétique, peuvent contrevenir à l'interdiction générale prévue à l'article 16 de la Loi sur les aliments et drogues ou à une disposition du Règlement sur les cosmétiques (Santé Canada, 2014a). Il est indiqué dans les sections détaillées ci-après si les amines aromatiques sont inscrites sur la liste critique.

Les utilisations spécifiques de chaque amine aromatique sont décrites ci-dessous.

4.2.1  p-aminophénol

Au Canada, selon les renseignements accessibles au public et les données soumises en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71, le p-aminophénol est utilisé comme ingrédient cosmétique et comme agent de laboratoire (Canada, 2009; Environnement Canada, 2009; P&G, 2009a-d; P&G, 2010ab; P&G, 2012; P&G, 2013). D'après les notifications présentées à Santé Canada en vertu du Règlement sur les cosmétiques, il a été établi que cette substance était un ingrédient dans les colorants capillaires par oxydation (permanents), le vernis à ongle et les lotions pour le corps (communications personnelles, courriels de la Direction de la sécurité des produits de consommation [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], datés de 2011 et 2013; source non citée). En outre, le p-aminophénol est répertorié comme un composant de certains produits de coloration capillaire vendus au Canada, à des concentrations allant de 0 à 5 % (P&G, 2009a-d; P&G, 2010ab; P&G, 2012; P&G, 2013).

Par le passé, le p-aminophénol était largement utilisé comme révélateur dans le développement des pellicules en noir et blanc. Aujourd'hui, le p-aminophénol, en tant que produit de consommation, est principalement utilisé dans les colorants capillaires par oxydation (permanents). Dans l'Union européenne, le p-aminophénol est utilisé en tant que précurseur de colorant capillaire à une concentration maximale de 1,8 % (CSPC, 2011).

4.2.2  o-anisidine

Au Canada, une utilisation de l'o-anisidine a été déclarée de façon confidentielle en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71 (Canada, 2009; Environnement Canada, 2009), utilisation qui a été prise en considération dans la présente évaluation préalable.

D'après les données accessibles au public, l'o-anisidine est utilisée en tant qu'intermédiaire réactionnel dans la production de nombreux colorants et pigments (p. ex. Direct Red 72, Disperse Orange 29, Direct Yellow 44, Direct Red 24 et Acid Red 4) [CIRC, 1999]. Elle est également utilisée en tant qu'intermédiaire dans la production de produits pharmaceutiques, notamment l'expectorant guaiacol, qui est un ingrédient actif que l'on trouve dans des produits vendus au Canada (CIRC, 1999; BDPP, 2010; NTP, 2011a). Cette substance peut être utilisée comme inhibiteur de corrosion de l'acier et comme antioxydant pour les résines de polymercaptan (HSDB, depuis 1983; CIRC, 1999).

4.2.3  2-chloroaniline

Aucune information concernant l'utilisation de la 2-chloroaniline au Canada n'a été soumise en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71 (Canada, 2009; Environnement Canada, 2009). Cette substance figure sur la Liste critique des ingrédients dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques de Santé Canada comme ingrédient interdit (sous « Aniline [62-53-3], ses sels et ses dérivés halogénés et sulfonés »).

D'après les données accessibles au public, la 2-chloroaniline peut être utilisée dans le cadre de la recherche en laboratoire et à des fins commerciales en tant qu'intermédiaire réactionnel dans la production de produits chimiques du caoutchouc, de teintures, de pigments, d'agents colorants et de pesticides (Ullmann's Encyclopedia, 2010), ainsi que dans la fabrication de solvants à base de pétrole et de fongicides (Lewis, 2001).

4.2.4  4-chloroaniline

D'après les renseignements soumis en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71, la 4-chloroaniline était auparavant utilisée au Canada comme savon et détachant (Canada, 2006; Environnement Canada, 2006). Cette substance figure sur la Liste critique des ingrédients dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques de Santé Canada comme ingrédient interdit (sous « Aniline [62-53-3], ses sels et ses dérivés halogénés et sulfonés »).

À l'échelle mondiale, la 4-chloroaniline peut être utilisée en tant qu'intermédiaire réactionnel dans la production de teintures (p. ex. Vat Red 32), d'agents de pontage azoïques, de pigments (p. ex. Pigment Green 10), de produits antiparasitaires, de produits pharmaceutiques, de jouets et de vêtements pour enfants, de cosmétiques, de savons, et de produits de nettoyage (PISSC, 2003).

La 4-chloroaniline peut être employée dans la fabrication de chlorhexidine (PISSC, 2003). La chlorhexidine et ses sels (acétate, gluconate et chlorhydrate) sont des antiseptiques à large spectre utilisés pour stériliser et nettoyer la peau et les mains, traiter la plaque dentaire et la gingivite (dans certains bains de bouche), désinfecter les plaies et, de façon générale, pour lutter contre une panoplie de bactéries et de levures (Environnement Canada et Santé Canada, 2013b). La 4-chloroaniline peut être présente dans des produits qui contiennent de la chlorhexidine sous forme de résidus et en raison de l'hydrolyse de la chlorhexidine pendant l'entreposage (PISSC, 2003; Zong, 2011).

La 4-chloroaniline peut être utilisée pour synthétiser le triclocarban, qui est un agent antimicrobien et un conservateur, et peut également être présente sous forme de résidus ou à la suite d'une dégradation dans l'environnement (TCC, 2002; PISSC, 2003).

4.2.5  3,4-dichloroaniline

Aucune information concernant l'utilisation de la 3,4-dichloroaniline au Canada n'a été soumise en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71 (Canada, 2009). Cette substance figure sur la Liste critique des ingrédients dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques de Santé Canada comme ingrédient interdit (sous « Aniline [62-53-3], ses sels et ses dérivés halogénés et sulfonés »). D'après les données accessibles au public, la 3,4-dichloroaniline peut être utilisée dans le cadre de la recherche en laboratoire et à des fins commerciales en tant qu'intermédiaire réactionnel dans la production de colorants, de pigments et de pesticides (Lewis, 1993). Cette substance peut également être employée dans la fabrication du triclocarban et être présente sous forme résiduelle (PISSC, 2003).

4.2.6  2,4-diaminoanisole

Aucune information concernant l'utilisation du 2,4-diaminoanisole au Canada n'a été soumise en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71 (Canada, 2011; Environnement Canada, 2012). Cette substance figure sur la Liste critique des ingrédients dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques de Santé Canada comme ingrédient interdit (Santé Canada, 2014a).

D'après les données accessibles au public, le 2,4-diaminoanisole est généralement employé en tant qu'intermédiaire dans la fabrication de colorants et de pigments (O'Neil, 2006). On faisant grandement usage de cette substance dans les colorants capillaires et la teinture des fourrures jusqu'à la fin des années 1970 (CIRC, 2001).

4.2.7  Benzène-1,3-diamine

D'après les renseignements soumis en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71, au Canada, la benzène-1,3-diamine est utilisée pour le remplissage de pneus (Canada, 2009; Environnement Canada, 2009). D'après les notifications présentées à Santé Canada en vertu du Règlement sur les cosmétiques, il a été établi que cette substance était un ingrédient dans les colorants capillaires par oxydation (permanents), à une concentration maximale de 1 % (communication personnelle, courriel de la Direction de la sécurité des produits de consommation [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], daté de 2011; source non citée).

La benzène-1,3-diamine est utilisée à l'échelle mondiale comme composant dans la fabrication de polymères industriels, de fibres aramides, de résines époxydes, de revêtements d'émail pour fils et d'élastomères de polyuréthane (DuPont, 2011). On s'en sert également dans la production d'un grand nombre de colorants commerciaux pouvant être utilisés pour colorer divers matériaux, comme le textile, le cuir, le papier et les encres (CIRC, 1978).

4.2.8  Dichlorhydrate de m-phénylènediamine

Aucune information concernant l'utilisation du dichlorhydrate de m-phénylènediamine au Canada n'a été soumise en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71 (Canada, 2006, 2011).

D'après les données accessibles au public, cette substance sert principalement de réactif analytique comme indicateur de nitrate (CIRC, 1978). Elle est aussi utilisée dans les colorants capillaires (CIRC, 1978).

4.2.9  Toluène-2,4-diamine

Aucune information concernant l'utilisation de la toluène-2,4-diamine au Canada n'a été soumise en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71 (Canada, 2009). Cette substance figure sur la Liste critique des ingrédients dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques de Santé Canada comme ingrédient interdit (Santé Canada, 2014a).

À l'échelle mondiale, on utilise principalement la toluène-2,4-diamine dans la production du 2,4-diisocyanate de toluène, qui est ensuite utilisé pour fabriquer les polyuréthanes. Cette substance est également un produit intermédiaire dans la synthèse des colorants (p. ex. Direct Oxidation Black, Basic Brown 4, Direct Brown 31, CI Sulphur Orange 1 et Oxidation Base 20) destinés notamment aux textiles, à la fourrure, au cuir, aux indicateurs et aux colorants biologiques, aux vernis à l'alcool et aux teintures à bois (USEPA, 1986; NTP, 2011b). La toluène-2,4-diamine peut aussi être utilisée comme révélateur photographique et dans la production de résines résistantes aux chocs, de polyamides, d'antioxydants, de fluides hydrauliques, de mousses d'uréthane et d'agents stabilisants pour fongicides (USEPA, 1986; Layer, 2000; NTP, 2011b). Par le passé, cette substance était utilisée comme agent de portage dans les colorants capillaires permanents (CIRC, 2010a), puis l'Union européenne l'a interdite dans les colorants capillaires en 1983 (Commission européenne, 1983).

4.2.10  2-naphtylamine

Une entreprise a déclaré avoir importé en 2005 entre 100 et 1 000 kg de 2-naphtylamine dans du goudron de houille (anthracène) comme matière première pour la production de noir de carbone (Canada, 2006); on a confirmé récemment que cette entreprise n'utilise plus la 2-naphtylamine, et aucune information concernant l'utilisation de cette substance au Canada n'a été soumise en réponse à une enquête récente menée en vertu de l'article 71 (Canada, 2011). Cette substance figure sur la Liste critique des ingrédients dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques de Santé Canada comme ingrédient interdit (Santé Canada, 2014a). Les États-Unis ont interdit l'utilisation commerciale et la fabrication de la 2-naphtylamine au début des années 1970, puis l'Union européenne a fait de même en 1998.

Actuellement, à l'échelle mondiale, cette substance n'est utilisée qu'en laboratoire aux fins de recherche (CIRC, 2010a). Avant l'entrée en vigueur des interdictions réglementaires susmentionnées, cette substance était commercialisée en tant qu'intermédiaire pour la synthèse des colorants et en tant qu'antioxydant dans le secteur du caoutchouc (CIRC, 2010a).

4.2.11  4-nitroaniline

Aucune information concernant l'utilisation de la 4-nitroaniline au Canada n'a été soumise en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71 (Canada, 2011). D'après les données accessibles au public, la 4-nitroaniline est généralement utilisée comme intermédiaire dans la fabrication d'antioxydants, d'antiozonants, d'additifs d'essence, de colorants et de pigments (NTP, 1993; Health Council of the Netherlands, 2008).

4.2.12  p-phénétidine

D'après les renseignements soumis en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71, au Canada, la p-phénétidine est utilisée en laboratoire et dans des aliments et boissons (Canada, 2009; Environnement Canada, 2009).La p-phénétidine ne figure pas dans les Listes des additifs alimentaires autorisés incorporées par renvoi dans les autorisations de mise sur le marché associées, émises en vertu de la Loi sur les aliments et drogues (Santé Canada, 2013b); par conséquent, son utilisation comme additif direct dans les aliments vendus au Canada n'est pas autorisée. Toutefois, la monographie de l'éthoxyquine énoncée dans le Food Chemicals Codex (Institute of Medicine [États-Unis], 2003) établit une limite maximale de 3 % pour la p-phénétidine en tant qu'impureté organique dans l'éthoxyquine. L'éthoxyquine figure sur la Liste des additifs alimentaires autorisés ayant d'autres utilisations généralement acceptées comme additif alimentaire autorisé dans le paprika et le piment rouge moulu pour favoriser la conservation de la couleur à une concentration maximale de 100 parties par million (ppm) [Santé Canada, 2013b]. Par conséquent, la p-phénétidine pourrait être présente sous forme d'impureté organique dans le paprika et le piment rouge moulu à une concentration de 3 ppm (communication personnelle, courriel de la Direction des aliments [Santé Canada] au Bureau de gestion du risque [Santé Canada], daté de 2013; source non citée).

4.2.13  Amine Red Lake C

Au Canada, une utilisation de l'amine Red Lake C a été déclarée de façon confidentielle en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71 (Canada, 2011; Environnement Canada, 2012), utilisation qui a été prise en considération dans la présente évaluation préalable. Cette substance figure sur la Liste critique des ingrédients dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques de Santé Canada comme ingrédient interdit (sous « Toluidines [26915-12-8] » et « Aniline [62-53-3] ») [Santé Canada, 2014a]. D'après les données accessibles au public, l'amine Red Lake C peut être employée comme précurseur dans la synthèse des pigments (Naganuma et al., 1983; Hart et al., 1986).

4.2.14  o-toluidine

D'après les renseignements soumis en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71, au Canada, l'o-toluidine est utilisée en laboratoire et dans la fabrication de pneus (Canada, 2009; Environnement Canada, 2009). Cette substance est aussi utilisée dans le domaine militaire dans les trousses de détecteur de gaz (communication personnelle, courriel du ministère de la Défense nationale au Bureau de gestion du risque [Santé Canada], daté de 2011; source non citée). L'o-toluidine figure sur la Liste critique des ingrédients dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques de Santé Canada comme ingrédient interdit (sous « Toluidines [26915-12-8] ») [Santé Canada, 2014a].

À l'échelle mondiale, l'o-toluidine est employée principalement en tant qu'intermédiaire dans la synthèse chimique des herbicides, des produits chimiques du caoutchouc et des durcisseurs pour résines ainsi qu'en tant qu'intermédiaire de pigments et de colorants, intermédiaire de fongicide et intermédiaire pharmaceutique (OCDE, 2004a).

4.2.15  p-toluidine et chlorhydrate de p-toluidine

D'après les renseignements soumis en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71, au Canada, la p-toluidine est utilisée en laboratoire (Canada, 2009; Environnement Canada, 2009), mais aucune utilisation commerciale du chlorhydrate de p-toluidine n'a été déclarée. Les deux substances figurent sur la Liste critique des ingrédients dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques de Santé Canada comme ingrédients interdits (sous « Toluidines [26915-12-8] ») [Santé Canada, 2014a].

À l'échelle mondiale, on se sert de la p-toluidine et de son sel de chlorhydrate en tant qu'intermédiaires dans les processus chimiques comme la fabrication d'acide 4B (intermédiaire de pigments) et d'autres pigments, de colorants, de pesticides et de produits pharmaceutiques (OCDE, 2005a).

4.3  Concentrations environnementales mesurées

Les amines aromatiques peuvent être rejetées dans l'environnement par les diverses sources anthropiques énumérées précédemment (voir la section 4.1). On n'a recensé que peu de données de surveillance pour le Canada, mais il existe des données de surveillance dans d'autres pays pour un certain nombre de substances de ce sous-groupe. Cependant, dans certains cas, il se peut que les sources responsables des amines aromatiques mesurées dans l'environnement ne soient pas significatives au Canada.

4.3.1  Air

Dans une région de la Turquie où les émissions devraient être élevées en raison des déchets de charbon solides et où le charbon est utilisé pour le chauffage central, on a mesuré la p-toluidine dans des échantillons d'air extérieur à des concentrations de 2,33 et de 5,21 ng/m3 à l'été et à l'hiver 2007, respectivement (Akyüz, 2007, 2008). Pendant l'été et l'hiver de 2006-2007, on a mesuré les concentrations de p-toluidine, de 4-chloroaniline, de 2,4-dichloroaniline, de 4-nitroaniline, de 2-naphtylamine et de p-aminophénol dans des échantillons d'air ambiant (de 0,42 à 2,78 ng/m3) et des échantillons de particules en suspension dans l'air (de 0,68 à 9,54 ng/m3) prélevés dans la même province de Turquie (Akyüz, 2008).

En Finlande, dans des échantillons de particules d'aérosol en suspension dans l'air prélevés entre mars et mai 2011 à la Station for Measuring Forest Ecosystem-Atmosphere Relations (SMEAR II), on a mesuré le p-aminophénol, l'o-toluidine et la p-toluidine à des concentrations allant d'aucune détection à 0,37 ng/m3(Ruiz-Jiménez et al., 2012).

La 2-naphtylamine a été mesurée sur le site d'une fonderie d'aluminium au Japon (Roussel et al., 1991).

4.3.2  Eau et sédiment

En Allemagne, l'o-toluidine a été mesurée dans des échantillons d'eau de surface prélevés dans la rivière Alster (environ 1 µg/L), la rivière Au (0,5 µg/L) et la rivière Pinnau (0,3 µg/L) dans les années 1970 (date exacte non indiquée) [Neurath et al., 1977]. L'o-toluidine a été décelée dans une rivière d'Allemagne (concentration maximale de 1,8 µg/L) qui sert d'égout pour une région urbaine et industrielle où vivent plusieurs millions d'habitants (OCDE, 2004a). Cette substance a également été décelée à quelques reprises dans la rivière Bilina et le fleuve Elbe en Allemagne et en République tchèque en aval d'usines de fabrication de produits chimiques situées en République tchèque (Börnick et al., 1996; OCDE, 2004a).

Près de San Luis, en Argentine, on a mesuré le p-aminophénol dans l'eau de pluie (0,63 µg/L) et l'eau de rivière (4,08 µg/L) où différentes activités industrielles liées à l'alimentation, à la métallurgie, à la fabrication de plastique et à la fabrication d'autres produits chimiques ont lieu (Stege et al., 2009).

Les résultats d'un programme de surveillance mené en 1979 aux Pays-Bas ont révélé la présence des substances 2-chloroaniline, 4-chloroaniline, 3,4-dichloroaniline, o-toluidine et p-toluidine dans le Rhin et ses affluents (Wegman et De Korte, 1981). De fait, la 3,4-dichloroaniline a été détectée périodiquement dans un certain nombre d'échantillons d'eau provenant de différents cours d'eau de l'Allemagne et des Pays-Bas (n = 20) entre 1995 et 1997 à des concentrations allant jusqu'à 0,68 µg/L (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006), et ces concentrations ont été attribuées à la production de 3,4-dichloroaniline et à sa transformation en isocyanate de 3,4-dichlorophényle (Rhin) ou à des rejets pendant la fabrication des herbicides linuron et diuron et leur application lors d'activités agricoles (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006). Des études européennes plus récentes ont fait état de concentrations moyennes de 3,4-dichloroaniline comprises entre 25 ng/L et 6,8 μg/L dans des eaux de surface adjacentes à des zones agricoles, qui ont été associées à la dégradation des précurseurs d'herbicides (Claver et al., 2006; Silva et al., 2012). Le US Geological Survey (USGS) a également ciblé la 3,4-dichloroaniline dans le cadre de ses activités de surveillance des eaux, ainsi que son précurseur, un pesticide de type phénylurée, le diuron. Des concentrations de 68 à 310 ng/L dans des eaux de surface ont été mesurées dans des régions de Géorgie et du Texas où l'utilisation du diuron était avérée (Thurman et al., 1999; Hladik et Calhoun, 2012). D'autres études de l'USGS ont fait état de concentrations de 3,4-dichloroaniline dans des effluents d'eaux usées filtrées allant de 21 à 280 ng/L (Morace, 2012). En outre, dans le débit entrant et le débit sortant des marais d'épuration des eaux usées, des concentrations de 3,4-dichloroaniline de 150 et 340 ng/L ont été mesurées, respectivement (Barber et al., 2006a). La présence de 3,4-dichloroaniline dans les effluents d'eaux usées laisse supposer qu'il peut exister des sources autres que la dégradation des précurseurs des pesticides de type phénylurée. De plus, l'Environmental Protection Agency des États-Unis a constaté une prévalence élevée de la 4-chloroaniline dans les biosolides des eaux usées (USEPA, 2009c), qui peut être attribuée à des rejets à l'égout provenant de l'utilisation de produits de consommation. Même si aucune donnée de surveillance récente au Canada n'a été recensée pour les 16 amines aromatiques, une incertitude subsiste quant à la pertinence pour le Canada des expériences observées aux États-Unis citées dans les études susmentionnées.

En Espagne, on a considéré que les amines aromatiques peuvent être produites pendant la chloration de l'eau potable contaminée par des amines aromatiques, probablement en raison de l'utilisation de pesticides dans des zones agricoles situées le long de la principale source d'eau (Jurado-Sánchez et al., 2012). Dans une usine espagnole de traitement de l'eau potable , la chloration de l'eau brute contenant de l'aniline (moyenne maximale de 11 ng/L), de la 3-chloroaniline (moyenne maximale de 2,7 ng/L), de la 3,4-dichloroaniline (moyenne maximale de 3,4 ng/L) et de la N-nitrosodiéthylamine (moyenne maximale de 1,5 ng/L) a entraîné la production d'une série pouvant aller jusqu'à quatre nouvelles amines aromatiques, dont la 4-chloroaniline (moyenne maximale de 11 ng/L) [Jurado-Sanchez et al., 2012]. De plus, une augmentation des concentrations d'aniline, de 3-chloroaniline et de 3,4-dichloroaniline a également été observée après la chloration (Jurado-Sánchez et al., 2012). L'auteur fait remarquer que les concentrations mesurées dans l'eau potable peuvent être considérées comme prudentes au vu de la qualité relativement mauvaise de l'eau brute traitée dans l'usine (Jurado-Sánchez et al., 2012). Ailleurs, des naphthalènamines, dont la 2-naphtylamine, ont été décelées dans l'eau de surface et dans des sédiments au Japon (Hasegawa et al., 1993).

4.3.3  Sol

En Allemagne, on a mesuré la 3,4-dichloroaniline dans des terres agricoles (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006). En outre, le triclocarban peut se dégrader dans la colonne de sol et produire la 4-chloroaniline et la 3,4-dichloroaniline (Gledhill, 1975; Miller et al., 2010; Kwon et Xia, 2012).

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5. Devenir et comportement dans l'environnement

Le devenir dans l'environnement des substances chimiques décrit le processus par lequel les produits chimiques sont répartis et sont transformés dans l'environnement. Dans cette section, certaines caractéristiques générales des substances faisant l'objet de la présente évaluation préalable sont traitées afin de déterminer le devenir environnemental de ces substances dans différents milieux, et ce, dans le but de comprendre comment les organismes entrent en contact avec elles dans un milieu donné, leur persistance dans les milieux naturels, ainsi que leurs produits de dégradation, leur distribution dans les différents milieux, leur migration dans les eaux souterraines, leur élimination des effluents par des méthodes usuelles de traitement des eaux usées et leur bioaccumulation dans les organismes.

Bien que les modèles de devenir dans l'environnement avec bilan massique, tels que le modèle « Equilibrium Criterion » (EQC, 2011), puissent s'appliquer aux amines aromatiques, en général, ils sous-estiment les propriétés de liaison de ces substances (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002) ainsi que l'importance des processus du devenir lié à la sorption et à la désorption à l'égard de la matière particulaire, du sol et des sédiments dans certaines conditions (Chen et Nyman, 2009), comme l'explique le rapport d'Environnement Canada et de Santé Canada (2013a). Par conséquent, nous examinerons le devenir dans l'environnement et la compartimentalisation de ces substances de façon qualitative à l'aide de données sur leurs propriétés physiques et chimiques.

5.1  Eau et sédiments

Les amines aromatiques sont modérément à extrêmement hydrosolubles, ce qui indique que l'on est susceptible de les trouver principalement dans l'hydrosphère en cas de rejet dans l'environnement. Une volatilisation faible à modérée depuis les eaux de surface est à prévoir pour les substances de ce sous-groupe compte tenu de leur constante de la loi d'Henry (BUA, 1992, 1994; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002, 2006; OCDE, 2004a, 2005a, 2010; USEPA 2009a, b).

On sait que les amines aromatiques se lient à la matière organique dissoute (Lee et al., 1993), aux surfaces naturelles telles que la matière particulaire et les sédiments (Weber et al., 2001; Colon et al., 2002) et probablement aux boues provenant des systèmes de traitement des eaux usées. En général, la sorption des amines aromatiques aux sédiments et vraisemblablement à d'autres surfaces naturelles se caractérise par une élimination rapide des amines en solution au départ, suivie d'un taux d'élimination beaucoup plus lent (Weber et al., 2001; Colon et al., 2002). Les mécanismes de sorption comprennent des processus physiques réversibles, tels que la sorption des espèces d'amines aromatiques protonées par l'échange cationique, et des processus irréversibles, comme la liaison covalente avec des composés de la matrice sédimentaire (Weber et al., 2001; Colon et al., 2002). La cinétique de la sorption des amines aromatiques dépend également de la position des groupes fonctionnels des substances. Selon une étude sur la sorption de 21 anilines portant des substituants en position ortho, méta ou para, la sorption sur les sédiments des amines aromatiques substituées en ortho était considérablement plus faible que celle des amines aromatiques substituées en méta ou en para (Colon et al., 2002).

Avec le temps, les amines aromatiques absorbées à la matière particulaire dans la colonne d'eau se déposeraient sur les matériaux du lit. Les amines aromatiques qui se lient de façon irréversible aux sédiments sont enterrées progressivement.

5.2  Sol

Si l'on ne tient compte que de la valeur modérée à élevée de l'hydrosolubilité et de la valeur relativement faible du coefficient de partage carbone organique-eau (log Kco), les amines aromatiques devraient présenter une mobilité faible à élevée dans le sol (USEPA, 2008a, 2009a, b).

Or, le log Kco ne prend pas en compte la chimisorption et, comme il a été observé dans le cas des sédiments, de nombreuses amines aromatiques se lient à la fois de façon réversible et irréversible aux composants organiques et inorganiques du sol (Graveel et al., 1985; Al-Bashir et al., 1994a; Lee et al., 1997; Cowen et al., 1998; Li et Lee, 1999; Li et al., 2000; Donaldson et Nyman, 2006). Les processus de sorption réversibles sont notamment l'échange cationique, les interactions hydrophobes par les forces de London-van der Waals ainsi que l'attraction dipôle-dipôle ou l'attraction à un dipôle induit, tandis que les processus irréversibles sont, entre autres, la liaison covalente (notamment les groupes fonctionnels quinone et phénolique) ainsi que les réactions de transformation catalysées par les minéraux (notamment l'oxyde de manganèse) [Lee et al., 1997; Li et Lee, 1999; Li et al., 2000]. Comme il a été mentionné dans le cas des sédiments, la liaison des amines aromatiques avec le sol est souvent biphasique, comptant une phase de liaison rapide et une phase plus lente (Lee et al., 1997). Une étude sur la sorption de la 3,4-dichloroaniline dans des sols agricoles ayant différentes textures, teneurs en matières organiques et capacités d'échange cationique a permis de déterminer que la sorption dépendait surtout de la teneur en matières organiques (Droulia et al., 2011). Le pH du sol joue également un rôle important dans la capacité de sorption du sol : une augmentation du pH du sol, passant de 6,2 et 5,3 à 7,8, était associée à une réduction de la capacité de sorption pouvant atteindre 50 % (Droulia et al., 2011). Il a été observé que la 4-chloroaniline se liait facilement aux résidus du sol lorsqu'elle était rejetée dans le sol (Freitag et al., 1984).

Une étude portant sur la sorption de la toluène-2,4-diamine sur le loam sableux et le loam limoneux dans des conditions aérobies et anaérobies sur une période de 8 heures a montré que la sorption s'effectuait rapidement au début et était associée à des coefficients de sorption (valeurs Kd) de 11,4 à 21,3 (Cowen et al., 1998). Lorsqu'on normalise ce résultat à la teneur en matière organique du sol, on obtient des valeurs de Kco entre 713 et 1 346 (Cowen et al., 1998). La faible désorption de la toluène-2,4-diamine était cohérente avec la formation de complexes avec les matières humiques ou les autres processus irréversibles de liaison au sol (Cowen et al., 1998).

Compte tenu de la forte affinité de liaison des amines aromatiques dans le sol et des liaisons covalentes qui peuvent se former avec la matière organique, ces substances devraient être relativement immobiles dans ce milieu (BUA, 1992; OCDE, 2004a, 2005a; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006, 2008).

5.3  Air

De nombreuses sources naturelles et anthropiques peuvent rejeter les amines aromatiques dans l'atmosphère, telles que les océans, les activités industrielles, la combustion, la combustion de biomasse et la végétation (Ge et al., 2011). Une fois rejetées dans l'atmosphère, les amines aromatiques peuvent être soumises à une variété d'interactions ou de processus physiques, chimiques et photochimiques (Ge et al., 2011).

Comme on l'a observé dans le cas de certaines amines aliphatiques, on peut trouver des amines aromatiques volatiles et semi-volatiles en phase gazeuse qui peuvent réagir avec des oxydants, tels que les radicaux hydroxyles (OH-), l'ozone (O3) et les oxydes d'azote (NOx), pour former des aérosols (Murphy et al., 2007). La réaction la plus rapide est habituellement observée avec les radicaux hydroxyles et constitue le processus d'élimination le plus important en phase gazeuse; les réactions avec l'ozone sont considérées comme négligeables (Ge et al., 2011). La photooxydation des amines aliphatiques avec les oxydes d'azote est relativement lente et peut mener à la formation de composés N-nitroso (Ge et al., 2011); on ne sait toutefois pas avec certitude si ce processus joue un rôle important dans le cas des amines aromatiques. Enfin, une étude menée par Ketseridis et al. (1976) dans le cadre de laquelle les chercheurs ont mesuré les concentrations de divers composés, dont l'α-naphtylamine et des anilines, dans des échantillons d'aérosols prélevés dans six régions géographiques (trois de masses d'air de l'Atlantique et trois sur le continent européen), a montré que les concentrations étaient relativement constantes à tous les endroits, ce qui indique que ces composés, et vraisemblablement d'autres amines aromatiques, peuvent se former dans l'atmosphère.

Compte tenu de leur hydrosolubilité généralement élevée, les amines aliphatiques devraient se dissoudre dans les aérosols aqueux, comme l'illustre l'hypothèse de Sellegri et al. (2005) concernant le diméthylamine et le triméthylamine. On s'attend à ce que les substances du sous-groupe des amines aromatiques affichent également un tel comportement, ce qui indiquerait que les amines aromatiques dissoutes dans les aérosols aqueux seraient par la suite éliminées de l'atmosphère par des processus de dépôt humide. Compte tenu de leur faible volatilité et de leur préférence physique et chimique pour la répartition dans d'autres milieux, les amines aromatiques solubles dans l'eau ne devraient pas faire l'objet d'un transport atmosphérique à grande distance.

5.4  Persistance dans l'environnement

Afin de caractériser la persistance dans l'environnement des substances du sous-groupe des amines aromatiques, nous avons retenu les données empiriques et modélisées pour ces substances dans des conditions aérobies et anaérobies. En outre, vu les ensembles de données empiriques limités, les analogues structuraux 1-naphtylamine (n° CAS 134-32-7) et acide 4B (n° CAS 88-44-8) ont également été pris en compte pour déterminer la persistance de la 2-naphtylamine et de l'amine Red Lake C, respectivement.

5.4.1  Dégradation abiotique

5.4.1.1  Hydrolyse et autoxydation

Aucune des amines aromatiques de ce sous-groupe ne contient de groupes fonctionnels pouvant subir une hydrolyse, selon les rapports publiés sur ces substances (BUA, 1992; OCDE, 2004a, 2005a, 2010; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002, 2006; USEPA, 2008a, 2009a, b) et les données modélisées (HYDROWIN, 2010).

Le p-aminophénol est relativement instable dans l'eau (Lerner, 2011) et peut s'oxyder pour former des structures polymériques (OCDE, 2010). Des demi-vies de 7,67 jours dans l'eau purifiée pour une concentration de 100 mg/L (pH de 7, 25 °C) et de 7,23 heures dans l'eau déchlorée pour une concentration de 1 mg/L (pH de 7,3 à 7,6, 24 °C) ont été signalées (OCDE, 2010), mais l'étude originale n'a pu être consultée. Pour les phénylènediamines non substituées, dont la benzène-1,3-diamine, on note également une oxydation rapide (Stahl et al., 1990). Les demi-vies mesurées pour la dégradation oxydative étaient de 3 200 et de 8 100 heures à des concentrations initiales de 2,5 mg/L et de 25 mg/L respectivement (Stahl et al., 1990).

5.4.1.2  Photodégradation

Il est reconnu que certaines substances du sous-groupe des amines aromatiques sont instable s dans l'air. On a observé, plus précisément, que le p-aminophénol était instable dans l'air et qu'il s'oxydait facilement en produits de couleur rose-violet (Mitchell et al., 2004). On sait que les naphthalènamines changent de couleur et deviennent rouge dans l'air. La photooxydation de la 2-naphtylamine adsorbée aux particules a entraîné la formation de 2-amino-4-(2'-naphthylimino)-1,4-naphthoquinone et dibenzo[a,h]phénazine (Hasegawa et al., 1993).

De plus, il a été déterminé que la photodégradation dans l'air par les radicaux hydroxyles était un processus d'élimination important pour les substances se trouvant dans ce milieu (OCDE, 2004a, 2005a, 2010; USEPA, 2009a, 2009b). Les résultats du modèle AOPWIN (2010) indiquent que toutes les substances de ce sous-groupe devraient avoir des demi-vies allant de 0,053 à 0,795 jour, la 4-nitroaniline étant la substance dont la demi-vie est la plus longue. Ces résultats montrent qu'aucune des substances du sous-groupe des amines aromatiques ne devrait persister dans l'atmosphère. Certaines amines aromatiques, telles que la 2-chloroaniline, la 3-chloroaniline et la 3,4-dichloroaniline, peuvent subir une photolyse directe lorsqu'elles sont en solution aqueuse (Othmen et Boule, 1997).

5.4.2  Dégradation biotique

Des données empiriques de biodégradation liées à la persistance des amines aromatiques dans le milieu aquatique ont été recensées pour la plupart des substances. Le tableau 5-1 présente un résumé des données empiriques sur la biodégradation dans un milieu aqueux anaérobie pour 13 substances du sous-groupe et deux analogues. Des données plus détaillées sont présentées dans le rapport d'Environnement Canada (2014b). Aucune donnée empirique n'a été relevée pour le chlorhydrate de p-toluidine, le dichlorhydrate de m-phénylènediamine et le 2,4-diaminoanisole. Des données empiriques sur la p-toluidine et la benzène-1,3-diamine seront utilisées comme données de substitution pour les deux premiers composés. Pour conclure sur le potentiel de biodégradation du 2,4-diaminoanisole, on s'appuiera sur des données empiriques concernant les composés du sous-ensemble écologique 3 ainsi que sur des données modélisées.

Tableau 5-1. Résumé des données empiriques sur la biodégradation des amines aromatiques dans un milieu aqueux aérobie, par sous-ensemble structural écologique
Sous-ensemble structural écologiqueN° CASType d'essaiNote de bas de page 5-1[a],Note de bas de page 5-1 [b]Nombre d'étudesNote de bas de page 5-1 [c]Plage des valeurs de dégradation observée (%)Conclusion
195-53-4Biodégradation immédiate45 à supérieur(e) à  90Biodégradation rapide
195-53-4Biodégradation intrinsèque592 à 97,7Biodégradation intrinsèque
1106-49-0Biodégradation immédiate232 à 68Biodégradation immédiate possible
1106-49-0Biodégradation intrinsèque394 à 97,7Biodégradation intrinsèque
190-04-0Biodégradation immédiate5inférieur(e) à  10 à 86Biodégradation immédiate possible
190-04-0Biodégradation intrinsèque198Biodégradation intrinsèque
1156-43-4Biodégradation immédiate30 à supérieur(e) à  90Biodégradation immédiate possible
1156-43-4Biodégradation intrinsèque271 à supérieur(e) à  98Biodégradation intrinsèque
2123-30-8Biodégradation immédiate20 à 6Ne se biodégrade pas immédiatement
2123-30-8Biodégradation intrinsèque187Biodégradation intrinsèque
3108-45-2Biodégradation immédiate12Ne se biodégrade pas immédiatement
3108-45-2Biodégradation intrinsèque214 à 60N'est vraisemblablement pas intrinsèquement biodégradable
395-80-7Biodégradation immédiate40 à 52Ne se biodégrade pas immédiatement
395-80-7Biodégradation intrinsèque449 à 100Biodégradation intrinsèque
495-51-2Biodégradation immédiate20 à 2,7Ne se biodégrade pas immédiatement
495-51-2Biodégradation intrinsèque30 à 98Biodégradation intrinsèque
4106-47-8Biodégradation immédiate10Ne se biodégrade pas immédiatement
4106-47-8Biodégradation intrinsèque80 à 97Biodégradation intrinsèque
495-76-1Biodégradation immédiate20Ne se biodégrade pas immédiatement
495-76-1Biodégradation intrinsèque26 à 82Biodégradation intrinsèque
5100-01-6Biodégradation immédiate20 à 2,9Ne se biodégrade pas immédiatement
5100-01-6Biodégradation intrinsèque30 à supérieur(e) à  95Biodégradation intrinsèque
691-59-8Biodégradation immédiate0n.d.n.d.
691-59-8Biodégradation intrinsèque140 à 89,6Biodégradation intrinsèque
6134-32-7Biodégradation immédiate30 à 6Ne se biodégrade pas immédiatement
6134-32-7Biodégradation intrinsèque20 à supérieur(e) à  80Biodégradation intrinsèque
788-53-9Biodégradation immédiate10Ne se biodégrade pas immédiatement
788-53-9Biodégradation intrinsèque30 à 15N'est pas intrinsèquement biodégradable
788-44-8Biodégradation immédiate10 à 29Ne se biodégrade pas immédiatement
788-44-8Biodégradation intrinsèque0n.d.n.d.

Abréviation :
n.d. = non disponible

Note de bas de page 5-1 a

En général, les essais de biodégradabilité immédiate sont d'une durée de 14 à 28 jours et sont menés dans des conditions aérobies. Dans ces essais, la concentration des substances d'essai est élevée (de 2 à 100 mg/L) et l'inoculum (source de microorganismes) ne doit pas être préadapté à la dégradation de la substance d'essai par l'exposition antérieure à cette dernière ou à des substances chimiques apparentées sur le plan structural. En général, l'inoculum utilisé est des eaux usées domestiques, des boues activées ou un effluent secondaire (OCDE, 2006).

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Note de bas de page 5-1 b

Les essais de biodégradabilité intrinsèque sont menés dans des conditions aérobies et offrent généralement une grande possibilité de dégradation. Les procédures permettent une exposition prolongée de la substance d'essai aux microorganismes, une faible proportion de la substance d'essai à la biomasse et l'utilisation de microorganismes qui ont déjà été exposés à la substance d'essai (préadaptés) [OCDE, 2006].

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Note de bas de page 5-1 c

Certaines études, comme l'étude de Brown et Laboureur (1983), comprennent une série d'essais expérimentaux, ce qui permet d'accorder une plus grande importance à la conclusion sur la persistance.

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5.4.2.1  Sous-ensemble écologique 1 : Amines aromatiques méthylées et comptant un groupement oxy-

On peut qualifier la plupart des substances du sous-ensemble écologique 1 d'immédiatement biodégradables, et toutes sont intrinsèquement biodégradables. L'o-toluidine et la p-toluidine sont habituellement considérées comme immédiatement biodégradables et intrinsèquement biodégradables (OCDE, 2004a, 2005a; USEPA, 2009a). Selon deux études japonaises qui n'ont pu être consultées, ces deux substances ne seraient pas immédiatement biodégradables (CHRIP, ©2002-2012). Toutefois, plusieurs autres résultats expérimentaux indiquent que l'o-toluidine et la p-toluidine sont immédiatement biodégradables (Brown et Laboureur, 1983; MITI, 1992; Commission européenne, ©2000a; Bayer, 2001; OCDE, 2004a, 2005a; USEPA, 2009a) et intrinsèquement biodégradables (Pitter, 1976; HSDB, depuis 1983; Matsui et al., 1988; Commission européenne, ©2000a, b; Bayer, 2001; USEPA, 2009a). Une conclusion semblable a été tirée pour la m-toluidine [n° CAS 108-44-1] (Bayer, 2001; USEPA, 2009a). À la lumière de ces résultats, on considère également que le chlorhydrate de p-toluidine est immédiatement et intrinsèquement biodégradable. Un essai de toxicité portant sur la p-toluidine et des boues activées a donné une concentration efficace médiane (CE50) de 100 mg/L après trois heures (Yoshioka et al., 1986; OCDE, 2005a), ce qui indique que la substance n'inhibe pas forcément la biodégradation.

L'o-anisidine est considérée comme intrinsèquement biodégradable, mais immédiatement biodégradable seulement dans certaines conditions (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002). Deux essais (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002) indiquent des niveaux de dégradation supérieurs aux seuils de biodégradation de 60 % pour la demande théorique d'oxygène selon les protocoles de l'OCDE, et deux autres résultats sont légèrement inférieurs ou se situent près du seuil (CITI, 1992; CHRIP, ©2002-2012). En outre, les résultats d'une autre expérience sont nettement inférieurs à ce seuil (moins de 10 %) [Kool, 1984]. Ces différences observées en ce qui a trait à la biodégradation immédiate de l'o-anisidine pourraient signifier que la biodégradation immédiate de l'o-anisidine est fonction de l'inoculum utilisé (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002). Toutefois, selon une CE50 de 800 mg/L après 3 heures pour les boues activées provenant d'un système public de traitement des eaux usées, il est possible que l'o-anisidine n'inhibe pas la biodégradation (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002). Une autre explication possible est que les métabolites produits dans des conditions particulières peuvent être persistants ou nécessitent une certaine adaptation microbienne pour se dégrader. En effet, les résultats obtenus à l'aide des modèles CPOP (2012) indiquent que l'o-aminophénol (n° CAS 95-55-6) est un métabolite primaire de l'o-anisidine. On sait que l'o-aminophénol subit diverses réactions de cyclisation et de condensation (Mitchell et al., 2004) et qu'il s'oxyde facilement en o-benzoquinone (Urano et Kato, 1986). Urano et Kato (1986) ont montré que l'o-aminophénol se dégradait en deux étapes (dégradation possible en o-benzoquinone, puis en catéchol), mais qu'il ne s'agissait pas d'une substance immédiatement biodégradable, ce qui a été confirmé par les résultats d'autres essais (Commission européenne, ©2000c). Toutefois, dans le cadre de 10 expériences sur 12, Brown et Laboureur (1983) ont observé la biodégradation immédiate de l'analogue p-anisidine (n° CAS 104-94-9). Par conséquent, bien que l'o-anisidine ne soit pas immédiatement biodégradable, elle peut subir une biodégradation dans certaines conditions. Des données empiriques sur la biodégradation de la p-phénétidine (n° CAS 156-43-4) tirées des résultats des essais 301A et 301E de l'OCDE indiquent une biodégradation immédiate de cette substance dans 7 des 12 essais (Brown et Laboureur, 1983). Les résultats indiquant que la substance n'était pas immédiatement biodégradable ont été attribués au protocole de l'essai 301E de l'OCDE, qui prévoit l'utilisation d'une concentration relativement faible du microorganisme comparativement à celle de l'essai 301A de l'OCDE. On a constaté que ni l'o-toluidine ni la p-toluidine ne se dégradaient dans des conditions anaérobies dans la boue liquide d'un aquifère sur une période de 10 mois (HSDB, depuis 1983; Kuhn et Suflita, 1989). On s'attend à des résultats similaires pour les autres substances de ce sous-ensemble écologique.

5.4.2.2  Sous-ensemble écologique 2 : Amines phénoliques

Selon des données empiriques sur la biodégradation du p-aminophénol, cette substance est intrinsèquement biodégradable, mais pas immédiatement biodégradable. Le gouvernement du Japon a réalisé un essai de biodégradabilité immédiate montrant que le p-aminophénol subissait une dégradation limitée (seulement 6 %) sur une période de 28 jours; cependant, la totalité de la substance s'est transformée en structures polymérisées à poids moléculaire élevé (plus de 1 000 g/mol) [OCDE, 2010]. Les résultats de l'étude d'Urano et Kato (1986) indiquent que le p-aminophénol ne se biodégrade pas, mais qu'il s'oxyde en p-benzoquinone insoluble. Comme le p-aminophénol est instable et s'oxyde rapidement en produits colorés dans l'air (Mitchell et al., 2004), on émet l'hypothèse que le p-aminophénol ne se biodégrade pas immédiatement dans l'environnement, mais qu'il s'oxyde plutôt en d'autres composés pouvant être persistants. Les résultats de l'étude de Pitter (1976) montrent que la substance est intrinsèquement biodégradable, ce qui indique que les produits de transformation pourraient être biodégradables dans certaines conditions.

5.4.2.3  Sous-ensemble écologique 3 : Benzènediamines

Les résultats des essais de biodégradabilité empiriques sur la toluène-2,4-diamine et la benzène-1,3-diamine sont cohérents et indiquent que les substances ne sont pas immédiatement biodégradables, mais qu'elles peuvent être considérées comme intrinsèquement biodégradables. Selon les résultats de six essais de biodégradabilité immédiate, le taux de biodégradation maximal était de 51 % sur une période de 28 jours. En revanche, selon les résultats d'autres essais, ce taux était inférieur à 14 % sur une même période (CITI, 1992; ECHA, ©2007-2013; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008). De plus, on a noté que la benzène-1,3-diamine n'était pas biodégradable sur une période de 20 jours lors du traitement aérobie d'une usine de traitement des eaux usées selon le protocole de l'essai 303A de l'OCDE (ECHA, ©2007-2013). La plupart des résultats d'autres essais indiquent que les deux substances sont intrinsèquement biodégradables (Pitter, 1976; ECHA, ©2007-2013; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008) ou biodégradables dans une certaine mesure dans des conditions précises (Matsui et al., 1988). Des conclusions semblables devraient pouvoir être tirées pour le dichlorhydrate de m-phénylènediamine. Les résultats des modèles DS TOPKAT (©2005-2009), CPOP (2012) et EPI Suite (2012) pour le 2,4-diaminoanisole indiquent tous que la substance est peu susceptible de se biodégrader. Stahl et al. (1990) ont indiqué que les phénylènediamines s'oxydaient facilement lorsqu'elles étaient en solution, ce qui donne à penser qu'il peut y avoir formation de métabolites persistants ou de métabolites qui inhibent la biodégradation.

5.4.2.4  Sous-ensemble écologique 4 : Amines aromatiques chlorées

Les nombreuses données empiriques sur la persistance des chloroanilines laissent croire que ces substances sont peu biodégradables (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006; USEPA, 2008a). Selon les résultats empiriques tirés des études de biodégradabilité (n = 5) portant sur les trois chloroanilines de ce sous-ensemble structural écologique, ni l'o-chloroaniline ni la p-chloroaniline ni la 3,4-dichloroaniline ne peuvent être considérées comme immédiatement biodégradables (Rott et al., 1982; CITI, 1992; CHRIP, ©2002-2012; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006; ECHA, ©2007-2013). De nombreuses études menées sur des boues activées adaptées indiquent une biodégradation limitée, ce qui signifie que les chloroanilines peuvent seulement se dégrader dans des conditions précises (Rott et al., 1982; HSDB, depuis 1983; Lyons et al., 1985; CITI, 1992; BUA, 1994; Commission européenne, ©2000d; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006; ECHA, ©2007-2013). Il convient de noter que cette biodégradabilité a été observée à quelques reprises seulement dans des conditions précises (Pitter, 1976; HSDB, depuis 1983; BUA, 1994; ECHA, ©2007-2013). La persistance des chloroanilines est également corroborée par les résultats des modèles DS TOPKAT (©2005-2009), CPOP (2012) et EPI Suite (2012), qui considèrent que ces substances présentent une faible biodégradabilité. La p-chloroaniline et l'o-chloroaniline sont formées dans les sédiments à la suite de la biodégradation de la 3,4-dichloroaniline dans des conditions anaérobies (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006). La biodégradation de la p-chloroaniline et de l'o-chloroaniline dans des conditions anaérobies est limitée, comme le montre la dégradation maximale de 34 % sur une période de 30 jours (HSDB, depuis 1983; Govind et al., 1991; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006).

5.4.2.5  Sous-ensemble écologique 5 : Nitroanilines

La 4-nitroaniline n'est pas immédiatement biodégradable, mais peut se biodégrader dans des conditions précises.

Une étude de biodégradabilité a montré une absence de dégradation sur une période de 14 jours, ce qui indique que la 4-nitroaniline n'est pas immédiatement biodégradable (CITI, 1992). Des résultats identiques ont été observés pour ses isomères, la 2-nitroaniline (n° CAS 88-74-4) et la 3-nitroaniline (n° CAS 99-09-2). Selon les résultats d'autres essais, la 4-nitroaniline peut être intrinsèquement biodégradable dans certaines conditions (Commission européenne, ©2000e), mais elle peut également être persistante (Pitter, 1976). Les composés nitro aromatiques résistent à la biodégradation en raison de la présence de groupes nitro autour de l'anneau qui empêche l'oxydation (Symons et Bruce, 2006). On considère donc que la 4-nitroaniline n'est pas biodégradable.

5.4.2.6  Sous-ensemble écologique 6 : Naphthalènamines

On ne croit pas que la 2-naphtylamine soit immédiatement biodégradable, mais on peut considérer qu'elle est intrinsèquement biodégradable dans certaines conditions. Il existe peu de données sur la biodégradation de la 2-naphtylamine, mais cette dernière peut se dégrader dans des conditions précises. Une étude de biodégradabilité dans le cadre de laquelle on a utilisé un inoculum de boues activées adaptées dans des conditions anaérobies a montré que la 2-naphtylamine pouvait se dégrader de façon importante (40 % et 89,6 %) sur une période de sept jours dans un système statique ou en continu, respectivement (Fochtman et Eisenberg, 1979). Les données sur la biodégradation de l'analogue 1-naphtylamine (n° CAS 134-32-7) indiquent que la substance n'est pas immédiatement biodégradable, comme le montre son taux de dégradation maximal de 6 % sur une période de 28 jours (CITI, 1992; Commission européenne, ©2000e). On observe une dégradation de la 1-naphtylamine par les boues aérobies adaptées dans certaines conditions (Commission européenne, ©2000e), mais aussi une résistance (Pitter, 1976). De plus, la 1-naphtylamine et la 2-naphtylamine se sont biodégradées à 86 % et à 87 %, respectivement, dans un sol inondé dans des conditions aérobies sur une période de 200 jours (Al Bashir et al., 1994b).

5.4.2.7  Sous-ensemble écologique 7 : Amines aromatiques sulfoniques

Les données empiriques sur la biodégradation de l'amine Red Lake C montrent que la substance est peu biodégradable. L'amine Red Lake C et son analogue, l'acide 4B, ne sont pas immédiatement biodégradables, comme l'indiquent les taux de dégradation maximaux de 0 % sur une période de 28 jours (CITI, 1992; Commission européenne, ©2000f) et de 29 % sur une période de 14 jours (CHRIP, ©2002-2012). Les autres résultats d'essais effectués lors d'études visant à déterminer la biodégradabilité intrinsèque de l'amine Red Lake C ont également permis d'observer une faible dégradation (inférieure ou égale à 15 %) [Commission européenne, ©2000f].

5.4.3  Résumé de la persistance dans l'environnement

En général, on constate une grande variabilité dans les données empiriques sur la biodégradation des amines aromatiques du sous-groupe. Les résultats présentés plus haut indiquent que la biodégradation de ces amines aromatiques est principalement liée au type d'inoculum utilisé, ce qui laisse croire que l'inhibition bactérienne, et non la structure chimique, serait la cause de la faible biodégradabilité observée dans le cadre de certains essais sur certaines substances. À l'exception des substances du sous-ensemble écologique 1, qui peuvent être immédiatement biodégradables, les substances des sous-ensembles écologiques 2, 3, 4, 5, 6 et 7 sont modérément ou faiblement biodégradables. Par conséquent, on s'attend à ce que ces substances puissent avoir des temps de séjour relativement longs dans l'eau jusqu'à ce que les processus de sorption avec la matière organique dissoute, la matière particulaire ou les autres surfaces aient lieu. Compte tenu de leur hydrosolubilité modérée à élevée et du fait que ces substances pourraient rester dans le milieu aqueux pendant de longues périodes, elles peuvent se disperser largement. Au final, en raison des interactions électrostatiques avec la matière particulaire, elles peuvent également se disperser largement dans les sédiments. Dans les sédiments et le sol, la biodégradation devrait également être lente dans des conditions aérobies et anaérobies et sera ralentie encore davantage par les processus de sorption. Compte tenu des courts temps de séjour dans l'air, ces substances devraient présenter un faible potentiel de transport atmosphérique à grande distance.

5.5  Potentiel de bioaccumulation

Dans la présente évaluation, plusieurs éléments de preuve ont été utilisés pour déterminer le potentiel de bioaccumulation des amines aromatiques. Le nombre de données expérimentales pour les mesures de bioaccumulation traditionnelles, telles que le facteur de bioconcentration (FBC), est modéré. En outre, nous avons retenu l'utilisation des modèles R(Q)SA relatifs à la bioaccumulation pour les amines aromatiques.

5.5.1  Coefficient de partage octanol-eau

Les amines aromatiques ont une hydrosolubilité relativement élevée (de 6,4 à 238 000 mg/L). De plus, le nombre limité de données expérimentales sur ces substances indiquent des valeurs de log Koe faibles (de -0,89 à 2,69), ce qui laisse croire que le potentiel de bioaccumulation de ces amines est très faible si l'on se fie à la théorie du partage à l'équilibre (BUA 1992, 1994; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002, 2006, 2008; OCDE, 2004a, 2005a, 2010; CPMA, 2006; USEPA, 2008a, 2009a, b).

5.5.2  Facteur de bioconcentration (FBC) aquatique

Il existe des études empiriques sur la bioconcentration d'un certain nombre d'amines aromatiques de ce sous-groupe – à savoir : p-toluidine, p-aminophénol, benzène-1,3-diamine, toluène-2,4-diamine, 2-chloroaniline, 4-chloroaniline, 3,4-dichloroaniline et 4-nitroaniline – ainsi que pour la substance analogue 1-naphtylamine (Korte, 1978; Geyer et al., 1984; Kalsch et al., 1991; Zok et al., 1991; Tsuda et al., 1993; de Wolf et al., 1994; NITE, 2000). En ce qui concerne la 4-chloroaniline, les facteurs de bioconcentration (FBC) signalés variaient entre 0,8 et 226 L/kg chez le poisson (tableau 5-2) et entre 260 et 1 200 L/kg pour l'algue, ce qui indique que ces substances ne sont pas susceptibles de se bioconcentrer dans les organismes aquatiques. Des valeurs expérimentales du FBC et des précisions supplémentaires sont fournies dans le rapport d'Environnement Canada (2014c). Aucune donnée expérimentale sur le FBC n'était disponible pour le sous-ensemble structural écologique 7 des amines aromatiques sulfoniques, mais des données modélisées ont été générées, les modèles R(Q)SA ayant été jugés acceptables pour ces substances en raison de leur structure chimique simple. Pour obtenir de plus amples renseignements, consulter le rapport d'Environnement Canada (2014c).

Tableau 5-2. Résumé des données empiriques sur les facteurs de bioconcentration (FBC) pour le sous-groupe des amines aromatiques
Sous-ensemble structural écologiqueOrganisme d'essaiFourchette de valeurs de concentration expérimentale (mg/L)Fourchette de valeurs de FBC (L/kg)
1Poissons0,01 à 0,1inférieur(e) à  1,3 à 13 (n = 2)
2Poissons0,00015 à 0,01539 à 46 (n = 2)
3Poissons0,001 à 24,6 à 91 (n = 5)
4Poissons0,0002 à 250,8 à 226 (n = 22)
4Algue0,05260 à 1 200 (n = 2)
5Poissons0,0002 à 0,53,6 à 10 (n = 4)
6Poissons0,02 à 0,29,1 à 54 (n = 2)
7n.d.n.d.n.d.

Une étude réalisée par Zok et al. (1991) portant sur neuf anilines, dont la 2-chloroaniline, la 4-chloroaniline, la 3,4-dichloroaniline et la 4-nitroaniline, a permis de déterminer que tous les composés, à l'exception de la 4-nitroaniline, se métabolisaient et se transformaient en acétanilides. La biotransformation des anilines substituées en métaétait plus rapide que celle des anilines substituées en ortho ou en para (Zok et al., 1991). Une transformation semblable en l'acétanilide correspondante a été observée dans le cas de la 4-chloroaniline dans une étude menée par de Wolf et al. (1994).

5.5.3  Modélisation du FBC et du FBA

Le facteur de bioconcentration (FBC) et le facteur de bioaccumulation (FBA) des substances du sous-groupe des amines aromatiques ont été estimés à l'aide de modèles fondés sur la structure et d'un modèle cinétique du bilan massique à trois niveaux trophiques. Les résultats de la modélisation du FBC et du FBA pour le sous-groupe des amines aromatiques sont fournis dans le rapport d'Environnement Canada (2014c). Les FBC obtenus à l'aide du modèle de régression linéaire variaient entre 2,818 et 27,542 L/kg. Les FBC obtenus à l'aide du modèle de bilan massique variaient entre 0,935 et 19,14 L/kg, et les FBC corrigés pour tenir compte des facteurs atténuants allaient de 2,355 à 56,156 L/kg. Les données modélisées sont cohérentes avec les données empiriques sur les facteurs de bioconcentration (Environnement Canada, 2014c). On attribue aux amines chlorées (plus précisément, à la 3,4-dichloroaniline) les limites supérieures de la plage de valeurs des FBC modélisés et empiriques, car elles présentent des valeurs du log Koe plus élevées que celles des autres substances du sous-groupe.

Selon les modèles de bilan massique des poissons, à un log Koe de 2,7, la fraction biodisponible prévue des substances du sous-groupe des amines aromatiques dans la colonne d'eau (à l'exclusion de la perte attribuable à la volatilisation) est de 100 %, ce qui laisse entendre que l'absorption à partir de l'eau par les branchies est une exposition très pertinente pour ces substances. De plus, ces résultats laissent supposer que l'absorption alimentaire de ces substances ne contribue pas en grande partie à l'absorption globale de ces substances chimiques lorsque les voies d'exposition par le régime alimentaire et par l'eau sont prises en compte pour déterminer le FBA. Les valeurs du FBC et du FBA obtenues à l'aide des sous-modèles BCFBAF 2 et 3 (BCFBAF, 2010) pour un poisson du niveau trophique intermédiaire sont donc identiques (Environnement Canada, 2014c).

5.5.4  Autres facteurs pour évaluer le potentiel de bioaccumulation

En raison du peu de données empiriques disponibles sur la bioaccumulation des amines aromatiques, les données disponibles sur l'hydrosolubilité, le poids moléculaire et le diamètre transversal ont également été utilisées pour déterminer le potentiel de bioaccumulation. Étant donné leur hydrosolubilité modérée à élevée, leur nature ionique et leur degré élevé de dissociation dans des conditions environnementales normales, la tendance au fractionnement lipidique de ces substances devrait être limitée. De plus, les données sur la bioaccumulation découlant de l'exposition des organismes à ces substances dans le sol et les sédiments sont rares et limitées, ce qui s'explique en grande partie par l'hydrosolubilité modérée à élevée de ces substances (Environnement Canada et Santé Canada, 2013a).

En général, les amines aromatiques de ce sous-groupe sont des molécules relativement hydrophiles, de taille moyenne, ayant un poids moléculaire intermédiaire (de 107,2 à 221,66 g/mol). Les diamètres transversaux minimaux et maximaux des amines aromatiques varient entre 0,805 nm et 1,325 nm. Ces caractéristiques laissent entendre que les dimensions moléculaires peuvent également limiter le taux de captage de ces substances lorsqu'elles traversent les membranes cellulaires des poissons à partir de l'eau, réduisant ainsi leur potentiel de bioaccumulation (CPOP, 2012).

5.5.5  Résumé du potentiel de bioaccumulation

Les 16 amines aromatiques devraient avoir un faible potentiel de bioaccumulation, au vu de leur faible bioconcentration observée lors d'essais empiriques et de leurs propriétés physiques et chimiques (à savoir, faible log Koe, ionisation à un pH environnemental pertinent, poids moléculaire intermédiaire, grand diamètre transversal et hydrosolubilité modérée à élevée). Compte tenu du faible potentiel de bioaccumulation de ces substances, le risque que les concentrations internes dans les organismes atteignent des niveaux susceptibles de causer des effets néfastes devrait également être faible. Le potentiel d'effets néfastes est abordé plus en détail dans la section suivante.

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6. Potentiel d'effets nocifs sur l'environnement

6.1  Évaluation des effets sur l'environnement

Afin de fournir le meilleur poids de la preuve possible pour évaluer les effets écologiques des substances du sous-groupe des amines aromatiques, des données empiriques ainsi que des données modélisées, au besoin, ont été prises en compte. De façon générale, pour la plupart des substances du sous-groupe, il existe un grand nombre de données sur la toxicité aiguë et chronique chez les organismes de plusieurs niveaux trophiques (poissons, invertébrés et algues) du milieu aquatique. Des données empiriques sur la toxicité pour les sédiments ont été recensées seulement pour la 4-chloroaniline et la 3,4-dichloroaniline. Des données empiriques sur la toxicité pour le sol ont été relevées pour les substances suivantes : o-toluidine, 2-chloroaniline, 4-chloroaniline, 3,4-dichloroaniline et 4-nitroaniline.

Les valeurs d'écotoxicité prévues à l'aide des modèles R(Q)SA ont également été prises en compte dans le poids de la preuve pour toutes les substances; toutefois, dans ce rapport, seules les prévisions générées à l'égard des substances pour lesquelles il n'existait aucune donnée empirique ou pour lesquelles il y avait des paramètres manquants (c.-à-d. toxicité chronique) sont présentées afin de combler les lacunes dans les données.

6.1.1  Études empiriques pour le milieu aquatique

De nombreuses études de toxicité aquatique ont été relevées pour toutes les substances du sous-groupe des amines aromatiques, à l'exception du chlorhydrate de p-toluidine, du dichlorhydrate de m-phénylènediamine et du 2,4-diaminoanisole. Des valeurs empiriques sur la p-toluidine et la benzène-1,3-diamine sont employées comme données analogues pour le chlorhydrate de p-toluidine et le dichlorhydrate de m-phénylènediamine, respectivement. Des données modélisées et empiriques sur les autres benzènediamines (toluène-2,4-diamine et benzène-1,3-diamine) sont utilisées pour caractériser l'écotoxicité du 2,4-diaminoanisole. Des données empiriques sur la toxicité aiguë et chronique pour les invertébrés et les algues de la substance analogue structurale et fonctionnelle acide 4B sont utilisées pour combler les lacunes dans les données sur l'amine Red Lake C. De plus, des données modélisées ont servi à combler des lacunes dans les données sur un certain nombre de substances pour lesquelles il n'existe pas de données empiriques sur la toxicité chronique pour les invertébrés ou les poissons. Les paramètres empiriques les plus sensibles sur la toxicité aiguë et chronique tirés des rapports et des études disponibles, ainsi que les données modélisées utilisées pour combler les lacunes dans les données pour tous les niveaux trophiques sont présentés à l'annexe Aensemble de données empiriques et modélisées sur la toxicité qui a été consulté pour ce sous-groupe est fourni dans le rapport d'Environnement Canada (2014d).

Selon Verhaar et al. (1992), les 16 substances du sous-groupe des amines aromatiques peuvent être classées de façon générale comme composés moins inertes ou substances chimiques narcotiques polaires (classe 2) qui ont un mode d'action commun faisant intervenir la narcose polaire. La narcose polaire se produit à la suite d'interactions hydrophobes (van der Waals) et de la liaison hydrogène touchant les constituants de la membrane, ce qui provoque une perturbation générale et réversible du fonctionnement de la membrane cellulaire (Nendza et Wenzel, 2006; Newman et Clements, 2008). La narcose polaire dépend de l'hydrophobicité (log Koe) et de la polarité des groupes fonctionnels. Toutefois, les composés d'une classe chimique peuvent être associés à plusieurs modes d'action chez une même espèce, ou bien peuvent agir selon le même mode d'action chez certains organismes et selon des modes d'action distincts chez d'autres organismes (Bradbury, 1995; Nendza et Wenzel, 2006). Les données sur la toxicité chez Pseudokirchneriella subcapitata et Vibrio fischeri de 28 amines aromatiques, dont la 2-chloroaniline, la 4-chloroaniline, la 3,4-dichloroaniline, l'o-toluidine et la p-toluidine, ont permis d'observer que la toxicité était fonction d'autres caractéristiques que le simple log Koe, ce qui donne à croire que d'autres modes d'action seraient en jeu (Aruoja et al., 2011). Chez la tête-de-boule, certaines amines aromatiques ont été associées à une narcose non polaire, à une narcose polaire et à un découplage de la phosphorylation oxydative (Bradbury, 1995), tandis que la 3,4-dichloroaniline a été classée comme narcotique non polaire (Russom et al., 1997). Des essais in vitro portant sur la levure de boulangerie (Saccharomyces cerevisiae) ont permis de déterminer que la 4-chloroaniline présentait un potentiel de découplage de la phosphorylation oxydative ou d'inhibition du mode d'action de la chaîne respiratoire de transport d'électrons (Nendza et Wenzel, 2006). Chez Daphnia magna, on a observé une substitution nucléophile aromatique comme mode d'action secondaire en plus de la narcose polaire dans le cas des substances suivantes : o-anisidine, o-toluidine, p-toluidine, 2-chloroaniline, 4-chloroaniline, 3,4-dichloroaniline et 2-naphtylamine (Zhang et al., 2013). Un autre mode d'action réactif (électrophilie), comportant une liaison covalente irréversible avec une protéine par des réactions d'addition de type Michael, a été observé chez Daphnia magna pour la benzène-1,3-diamine, la toluène-2,4-diamine et le p-aminophénol (Enoch et al., 2011; Zhang et al., 2013). Ce mode d'action a également été noté dans le cas du p-aminophénol chez un organisme d'un autre niveau trophique, Tetrahymena pyriformis (Cronin et al., 2002; Zhang et al., 2013), ce qui indique qu'il peut s'agir du principal mode d'action de cette substance dans la plupart des niveaux trophiques. Ces substances chimiques peuvent subir une transformation métabolique ou abiotique par oxydation en présence d'une quinone réactive ou d'une quinone-imine (Enoch et al., 2008; Schwöbel et al., 2011; Zhang et al., 2013).

Comme il a été mentionné précédemment, bien qu'il existe des exceptions pour certaines espèces, les amines aromatiques de ce sous-groupe peuvent être regroupées en deux grandes classes chimiques : les narcotiques polaires et les substances chimiques réactives. Le p-aminophénol est la seule substance chimique réactive pour plusieurs niveaux trophiques, tandis que toutes les autres substances sont qualifiées de narcotiques polaires dont la toxicité est principalement régie par la lipophilie et le log Koe. Par conséquent, même si les données empiriques et modélisées sur la toxicité recueillies pour le sous-groupe des amines aromatiques sont présentées par sous-ensemble structural écologique, il se peut que la toxicité ne soit pas différente d'un sous-ensemble à l'autre selon le mode d'action des substances.

La toxicité des composés d'aniline substitués dépend également du type (chloro-, méthyl-, etc.), du nombre (mono-, di-, etc.) et de la position (ortho-, méta-, para-) des substituants (Stahl et al., 1990; Sun et al., 2004; Aruoja et al., 2011). La position relative des radicaux sur le cycle benzénique modifie la toxicité des composés pour les espèces aquatiques, mais le mécanisme à l'origine de cette différence n'a pas été déterminé (Sun et al., 2004). On sait toutefois que la présence de plusieurs substituants provoque également un encombrement stérique qui peut atténuer la réactivité des substances chimiques. Chez les mammifères, la cancérogénicité est confirmée ou présumée pour la plupart des amines aromatiques de ce sous-groupe (BUA, 1992, 1994; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002, 2006; OCDE, 2004a, 2005a, 2010). En outre, dans certains cas, on a observé des effets génotoxiques chez les poissons (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006). En ce qui concerne les invertébrés et les poissons, il se peut que la liaison et la sorption des anilines substituées à des matières dissoutes ou particulaires réduise la toxicité des substances. En effet, il s'est avéré que la toxicité de la 4-chloroaniline chez le poisson zèbre était nettement plus faible en présence de matière humique dissoute, ce qui s'explique vraisemblablement par la liaison et l'adsorption (Lee et al., 1993).

6.1.1.1  Sous-ensemble écologique 1 : Amines aromatiques méthylées et comptant un groupement oxy-

Comme qu'on pouvait s'y attendre d'après leur mode d'action semblable par narcose polaire et leur valeur de log Koesemblable (de 0,979 à 1,65), les données empiriques disponibles pour les cinq substances formant ce sous-ensemble sont relativement uniformes pour les trois niveaux trophiques. Les deux amines méthylées (p-toluidine et o-toluidine) présentent une toxicité légèrement plus élevée pour les poissons et les invertébrés que l'o-anisidine et la p-phénétidine en raison de leur plus forte lipophilie. Ces substances sont modérément toxiques pour les poissons d'après les valeurs de toxicité chronique et aiguë de l'o-toluidine (concentration sans effet observé [CSEO] après 96 heures = 31,6 mg/L; CSEO après 21 jours = 12,5 mg/L) [CHRIP, ©2002-2012; OCDE, 2004a], de la p-toluidine (concentration létale médiane [CL50] après 48 heures = 42 mg/L; CSEO après 30 jours = 0,6; concentration minimale avec effet observé [CMEO] après 30 jours = 1,2 mg/L) [Tonogai et al., 1982; CHRIP, ©2002-2012], de l'o-anisidine (CL50après 96 heures = 200 mg/L; CL50 après 14 jours = 165 mg/L) [Canton et al., 1985; CHRIP, ©2002-2012] et de la p-phénétidine (CL50 après 48 heures = 20 mg/L; CL50 après 14 jours = 35,3 mg/L) [Commission européenne, ©2000g; ECOSAR, 2012]. Il convient de noter que les valeurs de toxicité chronique (Vtc) pour les poissons générées par le modèle ECOSAR (2012) sont faibles pour les quatre composés (Vtc = 0,087 à 0,22 mg/L). Les substances sont légèrement plus toxiques pour les invertébrés d'après les valeurs de toxicité aiguë CL50 après 48 heures de 0,12 mg/L de la p-toluidine et de 0,52 mg/L de l'o-toluidine (OCDE, 2004a, 2005a), la CE50après 48 heures de 6,8 mg/L de l'o-anisidine (Canton et al., 1985) et la CE50 après 24 heures de 170 mg/L de la p-phénétidine (OCDE, 1999). Les valeurs de toxicité chronique de la p-toluidine (CE50après 21 jours = 0,021) et de l'o-toluidine (CE50 après 21 jours = 0,066 mg/L) [CHRIP, ©2002-2012] chez les invertébrés sont d'environ un ordre de grandeur supérieures aux valeurs de toxicité de l'o-anisidine (CSEO après 21 jours = 0,25 mg/L, mais CE50 après 21 jours = 1,3 mg/L) [Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002] et de la p-phénétidine (CMEO après 21 jours = 0,6 mg/L) [OCDE, 1999]. Aucune des données disponibles ne laisse croire que l'un de ces quatre composés peut être très toxique pour les algues, à l'exception d'une faible valeur de CE50après 14 jours de 0,203 mg/L obtenue pour la p-toluidine (Gaur, 1988).

6.1.1.2  Sous-ensemble écologique 2 : Amines phénoliques

Tel qu'il a été mentionné précédemment, le p-aminophénol est classé en tant que substance chimique réactive ayant un mode d'action par électrophilie chez certaines espèces (Cronin et al., 2002; Enoch et al., 2011; Zhang et al., 2013). Ce mode d'action réactif est corroboré par les données empiriques sur la toxicité qui indiquent que le p-aminophénol est hautement toxique pour les poissons, les invertébrés et les algues, et ce, malgré ses faibles valeurs de log Koe (de -0,09 à 0,04). La toxicité élevée de cette substance pour les organismes aquatiques peut s'expliquer par le métabolisme ou l'oxydation du p-aminophénol en quinones toxiques (Cronin et al., 2002; Zhang et al., 2013). On observe chez les poissons de faibles valeurs de toxicité aiguë à court terme (CL50 après 96 heures = 0,93 mg/L; CL20après 2 heures = 0,06 mg/L) [Holdway et al., 1991; CHRIP, ©2002-2012] et de faibles valeurs de toxicité chronique à long terme (CSEO après 30 jours = 0,064 mg/L; CMEO après 30 jours = 0,13 mg/L) [CHRIP, ©2002-2012]. On observe des résultats semblables chez les invertébrés en ce qui concerne la toxicité aiguë (CE50 après 48 heures = 0,098, 0,24 mg/L) [Kühn et al., 1989; OCDE, 2010] et la toxicité chronique (CSEO après 21 jours = 0,055 mg/L; CE50 après 21 jours = supérieur(e) à  0,21 mg/L) [CHRIP, ©2002-2012]. Les valeurs de toxicité pour les algues sont également faibles (CE50 après 72 heures = 0,1, 0,17 mg/L) [CHRIP, ©2002-2012]. On a constaté que le p-aminophénol entraînait une inhibition du nombre de cellules, de la chlorophylle a, de la production totale d'hydrate de carbone, de l'absorption de 14CO2 ainsi que des activités nitrate réductase et nitrogénase chez Chlorella vulgaris, Nostoc linckia et Nostoc muscorum à une concentration de 2 mg/L (Megharaj et al., 1991; DeLorenzo et al., 2001). En plus de sa toxicité élevée pour les poissons et les invertébrés, le p-aminophénol peut aussi être mutagène et avoir un effet tératogène (Yoshida et al., 1998; Sun et al., 2004). On a observé que le p-aminophénol provoquait des dommages à l'acide désoxyribonucléique (ADN) dans les cellules des reins de la carpe (Cyprinus carpio) exposées pendant cinq jours à une faible concentration (0,008 mg/L) dans le cadre d'un essai de Comet (Sun et al., 2004). Le mécanisme à l'origine de ces effets pourrait être le métabolisme oxydatif et la conjugaison subséquente avec le glutathion (Sun et al., 2004).

6.1.1.3  Sous-ensemble écologique 3 : Benzènediamines

Tel qu'il a été mentionné précédemment, deux benzènediamines de ce sous-groupe, soit la benzène-1,3-diamine et la toluène-2,4-diamine, sont classées comme des substances chimiques réactives ayant un mode d'action par électrophilie chez Daphnia magna (Zhang et al., 2013). En ce qui concerne les invertébrés, les trois benzènediamines affichaient une toxicité aiguë modérée (CE50 après 48 heures supérieur(e) ou égal(e) à  1,6 mg/L) [CHRIP, ©2002-2012; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008; ECOSAR, 2012], mais une toxicité chronique élevée. Les valeurs de toxicité chronique les plus sensibles pour les trois substances étaient inférieures à 1 mg/L : benzène-1,3-diamine (CE50 après 21 jours = 0,62 mg/L), toluène-2,4-diamine (CE50 après 21 jours = 0,62 mg/L) et 2,4-diaminoanisole (Vtc = 0,072 mg/L) [CHRIP, ©2002-2012; ECOSAR, 2012]. Dans le cas des poissons, les données disponibles sur la toxicité des trois benzènediamines indiquaient une toxicité nettement plus faible, ce qui pourrait signifier qu'elles ont un mode d'action différent à ce niveau trophique. En effet, les valeurs empiriques et modélisées sur la toxicité de la benzène-1,3-diamine (CL50 après 96 heures = 1 618 mg/L; CL50 après 96 heures  supérieur(e) à  100 mg/L) [Stahl et al., 1990; CHRIP, ©2002-2012], de la toluène-2,4-diamine (CL50 après 96 heures = 219 mg/L) [Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008] et du 2,4-diaminoanisole (CL50 après 96 heures = 1 500 à 1 800 mg/L) [DS TOPKAT, ©2005-2009; ECOSAR, 2012] pour les poissons sont bien supérieures à 100 mg/L. Les valeurs de toxicité chronique modélisées à l'aide du modèle ECOSAR (2012) indiquent également une faible toxicité pour ces trois composés, comme le montrent les valeurs Vtc de la benzène-1,3-diamine (162,3 mg/L), de la toluène-2,4-diamine (69,6 mg/L) et du 2,4-diaminoanisole (179,7 mg/L). Il convient de noter que les autres isomères de la benzène-1,3-diamine, notamment la benzène-1,2-diamine (n° CAS 95-54-2) et en particulier la benzène-1,4-diamine (n° CAS 106-50-3), sont plus réactifs et présentent une plus grande toxicité pour les poissons, la daphnie et les algues que la benzène-1,3-diamine, car ils sont plus susceptibles de subir une autoxydation qui formera des composés réactifs (Stahl et al., 1990; Zhang et al., 2013). Les trois benzènediamines sont modérément toxiques pour les algues d'après les valeurs empiriques de toxicité supérieures à 1 mg/L de la benzène-1,3-diamine (CE50 après 96 heures = 2,4 mg/L) et de la toluène-2,4-diamine (CE50 après 96 heures = 9,54 mg/L) [Dodard et al., 1999; CHRIP, ©2002-2012]. La valeur de CE50après 96 heures de 2,93 mg/L du 2,4-diaminoanisole pour les algues est cohérente avec les données modélisées (ECOSAR, 2012). Toutefois, les valeurs de toxicité chronique prévues des trois composés pour les algues indiquent une toxicité beaucoup plus élevée (Vtc = 0,045 à 0,058 mg/L) [ECOSAR, 2012].

6.1.1.4  Sous-ensemble écologique 4 : Amines aromatiques chlorées

La 2-chloroaniline, la 4-chloroaniline et la 3,4-dichloroaniline sont généralement considérées comme des narcotiques polaires dont la toxicité est principalement liée à leurs valeurs de log Koe. Toutefois, on a également observé une substitution nucléophile aromatique comme mode d'action secondaire chez Daphnia magna (Zhang et al., 2013). Les données empiriques sur la toxicité de la 2-chloroaniline indiquent que la substance peut être considérée comme modérément toxique pour les poissons (CE50 aiguë après 96 heures = 3,2 mg/L; CMEO chronique après 30 jours = 3,9 mg/L) [Canton et al., 1985; CHRIP, ©2002-2012] et les algues (CE10 après 72 heures = 6 mg/L) [Kühn et Pattard, 1990], mais très toxique pour les invertébrés (CE50 aiguë après 48 heures = 0,46 mg/L; CE50 chronique après 21 jours = 0,043 mg/L) [Canton et al., 1985; CHRIP, ©2002-2012]. En revanche, la 4-chloroaniline peut être considérée comme très toxique pour les poissons (CL50 aiguë après 96 heures = 2,4 mg/L; CMEO chronique après 56 jours = 1 mg/L) [Julin et Sanders, 1978; Bresh, 1991] et les algues (CE10 après 96 heures = 0,4 mg/L) (Geyer et al., 1984) et extrêmement toxique pour les invertébrés (CL50 aiguë après 48 heures = 0,05 mg/L; CSEO chronique après 21 jours = 0,0032 mg/L; CE50 après 21 jours = 0,01 mg/L) [ECOTOX, 2000; CHRIP, ©2002-2012]. Après avoir été exposés à la 4-chloroaniline à des concentrations supérieures à 5 mg/L, les embryons des poissons zèbres affichaient une pigmentation et un développement anormaux (Burkhardt-Holm et al., 1999). On a observé des modifications temporaires dans les cellules du foie et des branchies des embryons et des larves de poissons zèbres après une exposition à la 4-chloroaniline à des concentrations respectives de 0,05 et de 0,5 mg/L; une perturbation de la respiration des érythrocytes a été notée comme autre mode d'action (Burkhardt-Holm et al., 1999). La 3,4-dichloroaniline peut être considérée comme très toxique pour les poissons (CMEO aiguë après 0,8 jour = 0,5 mg/L; CMEO chronique après 42 jours = 0,002 mg/L) [Schäfers et Nagel, 1991; Hendricks et Stoutent, 1993] et les algues (CE50après 21 jours = 0,003 mg/L) [Jak et al., 1998] et extrêmement toxique pour les invertébrés (CE50 aiguë après 3 jours = 0,0146 mg/L; CE50 chronique après 21 jours = 0,0004 mg/L) [Jak et al., 1998; Barata et Baird, 2000]. La 3,4-dichloroaniline a eu des effets importants sur la reproduction de Ceriodaphnia dubia (Rose et al., 2002). Cette substance provoque également des effets sur le système endocrinien des poissons (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006).

6.1.1.5  Sous-ensemble écologique 5 : Nitroanilines

On a déterminé qu'un isomère de la 4-nitroaniline, la 3-nitroaniline (n° CAS 99-09-2), était un narcotique polaire chez Daphnia magna et qu'il avait un mode d'action secondaire, soit la substitution nucléophile (Zhang et al., 2013). La 4-nitroaniline devrait également avoir des modes d'action semblables. Des données empiriques sur la toxicité aiguë indiquent que la 4-nitroaniline est modérément toxique pour les poissons (CSEO après 96 heures = 10 mg/L; CL50 après 96 heures = 45 mg/L) et les invertébrés (CSEO après 48 heures = 10 mg/L; CE50 après 48 heures = 20 mg/L) [Solutia Inc., 2004]. La valeur de toxicité chronique (Vtc) pour les invertébrés (0,03 mg/L) [ECOSAR, 2012] indique que la 4-nitroaniline pourrait être considérée comme très toxique dans certaines conditions d'exposition. Des données modélisées sur la toxicité chronique pour les poissons montrent une Vtc de 0,144 mg/L (ECOSAR, 2012), ce qui indique une toxicité élevée pour les poissons s'ils sont exposés à cette substance de façon chronique. Enfin, la 4-nitroaniline peut être considérée comme modérément toxique pour les algues (CSEO après 72 heures = 0,94 mg/L; CE50 après 72 heures = 43 mg/L) [CHRIP, ©2002-2012].

6.1.1.6  Sous-ensemble écologique 6 : Naphthalènamines

On a également déterminé que la 2-naphtylamine était un narcotique polaire chez Daphnia magna et qu'elle avait une mode d'action secondaire, soit la substitution nucléophile (Zhang et al., 2013). La 2-naphtylamine présente une toxicité aiguë modérée pour les poissons (CL50 après 96 heures = 3,9 mg/L) [CHRIP, ©2002-2012]. Bien qu'il n'existe aucune donnée empirique sur la toxicité chronique de la 2-naphtylamine pour les poissons, les valeurs sur la toxicité chronique pour les poissons obtenues à l'aide du modèle R(Q)SA ECOSAR (2012) [Vtc = 0,041 mg/L] indiquent que cette substance peut être très toxique pour les poissons en cas d'exposition chronique. La 2-naphtylamine devrait également être très toxique pour les invertébrés d'après l'exposition aiguë (CE50 après 48 heures = 0,84 mg/L) et chronique (CE50 après 21 jours = 0,029 mg/L) à la substance (CHRIP, ©2002-2012). On peut également tirer une conclusion semblable pour les algues d'après une valeur de CE50après 72 heures de 0,43 à 0,5 mg/L (CHRIP, ©2002-2012).

6.1.1.7  Sous-ensemble écologique 7 : Amines aromatiques sulfoniques

Aucun mode d'action n'a été relevé dans la littérature scientifique pour l'amine Red Lake C. Il existe peu de données empiriques sur la toxicité de l'amine Red Lake C. Les données recensées indiquent que la substance présente une faible toxicité aiguë pour les poissons (CL50 après 96 heures = 6 350 mg/L) [Commission européenne, ©2000f]. Les données empiriques sur la substance analogue acide 4B indiquent une toxicité chronique et aiguë modérée pour les invertébrés (CE50 après 48 heures = supérieur(e) à  10 mg/L; CSEO après 21 jours = 3,2 mg/L) et une toxicité faible à modérée pour les algues (CSEO après 72 heures = 10 mg/L) [CHRIP, ©2002-2012].

6.1.2  Données empiriques sur la toxicité pour d'autres milieux naturels

On a également recensé des données sur la toxicité dans le sol et les sédiments pour un certain nombre de substances du sous-groupe des amines aromatiques. Des données toxicologiques sur les organismes vivants dans les sédiments ont été trouvées seulement pour la 4-chloroaniline et la 3,4-dichloroaniline (voir le tableau 6.1).

Tableau 6-1. Données sur la toxicité dans les sédiments pour le sous-groupe des amines aromatiques
Sous-ensemble
écologique
N° CASType d'organismeType d'essai (durée)Paramètre et valeur (mg/L)Référence
495-76-1Invertébré (mouche, Chironomus riparius)Toxicité aiguë (96 h)CL50 = 0,004 mg/LECOTOX, 2000
495-76-1Invertébré (ver, Tubifex tubifex)Toxicité aiguë (48 h)CL50 = 11 mg/LCentre commun de recherche de la Commission européenne, 2006
495-76-1Invertébré (ver, Lumbriculus variegatus)Toxicité chronique (14 jours)CSEO = 5 mg/kgOetken et al., 2000
495-76-1Invertébré (mouche, Baetis rhodani)Toxicité chronique (28 jours)CMEO = 0,07 mg/LGirling et al., 2000
4106-47-8Invertébré (Chironomus plumosus)Toxicité aiguë (48 h)CE50 = 43 mg/LJulin et Sanders, 1978

Des études de toxicité dans le sol ont été recensées pour la p-toluidine (n° CAS 106-49-0), la 2-chloroaniline (n° CAS 95-51-2), la 4-chloroaniline (n° CAS 106-47-8), la 3,4-dichloroaniline (n° CAS 95-76-1) et la 4-nitroaniline (n° CAS 100-01-6). Le tableau 6-2 présente les paramètres spécifiques pour chaque substance.

Les résultats des essais de toxicité chronique et aiguë sur les invertébrés et les plantes indiquent que ces cinq substances présentent une toxicité faible à modérée.

Tableau 6-2. Études empiriques disponibles sur la toxicité chronique et aiguë dans le sol pour le sous-groupe des amines aromatiques
Sous-ensemble écologiqueN° CASType d'organisme (espèce)Type d'essai (durée)Paramètre et valeur (mg/L)Référence
1106-49-0Plante (chou chinois)Toxicité aiguë (5 jours)CE50 = 102,2Feng et al., 1996
495-76-1Plante (chou chinois, Brassica rapa var. amplexicaulis)Toxicité aiguë (5 jours)CE50 = 14,1 mg/LFeng et al., 1996
495-76-1Plante (laitue, Lactuca sativa)Toxicité aiguë (7 jours)CSEO = 1 mg/kgECOTOX, 2000
495-76-1Invertébré (ver, Eisenia fetida subsp. andrei)Toxicité chronique (14 jours)CE50 = 130 mg/kgVan Gestel et Van Dis, 1988
495-76-1Plante (laitue, Lactuca sativa)Toxicité chronique (14 jours)CSEO = 1 mg/kgECOTOX, 2000
495-76-1Plante (laitue, Lactuca sativa)Toxicité chronique (14 jours)CE50 = 10 mg/kgHulzebos et al., 1993
4106-47-8Invertébré (Eisenia fetida)Toxicité chronique (28 jours)CL50 = 540 mg/kgECOTOX, 2000
4106-47-8Invertébré (Eisenia fetida)Toxicité chronique (14 jours)CL50 = 180 mg/kgECOTOX, 2000
4106-47-8Plante (Brassica rapa)Toxicité chronique (14 jours)CL50 = 66,5 mg/kgECOTOX, 2000
4106-47-8Plante (Brassica rapa)Toxicité chronique (14 jours)CL50 = 200 mg/kgECOTOX, 2000
4106-47-8Plante (chou chinois)Toxicité aiguë (5 jours)CE50 = 39,4 mg/kgFeng et al., 1996
4106-47-8Plantes (n = 9)Toxicité chronique (14 jours)CE50 = 1 000 mg/kgECOTOX, 2000
4106-47-8Plante (Sinapis alba)Toxicité chronique (14 jours)CE50 = 100 mg/kgECOTOX, 2000
4106-47-8Plante (Vicia faba major)Toxicité chronique (14 jours)CL50 = 140 mg/kgECOTOX, 2000
495-51-2Plante (Vicia faba major)Toxicité aiguë (36 h)CE10 = 153BUA, 1994
495-51-2Plante (Vicia faba major)Toxicité aiguë (36 h)CE50 = 549BUA, 1994
5100-01-6Plante (chou chinois)Toxicité aiguë (5 jours)CE50 = 43,6Feng et al., 1996

6.1.3  Détermination des concentrations estimées sans effet pour les milieux aquatique et terrestre

Bon nombre des substances de ce sous-groupe ont un mode d'action commun. Nous avions envisagé au départ d'utiliser une valeur critique de toxicité (VCT) pour représenter toutes les amines aromatiques de ce sous-groupe pour le milieu aquatique. Il existe toutefois des écarts de plusieurs ordres de grandeur entre les substances en raison des modes d'action distincts et des différences quant au nombre, au type et à la position des substituants. C'est pourquoi des VCT aquatiques ont été choisies pour chaque substance du sous-groupe. Les VCT des substances commercialisées au Canada ont ensuite été utilisées pour calculer les concentrations estimées sans effet (CESE). Afin de choisir la VCT, on a examiné les études pouvant être consultées immédiatement qui présentaient les valeurs de toxicité les plus faibles (Environnement Canada, 2014d). Les paramètres de toxicité chronique ont été privilégiés étant donné que les substances de ce sous-groupe sont susceptibles d'être présentes dans l'environnement à de faibles concentrations en cas de rejet dans l'environnement. Les valeurs de CE50 ou de CMEO sont habituellement les paramètres à privilégier, mais on a choisi les valeurs de CSEO pour la 4-nitroaniline et l'amine Red Lake C en raison du peu de données disponibles. La préférence a été accordée aux données provenant d'études empiriques par rapport aux données modélisées, et aux données de toxicité chronique par rapport aux données de toxicité aiguë. Toutefois, en l'absence de données empiriques pour le 2,4-diaminoanisole, une valeur de toxicité chronique (Vtc) modélisée pour les invertébrés a été choisie comme VCT. Les données pour les invertébrés ont été choisies, car les valeurs modélisées pour les autres niveaux trophiques semblaient surestimer la toxicité par rapport aux valeurs empiriques relevées pour d'autres substances structuralement semblables du sous-ensemble écologique 3. La liste des VCT est présentée au tableau 6-3.

Tableau 6-3. Valeurs chroniques de toxicité choisies pour le milieu aquatique pour chaque substance du sous-groupe des amines aromatiques, par sous-ensemble écologique
Sous-ensemble écologique (n° CAS)Organisme (espèce)Type d'essai (durée)VCT (mg/L)Référence
1 (106-49-0 et 540-23-8)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,021CHRIP, ©2002-2012
1 (95-53-4)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,066CHRIP, ©2002-2012
1 (90-04-0)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 1,3CHRIP, ©2002-2012
1 (156-43-4)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CMEO = 0,6Commission européenne, ©2000g
2 (123-30-8)Algue (Pseudokirchneriella subcapitata)Toxicité chronique (72 h)CE50 = 0,1CHRIP, ©2002-2012
3 (108-45-2 et 541-69-5)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,62CHRIP, ©2002-2012
3 (95-80-7)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,81CHRIP, ©2002-2012
3 (615-05-4)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chroniqueVtc = 0,072ECOSAR, 2012
4 (95-51-2)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,043CHRIP, ©2002-2012
4 (106-47-8)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,01CHRIP, ©2002-2012
4 (95-76-1)Invertébrés (espèce Bosmina)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,0004Jak et al., 1998
5 (100-01-6)Algue (Pseudokirchneriella subcapitata)Toxicité chronique (72 h)CSEO = 0,94CHRIP, ©2002-2012
6 (91-59-8)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,029CHRIP, ©2002-2012
7 (88-44-8)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CSEO = 3,2CHRIP, ©2002-2012

Pour calculer les CESE, un facteur d'évaluation (FE) de 10 a été appliqué à chaque VCT et les éléments suivants ont été pris en compte :

Ce facteur d'évaluation est appliqué pour rendre compte de l'extrapolation des résultats en laboratoire aux espèces sur le terrain.

La CESE pour le milieu aquatique de chaque substance commercialisée au Canada se calcule donc comme suit : CESE = VCT/FE. Les CESE ainsi obtenues sont présentées dans le tableau 6-4.

Tableau 6-4. CESE pour le milieu aquatique représentant les dix amines aromatiques commercialisées au Canada, par sous-ensemble écologique
Sous-ensemble écologique (n° CAS)Organisme (espèce)Type d'essai (durée)VCT (mg/L)CESE (mg/L)
1 (95-53-4)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,0660,0066
1 (106-49-0)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,0210,0021
1 (90-04-0)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 1,30,13
1 (156-43-4)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CMEO = 0,60,06
2 (123-30-8)Algue (Pseudokirchneriella subcapitata)Toxicité chronique (72 h)CE50 = 0,10,01
3 (108-45-2)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,620,062
4 (95-51-2)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,0430,0043
6 (91-59-8)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CE50 = 0,0290,0029
7 (88-53-9)Invertébrés (Daphnia magna)Toxicité chronique (21 jours)CSEO = 3,20,32

En ce qui concerne les organismes terrestres, la CSEO après 14 jours de 1 mg/kg pour la laitue (Lactuca sativa) à l'égard de la 3,4-dichloroaniline (ECOTOX, 2000) a été choisie comme VCT pour l'ensemble du sous-groupe des amines aromatiques. On obtient ensuite la CESE en divisant cette valeur par un facteur d'évaluation de 100 pour tenir compte des différences de variabilité interspécifique et intraspécifique ainsi que du nombre limité de points de données. Par conséquent, nous avons calculé une CESE de 0,01 mg/L pour le sous-groupe.

Les données sur la toxicité dans les sédiments étaient insuffisantes pour choisir une VCT représentant chaque substance ou l'ensemble du sous-groupe; par conséquent, la CESE n'a pas été calculée pour les amines aromatiques dans le milieu sédimentaire.

6.1.4  Résumé des effets sur l'environnement

D'après les éléments de preuve fondés sur des données empiriques et déduites à partir d'analogues sur l'écotoxicité aquatique, on peut conclure que certaines amines aromatiques peuvent causer des effets nocifs pour les organismes aquatiques à de faibles concentrations (p. ex., les CESE variant de 2,1 × 10−3 – 0,32 mg/L).

6.2  Évaluation de l'exposition de l'environnement

6.2.1  Rejets dans l'environnement

Comme on n'a recensé que peu ou pas de données sur les concentrations environnementales mesurées (dans l'eau, le sol ou les sédiments) des amines aromatiques au Canada, les concentrations environnementales ont été estimées sur la base des autres renseignements disponibles. Les rejets anthropiques d'une substance dans l'environnement dépendent de différentes pertes qui surviennent pendant la fabrication, l'utilisation industrielle, l'utilisation commercialeNote de bas de page[5] et par les consommateurs, ainsi que l'élimination d'une substance. Afin d'estimer les rejets dans l'environnement à différentes étapes du cycle de vie des amines aromatiques, Environnement Canada a compilé des renseignements sur les secteurs pertinents et les gammes de produits ainsi que les facteurs d'émissionNote de bas de page[6] dans les eaux usées, le sol et l'air à différentes étapes du cycle de vie en vue de déterminer celles qui contribuent le plus aux concentrations environnementales. Nous avons également tenu compte des activités de recyclage et de transfert vers les sites d'élimination des déchets (sites d'enfouissement, incinération). Cependant, les rejets dans l'environnement à partir de ces sources n'ont pas été pris en compte sur le plan quantitatif, sauf lorsque des renseignements précis et fiables sur le taux (ou le potentiel) de rejets à partir des sites d'enfouissement ou des incinérateurs étaient disponibles.

En général, les eaux usées constituent une source de point d'entrée usuelle d'une substance dans l'eau par les effluents des systèmes de traitement des eaux usées ainsi qu'un point d'entrée potentiel dans le sol durant l'épandage subséquent des biosolides. Cette information est utilisée pour développer davantage les scénarios d'exposition afin d'estimer les concentrations environnementales qui en découlent.

Les facteurs liés aux étapes du cycle de vie de ces substances ont été étudiés. Les incertitudes ont été mises en lumière et des hypothèses ont été formulées en fonction des renseignements disponibles. Des scénarios d'exposition pour les utilisations ou les milieux préoccupants ont été élaborés, y compris la détermination des concentrations environnementales estimées (CEE) qui sont applicables.

6.2.2  Détermination des scénarios d'exposition importants

Les amines aromatiques de ce sous-groupe ne sont pas fabriquées au Canada, d'après les données recueillies dans le cadre des enquêtes réglementaires (Canada, 2006, 2009, 2011). Elles étaient importées et utilisées en grande partie dans la production des produits définis en vertu de l'article 71, notamment :

D'après ces profils d'utilisation, deux scénarios de rejets industriels et deux scénarios de rejets par les consommateurs ont été déterminés comme les principales sources potentielles de rejets dans l'environnement (en vertu de l'article 71) des substances commercialisées au Canada, à savoir :

La caractérisation de l'exposition quantitative n'est pas présentée pour la fabrication des pigments, car les amines aromatiques sont utilisées comme intermédiaires dans la fabrication des pigments organiques d'après l'enquête de 2012 (Environnement Canada, 2010). Les quantités résiduelles déclarées de l'une de ces amines aromatiques (o-anisidine) dans les pigments produits étaient de l'ordre de 10 à 50 mg/kg (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002, p. 9). La quantité maximale des résidus d'amines aromatiques est estimée à 0,5 kg par jour si l'on suppose que la fabrication des pigments a lieu 300 jours par année, que la concentration des résidus d'amines aromatiques est la plus élevée déclarée (50 mg/kg) et qu'ils sont présents dans tous les pigments organiques produits au Canada, soit 3 millions de kilogrammes au total en 2010 (CEH, 2010, p. 53). Étant donné qu'une petite fraction seulement de cette quantité quotidienne est rejetée dans les eaux usées avec les pigments pendant le nettoyage du matériel et que les eaux usées sont traitées sur place et hors site, les rejets dans le milieu aquatique ne devraient pas être importants.

6.2.3  Calcul des concentrations environnementales estimées (CEE)

La colonne d'eau est considérée comme un milieu naturel important s'agissant de la présence des amines aromatiques après qu'elles ont été déversées par des installations industrielles, puis rejetées dans les eaux réceptrices par les systèmes de traitement des eaux usées, compte tenu de leur hydrosolubilité modérée à élevée et de leur faible coefficient de partage octanol-eau (log Koe). Selon les estimations du modèle ASTreat (2006), l'élimination des substances par sorption aux boues d'épuration est de moins de 10 %, de sorte que l'exposition dans les sols en raison de l'épandage de biosolides est limitée. Une fois rejetées dans les eaux réceptrices, ces substances demeurent principalement en phase aqueuse en raison de leur nature hydrophile. C'est pourquoi le milieu aquatique a été choisi pour calculer l'exposition.

6.2.3.1  Rejets provenant de l'utilisation de produits cosmétiques et de soins personnels par les consommateurs, définis en vertu de l'article 71

Un scénario de rejet par les consommateurs est élaboré pour estimer l'exposition aquatique aux rejets d'amines aromatiques provenant de l'utilisation de produits cosmétiques et de soins personnels, définis en vertu de l'article 71. Ce scénario est fondé sur un grand nombre de sites (1 077), et chaque site est raccordé à un système public de traitement des eaux usées. Ces sites représentent plus de 70 % de la population canadienne et sont donc jugés suffisants pour prendre en compte les conditions de rejets au Canada provenant de l'utilisation des cosmétiques par les consommateurs.

Le scénario se caractérise par trois paramètres : 1) facteur d'émission dans les eaux usées (E); 2) élimination par le traitement des eaux usées (R); 3) volume d'eau de dilution par jour par personne (B). Les valeurs respectives de ces paramètres sont résumées dans le tableau 6-5.

Tableau 6-5. Résumé des valeurs des paramètres utilisés dans le scénario de rejets par les consommateurs provenant de l'utilisation de cosmétiques
ParamètreValeurDistribution
Facteur d'émission dans les eaux usées (E)100 %Sans objet
Élimination par le traitement des eaux usées (R)3,3 %Sans objet
Volume d'eau de dilution par jour par personne (B)277 à 69 613 L par jour par personneDiscrète

Comme on ne connaît pas le facteur d'émission dans les eaux usées (égouts), on a supposé de façon prudente qu'il était de 100 %.

Le calcul de l'élimination par le traitement des eaux usées correspond à la moyenne de trois niveaux de systèmes publics de traitement des eaux usées (aucun ou préliminaire, primaire, et secondaire) que l'on trouve sur les 1 077 sites. L'élimination attribuable à chaque type de traitement est estimée à l'aide de modèles, sauf lorsqu'il n'y a aucun traitement ou il y a un traitement préliminaire, auxquels cas on a supposé une élimination nulle. La moyenne est pondérée par la proportion de chaque type de traitement et on considère qu'elle représente l'atténuation globale des rejets d'amines aromatiques par les systèmes publics de traitement des eaux usées au Canada.

Le volume d'eau de dilution par jour par personne est la quantité d'eau utilisée sur un site pour la dilution des substances chimiques rejetées quotidiennement par personne près d'un point de rejet d'un système public de traitement des eaux usées. Ce paramètre est calculé comme une distribution discrète, à partir d'une valeur pour chacun des 1 077 sites.

On peut ensuite estimer la CEE pour le milieu aquatique (μg/L) pour une quantité quotidienne d'amines aromatiques utilisée par personne donnée (A, en mg/jour par personne) à l'aide de l'équation suivante :

CEE = [A × E × (1 - R)] / B

La quantité quotidienne d'amines aromatiques utilisée par personne est établie sous forme de plage (de 0,806 à 8,06 mg/jour par personne), d'après la plage des quantités importées tirées des enquêtes réglementaires (Environnement Canada, 2006, 2009), la population canadienne et le nombre de jours de rejets par an. Comme on ne connaît pas la distribution de cette plage, on suppose, pour une approximation première, qu'elle suit une distribution uniforme.

Étant donné que la quantité quotidienne utilisée par personne (A) et le volume d'eau de dilution par jour par personne (B) sont donnés comme une distribution, la CEE pour le milieu aquatique est calculée comme une distribution de probabilité, tel qu'il est indiqué dans le tableau 6-6. Ce calcul est effectué à l'aide de Crystal Ball, un logiciel commercial d'analyse des probabilités.

Tableau 6-6. Résultats de la concentration environnementale estimée (CEE) aquatique pour le scénario de rejets d'amines aromatiques par les consommateurs provenant de l'utilisation de cosmétiques
CentileCEE (μg/L)
0e0,01
5e0,19
10e0,28
25e0,51
50e0,93
75e1,86
90e5,93
95e8,93
100e23,4
6.2.3.2  Formulation de produits cosmétiques et de soins personnels définis en vertu de l'article 71

Un scénario de formulation générique est élaboré pour estimer l'exposition aquatique aux rejets d'amines aromatiques provenant de la formulation de produits cosmétiques et de soins personnels au Canada définis en vertu de l'article 71. Dans ce scénario, les conditions de l'exposition aquatique associées à la formulation sont caractérisées par trois paramètres : 1) facteur d'émission dans les eaux usées avant tout traitement des eaux usées; 2) élimination des amines aromatiques par le traitement des eaux usées (sur place par les industries, hors site par le système public, ou les deux); 3) volume d'eau de dilution par jour près du point de rejet d'un système de traitement des eaux usées. Dans ces conditions et pour une quantité donnée d'amines aromatiques utilisées, l'exposition aquatique aux amines aromatiques est estimée à l'aide de l'équation suivante :

CEE = [Q × E × (1 - R) × 109] / V

où :

CEE :
concentration environnementale estimée dans le milieu aquatique (μg/L)
Q :
quantité quotidienne d'amines aromatiques utilisée à un site (kg/jour)
E :
facteur d'émission des amines aromatiques dans les eaux usées avant tout traitement de ces dernières (%)
R :
élimination des amines aromatiques par les systèmes de traitement des eaux usées industriel ou public (%)
V :
volume d'eau de dilution par jour à proximité du point de rejet d'un système de traitement des eaux usées industriel ou public (L/j)
109 :
facteur de conversion de kg en μg

Les valeurs des trois paramètres d'exposition sont calculées d'après les données tirées de la littérature scientifique et les données internes d'Environnement Canada (voir le tableau 6-7 pour des renseignements détaillés). Il a été établi, d'après le document d'orientation technique sur l'évaluation des risques du Bureau européen des substances chimiques (Partie II), que le facteur d'émission dans les eaux usées (E) était compris entre 0,3 % et 2,5 % à la suite du nettoyage de l'équipement de formulation (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2003). Pour une approximation première, on suppose que cette plage de valeurs suit une distribution uniforme.

Tableau 6-7. Valeurs des paramètres d'exposition aquatique utilisés pour le scénario de formulation des cosmétiques
ParamètreScénario génériqueScénario de forte expositionScénario de faible exposition
Facteur d'émission dans les eaux usées (%)0,3 à 2,5 (distribution uniforme)0,3 à 2,5 (distribution uniforme)0,3 à 2,5 (distribution uniforme)
Élimination par le traitement des eaux usées (%)5,55,08,0
Volume d'eau de dilution par jour (millions de litres par jour)151; 250; 497; 540; 2 541; 27 868 (distribution discrète)15127 868

L'élimination par le traitement des eaux usées (R) correspond à une moyenne de 5,5 % pour les systèmes de traitement des eaux usées utilisés par six installations possibles de formulation de produits cosmétiques et de soins personnels. Ces installations ont été recensées à partir des données des enquêtes (Environnement Canada, 2006, 2009) et de la base de données de l'Inventaire national des rejets de polluants d'Environnement Canada (INRP, 2006). Elles sont utilisées pour caractériser l'élimination par le traitement des eaux usées dans le scénario générique de la formulation.

Ces mêmes six installations sont également utilisées pour caractériser le volume d'eau de dilution par jour (V) dans le scénario générique de la formulation. Ce paramètre est calculé en multipliant le taux de rejet quotidien des eaux usées traitées par le facteur de dilution des eaux réceptrices. Il est établi comme une distribution discrète, dans la plage de 151 à 27 868 millions de litres par jour, à partir d'une valeur pour chacune des six installations.

On détermine ensuite une distribution cumulative de probabilité à l'égard de la CEE aquatique pour une estimation de la quantité quotidienne d'amines aromatiques utilisée. Cette quantité est établie à moins de 100 kg/jour d'après le document d'orientation technique sur l'évaluation des risques du Bureau européen des substances chimiques (Partie II, Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2003, tableau B2.1 sur la formulation de produits personnels et domestiques, p. 252) et des données présentées par l'industrie (communication personnelle, courriel d'un intervenant de l'industrie à Environnement Canada, daté de février 2014; source non citée). Le logiciel commercial Crystal Ball a été utilisé pour effectuer le calcul. Un grand nombre de CEE (20 000) est produit en faisant varier les valeurs du facteur d'émission et du volume d'eau de dilution par jour dans leur plage respective, tandis que la quantité quotidienne utilisée et l'élimination par le traitement des eaux usées restent fixes à leur valeur unique respective. Ces CEE sont ensuite triées en fonction de leur ampleur et représentées sur un tracé en tant que fonction du pourcentage cumulé ou de la probabilité d'occurrence, c'est-à-dire une distribution cumulative de probabilité, comme le montre le tableau 6-8.

Tableau 6-8. Résultats de la CEE aquatique pour le rejet industriel d'amines aromatiques dans le scénario de formulation de produits cosmétiques et de soins personnels définis en vertu de l'article 71
CentileCEE pour le scénario générique (μg/L)CEE pour le scénario de forte exposition (μg/L)CEE pour le scénario de faible exposition (μg/L)
0e0,00490,750,0040
5e0,0201,610,0085
10e0,0382,180,012
25e0,293,230,017
50e1,285,390,028
75e2,978,060,042
90e5,7010,60,055
95e7,3512,10,064
100e13,915,00,079

Un scénario de forte exposition et un scénario de faible exposition sont également fournis afin de présenter d'autres détails sur l'exposition aquatique découlant de la formulation de produits cosmétiques et de soins personnels. Les valeurs des trois paramètres d'exposition (facteur d'émission, élimination par le traitement des eaux usées et volume d'eau de dilution par jour) pour ces deux scénarios sont résumées dans le tableau 6-7 ci-dessus.

La quantité quotidienne utilisée et le facteur d'émission dans les eaux usées constituent des marges d'incertitude importantes pour les distributions des valeurs d'exposition aquatique calculées. Les valeurs de ces deux paramètres (moins de 100 kg/jour pour la quantité quotidienne utilisée et la plage de 0,3 à 2,5 % pour le facteur d'émission) sont fondées sur le document d'orientation technique sur l'évaluation des risques du Bureau européen des substances chimiques (Partie II, Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2003) et les données présentées par l'industrie (communication personnelle, courriel d'un intervenant de l'industrie à Environnement Canada, daté de février 2014; source non citée).

6.2.3.3  Usure des pneus

La CEE aquatique provenant de l'usure des pneus est estimée de façon prudente. Les eaux de ruissellement des routes qui atteignent le milieu aquatique constituent la voie d'exposition du milieu aquatique aux substances chimiques qui se trouvent dans les particules de pneus usés (Blok, 2005). Pour cette voie d'exposition, la quantité d'amines aromatiques qui se retrouve sur les routes par suite de l'usure des pneus est estimée de façon prudente en fonction de la concentration maximale d'amines aromatiques dans les pneus et de la masse de gomme de pneus qui se retrouve sur les routes. On suppose ensuite de façon prudente que toute cette quantité pénètre dans le milieu aquatique par ruissellement, sans prévoir une certaine fraction qui pourrait se retrouver dans le sol. Les CEE pour le milieu aquatique sont déterminées de façon prudente comme étant les concentrations des amines aromatiques dans les eaux de ruissellement sans tenir compte de la dilution dans les plans d'eau récepteurs. On obtient une plage de valeurs de 0,005 à 0,2 μg/L pour ces CEE dans les onze plus grandes villes du Canada.

6.2.3.4  Fabrication de pneus

Un scénario générique est élaboré pour estimer l'exposition aquatique aux rejets d'amines aromatiques provenant de la fabrication de pneus au Canada. Dans ce scénario, les conditions de l'exposition aquatique associées à la fabrication de pneus sont caractérisées par trois paramètres : 1) facteur d'émission des amines aromatiques dans les eaux usées avant tout traitement des eaux usées; 2) élimination des amines aromatiques par le traitement des eaux usées (sur place par les industries, hors site par le système public, ou les deux); 3) volume d'eau de dilution par jour près du point de rejet d'un système de traitement des eaux usées. Dans ces conditions et pour une quantité donnée d'amines aromatiques utilisées, l'exposition aquatique aux amines aromatiques est estimée à l'aide de l'équation suivante :

CEE = [Q × E × (1 - R) × 109] / V

où :

CEE :
concentration environnementale estimée dans le milieu aquatique (μg/L)
Q :
quantité quotidienne d'amines aromatiques utilisée à un site (kg/jour)
E :
facteur d'émission des amines aromatiques dans les eaux usées avant tout traitement de ces dernières (%)
R :
élimination des amines aromatiques par les systèmes de traitement des eaux usées industriel ou public (%)
V :
volume d'eau de dilution par jour à proximité du point de rejet d'un système de traitement des eaux usées industriel ou public (L/j)
109 :
facteur de conversion de kg en μg

Les conditions d'exposition aquatique sont établies d'après les données tirées de la littérature scientifique et les données internes d'Environnement Canada (voir le tableau 6-9). On a déterminé que le facteur d'émission (E) se situait dans la plage de 0,056 % à 1 % d'après les données mesurées déclarées par la European Tyre and Rubber Manufacturers' Association (ETRMA, 2010) et les estimations figurant dans un document de scénarios d'émissions de l'OCDE portant sur les additifs dans le secteur du caoutchouc (OCDE, 2004b). Pour une approximation première, on suppose que cette plage de valeurs suit une distribution uniforme.

Tableau 6-9. Valeurs des paramètres d'exposition aquatique utilisés pour le scénario de fabrication de pneus
ParamètreScénario génériqueScénario de forte expositionScénario de faible exposition
Facteur d'émission dans les eaux usées (%)0,056 à 1
(distribution uniforme)
0,056 à 1 (distribution uniforme)0,056 à 1 (distribution uniforme)
Élimination par le traitement des eaux usées (%)47,571,974,4
Volume d'eau de dilution par jour (millions de litres par jour)1; 8; 10; 11; 61; 384; 550 (distribution discrète)161

L'élimination par le traitement des eaux usées (R) correspond à une moyenne de 47,5 % pour les systèmes de traitement des eaux usées utilisés par sept installations de fabrication de pneus. Ces sept installations ont été recensées à partir d'un rapport d'enquête (Cheminfo, 2012). Elles sont utilisées pour caractériser l'élimination par le traitement des eaux usées dans le scénario générique de fabrication des pneus.

Ces mêmes sept installations sont également utilisées pour caractériser le volume d'eau de dilution par jour (V) dans le scénario générique de fabrication des pneus. Ce paramètre est calculé en multipliant le taux de rejet quotidien des eaux usées traitées par le facteur de dilution des eaux réceptrices. Il est établi comme une distribution discrète, dans la plage de 1 à 550 millions de litres par jour, à partir d'une valeur pour chacune des sept installations.

On détermine ensuite une distribution cumulative de probabilité à l'égard de la CEE aquatique pour une estimation de la quantité quotidienne d'amines aromatiques utilisée. Pour trois des sept installations recensées, la quantité utilisée annuelle des amines aromatiques est comprise dans la plage de 100 à 1 000 kg/année par installation (Environnement Canada, 2009). On estime donc que la quantité quotidienne utilisée est comprise dans la plage de 0,274 à 2,74 kg/jour si l'on suppose que le nombre de jours d'exploitation annuel est de 365 jours/année (Cheminfo, 2012). Pour une approximation première, on suppose que cette plage de valeurs suit une distribution uniforme. Cette plage est jugée représentative de la limite supérieure des quantités utilisées dans la fabrication des pneus et est employée dans les calculs des CEE pour le milieu aquatique afin de mesurer l'exposition élevée résultant de grandes quantités d'utilisation.

Le logiciel commercial Crystal Ball a été utilisé pour effectuer le calcul. Un grand nombre de CEE (20 000) est produit en faisant varier les valeurs de la quantité quotidienne utilisée, du facteur d'émission et du volume d'eau de dilution par jour dans leur plage respective, tandis que l'élimination par le traitement des eaux usées reste fixe à sa valeur moyenne. Ces CEE sont ensuite triées en fonction de leur ampleur et représentées sur un tracé en tant que fonction du pourcentage cumulé ou de la probabilité d'occurrence, c'est-à-dire une distribution cumulative de probabilité, comme le montre le tableau 6-10.

Tableau 6-10. Résultats de la concentration environnementale estimée (CEE) aquatique pour le scénario de rejets industriels d'amines aromatiques provenant de la fabrication de pneus
CentileCEE pour le scénario générique (μg/L)CEE pour le scénario de forte exposition (μg/L)CEE pour le scénario de faible exposition (μg/L)
0e0,00020,0480,0007
5e0,00250,310,0044
10e0,00470,470,0067
25e0,0150,920,011
50e0,151,90,023
75e0,623,40,042
90e1,994,90,060
95e5,205,80,071
100e14,27,90,097

Un scénario de forte exposition et un scénario de faible exposition sont également analysés pour fournir davantage de précisions sur l'exposition aquatique découlant de la fabrication de pneus. Les valeurs des trois paramètres d'exposition (facteur d'émission, élimination par le traitement des eaux usées et volume d'eau de dilution par jour) pour les deux scénarios sont résumées dans le tableau 6-9. Une distribution de la CEE aquatique est générée pour chaque scénario en appliquant la plage de valeurs de quantité quotidienne utilisée (0,274-2,74 kg/jour), fournie dans le tableau 6-10.

Le facteur d'émission dans les eaux usées constitue la plus importante zone d'incertitude. Les valeurs trouvées pour ce paramètre varient considérablement entre les différentes sources. On ne sait pas si cette variation s'explique par différentes activités de fabrication de pneus ou par différentes méthodes de calcul du facteur d'émission. Afin d'éviter de manquer des points de données valides, toutes les valeurs trouvées à partir des différentes sources sont prises en considération et couvertes par une plage de valeurs (0,056 à 1 %). En outre, la pondération de chaque point de données dans la plage de valeurs ou la distribution de la plage de valeurs sont inconnues. Pour une approximation première, on suppose que cette plage de valeurs suit une distribution uniforme.

6.3  Caractérisation des risques pour l'environnement

La démarche utilisée dans le cadre de cette évaluation écologique préalable visait à examiner les divers renseignements pertinents afin d'élaborer des propositions de conclusions fondées sur la méthode du poids de la preuve et le principe de prudence, conformément aux dispositions de la LCPE (1999). Les éléments de preuve retenus comprennent des renseignements sur les propriétés physiques et chimiques, le devenir dans l'environnement, l'écotoxicité et les sources des substances, ainsi que les résultats des analyses du risque décrites ci-dessous.

6.3.1  Analyse des risques

Les analyses des risques comparent les concentrations environnementales estimées avec les valeurs appropriées de la CESE (concentration estimée sans effet) afin d'évaluer les risques potentiels.

Pour le milieu aquatique, plusieurs CESE ont été calculées (voir la section 6.1). Toutefois, seules les CESE calculées pour l'o-toluidine et  le p-aminophénol ont été comparées aux scénarios utilisés pour le calcul de la CEE, étant donné que ces deux substances ont été utilisées en quantités beaucoup plus importantes. Une CESE de 6,6 µg/L a été choisie pour la substance o-toluidine qui entre en jeu dans les scénarios de fabrication de pneus et d'usure des pneus. Une CESE de 10 µg/L a été calculée pour le p-aminophénol représentant les scénarios de rejets dus à la consommation et à la formulation de cosmétiques (voir la section 6.2). Ces CESE ont ensuite été comparées aux CEE ou aux distributions de CEE correspondantes indiquées à la section précédente (voir la section 6.2) pour les installations utilisant des amines aromatiques dans la fabrication de produits cosmétiques et de pneus. La probabilité que la CEE soit supérieure à la CESE est inférieure à 5 % pour le scénario de rejets par les consommateurs dus à l'utilisation de cosmétiques, d'environ 5 % pour le scénario de formulation de cosmétiques et inférieure à 5 % pour le scénario de fabrication de pneus. Pour le scénario d'usure des pneus, la CEE ne devrait pas dépasser la CESE. Ces résultats indiquent une faible probabilité que les amines aromatiques aient des effets nocifs sur les organismes aquatiques dans ces quatre scénarios de rejets.

Aucune analyse des risques n'a été menée pour les autres milieux, car les données étaient insuffisantes pour déterminer une CESE pour le sol ou les sédiments. Aucune donnée de surveillance n'était disponible et ces substances n'entrent pas dans le domaine d'applicabilité du modèle d'exposition pour estimer les concentrations dans l'environnement selon la méthode du partage à l'équilibre.

6.3.2  Examen des éléments de preuve et conclusion de la caractérisation des risques pour l'environnement

Afin de faciliter l'évaluation écologique, les 16 amines aromatiques du sous-groupe ont été divisées en sept sous-ensembles écologiques en fonction de leurs similitudes structurales. La plupart des amines aromatiques (à l'exception de certaines substances du sous-ensemble écologique 1 regroupant les amines aromatiques méthylées et comptant un groupement oxy-) visées par cette évaluation ne devraient pas être naturellement présentes dans l'environnement.

Aucune des 16 amines aromatiques ne fait l'objet d'activités de fabrication au Canada. Sept des amines aromatiques ont été déclarées comme ayant été importées au Canada en une quantité supérieure au seuil de déclaration de 100 kg/an de l'enquête. Deux autres amines aromatiques ont été déclarées comme ayant été importées au Canada, mais en une quantité inférieure au seuil de déclaration de 100 kg/an.

En général, les amines aromatiques présentent une hydrosolubilité modérée à élevée, ce qui indique que l'on est susceptible de les trouver principalement dans l'hydrosphère en cas de rejet dans l'environnement. La volatilisation depuis les eaux de surface devrait être faible à modérée pour les substances de ce sous-groupe compte tenu de leur constante de la loi d'Henry. Par conséquent, le potentiel de transport atmosphérique à grande distance ne devrait pas constituer une source de préoccupation.

Les amines aromatiques devraient avoir un faible potentiel de bioaccumulation, au vu de la faible bioconcentration observée lors d'essais empiriques et de leurs propriétés physiques et chimiques (à savoir, faible log Koe, ionisation à un pH environnemental pertinent, poids moléculaire intermédiaire, grand diamètre transversal et hydrosolubilité modérée à élevée). Compte tenu du faible potentiel de bioaccumulation de ces substances, le risque que les concentrations internes dans les organismes atteignent des niveaux susceptibles de causer des effets néfastes devrait également être faible. À l'exception de quelques substances du sous-ensemble écologique 1 (amines aromatiques méthylées et comptant un groupement oxy-) qui peuvent être considérées comme biodégradables, les amines aromatiques sont modérément ou faiblement biodégradables, et l'on s'attend à ce que ces substances puissent avoir des temps de séjour relativement longs dans l'eau jusqu'à ce que les processus de sorption avec la matière organique dissoute, la matière particulaire ou les autres surfaces aient lieu. Compte tenu de leur hydrosolubilité modérée à élevée et du fait que ces substances pourraient rester dans le milieu aqueux pendant de longues périodes, elles peuvent se disperser largement. Au final, en raison des interactions électrostatiques avec la matière particulaire, elles peuvent également se disperser largement dans les sédiments. Dans les sédiments et le sol, la biodégradation devrait également être lente dans des conditions aérobies et anaérobies et sera ralentie encore davantage par les processus de sorption. Les amines aromatiques n'étant pas persistantes dans l'air, ce milieu n'a pas fait l'objet d'une étude plus approfondie.

D'après les données écotoxicologiques empiriques en milieu aquatique, on peut conclure que les amines aromatiques sont néfastes pour les organismes aquatiques à de faibles concentrations (0,0004 à 418 mg/L). Les invertébrés aquatiques étaient plus sensibles que les autres organismes aux amines aromatiques, et leur sensibilité augmentait également avec des périodes d'exposition prolongées. Les données disponibles sur la toxicité de ces substances pour les organismes terrestres et benthiques étaient limitées.

Nous n'avons trouvé que peu de données, voire aucune, sur les concentrations de ces substances dans l'environnement canadien. Compte tenu des utilisations des amines aromatiques et de leurs caractéristiques pouvant présenter un risque, le milieu aquatique est considéré comme le milieu naturel le plus préoccupant pour ces substances. On a effectué une analyse de l'exposition attribuable aux rejets liés à l'utilisation de cosmétiques par les consommateurs, à la formulation de cosmétiques, à l'usure des pneus et aux processus de fabrication de pneus pour les substances commercialisées, car ces scénarios devaient présenter le plus grand risque écologique potentiel lié aux rejets industriels de ces substances dans l'environnement. À l'aide d'une approche probabiliste, les CEE ont été comparées avec les CESE dans l'eau. La probabilité que les CEE de certaines amines aromatiques dans le milieu aquatique dépassent les CESE était faible (0 à environ 5 %) pour les quatre scénarios.

Compte tenu des éléments de preuve présentés dans cette évaluation écologique, le risque que les 16 substances du sous-groupe des amines aromatiques nuisent aux organismes et à l'intégrité générale de l'environnement est faible.

6.3.3  Incertitudes dans l'évaluation des risques pour l'environnement

Bien que l'eau ait été déterminée comme étant le principal milieu d'intérêt, le sol et les sédiments présentent également une certaine importance en raison de leur adsorption potentielle et des interactions électrostatiques. Le manque de données disponibles sur les effets des amines aromatiques dans le sol et les sédiments est donc une source d'incertitude; toutefois, aucun rejet direct d'amines aromatiques dans ces milieux n'a été recensé.

En raison du manque de surveillance ou de concentrations mesurées de ces substances dans l'environnement au Canada, ainsi que du manque de données sur l'identité et l'utilisation des substances d'origine qui peuvent se dégrader en amines aromatiques, nous avons été contraints d'évaluer le risque à partir de concentrations prévues dans l'eau attribuables à des rejets provenant de l'utilisation par les consommateurs ou de sources de pollution ponctuelle à proximité d'installations industrielles dues à l'utilisation directe des amines aromatiques. On a formulé des hypothèses prudentes lorsque des modèles étaient utilisés pour estimer les concentrations dans les plans d'eau récepteurs.

En raison de l'utilisation de certaines de ces substances dans d'autres pays, il se peut qu'elles entrent sur le marché canadien comme composants d'articles manufacturés ou de produits de consommation. Cependant, nous prévoyons que les quantités de ces substances déversées dans les divers milieux naturels ne différeront pas de façon significative des quantités estimées ici, compte tenu de l'utilisation d'hypothèses prudentes dans les analyses de l'exposition.

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7. Potentiel d'effets nocifs sur la santé humaine

Cette évaluation des risques pour la santé humaine met l'accent sur les substances dont les quantités commercialisées sont supérieures au seuil de déclaration établi en vertu de l'article 71 ou pour lesquelles il existe des données indiquant leur présence au Canada. Les expositions potentielles pour l'ensemble de la population du Canada ont été caractérisées pour neuf substances : o-toluidine, o-anisidine, p-aminophénol, toluène-2,4-diamine, benzène-1,3-diamine, 4-chloroaniline, 3,4-dichloroaniline, 2-naphtylamine et amine Red Lake C (tableau 7-1). Pour les sept amines aromatiques restantes, d'après les renseignements disponibles, aucune exposition de la population générale du Canada n'était à prévoir. La prochaine section résume les renseignements clés pour toutes les amines aromatiques en ce qui concerne l'évaluation de l'exposition et l'évaluation des effets sur la santé. Elle est suivie de sections portant sur chaque amine aromatique individuellement, dans l'ordre présenté dans le tableau 7-1.

Tableau 7-1. Amines aromatiques présentant une exposition potentielle pour la population générale du Canada
SubstanceMilieux naturelsLait maternelTextilesUstensiles de cuissonProduits cosmétiquesTatouages
2-naphtylamineX
o-toluidineXXX
Toluène-2,4-diamineXX
4-chloroanilineXXXX
3,4-dichloroanilineX
o-anisidineXXX
p-aminophénolX
Benzène-1,3-diamineXX
Amine Red Lake CX

X, potentiel d'exposition;
–, aucun potentiel d'exposition

7.1  Évaluation de l'exposition

On a recensé un certain nombre d'études et d'enquêtes faisant état de la présence d'amines aromatiques dans les milieux naturels, les aliments et les produits de consommation (voir les annexes B à F, H et J). Un nombre limité de ces études a été réalisé au Canada. Parmi les études recensées, les études cruciales qui ont été utilisées pour caractériser les expositions et qui portaient sur plus d'une amine aromatique sont résumées ci-dessous. Les études cruciales qui ne portaient que sur une seule amine aromatique sont abordées plus loin dans les sections relatives à chaque substance.

7.1.1  Milieux naturels

Comme cela a été mentionné plus haut à la section 4.3.2, on a recensé un certain nombre d'études (en Europe et aux États-Unis pour la plupart) indiquant des concentrations mesurées d'amines aromatiques dans les milieux naturels (voir l'annexe B). Cependant, aucune étude cruciale commune faisant état de plus d'une amine aromatique n'a été jugée applicable pour caractériser les expositions humaines au Canada. Pour la 2-naphtylamine, une étude sur l'air intérieur (Otson et al., 1994), réalisée par Santé Canada, a été jugée pertinente pour la caractérisation de l'exposition spécifique à cette substance. De même, une étude menée en Espagne a mesuré les chloroanilines dérivées de la chloramination d'eau brute contenant des pesticides (Jurado-Sánchez et al., 2012). Plus de détails sur ces études ainsi que la caractérisation de l'exposition sont présentés dans les sections correspondantes de la partie 7.4 (2-naphtylamine à la section 7.4.1, 4-chloroaniline à la section 7.4.4 et 3,4-dichloroaniline à la section 7.4.5).

7.1.2  Biosurveillance

Une petite étude réalisée au Canada a analysé le lait humain de 31 mères allaitantes pour détecter les amines aromatiques monocycliques, notamment l'o-toluidine et la p-toluidine, par microextraction sur phase solide associée à une chromatographie en phase gazeuse/spectrométrie de masse (DeBruin et al., 1999). La p-toluidine n'a pas été détectée dans les échantillons de lait maternel (limite de détection [LD] non établie). L'o-toluidine a été décelée dans 77 % (c'est-à-dire 24) des échantillons au-dessus de la LD (0,01 partie par milliard [ppb]); les concentrations allaient de 0,01 à 0,26 ppb. Aucune différence significative n'a été observée dans les concentrations d'o-toluidine mesurées dans le lait maternel de sept fumeuses par rapport à 24 non-fumeuses, qui n'avaient signalé aucune exposition récente à la fumée secondaire. Aucune des mères n'avait signalé d'exposition professionnelle aux amines aromatiques. On en a déduit une estimation de la limite supérieure de l'exposition des nourrissons allaités à l'o-toluidine par le lait maternel (voir l'annexe G), qui est présentée dans la section 7.4.2. À part l'étude de DeBruin et al. (1999), on n'a pas recensé d'autres données de biosurveillance au Canada pour ces 16 amines aromatiques.

Si les données de biosurveillance humaines relevées pour ces amines aromatiques dans la population canadienne étaient limitées, plusieurs études menées en dehors du Canada ont en revanche été recensées. Des études de biosurveillance chez les humains, provenant principalement des pays européens, ont fait état d'une forte prévalence des amines aromatiques (p. ex. 2-naphtylamine, o-toluidine, p-toluidine, o-anisidine, 4-chloroaniline et 3,4-dichloroaniline) décelées dans l'urine de personnes non exposées professionnellement à ces substances et non fumeuses (Teass et al., 1993; Falter et al., 1994; Riffelmann et al., 1995; Ward et al., 1996; Branner et al., 1998; Richter et al., 2001; Wittke et al., 2001; Riedel et al., 2006; Kütting et al., 2009; Lindner et al., 2011; Weiss et Angerer, 2002; Turci et al., 2006; NTP, 2013a). Puisque les amines aromatiques sont rapidement éliminées par l'urine, leur présence dans l'urine indique une exposition récente. Toutefois, une détection répétée dans les échantillons d'urine sur une longue période et chez diverses populations porte à croire à une exposition continue aux amines aromatiques des populations étudiées. Étant donné que les sources d'exposition n'étaient pas caractérisées pour les amines aromatiques mesurées dans les études de biosurveillance en Europe, il n'est pas certain que ces données soient représentatives ou applicables à la population canadienne à ces substances. Dans l'ensemble, du fait du manque de données de biosurveillance au Canada, l'exposition globale de la population canadienne à ces substances demeure une incertitude.

7.1.3  Produits de consommation

Ustensiles de cuisson

Dans une étude réalisée en Irlande, 84 ustensiles de cuisson en polyamide noir (p. ex. spatules, cuillères à rainures) achetés dans divers magasins de détail (McCall et al., 2012) ont été analysés afin de détecter les rejets d'amines aromatiques primaires, notamment la toluène-2,4-diamine, l'o-anisidine, la benzène-1,3-diamine, l'o-toluidine et la 4-chloroaniline, pendant l'utilisation. La zone de contact de l'ustensile a été immergée dans une solution de simulant à base d'acide acétique à 3 % et laissée pendant deux heures à 100 °C. Cette opération a été répétée deux fois supplémentaires afin de simuler l'utilisation répétée des ustensiles. Les résultats de l'étude ont mis en évidence la migration de la toluène-2,4-diamine et de l'o-toluidine depuis les spatules et cuillères à rainures; les résultats de la troisième extraction sont résumés dans le tableau 7-2. L'o-anisidine, la benzène-1,3-diamine et la 4-chloroaniline n'ont pas été détectées dans les échantillons de simulant d'aliments (LD non précisée). Les auteurs ont indiqué que les amines aromatiques primaires migrent depuis ces ustensiles principalement en raison d'une polymérisation incomplète. Une variation significative des niveaux de migration a été observée à partir d'ustensiles identiques et entre différents types d'ustensiles de cuisson.

Dans une étude similaire, Trier et al. (2010) ont analysé la migration de 20 amines aromatiques primaires, dont la benzène-1,3-diamine, le 2,4-diaminoanisole, la 4-chloroaniline, la toluène-2,4-diamine, l'o-anisidine et l'o-toluidine. 136 ustensiles de cuisson en polyamide noir provenant de magasins de vente au détail et d'importateurs au Danemark ont été analysés. Des échantillons des ustensiles ont été immergés dans un simulant alimentaire à base d'acide acétique à 3 % et laissés dans cette solution pendant 30 minutes à 4 heures (selon le type d'ustensile et les conditions d'utilisation prévues) à 100 °C. L'essai de migration a été répété deux fois supplémentaires afin de simuler l'utilisation répétée des ustensiles, et les échantillons extraits ont été analysés pour détecter les amines aromatiques primaires. On a constaté une migration d'o-toluidine, de toluène-2,4-diamine, de benzène-1,3-diamine, de 4-chloroaniline et d'o-anisidine de ces ustensiles au simulant alimentaire lors du troisième essai de migration (voir le tableau 7-2); le 2,4-diaminoanisole n'a pas été détecté dans les échantillons de simulant alimentaire. Des ustensiles de cuisson déjà utilisés par des consommateurs danois ont également été analysés pour déceler la migration des amines; seules l'o-anisidine et la toluène-2,4-diamine ont été détectées et les niveaux de migration étaient inférieurs à ceux observés pour les ustensiles neufs.

Dans les deux études, la fréquence de détection des amines aromatiques visées était inférieure à 10 % et, par conséquent, il a été considéré qu'il était approprié d'utiliser la concentration médiane comme mesure prudente pour caractériser l'exposition potentielle de la population générale dans cette évaluation préalable. Des estimations prudentes des expositions potentielles à la toluène-2,4-diamine, à l'o-toluidine, à l'o-anisidine, à la benzène-1,3-diamine et à la 4-chloroaniline attribuables à l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide ont été calculées pour la population générale du Canada à partir du niveau de migration médian. Pour ce qui est de l'o-toluidine et de la toluène-2,4-diamine, le niveau de migration médian observé dans l'étude de McCall a été utilisé, car il était plus élevé que celui constaté dans l'étude de Trier et al. Voir l'annexe C pour obtenir davantage de précisions sur les scénarios d'exposition; les estimations de l'absorption sont présentées dans des sections ultérieures.

Tableau 7-2. Résumé des résultats de détection de la toluène-2,4-diamine, de l'o-toluidine, de l'o-anisidine, de la benzène-1,3-diamine et de la 4-chloroaniline mesurés lors de la troisième extraction à partir d'ustensiles de cuisson en polyamide neufs (Trier et al., 2010; McCall et al., 2012)
SubstanceLDNombre de détectionsNote de bas de page 7-2 [a](fréquence)Concentration maximale (µg/kg)Concentration médianeNote de bas de page 7-2 [b](µg/kg)Concentration moyenne[b](µg/kg)
o-toluidineNote de bas de page 7-2 [c]0,53 (4 %)5,80,50,6
o-toluidineNote de bas de page 7-2 [d]0,37 (5 %)230,30,6
Toluène-2,4-diamine[c]1,185 (6 %)2 7801,070
Toluène-2,4-diamine[d]0,411 (8 %)5000,44,9
o-anisidine[d]0,48 (6 %)220,40,7
Benzène-1,3-diamine[d]0,32 (1 %)110,30,4
4-chloroaniline[d]0,42 (1 %)20,40,4

Abréviation :
LD, limite de détection

Note de bas de page 7-2 a

Nombre total d'échantillons : 84 dans l'étude de McCall et al. (2012), 136 dans l'étude de Trier et al. (2010).

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Note de bas de page 7-2 b

Moyenne calculée en supposant que la limite de détection pour tous les échantillons était inférieure au seuil de détection.

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Note de bas de page 7-2 c

McCall et al. (2012).

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Note de bas de page 7-2 d

Trier et al. (2010).

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Articles en textile et en cuir

Six amines aromatiques, à savoir la toluène-2,4-diamine, la 2-naphtylamine, l'o-toluidine, la 4-chloroaniline, le 2,4-diaminoanisole et l'o-anisidine, sont des amines aromatiques UE22. Malgré la législation de l'Union européenne et les restrictions connexes, les données de la surveillance et des tests de produits en Europe et au Japon ont montré la présence de ces amines aromatiques, à l'exception du 2,4-diaminoanisole, dans des articles en textile et en cuir (EurAzos, 2007; Kawakami et al., 2010; RAPEX, 2012) [voir le tableau 7-3].

Le RAPEX est le système d'alerte rapide de l'Union européenne partagé par les États membres de l'Union européenne, qui facilite l'échange rapide d'information sur les produits présentant un risque grave pour la santé et la sécurité des consommateurs. Les procédures de fonctionnement du RAPEX sont décrites dans la Directive européenne 2001/95/CE relative à la sécurité générale des produits (Union européenne, 2001), qui impose une obligation générale de sécurité pour tous les produits mis sur le marché pour les consommateurs. Les amines aromatiques UE22 énumérées à l'Appendice 8 du Règlement (CE) no 1907/2006 (Union européenne, 2006) sont surveillées dans le cadre du système d'alerte RAPEX (RAPEX, 2012). Des alertes sur certaines amines aromatiques UE22 détectées dans des textiles à des quantités supérieures à la limite de 30 mg/kg ont été recensées dans la base de données du RAPEX.

Le projet EurAzos (EurAzos, 2007) est un projet européen unique d'application de la loi mené en 2007. Semblable au système d'alerte RAPEX, il visait à évaluer la conformité des articles en textile et en cuir sur le marché européen avec les dispositions de la Directive européenne 2001/95/CE susmentionnée relative à la sécurité générale des produits (Union européenne, 2001) concernant les amines aromatiques UE22 (Union européenne, 2006). Sur 361 articles en textile et en cuir analysés, neuf infractions ont été signalées, dans lesquelles les concentrations d'amines aromatiques UE22 décelées dépassaient la limite de 30 mg/kg établie par l'Union européenne. Sur ces neuf infractions, quatre cas concernaient l'o-anisidine, l'o-toluidine et la toluène-2,4-diamine (voir l'annexe E pour plus de précisions). Le pays d'origine de ces produits n'était pas indiqué.

Une étude japonaise a analysé la présence de 26 amines aromatiques pouvant être libérées par les colorants azoïques dans 86 articles en textile achetés dans des magasins au détail au Japon entre janvier et mars 2009 (Kawakami et al., 2010). En plus des amines aromatiques UE22, la 2,4-xylidine, la 2,6-xylidine, l'aniline et la 1,4-phénylènediamine étaient incluses dans l'étude. Au total, 117 échantillons de 86 articles en textile ont été analysés pour déterminer la quantité d'amines aromatiques libérées par les colorants azoïques lorsqu'elles sont extraites dans des conditions réductrices. Les méthodes établies par les normes britanniques (BS EN 14362-1:2003, BS EN 14362-2:2003) [CEN, 2012] adoptées par le Comité européen de normalisation ont été utilisées, avec de légères modifications en fonction du type de matière. La méthode sans extraction par solvant a été utilisée pour 77 échantillons composés de fibres naturelles (p. ex. fibres cellulosiques et protéiniques), tandis que la méthode avec extraction par solvant a été utilisée pour 40 échantillons composés de fibres synthétiques (p. ex. polyester). On a utilisé les deux méthodes de traitement pour les échantillons composés de fibres mixtes. La 4-chloroaniline, l'o-anisidine, l'o-toluidine, la toluène-2,4-diamine et la 2-naphtylamine ont été décelées à de faibles concentrations dans les produits analysés dans cette étude (voir l'annexe E pour plus de précisions).

Tableau 7-3. Résumé des résultats sur les articles en textile et en cuir contenant de la toluène-2,4-diamine, de la 2-naphtylamine, de l'o-toluidine, de la 4-chloroaniline et de l'o-anisidine, présentés dans le RAPEX (2012), dans EurAzos (2007) et dans Kawakami et al.(2010)
Amine aromatiqueProduitsPlage de concentration mesurée (mg/kg)
2-naphtylamine1 parure de draps; 1 serviette; 1 dessous de verre en textile0,071 (serviette) à 142,2 (parure de draps)
o-toluidine6 vêtements textiles; 3 mouchoirs; 1 article inconnu; 3 napperons0,19 (mouchoir/chemise) à 407 (vêtement textile)
4-chloroaniline4 mouchoirs; 9 vêtements textiles; 6 napperons; 1 article inconnu; 3 chaussettes; 3 serviettes; 1 bracelet de poignet0,01 (napperon) à 576 (vêtement textile)
Toluène-2,4-diamine5 vêtements textiles; 1 paire de chaussures; 1 napperon; 2 jouets30 (vêtement textile) à 860 (jouet textile)
o-anisidine7 vêtements textiles; 1 étui à accessoire; 1 mouchoir; 10 napperons; 1 serviette; 1 jouet0,017 (napperon) à plus de 30 (vêtement textile)

En outre, Santé Canada a effectué des tests de produits sur 66 échantillons d'articles en textile et en cuir locaux et importés pour détecter les amines aromatiques UE22, en mettant l'accent sur les jouets pour enfants, les pantoufles en cuir, les vêtements pour enfants et les articles en laine achetés dans des magasins au détail à Ottawa (Ontario) en août 2012 (Santé Canada, 2013a). Quatre amines aromatiques, à savoir la 2-naphtylamine, la toluène-2,4-diamine, la 4-chloroaniline et l'o-anisidine ont été décelées dans certains des produits testés (voir le tableau 7-4). Dans le cadre de cette étude, on a aussi cherché à déceler l'o-toluidine et le 2,4-diaminoanisole, qui n'ont été détectés dans aucun des échantillons au-dessus de la limite de détection de 1,1 mg/kg et 1,6 mg/kg, respectivement.

Tableau 7-4. Résumé des articles en textile et en cuir testés par Santé Canada dans lesquels ont été détectées certaines amines aromatiques (Santé Canada, 2013a)Note de bas de page 7-4 [a]
SubstanceProduitsFréquence de détectionNote de bas de page 7-4 [b]Concentrations
(mg/kg)
2-naphtylamine2 vêtements pour enfants;
1 article en laine
5 % des échantillons de textile testéssupérieur(e) à  1,6 (LD) et inférieur(e) à  4,7 (LQ)
Toluène-2,4-diamine1 jouet pour enfants2 % des échantillons de textile4,2
o-anisidine3 vêtements pour enfants;
1 jouet pour enfants
7 % des échantillons de textilesupérieur(e) à  0,9 (LD) et inférieur(e) à  2,6 (LQ)
4-chloroaniline1 paire de pantoufles en cuir pour enfants;
1 jouet pour enfants;
3 vêtements pour enfants
7 % des échantillons de textile; 14 % des échantillons de cuir testéssupérieur(e) à  1,8 (LD) et inférieur(e) à  5,5 (LQ)
Note de bas de page 7-4 a

Tous les types de produits sont en matériau textile, sauf indication contraire.

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Note de bas de page 7-4 b

Sur 59 échantillons de textile et 7 échantillons de cuir.

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Les concentrations de 2-naphtylamine, de toluène-2,4-diamine, de 4-chloroaniline et d'o-anisidine dans les produits étaient toutes inférieures à la limite de 30 mg/kg fixée par l'Union européenne. Ces substances, lorsqu'elles étaient présentes, devaient être soit des résidus du procédé de fabrication du colorant, soit des produits de fractionnement des colorants azoïques qui ont été réduits dans les conditions de l'essai. Étant donné que ces substances ont été décelées dans des produits textiles sur le marché canadien (voir le tableau 7-4), des estimations de l'exposition dermique (c'est-à-dire par contact de la peau avec des textiles tels que les vêtements) de la population générale du Canada ont été calculées. L'exposition orale découlant de la mise en bouche d'objets en textile par les nourrissons a également été prise en considération, et des estimations de l'exposition par cette voie ont été calculées.

Le pourcentage de détections d'une amine aromatique donnée dans les échantillons de textile était compris entre 2 % et 7 % dans l'étude de Santé Canada, ce qui indique que tous les produits composés de textile sur le marché canadien ne contiennent pas ces substances. Il se peut que cette étude ne soit pas représentative de l'intégralité du marché des textiles destinés aux consommateurs au Canada; par conséquent, les expositions ont été estimées en supposant qu'il y a une probabilité de 10 % qu'une amine aromatique donnée (à savoir, 2-naphtylamine, toluène-2,4-diamine, 4-chloroaniline ou o-anisidine) soit présente dans les produits composés de textile au Canada. Ce facteur d'ajustement est comparable à celui de 8 % utilisé dans l'évaluation danoise pour estimer les expositions aux amines aromatiques et aux colorants azoïques attribuables aux vêtements textiles sur le marché hollandais (Zeilmaker et al., 1999). D'autres enquêtes ont abouti à des conclusions similaires dans certains cas (Agence de protection de l'environnement du Danemark, 1998; EurAzos, 2007; Kawakami et al., 2010).

Les expositions à la 2-naphtylamine, à la 4-chloroaniline et à l'o-anisidine dans les articles en textile ont été estimées à partir des limites de quantification (LQ) correspondantes de l'étude de Santé Canada. Les expositions à la toluène-2,4-diamine ont été estimées en utilisant la concentration maximale mesurée, soit 4,2 mg/kg. Ces amines sont présentes à des concentrations plus élevées dans les matériaux textiles vendus sur les marchés extérieurs (voir le tableau 7-3); toutefois, les données canadiennes ont été utilisées pour calculer les expositions estimées dans cette évaluation préalable, car ces données sont considérées comme plus représentatives des produits avec lesquels la population générale du Canada peut être en contact. Étant donné que des concentrations plus élevées ont été mesurées dans des produits vendus sur les marchés extérieurs, qui peuvent être exportés au Canada, des mesures plus prudentes (c'est-à-dire les limites de quantification et les concentrations maximales) ont été choisies pour calculer les estimations de l'exposition.

Les estimations des expositions cutanée et orale à ces amines aromatiques par contact avec des articles en textile sont présentées plus loin dans les sections spécifiquement consacrées à chaque substance. De plus amples détails sont fournis dans l'annexe E.

Étant donné que l'étude de Santé Canada a également décelé de la 4-chloroaniline dans un article en cuir, l'exposition dermique à la 4-chloroaniline par contact avec des articles en cuir a également été estimée et est présentée plus loin dans une section consacrée spécifiquement à cette substance.

En général, il y a très peu de renseignements sur les amines aromatiques ne figurant pas sur EU22 dans les produits de consommation. On a recensé une étude récente, menée par le Federal Food Safety and Veterinary Office, la Official Food Control Authority of the Canton Bern et FRIEDLIPARTNER AG en Suisse. Cette étude a porté sur des amines aromatiques ne figurant pas sur EU22 dans 153 échantillons de matières textiles qui avaient été achetées dans des points de vente au détail de vêtements en Suisse (Brüschweiler et al., 2014). Les échantillons ont été analysés aux fins de détection de 22 amines aromatiques ne figurant pas sur EU22, y compris 7 amines aromatiques de la présente évaluation préalable (c.-à-d., 4-aminophénol, p-phénétidine, p-toluidine, benzène-1,3-diamine, 2-chloroaniline, 3,4-dichloroaniline, 4-nitroaniline); la LD se situait entre 0,05 et 0,5 mg/kg et la LQ, entre 0,2 et 2 mg/kg. La 2-chloroaniline, la 3,4-dicholoroaniline et la benzène-1,3-diamine n'ont été décelées dans aucun des échantillons. De même, aucune 4-nitroaniline n'a pas été détectée, mais la réduction de la partie –NO2 peut avoir produit la p-phénylènediamine qui a été décelée dans huit échantillons. Des quantités de 4-aminophénol, de p-phénétidine et de p-toluidine ont été trouvées dans trois, un et deux échantillons, respectivement. Une étude antérieure menée par l'Agence de protection de l'environnement du Danemark (1998) avec une taille d'échantillon plus petite (56) a également révélé la présence d'amines aromatiques ne figurant pas sur EU22 dans des textiles, y compris quatre amines de la présente évaluation : p-toluidine (cinq échantillons), 2-chloroaniline (trois échantillons), benzène-1,3-diamine (un échantillon) et p-phénétidine (un échantillon). Étant donné que ces données ne sont pas propres au marché canadien, les expositions à ces amines aromatiques qui ne figurent pas sur EU22 détectées dans les textiles n'ont pas été caractérisées.

Autres sources

D'après des essais d'analyse et des enquêtes réalisés sur des encres à tatouage en Europe (CVUA, 2011; Hauri, 2011; Agence de protection de l'environnement du Danemark, 2012; RAPEX, 2012), l'o-toluidine et l'o-anisidine ont été décelées dans plusieurs encres à tatouage, tandis que la 2-naphtylamine a été détectée dans une seule encre. Pourtant, malgré les règlements européens qui limitent les amines UE22 dans les encres à tatouage et le maquillage permanent (Conseil de l'Europe, 2008), ces amines ont été détectées dans des encres à tatouage, probablement en tant que résidus ou produits de fractionnement de colorants azoïques (à la suite du clivage réducteur des liaisons azoïques), comme l'indiquent les essais d'analyse et les enquêtes susmentionnés effectués en Europe (voir l'annexe F). On considère que les tatouages permanents représentent une voie d'exposition systémique potentielle, car ils sont injectés dans le derme, en dessous de la jonction dermo-épidermique à une profondeur de 1 à 2 mm (Lea et Pawlowski, 1987; Sperry, 1992). L'exposition systémique potentielle aux amines aromatiques des encres de tatouage injectées peut se produire du fait de leur présence sous forme résiduelle ou suivant la dégradation d'une matière colorante azoïque dans l'encre. L'exposition temporelle pourrait comprendre une phase aiguë immédiatement après l'injection, une phase à court terme associée à l'élimination lymphatique et l'exposition potentielle à long terme par le tatouage stable (Agence de protection de l'environnement du Danemark, 2012). Malgré les grandes incertitudes, en particulier en ce qui concerne l'exposition systémique à long terme découlant des tatouages (Agence de protection de l'environnement du Danemark, 2012), des estimations prudentes de la limite supérieure de l'exposition aiguë et à court terme à l'o-toluidine et à l'o-anisidine par l'entremise d'encres de tatouage ont été calculées (annexe F), étant donné que ces deux substances ont été décelées dans les encres de tatouage fabriquées aux États-Unis (RAPEX, 2012), qui peuvent également être présentes sur le marché canadien.

On a également décelé la présence de certaines des 16 amines aromatiques dans la fumée de cigarette. Il a été déterminé que la 2-naphtylamine, la p-toluidine, l'o-toluidine et l'o-anisidine sont présentes à des concentrations de 6,03 à 12,8 (2-naphtylamine), 31,36 à 62,65 (p-toluidine), 37,19 à 93,47 (o-toluidine) et 1,98 à 4,83 (o-anisidine) mg/kg de nicotine dans la fumée principale des cigarettes vendues au Canada (communication personnelle, courriel de la Direction des substances contrôlées et de la lutte au tabagisme [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], daté de 2013; source non citée). On a aussi recensé plusieurs études faisant état de la présence de certaines de ces amines aromatiques dans la fumée de cigarette (Pieraccini et al., 1992; Luceri et al., 1993; Stabbert et al., 2003; Goniewicz et Czogala, 2005; Saha et al., 2009). Le degré d'exposition à ces substances par les cigarettes dépend des habitudes de fumer, donc les personnes qui fument ou vivent avec des fumeurs peuvent avoir des niveaux d'exposition plus élevés à ces amines aromatiques. Un certain nombre d'activités de gestion des risques relatifs au tabac sont en place. Par exemple, bon nombre de règlements ont été rédigés en vertu de la Loi sur le tabac, relativement à la fabrication, à la vente, à l'étiquetage et à la promotion des produits du tabac.

7.2  Évaluation des effets sur la santé

La cancérogénicité et la génotoxicité constituent les effets critiques sur la santé potentiellement préoccupants en ce qui a trait aux substances azoïques aromatiques et à base de benzidine (Environnement Canada et Santé Canada, 2013a). Le tableau 7-5 présente les classifications existantes en matière de cancérogénicité et de génotoxicité établies par certaines agences nationales et internationales pour les 16 amines aromatiques visées par cette évaluation.

Tableau 7-5. Classifications en matière de cancérogénicité et de génotoxicité des amines aromatiques par certaines agences nationales et internationales
SubstanceCIRCNote de bas de page 7-5 [a] (2013)Cancérogénicité selon l'UENote de bas de page 7-5 [b] (ESIS, ©1995-2012)Mutagénicité selon l'UE[b] (ESIS, ©1995-2012)Classification de la cancérogénicité de l'Environmental Protection Agency des États-UnisNote de bas de page 7-5 [c]
2-naphtylamineGroupe 1Catégorie 1A
« UE22 »
Groupe A (USEPA, 1988)
o-toluidineGroupe 1Catégorie 1B
« UE22 »
Groupe B2 (USEPA, 2013)
Toluène-2,4-diamineGroupe 2BCatégorie 1B
« UE22 »
Catégorie 2
4-chloroanilineGroupe 2BCatégorie 1B
« UE22 »
Probablement cancérogène pour l'homme (USEPA, 2008a)
o-anisidineGroupe 2BCatégorie 1B
« UE22 »
Catégorie 2
2,4-diaminoanisoleGroupe 2BCatégorie 1B
« UE22 »
Catégorie 2
p-toluidine et chlorhydrate de p-toluidineCatégorie 2Indices sérieux de cancérogénicité potentielle
(USEPA, 2012)
p-aminophénolCatégorie 2
p-phénétidineCatégorie 2
Benzène-1,3-diamine et dichlorhydrate de m-phénylènediamineGroupe 3Catégorie 2
Amine Red Lake C
2-chloroaniline
3,4-dichloroaniline
4-nitroaniline« Peu susceptible d'être génotoxique » (USEPA, 2009b)
Note de bas de page 7-5 a

Définitions du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC, 2013) : Groupe 1 : Agent cancérogène pour l'homme; Groupe 2B : Agent probablement cancérogène pour l'homme; Groupe 3 : Substance non classable quant à sa cancérogénicité pour l'homme.

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Note de bas de page 7-5 b

Définitions de l'Union européenne (UE, 2008) : Catégorie de cancérogénicité 1A : potentiel cancérogène connu pour l'homme, classification largement fondée sur des preuves humaines; Catégorie de cancérogénicité 1B : potentiel cancérogène présumé pour l'homme, classification largement fondée sur des preuves animales; Catégorie de cancérogénicité 2 : agents cancérogènes soupçonnés pour l'homme; Catégorie de mutagénicité 2 : substances préoccupantes pour l'homme en raison de la possibilité qu'elles puissent produire des mutations héréditaires dans les cellules germinales humaines.

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Note de bas de page 7-5 c

Pour la cancérogénicité de l'Environmental Protection Agency des États-Unis, la mise à jour du langage de classification issu des lignes directrices sur le cancer de 2005 est présentée, le cas échéant; autrement, les anciennes classifications sont indiquées avec les références antérieures à 2005.

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Comme le montre le tableau 7-5, les six premières amines aromatiques ont été classées comme des agents cancérogènes par les organismes internationaux (Centre international de recherche sur le cancer [CIRC], Union européenne, USEPA). Sauf indication contraire dans la présente évaluation préalable, un examen des renseignements disponibles relatifs aux effets sur la santé montre que la concentration associée à un effet critique pour le cancer a été considérée comme assurant une protection contre les effets non cancéreux.

La disponibilité des renseignements relatifs aux effets sur la santé des amines aromatiques visées par cette évaluation est variable. Il a été démontré que la 2-naphtylamine et l'o-toluidine provoquent le cancer de la vessie chez l'homme, tandis que d'autres amines aromatiques visées par cette évaluation causent des tumeurs multisites chez plusieurs espèces animales. Les variations quant aux types de tumeurs et à leur répartition sont attribuées aux différences toxicocinétiques entre les espèces et à l'intérieur d'une même espèce (CIRC, 2012). On considère que les lésions produites par les amines aromatiques sont le résultat d'effets génotoxiques et cytotoxiques (prolifératifs). Toutefois, les lésions de l'ADN ne correspondent pas toujours au pouvoir cancérogène. Par exemple, l'aniline présente un faible potentiel génotoxique, mais il a été montré qu'elle pouvait produire des tumeurs dans la rate (CIRC, 2010a; Neumann, 2010). On émet l'hypothèse que l'augmentation du renouvellement des globules rouges endommagés en raison de la formation de méthémoglobine aboutit à une congestion vasculaire, une inflammation et une fibrose de la rate, qui peuvent donner lieu à la formation de sarcomes spléniques (Neumann, 2010). Cependant, aussi bien les tumeurs primitives de la rate que celles d'origine vasculaire (hémangiosarcome) sont considérées comme rares chez l'homme (Story et Gibb, 1952).

En général, on considère que les effets sur la santé des amines aromatiques ont un mécanisme d'action qui implique une amine primaire associée à un groupement aromatique. L'activation métabolique passe par deux voies principales qui entraînent la génération de produits intermédiaires réactifs connus pour endommager l'ADN et les protéines, comme le décrit Neumann (2010).

L'étape critique de la bioactivation des amines aromatiques est l'oxydation. L'organe le plus important est le foie, où les enzymes P450 (notamment 1A2, 1A1, 1B1 et 4B1) catalysent la réaction d'une monooxygénase oxygénodépendante qui oxyde l'amine aromatique pour former l'hydroxylamine correspondant (forme N-hydroxy); bien qu'elle se produise principalement dans le foie, l'activation peut également avoir lieu dans d'autres organes. Outre les enzymes hépatiques P450, d'autres enzymes oxydantes, notamment la peroxydase dans les poumons, la myéloperoxydase dans les granulocytes, les lactoperoxydases dans les glandes mammaires et la prostaglandine H synthase exprimée dans tout l'organisme, peuvent également activer les amines aromatiques par un mécanisme de peroxydation réductrice, par lequel les amines aromatiques sont « co-oxydées » aux radicaux libres centrés sur l'azote capables de lier les macromolécules (Eling et al., 1990; Thompson et al., 1992; CIRC, 2012).

Le métabolite hydroxylamine peut également être activé par des réactions de conjugaison qui produisent des espèces réactives porteuses de bons groupes partants, telles que l'acétate. Les humains expriment deux formes de l'enzyme arylamine N-acétyltransférase : NAT1 et NAT2. Chacun de ces enzymes peut catalyser deux réactions possibles. Les réactions de N-acétylation transforment les amines aromatiques en acétylamides qui sont généralement désactivés et excrétés. Inversement, les réactions d'O-acétylation (catalysées par l'O-acétyltransférase, OAT) produisent des métabolites N-acétoxy réactifs, car la décomposition spontanée du métabolite N-acétoxy produit un ion nitrénium réactif (Josephy et Novak, 2013). L'ion nitrénium réagit rapidement avec les sites nucléophiles sur les protéines et l'ADN, ce qui donne naissance à des adduits covalents encombrants qui peuvent constituer des lésions prémutagènes (CIRC, 2010a).

Bien que les données probantes épidémiologiques venant étayer un lien entre la capacité d'acétylation et la sensibilité aux amines aromatiques soient équivoques, les humains qui présentent un phénotype acétylateur lent peuvent courir un risque accru (Kadlubar et al., 1988). Plusieurs études ont démontré une certaine association entre le statut de NAT2 lent, en particulier combiné avec une exposition professionnelle ou liée à la fumée de cigarettes aux amines aromatiques, et le risque de cancer de la vessie (Sanderson et al., 2007). De plus, la sensibilité accrue aux amines aromatiques chez les chiens est attribuée à un phénotype non acétylateur (Neumann, 2010). Le gène NAT2 est le locus du polymorphisme d'acétylation des médicaments humains (p. ex. isoniazide) qui a été étudié en profondeur, et on estime que la moitié environ de la population est constituée d'« acétylateurs lents » du NAT2 (Sim et al., 2012). On pense également que l'isozyme NAT1 joue un moindre rôle dans le métabolisme de la plupart des médicaments et des agents cancérogènes à base d'amines aromatiques (Walraven et al., 2008).

Les conjugaisons avec le sulfate, l'acide glucuronique ou le phosphate peuvent constituer d'autres voies d'activation de l'hydroxylamine. Bien que les conjugués de l'acide glucuronique soient généralement plus stable s, tous les conjugués peuvent être hydrolysés dans des environnements à faible pH, tels que la vessie, pour produire l'ion nitrénium (CIRC, 2010a; Kaivosaari et al., 2011).

Un autre mécanisme important de toxicité chez l'homme est l'oxydation de l'hémoglobine par le métabolite N-hydroxylamine pour former de la méthémoglobine. Normalement, on pense que les substances oxydant l'hémoglobine endogène (stress oxydatif) oxydent environ 3 % de l'hémoglobine circulante chaque jour. Deux systèmes réducteurs primaires, à savoir la cytochrome-b5 réductase (méthémoglobine réductase) et la nicotinamide adénine dinucléotide phosphate (NADPH)-méthémoglobine réductase, maintiennent les niveaux de méthémoglobine à ou en dessous de 1 % (Wright et al., 1999; Skold et al., 2011). Par rapport aux niveaux d'activité dans les érythrocytes humains, on constate que l'activité de ce dernier système enzymatique réducteur est 5 et 10 fois supérieure à celle observée chez le rat et chez la souris, respectivement (Nair et al., 1986). Comme les rongeurs possèdent la capacité de réduire la méthémoglobine plus efficacement, les doses d'amines aromatiques qui produisent des niveaux subcliniques de méthémoglobine chez les rongeurs peuvent en réalité provoquer une méthémoglobinémie clinique chez les humains.

De plus, l'oxydation de l'hémoglobine par les amines N-hydroxy génère à son tour une forme N-nitroso qui présente une affinité considérable pour les résidus thiol de l'hémoglobine (qui est une protéine et un polypeptide). Les adduits à l'hémoglobine qui en découlent sont considérés comme un indicateur d'exposition fiable à long terme, car la durée de vie moyenne des érythrocytes humains est de 120 jours (Neumann, 2010).

Bien que les étapes communes de l'activation des amines aromatiques aient été bien étudiées, il existe des incertitudes quant aux effets globaux sur la santé. De manière générale, pour un grand nombre des substances évaluées, aucune étude épidémiologique ou expérimentale tenant compte de l'exposition cutanée n'était disponible, ce qui représente une source d'incertitude, car les effets nocifs potentiels causés précisément par les expositions cutanées n'ont pas pu être caractérisés.

7.3  Évaluations propres à une substance portant sur les amines aromatiques

Les évaluations propres à chaque substance sont présentées dans cette section, en commençant par les neuf amines aromatiques pour lesquelles il existe un risque d'exposition humaine au Canada (sections 7.3.1–7.3.9), suivies par un résumé des renseignements relatifs aux effets sur la santé des sept substances restantes auxquelles, d'après les renseignements disponibles, la population générale du Canada ne devrait pas être exposée.

7.3.1  2-naphtylamine

Évaluation de l'exposition

On a recensé un certain nombre d'études qui ont enquêté sur les concentrations de 2-naphtylamine dans l'air intérieur et extérieur, dans les eaux de surface et dans le sol pollué (voir l'annexe B). Toutes ces études ont été menées dans d'autres pays que le Canada. Une étude canadienne, réalisée par Santé Canada, a déterminé rétrospectivement les composés organiques volatils en suspension dans l'air dans les échantillons d'air stockés d'une enquête canadienne précédente sur les composés organiques volatils dans l'air intérieur, menée sur 757 logements canadiens choisis au hasard (Otson et al., 1994). Des aliquotes d'échantillons d'air stockés ont été regroupées pour former des échantillons composites, lesquels ont ensuite été analysés par chromatographie en phase gazeuse/spectrométrie de masse. La 2-naphtylamine n'a pas été détectée dans les échantillons composites au-dessus de la limite de détection (LD, non indiquée). L'une des limites associées à l'utilisation d'échantillons composites est que la plage de valeurs et la répartition de la 2-naphtylamine entre les différents foyers n'ont pas pu être déterminées.

D'après les utilisations de produits pouvant contenir de la 2-naphtylamine sous forme d'impureté et la quantité globale limitée de cette substance au Canada (voir la section 4.1; Environnement Canada, 2006), l'exposition de la population générale découlant des rejets de cette amine dans l'eau et le sol ne devrait pas se produire.

Dans les tests de produits effectués par Santé Canada (Santé Canada, 2013a), la 2-naphtylamine a été détectée dans trois échantillons de textile sur 66 au-dessus de la limite de détection (1,6 mg/kg d'échantillon), mais en dessous de la limite de quantification (4,7 mg/kg d'échantillon). Les expositions cutanées et orales à la 2-naphtylamine à partir de textiles ont été estimées selon la limite de quantification de 4,7 mg/kg de textile (voir le tableau 7-6 pour connaître les expositions estimées et l'annexe E pour obtenir des précisions). On a supposé, de façon prudente, que l'absorption cutanée était de 100 %. On a recensé pour cette substance une étude d'absorption dermique in vitro utilisant de la peau humaine (Lüersen et al., 2006). Vingt-quatre heures après une application cutanée de 15 µg/cm2, 54,05 % de la dose appliquée a été mesurée dans le fluide récepteur. Cette étude n'a pas été utilisée dans cette évaluation en raison de l'incertitude associée au manque de données sur la portion de 2-naphtylamine fixée à la peau; toutefois, les résultats indiquent une importante absorption cutanée de la 2-naphtylamine.

Tableau 7-6. Expositions estimées à la 2-naphtylamine à partir de textiles
Voies d'expositionScénario d'expositionGroupe d'âgeExposition aiguë estimée
(mg/kg p.c.)
Exposition quotidienne estiméeNote de bas de page 7-6 [a]
(mg/kg p.c. par jour)
CutanéeNote de bas de page 7-6 [b]Textiles – grenouillèreNourrissons0,0381,9 × 10−4
Cutanée[b]Textiles – vêtements personnelsAdultes0,0241,2 × 10−4
OraleMise en bouche d'objets en textileNourrissonsSans objet2,5 × 10−5
Note de bas de page 7-6 a

Un facteur d'ajustement de 10 % est appliqué afin de prendre en compte la probabilité que le textile contienne de la 2-naphtylamine ou un colorant azoïque à base de 2-naphtylamine.

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Note de bas de page 7-6 b

On a supposé, de façon prudente, que l'absorption cutanée était de 100 %.

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Évaluation des effets sur la santé
Cancérogénicité et génotoxicité

La 2-naphtylamine a été classée comme un agent cancérogène par plusieurs organismes internationaux (classement présenté dans le tableau 7-5). Il existe des preuves claires démontrant le potentiel cancérogène de la 2-naphtylamine d'après l'incidence de la tumeur de la vessie chez les humains exposés à cette substance ainsi que chez les animaux de laboratoire : singes, chiens, lapins, rats et hamsters. Des tumeurs du foie et du poumon ont également été signalées chez des souris traitées par voie intrapéritonéale et sous-cutanée. Des renseignements limités indiquent que les expositions dermiques n'ont pas provoqué le développement d'une tumeur. Aucun essai biologique sur la cancérogénicité par inhalation et aucune étude sur la reproduction ou le développement n'ont été relevés dans la littérature scientifique. Le raisonnement justifiant le choix des concentrations associées à un effet critique pour le calcul des marges d'exposition est expliqué ci-dessous.

Les renseignements disponibles provenant de rapports de cas et d'études épidémiologiques indiquent un fort lien entre l'exposition à la 2-naphtylamine et le développement du cancer de la vessie chez les humains exposés professionnellement à cette substance. Les rapports de cas internationaux depuis les années 1960 ont fait état d'une incidence élevée du cancer de la vessie chez les travailleurs exposés à la 2-naphtylamine en France, en Italie, au Japon et en Grande-Bretagne (Billiard-Duchesne, 1960; Vigliani et Barsotti, 1962; Tsuji, 1962; Tsuchiya et al., 1975). On a signalé une incidence cumulée du cancer de la vessie de 25 % chez les ouvriers britanniques travaillant avec du colorant de goudron de houille (Goldwater et al., 1965). Au Japon, sur 1085 travailleurs participant à la synthèse et à la manipulation de la 2-naphtylamine et de la benzidine, 10,3 % ont développé un cancer de la vessie d'origine professionnelle (Shinka et al., 1991). Selon un autre rapport, 20 % des ouvriers japonais travaillant dans la production d'amines aromatiques ont développé un cancer uroépithélial (Hamasaki et al., 1996). Des études de cohorte ont montré que l'incidence du cancer de la vessie et la mortalité sont élevées chez les personnes exposées professionnellement à ces substances. Il a été observé que l'incidence du cancer de la vessie est particulièrement élevée chez les travailleurs de l'industrie du caoutchouc et des produits chimiques en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Pologne et en Russie (Case et al., 1954; Mancuso et el-Attar, 1967; Szeszenia-Dabrowska et al., 1991; Bulbulyan et al., 1995; Veys, 2004). Des taux de mortalité particulièrement élevés ont également été signalés dans des cohortes italiennes, américaines et japonaises (Decarli et al., 1985; Delzell et al., 1989; Morinaga et al., 1990; Naito et al., 1995; Cassidy et al., 2003). Toutefois, il a été observé que des tumeurs associées à la 2-naphtylamine dans une cohorte de Géorgie, aux États-Unis, touchaient les poumons et la prostate plutôt que la vessie (Schulte et al., 1985a,b, 1986; Axtell et al., 1998).

Il a été proposé que le potentiel cancérogène de la 2-naphtylamine puisse être influencé par l'expression de la prostaglandine H synthase dans la vessie. Bien que la présence de prostaglandine H synthase dans un test d'Ames modifié n'ait pas entraîné d'augmentation des événements mutagènes dans les souches TA98, TA100 et TA102 de Salmonella typhimurium, les microsomes dans l'épithélium transitionnel de la vessie contenant de la 2-naphtylamine activée par la prostaglandine H synthase ont entraîné une fixation aux protéines et à l'ADN à des niveaux supérieurs à celui associé à l'activation par les microsomes hépatiques (Wise et al., 1984; Sarkar et al., 1992).

Il a été démontré que l'exposition à la 2-naphtylamine augmentait l'incidence des tumeurs dans une série d'essais biologiques sur des animaux de laboratoire. L'administration par voie orale de cette substance à des rats, des chiens, des lapins, des hamsters et des singes a eu pour conséquence une augmentation significative des incidences de tumeurs à la vessie, la plus faible dose minimale avec effet nocif observé (DMENO), à 5,4 mg/kg de poids corporel (kg p.c.) par jour, ayant été observée chez le chien beagle (Bonser et al., 1952, 1956; Saffiotti et al., 1967; Hadidian et al., 1968; Conzelman et al., 1969; Harrison et al., 1969; Conzelman et Moulton, 1972; Romanenko et Martynenko, 1972; Hicks et Chowaniec, 1977; Radomski et al., 1977; Rigotti et al., 1977; Purchase et al., 1981; Hicks et al., 1982). Cependant, des doses orales commençant à 23 mg/kg p.c. par jour (DMENO) ont produit des hépatomes chez des souris (Bonser et al., 1952; Yoshida et al., 1979). On a constaté que l'injection sous-cutanée chronique de 2-naphtylamine à des souris provoquait le développement de tumeurs aux poumons et de sarcomes et d'hépatomes sous-cutanés, à partir de doses commençant à 1 mg/kg p.c. par jour (DMENO) [Bonser et al., 1956; Walters et al., 1967; Radomski et al., 1971]. Les souris auxquelles était administrée régulièrement de la 2-naphtylamine par injection intrapéritonéale ont développé des tumeurs aux poumons à partir de doses commençant à 250 mg/kg p.c. par jour (DMENO) [Theiss et al., 1981; Stoner et al., 1986]. Aucune étude pertinente sur l'exposition dermique n'a été relevée dans la littérature scientifique.

La principale étude a été menée par Conzelman et Moulton (1972). Des doses de 2-naphtylamine de 0, 6,25, 12,5, 25 ou 50 mg/kg p.c. par jour ont été administrées à des chiens beagles sous forme de gélules dures en lactose et gélatine, à raison de six jours par semaine pendant une durée allant jusqu'à 26 mois (ce qui équivaut à des doses de 0, 5,4, 10,7, 21,4 et 42,9 mg/kg p.c. par jour). Alors que les témoins négatifs (n = 4) n'ont pas développé de tumeur, tous les chiens traités ont développé un carcinome transitionnel invasif, un carcinome squameux invasif, un carcinome papillaire ou une combinaison de ceux-ci. Le carcinome transitionnel invasif a été observé chez 2 sur 9 (22 %) des chiens ayant reçu une dose de 6,25 mg/kg p.c. par jour, chez 2 sur 10 (20 %) des chiens ayant reçu une dose de 12,5 mg/kg p.c. par jour, chez 5 sur 10 (50 %) des chiens ayant reçu une dose de 25 mg/kg p.c. par jour, et chez 2 sur 5 (40 %) des chiens ayant reçu une dose de 50 mg/kg p.c. par jour. Le carcinome squameux invasif a été observé chez 1 sur 9 (11 %) des chiens ayant reçu une dose de 6,25 mg/kg p.c. par jour, chez 2 sur 10 (20 %) des chiens ayant reçu une dose de 12,5 mg/kg p.c. par jour, chez 3 sur 10 (30 %) des chiens ayant reçu une dose de 25 mg/kg p.c. par jour, et chez 2 sur 5 (40 %) des chiens ayant reçu une dose de 50 mg/kg p.c. par jour. En outre, le carcinome papillaire a été observé chez 0 sur 9 (0 %) des chiens ayant reçu une dose de 5,4 mg/kg p.c. par jour, chez 1 sur 10 (10 %) des chiens ayant reçu une dose de 10,7 mg/kg p.c. par jour, chez 3 sur 10 (30 %) des chiens ayant reçu une dose de 21,4 mg/kg p.c. par jour, et chez 4 sur 5 (80 %) des chiens ayant reçu une dose de 42,9 mg/kg p.c. par jour. D'autres études ont également fait état de lésions pathologiques dans la vessie des chiens traités, notamment des lésions prénéoplasiques, des lésions hyperplasiques, le papillome (à un stade précoce), le papillome (à un stade avancé), la métaplasie malpighienne (à un stade précoce), la métaplasie malpighienne (à un stade avancé), le carcinome transitionnel invasif, le carcinome squameux invasif et le carcinome papillaire (Hueper et al., 1938; Bonser, 1956; Harrison et al., 1969; Romaneko et Martynenko, 1972; Radomski et al., 1977; Purchase et al., 1981).

Le potentiel génotoxique in vitro et in vivode la 2-naphtylamine a été évalué précédemment par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC, 2010a). Cette substance est considérée comme faiblement mutagène vis-à-vis de Salmonella typhimurium et des cellules ovariennes de hamster chinois, mais pas vis-à-vis des cellules V79 de hamster. Des résultats positifs dans des bactéries ont été observés en présence d'une conversion et d'une activation métaboliques; toutefois, certains essais sur des cellules mammaliennes étaient positifs en l'absence de facteurs d'activation ajoutés. Les preuves de la mutagenèse dans les cellules de levure sont considérées comme non concluantes. Les preuves de la génotoxicité in vivo de la 2-naphtylamine comprennent la production de gènes récessifs létaux chez la mouche Drosophila melanogaster, la formation de micronoyaux chez des souris auxquelles ont été administrées de fortes doses de 2-naphtylamine, et la fragmentation de l'ADN dans le foie des rongeurs. Cependant, la 2-naphtylamine ne provoque pas d'événements d'échange de chromatides sœurs chez la souris, et les données indiquant des anomalies des spermatozoïdes dans cette espèce sont équivoques (CIRC, 2010a).

Autres effets sur la santé

Il a été constaté que l'exposition à la 2-naphtylamine chez l'homme peut provoquer une méthémoglobinémie et une cyanose, un essoufflement à l'effort, une hématurie et une activité accrue des lymphocytes circulants ex vivo (Kumar et al., 1981; HSDB, depuis 1983; ChemIDplus, depuis 1993). Aucune étude sur la toxicité pour la reproduction et le développement chez les humains ou les animaux de laboratoire n'a été recensée.

Caractérisation des risques

L'exposition de la population générale du Canada à la 2-naphtylamine dans les milieux naturels ne devrait pas avoir lieu.

L'exposition de la population générale du Canada à la2-naphtylamine par l'entremise de produits de consommation devrait principalement se produire lors de l'utilisation d'articles en textile. Les expositions cutanées quotidiennes des adultes et des nourrissons dues au contact de la peau avec des vêtements textiles ont été estimées à 1,2 × 10−4 et 1,9 × 10−4 mg/kg p.c. par jour, respectivement. L'exposition orale quotidienne des nourrissons par la mise en bouche d'objets en textile a été estimée à 2,5 × 10−5 mg/kg p.c. par jour.

La concentration associée à un effet critique assurant la protection contre les effets cancéreux et non cancéreux correspondant à l'administration orale de 2-naphtylamine est une DMENO de 5,4 mg/kg p.c. par jour, établie d'après une étude chronique par voie alimentaire chez des chiens beagles (Conzelman et Moulton, 1972); les animaux ont présenté des carcinomes invasifs, transitionnels et squameux dans la vessie à la plus faible dose administrée, soit 5,4 mg/kg p.c. par jour. On n'a pas relevé de seuil critique d'effet associé à la voie d'exposition cutanée. Des données sur la toxicité orale ont été utilisées en l'absence de données sur l'exposition par voie cutanée. À titre d'hypothèse prudente, on a considéré que l'absorption par voie cutanée était équivalente à celle par voie orale.

La comparaison de l'exposition orale quotidienne estimée des nourrissons à la 2-naphtylamine par la mise en bouche d'articles en textile avec la concentration associée à un effet critique (DMENO de 5,4 mg/kg p.c. par jour) permet d'obtenir une marge d'exposition (ME) de 216 000. En comparant les expositions cutanées quotidiennes estimées par le port de vêtements personnels avec la même concentration associée à un effet critique, on obtient des marges d'exposition de 28 400 pour les nourrissons et de 45 000 pour les adultes. Ces marges d'exposition sont jugées adéquates pour tenir compte des incertitudes relevées dans les bases de données concernant les effets sur la santé et l'exposition (tableau 7-7). Le niveau de confiance accordé à la caractérisation des risques est élevé en raison de l'utilisation d'un facteur prudent d'absorption cutanée (à savoir, 100 %).

Bien que des scénarios d'exposition aiguë par voie cutanée aient été mis en évidence pour la 2-naphtylamine (p. ex. contact avec des vêtements personnels chez les adultes et les enfants), les renseignements disponibles n'indiquent pas que la 2-naphtylamine présente une toxicité aiguë élevée. Par conséquent, le risque pour la population générale est jugé faible.

Tableau 7-7. Marges d'exposition pour l'exposition quotidienne à la 2-naphtylamine
Voies d'expositionScénario d'exposition (groupe d'âge)Exposition quotidienne estiméeNote de bas de page 7-7 [a]
(mg/kg p.c. par jour)
Concentration associée à un effet critique : DMENO alimentaire par voie orale (mg/kg p.c. par jour)ME
CutanéeNote de bas de page 7-7 [b]Textiles – Vêtements personnels (adultes)1,2 × 10−45,445 000
Cutanée[b]Textiles – Grenouillère (nourrissons)1,9 × 10−45,428 400
OraleMise en bouche d'objets en textile (nourrissons)2,5 × 10−55,4216 000
Note de bas de page 7-7 a

Un facteur d'ajustement de 10 % est appliqué afin de prendre en compte la probabilité que le textile contienne de la 2-naphtylamine ou un colorant azoïque à base de 2-naphtylamine.

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Note de bas de page 7-7 b

On a supposé, de façon prudente, que l'absorption cutanée était de 100 %.

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7.3.2  o-toluidine

Évaluation de l'exposition

D'après les réponses à une enquête précédente en vertu de l'article 71, entre 100 et 1 000 kg d'o-toluidine ont été importés au Canada en 2008 (Environnement Canada, 2009). Compte tenu du volume limité de 2-naphtylamine commercialisé et de ses utilisations, l'exposition de la population générale par l'entremise de rejets d'o-toluidine ne devrait pas se produire.

L' o-toluidine est utilisé dans la fabrication de pneus (Environnement Canada, 2009). Les concentrations de cette amine, si présente dans le produit final, sont présumée très faibles. Ainsi, l'exposition humaine au o-toluidine dans les pneus via leur vie utile et leur usage recyclés n'est pas envisagée.

D'après la concentration maximale mesurée (0,26 ppb) d'o-toluidine dans le lait maternel de mères allaitantes au Canada (DeBruin et al., 1999), la limite supérieure de la dose quotidienne ingérée a été estimée à 0,03 µg/kg p.c. par jour pour les nourrissons allaités (âgés de 0 à 6 mois). Bien que la présence d'o-toluidine dans le lait maternel des mères soit un indicateur d'expositions récentes, les sources précises et les degrés d'exposition n'ont pas pu être établis avec certitude dans cette étude.

À partir des deux études indépendantes qui ont mis en évidence la migration de l'o-toluidine depuis certains ustensiles de cuisson en polyamide en Irlande et au Danemark (Trier et al., 2010; McCall et al., 2012), l'exposition potentielle de la population générale du Canada par le biais de l'utilisation d'ustensiles de cuisson a été estimé. En utilisant le niveau de migration médian le plus élevé d'o-toluidine observé dans ces études (0,0005 µg/g d'aliment, McCall et al., 2012), on a estimé que l'exposition potentielle à l'o-toluidine par l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide était comprise entre 7 × 10−4 µg/kg p.c. par jour (12 ans et plus) et 2,3 × 10−3 µg/kg p.c. par jour (tout-petits de 0,5 à 4 ans).

L'exposition aiguë conservatrice à l'o-toluidine résiduelle dans l'encre à tatouage a été estimée entre 0,0021 et 0,019 mg/kg p.c. L'exposition quotidienne par le rejet à court terme d'amines dû au clivage progressif des colorants azoïques par métabolisme et photodégradation a été estimée entre 4,3 × 10−7 et 4,1 × 10−7 mg/kg p.c. par jour. Ces expositions estimées sont considérées comme des limites supérieures en raison des hypothèses sous-jacentes prudentes utilisées dans le calcul (voir l'annexe F). À cause des incertitudes élevées associées avec ces expositions estimées, le risque lié à l'expositiondue au tatouage n'a pas été estimé. (voir section 7.5.1 Incertitudes).

Évaluation des effets sur la santé
Cancérogénicité et génotoxicité

Le Centre international de recherche sur le cancer a récemment reclassé l'o-toluidine comme agent du Groupe 1, cancérogène pour l'homme (tableau 7-5) (CIRC, 2012), en s'appuyant sur des données probantes épidémiologiques solides. L'inhalation d'o-toluidine et l'exposition cutanée à cette substance en milieu professionnel sont associées à une augmentation significative du risque de cancer de la vessie. La cancérogénicité de l'o-toluidine administrée par voie orale à des animaux a été clairement démontrée, la répartition et les types de tumeurs variant entre les espèces. Le raisonnement justifiant le choix des concentrations associées à un effet critique pour le calcul des marges d'exposition est expliqué ci-dessous.

Il existe des données probantes épidémiologiques solides à l'appui du potentiel cancérogène de l'o-toluidine chez l'homme. Les expositions professionnelles ont été décrites dans trois grandes cohortes composées de travailleurs d'une usine chimique dans l'État de New York, de travailleurs d'une usine de production de produits chimiques en Galles du Nord et d'employés d'une usine de colorants en Italie. Même si les doses d'exposition précises n'ont pas été quantifiées dans ces études épidémiologiques, les résultats mettent clairement en évidence une augmentation significative de l'incidence du cancer de la vessie et de la mortalité associée à cette maladie chez les travailleurs exposés. Ward et al. (1991) ont indiqué que l'incidence du cancer de la vessie chez les travailleurs dont l'exposition était connue était significativement supérieure à celle observée chez les personnes non exposées professionnellement à cette substance vivant dans l'État de New York. L'incidence chez les personnes potentiellement exposées était également considérablement élevée. Les durées d'exposition de 10 ans ou plus étaient positivement associées à l'incidence du cancer. En outre, une ancienneté de 10 à 20 années depuis la date du premier emploi dans un lieu de travail exposé était associée à une augmentation du rapport standardisé d'incidence, et l'augmentation du rapport standardisé d'incidence était statistiquement significative lorsque l'ancienneté depuis la date du premier emploi dans un service exposé était de 20 années ou plus. Les données de cette étude ont été réévaluées ultérieurement par Carreón et al. (2010), qui en ont tiré des conclusions semblables. Dans une cohorte de 2 160 hommes travaillant à la production dans une usine de produits chimiques en Galles du Nord (exposés à des inhibiteurs et à des accélérateurs de vulcanisation, à des antioxydants et à des produits exclusifs pour l'industrie du caoutchouc), Sorahan (2008) a démontré que les expositions à l'o-toluidine dans la cohorte étaient associées au taux de mortalité le plus élevé dû au cancer de la vessie. De plus, le risque relatif de développer un cancer de la vessie était significativement élevé chez les travailleurs en poste dans des services où l'exposition à l'o-toluidine est connue pendant des durées d'emploi de 0,1 à 4,9 années et de 5 années ou plus. En Italie, l'incidence du cancer de la vessie chez les travailleurs d'une usine a été évaluée par Rubino et al. (1982). Dans une cohorte de 868 travailleurs de sexe masculin (dont 80 % avaient également été exposés à la benzidine, aux naphtylamines ou aux deux), la mortalité associée au cancer de la vessie (n = 36; 4,1 %) était significativement supérieure à celle observée dans l'ensemble de la population. Des taux élevés de mortalité ont également été associés à des néoplasmes du poumon, du larynx et de l'œsophage dans la cohorte de travailleurs. En outre, la mortalité causée par toutes les tumeurs confondues a significativement augmenté avec le temps écoulé depuis la première exposition.

La cancérogénicité associée à l'o-toluidine semble présenter une spécificité quant à la voie d'exposition chez les animaux de laboratoire. Bien qu'il existe des données probantes solides à l'appui du potentiel cancérogène chez les animaux auxquels la substance a été administrée par voie orale, les traitements sous-cutanés n'ont pas démontré le même effet. En administrant à des hamsters dorés de Syrie exogames 52 injections sous-cutanées hebdomadaires d'o-toluidine (soit environ 261 mg/kg p.c. par jour) dans de l'huile d'arachide, on n'a pas observé d'incidence accrue des tumeurs de toutes sortes (Hecht et al., 1983). Aucune étude n'a été menée par voie cutanée, et le risque de cancérogénicité par cette voie d'administration demeure incertain pour l'o-toluidine. Des expériences consistant à monter de la peau excisée sur des cellules à diffusion ont démontré une absorption de 15 % de la dose appliquée en 7 heures et de 50 % en plus de 24 heures. Toutefois, des chercheurs ont mis en évidence une association entre l'absorption accrue de l'o-toluidine et l'utilisation de crèmes dermoprotectrices (Korinth et al., 2008).

Une étude du NCI (1979b) a démontré la cancérogénicité de l'o-toluidine chez des rats Fischer 344. On a administré par voie orale à 50 rats mâles et 50 rats femelles des doses de 0, 3 000 et 6 000 ppm de chlorhydrate d'o-toluidine dans de la nourriture à volonté pendant 101 à 104 semaines (doses faible et élevée d'environ 88 et 175 mg/kg p.c. par jour pour les mâles, et d'environ 139 et 278 mg/kg p.c. par jour pour les femelles). Les rats mâles ont présenté une augmentation significative liée à la dose des fibromes dans les tissus sous-cutanés, des ostéosarcomes, myosarcomes, fibrosarcomes, sarcomes et lipomes dans les tissus sous-cutanés aux deux doses, des sarcomes dans plusieurs organes et des fibrosarcomes dans plusieurs organes à la dose élevée, et des mésothéliomes dans plusieurs organes ou dans la tunique vaginale (membrane séreuse enveloppant les testicules) à faible dose mais pas à la dose élevée. Les rats femelles ont développé des ostéosarcomes de plusieurs organes à la dose élevée, des fibroadénomes et des adénomes de la glande mammaire aux deux doses, des carcinomes à cellules transitionnelles de la vessie à la dose élevée mais pas à faible dose, des sarcomes de la rate (angiosarcome) à la dose élevée, et des sarcomes de plusieurs organes (sarcome, fibrosarcome, angiosarcome ou ostéosarcome) à la dose élevée mais pas à faible dose.

Dans le cadre de la même étude, on a administré à 50 souris B6C3F1 mâles et 50 femelles de la même espèce des doses de 0, 1 000 et 3 000 ppm de chlorhydrate d'o-toluidine dans de la nourriture à volonté pendant 101 à 104 semaines (doses faible et élevée d'environ 64 et 191 mg/kg p.c. par jour pour les mâles, et d'environ 66 et 199 mg/kg p.c. par jour pour les femelles). On n'a pas constaté dans cette espèce le fort degré de variabilité observé chez les rats quant au type de tumeur; en effet, la plupart des tumeurs se sont développées dans le foie (carcinome ou adénome hépatocellulaire). L'incidence combinée des carcinomes et adénomes hépatocellulaires était significativement élevée chez les femelles ayant reçu la dose élevée, mais pas la dose faible. Même si elles n'étaient pas statistiquement significatives, des lésions de type hémangiome et hémangiosarcome biologiquement pertinentes ont également été observées à plusieurs endroits chez les mâles ayant reçu la dose élevée ou la dose faible (NCI, 1979b).

D'autres études d'administration périodique par voie alimentaire à des rats ont également mis en évidence le potentiel tumorigène de l'o-toluidine. Weisburger et al. (1978) a fait état d'une réponse cancérogène positive chez tous les rats Charles River CD traités à l'o-toluidine. Les mâles ont développé des fibromes et des fibrosarcomes sous-cutanés, des adénomes pituitaires et surrénaliens, ainsi que des hémangiosarcomes et des hémangiomes dans les viscères abdominaux. Les souris femelles ont présenté une augmentation significative des tumeurs vasculaires. Le National Toxicology Program (NTP, 1996) a fait état de lésions dans les testicules, l'épididyme, le foie, les reins, la rate et la vessie des rats F344/N mâles auxquels on a administré régulièrement de l'o-toluidine. Une dégénérescence des tubes séminifères a également été signalée chez 5 à 10 % des rats traités. Une hyperplasie bénigne diffuse a été observée dans l'épithélium transitionnel de la vessie, ainsi que des modifications significatives dans la rate : une augmentation du poids absolu et relatif de la rate (en présence de diminutions du poids corporel total), des plaques granuleuses blanches sur la surface capsulaire, une fibrose capsulaire, des zones fibreuses avec des lymphocytes et des cellules hématopoïétiques, et des concentrations accrues d'hémosidérine ont été observées. Ces modifications spléniques ont été attribuées à la dénaturation de l'hémoglobine, à la formation de corps de Heinz et à la destruction accrue des érythrocytes (NTP, 1996).

L'o-toluidine est généralement considérée comme génotoxique in vitro et in vivo. Le NTP (2013a) a indiqué que l'o-toluidine se fixe à l'ADN, provoque des dommages à l'ADN et des altérations chromosomiques et induit des mutations in vitro. L'OCDE (2004a) a fourni des données à l'appui de la clastogénicité et de la mutagénicité in vitro induites par l'o-toluidine, d'après des rapports signalant la formation de micronoyaux sur les lymphocytes humains et l'induction d'aberrations chromosomiques dans plusieurs systèmes cellulaires. Compte tenu des preuves in vivo, le CIRC (2012) a conclu que l'o-toluidine produit des lésions de l'ADN dans de multiples organes. Le NTP (2013a) a considéré que l'o-toluidine est capable de causer des dommages à l'ADN et des altérations chromosomiques ainsi que des ruptures de l'ADN simple brin. Dans le rapport de l'OCDE (2004a), l'o-toluidine était considérée comme clastogène in vivo, d'après des preuves indiquant qu'elle est responsable d'échanges de chromatides sœurs et de synthèses d'ADN non programmées chez des rats.

Autres effets sur la santé

L'o-toluidine peut avoir des effets nocifs sur la reproduction. Des doses de 272 mg/kg p.c. par jour administrées pendant 26 semaines à des rats mâles ont provoqué une atrophie des testicules et une dégénérescence des tubes séminifères (NTP, 1996). Le NCI (1979b) a fait état chez les rats mâles d'une incidence significativement élevée de mésothéliomes dans la tunique vaginale (membrane séreuse enveloppant les testicules) à faible dose (88 mg/kg p.c. par jour), mais pas à la dose élevée. L'exposition à l'o-toluidine peut également avoir des effets sur le développement, mais la gravité et les types de ces effets n'ont pas été caractérisés. On a évalué la descendance de rats mâles et femelles auxquels on avait administré par voie cutanée des doses de 0, 8 ou 80 mg/kg p.c. dans la peau de la queue. On a observé chez la progéniture des femelles et des mâles traités une diminution du poids relatif des organes : reins, ovaires, cœur et poumons (Malysheva et al., 1983). En outre, l'OCDE (2004a) a conclu que, bien qu'aucune des études disponibles sur la toxicité pour la reproduction ou le développement ne soit acceptable aux fins d'examen, l'o-toluidine était considérée comme une substance potentiellement toxique pour la reproduction ou le développement en raison de ses propriétés génotoxiques et cancérogènes. De plus, la commission allemande d'investigation des dangers des composés chimiques pour la santé sur le lieu de travail (MAK Commission) a classé l'o-toluidine comme un mutagène des cellules germinales de Classe 3A (DFG, 2012b).

Les autres effets nocifs à la suite d'expositions répétées par voie orale comprennent une augmentation du poids de la rate, une congestion splénique et une hématopoïèse chez les rats mâles (Short et al., 1983). La formation de méthémoglobine, l'épaississement de la paroi de la vessie et l'hyperplasie urothéliale ont également été observés chez des rats mâles et femelles (EI Dupont de Nemours & Co. Inc., 1994). Chez des rats Fischer 344 mâles auxquels on a administré 225 mg/kg p.c. par jour d'o-toluidine par gavage oral une fois par jour pendant une durée allant jusqu'à 5, 10 ou 20 jours, le poids moyen de la rate a augmenté significativement aux trois intervalles chez les animaux ayant reçu la dose par rapport aux valeurs témoins, et les modifications spléniques ont été associées à la congestion, à l'hémosidérose et à l'hématopoïèse (Short et al., 1983).

Des études aiguës menées sur des rats, des chats, des lapins, des cochons d'Inde et des souris ont démontré des effets nocifs similaires, notamment une anesthésie, une augmentation de la diurèse, une cyanose, des augmentations liées à la dose de la méthémoglobinémie, une congestion pulmonaire, un rythme de respiration rapide, une respiration laborieuse, un écoulement nasal brun rougeâtre, une léthargie et un épuisement physique, quelle que soit la voie d'exposition (orale, cutanée, inhalation ou intrapéritonéale) [tous cités dans l'Ensemble de données de dépistage, OCDE, 2004a : Smyth et al., 1962; Bayer, 1978; Weisburger et al., 1978; BASF AG, 1979; Price et al., 1979; DuPont Chem, 1981; Senczuk et Rucinska, 1984). Les plus faibles valeurs de dose létale moyenne (DL50) indiquées pour l'administration par voie orale, cutanée et intrapéritonéale de l'o-toluidine étaient de 750, 3 250 et 113 mg/kg p.c., respectivement.

Caractérisation des risques

Il a été déterminé que le lait maternel pouvait constituer une source potentielle d'exposition à l'o-toluidine pour les nourrissons allaités au Canada. En utilisant la concentration maximale mesurée d'o-toluidine dans le lait maternel humain, à savoir 0,26 µg/kg, la limite supérieure de la dose quotidienne ingérée a été estimée à 0,03 µg/kg p.c. par jour pour les nourrissons allaités (âgés de moins de 6 mois). L'exposition quotidienne potentielle par voie orale à l'o-toluidine par l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide a été estimée, de façon prudente, entre 7 × 10−7 mg/kg p.c. par jour (12 ans et plus) et 2,3 × 10−6 mg/kg p.c. par jour (tout-petits, de 0,5 à 4 ans).

La concentration associée à un effet critique est une DMENO de 64 mg/kg p.c. par jour, établie d'après une étude d'administration périodique par voie alimentaire à des souris mâles; les animaux auxquels on a administré de l'o-toluidine ont présenté des hémangiomes et des hémangiosarcomes à de multiples endroits.

La comparaison des estimations de la limite supérieure de l'exposition orale des nourrissons à l'o-toluidine par l'ingestion de lait maternel avec la concentration associée à un effet critique (DMENO de 64 mg/kg p.c. par jour) permet d'obtenir une marge d'exposition de plus de 1 million. De même, en comparant l'estimation de la limite supérieure de l'exposition quotidienne par voie orale à l'o-toluidine par l'utilisation d'ustensiles de cuisson avec la même concentration associée à un effet critique, on obtient également une marge d'exposition de plus de 1 million (tableau 7-8). Ces marges d'exposition sont considérées comme adéquates pour rendre compte des incertitudes relevées dans les bases de données concernant les effets sur la santé et l'exposition.

Tableau 7-8. Marges d'exposition pour l'exposition quotidienne à l'o-toluidine
Voies d'expositionExpositionLimite supérieure de l'exposition quotidienne
(mg/kg p.c. par jour)
Concentration associée à un effet critique : DMENO par voie orale
(mg/kg p.c. par jour)
ME
OraleLait maternel
(nourrissons, 0 à 0,5 an)
3 × 10−5642,13 × 106
OraleUstensiles de cuisson2,3 × 10−6642,8 × 107

7.3.3  Toluène-2,4-diamine

Évaluation de l'exposition

Aucune activité de fabrication ou d'importation de toluène-2,4-diamine n'a été déclarée au Canada en réponse à une enquête en vertu de l'article 71 (Canada, 2009; Environnement Canada, 2009). Aucune information liée aux rejets ou aux concentrations mesurées de cette substance dans l'environnement canadien n'a été recensée (INRP, 2006). Par conséquent, d'après les renseignements disponibles, l'exposition de la population générale du Canada à la toluène-2,4-diamine à partir des milieux naturels est peu probable.

À partir des deux études indépendantes qui ont mis en évidence la migration de la toluène-2,4-diamine depuis certains ustensiles de cuisson en polyamide noir en Irlande et au Danemark (Trier et al., 2010; McCall et al., 2012), l'exposition potentielle de la population générale du Canada par le biais de l'utilisation d'ustensiles de cuisson a été estimé. En utilisant le niveau de migration médian le plus élevé de toluène-2,4-diamine observé entre les deux études (0,001 µg/g d'aliment, McCall et al., 2012), on a estimé que l'exposition quotidienne potentielle à la toluène-2,4-diamine par l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide était comprise entre 1,3 × 10−3 µg/kg p.c. par jour (personnes âgées de 60 ans et plus) et 4,7 × 10−3 µg/kg p.c. par jour (tout-petits de 0,5 à 4 ans).

La toluène-2,4-diamine a été détectée dans un échantillon de textile sur 66 dans des tests de produits (Santé Canada, 2013a). Les expositions cutanée et orale à la toluène-2,4-diamine par contact avec des textiles ont été estimées à partir de la concentration maximale détectée, à savoir 4,2 mg/kg (voir le tableau 7-9). On a supposé que l'absorption cutanée était de 24 % dans l'estimation de l'exposition dermique. Cette hypothèse se fonde sur une étude d'absorption cutanée qui a été recensée pour la toluène-2,4-diamine. La toluène-2,4-diamine radiomarquée au 14C dans l'acétone a été placée sur l'avant-bras d'une personne pendant 24 heures; des échantillons d'urine ont été recueillis sur une période de 5 jours et analysés afin de détecter le marqueur radioactif. Les résultats ont montré une absorption cutanée de la toluène-2,4-diamine de 24 % ± 16 % (corrigée pour une récupération incomplète) [Marzulli et al., 1981]. Cela représente la moyenne ± 2 écarts-types dans un groupe témoin comptant entre trois et six sujets (non précisé).

Tableau 7-9. Expositions estimées à la toluène-2,4-diamine à partir de textiles
Voies d'expositionScénario d'expositionGroupe d'âgeExposition aiguë estimée (mg/kg p.c.)Exposition quotidienne estiméeNote de bas de page 7-9 [a] (mg/kg p.c. par jour)
CutanéeNote de bas de page 7-9 [b]Textiles – grenouillèreNourrissons0,0084,1 × 10−5
Cutanée[b]Textiles – vêtements personnelsAdultes0,0052,5 × 10−5
OraleMise en bouche d'articles en textileNourrissonsSans objet2,2 × 10−5
Note de bas de page 7-9 a

Un facteur d'ajustement de 10 % est appliqué afin de prendre en compte la probabilité que le textile contienne de la toluène-2,4-diamine ou un colorant azoïque à base de toluène-2,4-diamine.

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Note de bas de page 7-9 b

On a supposé que l'absorption cutanée était de 24 %.

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Évaluation des effets sur la santé
Cancérogénicité et génotoxicité

La toluène-2,4-diamine a été classée par le CIRC comme un agent du Groupe 2B, possiblement cancérogène pour l'homme (tableau 7-5). Bien qu'on n'ait recensé dans la littérature scientifique existante aucun rapport de cas ni étude épidémiologique décrivant des isomères de la toluènediamine, les données d'études menées sur des animaux mettent clairement en évidence des effets cancéreux et non cancéreux. Il existe des preuves solides à l'appui du potentiel cancérogène de la toluène-2,4-diamine chez les animaux à la suite d'une exposition orale ou sous-cutanée, mais pas cutanée, à cette substance. Le raisonnement justifiant le choix des concentrations associées à un effet critique pour le calcul des marges d'exposition est expliqué ci-dessous.

Des études d'administration périodique de toluène-2,4-diamine par voie alimentaire ont démontré le développement de tumeurs de la glande mammaire chez les rats femelles, de fibromes sous-cutanés chez les rats mâles, d'adénomes pulmonaires chez les rats mâles, ainsi que de tumeurs vasculaires chez les souris mâles et femelles (Ito et al., 1969; Stula et Aftosmis, 1976, dans Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008; Weisburger et al., 1978; Cardy, 1979). Plus récemment, Morton et al. (2002) ont observé des carcinomes rénaux chez des rats Eker mâles auxquels la substance avait été administrée par voie orale. Des fibrosarcomes au point d'injection ont également été signalés chez des rats traités par injection sous-cutanée (Steinhoff et Dycka, 1981, dans Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008).

L'étude du NCI (1979a) sur des rats et des souris illustre le degré de variabilité des tumeurs provoquées par la toluène-2,4-diamine chez des animaux de laboratoire. On a administré à des groupes de 50 mâles et de 50 femelles de la toluène-2,4-diamine dans de la nourriture à volonté. Une baisse excessive du poids corporel a été observée et a nécessité des ajustements de la dose au cours de l'étude. Les groupes à faible dose (mâles et femelles) ont reçu une dose moyenne pondérée dans le temps de 79 ppm (environ 4,0 mg/kg p.c. par jour) pendant 103 semaines. Le groupe des femelles à forte dose a reçu une dose moyenne pondérée dans le temps de 171 ppm (environ 9,0 mg/kg p.c. par jour) pendant 84 semaines, et le groupe des mâles à forte dose a reçu une dose moyenne pondérée dans le temps de 176 ppm (environ 9,0 mg/kg p.c. par jour) pendant 79 semaines. Les auteurs ont fait état d'une augmentation statistiquement significative de l'incidence de fibromes sous-cutanés chez les mâles aussi bien que les femelles. Chez les mâles, 19 animaux sur 50 (38 %) dans le groupe à forte dose et 15 animaux sur 50 (30 %) dans le groupe à faible dose ont développé des tumeurs, alors que seulement 1 animal sur 20 (5 %) dans le groupe témoin a présenté ce type de tumeur. Chez les femelles, 10 animaux sur 50 (20 %) dans le groupe à forte dose ont développé des tumeurs, tandis qu'aucun animal sur 20 (0 %) dans le groupe témoin n'a présenté ce type de tumeur. La toluène-2,4-diamine a provoqué des lésions hépatiques (carcinome hépatocellulaire ou nodules néoplasiques) chez les mâles proportionnellement à la dose administrée, mais cet effet était moins robuste. Parmi les mâles, 0 sur 20 (0 %) et 10 sur 50 (20 %) ont développé des tumeurs dans le groupe témoin et dans le groupe à forte dose, respectivement. Néanmoins, la tendance relative à l'incidence du carcinome hépatocellulaire ou des nodules néoplasiques était statistiquement significative chez les rats mâles et femelles. En outre, des tumeurs de la glande mammaire (adénome ou carcinome) ont été observées aussi bien chez les mâles que chez les femelles, mais les taux d'incidence n'étaient statistiquement significatifs que chez les femelles : 1 sur 20 (5 %), 38 sur 50 (76 %) et 41 sur 50 (82 %) dans les groupes témoin, à faible dose et à forte dose, respectivement.

Au cours de la même étude, on a administré à des groupes de 50 souris B6C3F1 mâles et de 50 femelles des doses de 100 ou 200 ppm de toluène-2,4-diamine dans de la nourriture à volonté pendant 101 semaines (valeur approximative de la faible dose et de la forte dose chez les mâles et les femelles : 13 et 26 mg/kg p.c. par jour). Vingt souris mâles et femelles ont servi de groupe témoin. Toutes les souris des groupes à faible dose et à forte dose ont présenté une diminution du gain de poids corporel et de la masse tissulaire; un amaigrissement a été fréquemment observé chez les animaux traités. Parmi les mâles, 43 sur 50 (86 %) dans le groupe à forte dose, 45 sur 50 (90 %) dans le groupe à faible dose et 18 sur 20 (90 %) dans le groupe témoin ont survécu jusqu'à la fin de l'étude. Parmi les femelles, 39 sur 50 (78 %) dans le groupe à forte dose, 40 sur 50 (80 %) dans le groupe à faible dose et 15 sur 20 (75 %) dans le groupe témoin ont survécu jusqu'à la fin de l'étude. Les organes ciblés identifiés dans cette espèce étaient le foie, la moelle osseuse et les tissus hématopoïétiques, les poumons et la vasculature. La tendance des carcinomes hépatocellulaires était significative chez les femelles. L'incidence était significativement élevée dans les groupes à faible dose et à forte dose : 0 sur 19 (0 %), 13 sur 47 (28 %) et 18 sur 46 (39 %) dans les groupes témoin, à faible dose et à forte dose, respectivement. Des tumeurs hématopoïétiques (lymphome et leucémie) ont été signalées chez 2 mâles sur 20 (10 %) dans le groupe témoin, chez 15 mâles sur 50 (30 %) dans le groupe à faible dose et chez 8 mâles sur 49 (16 %) dans le groupe à forte dose. Chez les femelles, 2 animaux sur 19 (11 %) dans le groupe témoin, 29 sur 47 (62 %) dans le groupe à faible dose et 11 sur 46 (24 %) dans le groupe à forte dose ont développé des tumeurs hématopoïétiques. Bien qu'elle ne soit pas statistiquement significative, une augmentation du nombre de tumeurs aux poumons (carcinomes alvéolaires et bronchiolaires) a été observée chez 0 mâle sur 20 (0 %) dans le groupe témoin, chez 9 mâles sur 50 (18 %) dans le groupe à faible dose et chez 6 mâles sur 49 (12 %) dans le groupe à forte dose (NCI, 1979a).

L'état des essais du National Toxicology Program (NTP) des États-Unis en février 2014 (NTP, 2014a) indique que cette substance est mutagène dans les souches de Salmonella et clastogène (responsable d'une augmentation des événements d'échanges de chromatides sœurs et d'aberrations chromosomiques) dans les cellules ovariennes de hamster chinois. En 1987, le Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISSC) de l'Organisation mondiale de la santé a déclaré que les preuves de la mutagenèse de la toluène-2,4-diamine étaient équivoques dans les souches de Salmonella, mais positives (augmentation des cas de synthèse d'ADN non programmée) dans les cultures primaires d'hépatocytes de rats, dans les lymphomes de souris L5178Y et dans les cellules ovariennes de hamster chinois AT3-2. De plus, il a été observé que cette substance provoquait des transformations morphologiques dans les cellules embryonnaires de hamster doré de Syrie. Le CIRC (1978) a fait état de conclusions positives quant à la mutagenèse induite par la toluène-2,4-diamine dans les souches de Salmonella et aux transformations cellulaires dans les cellules embryonnaires de hamster doré de Syrie. Des rapports in vitro plus récents ont apporté davantage de preuves à l'appui de la mutagenèse induite par la toluène-2,4-diamine dans les souches de Salmonella (DFG, 1985; George et Westmoreland, 1991; George et al., 2001; Toyoda-Hokaiwado et al., 2010). En outre, la génotoxicité responsable de l'augmentation des cas de synthèse d'ADN non programmée a également été observée sur des cultures primaires d'hépatocytes humains, sur des cellules d'hépatome prélevées chez des humains et sur des hépatocytes de rats exposés à la toluène-2,4-diamine (Butterworth et al., 1989; Selden et al., 1994; Séverin et al., 2005). La formation de micronoyaux a aussi été observée dans une lignée cellulaire d'hépatome prélevée chez l'homme et exposée à cette substance (Séverin et al., 2005). L'induction d'aberrations chromosomiques dans des cellules WBL ovariennes de hamster chinois, ainsi que des échanges de chromatides sœurs et des aberrations chromosomiques dans des cellules ovariennes de hamster chinois ont également été rapportés (Loveday et al., 1990; Bean et al., 1992). De plus, il a été démontré que la toluène-2,4-diamine provoque des transformations dans les cellules embryonnaires de hamster doré de Syrie (LeBoeuf et al., 1996; Pant et al., 2008).

Les preuves de la génotoxicité in vivo de la toluène-2,4-diamine sont équivoques. L'état des essais du NTP en février 2014 (NTP, 2014a) indique que cette substance ne cause pas la formation de micronoyaux chez les souris B6C3F1mâles et femelles (étude 520516 débutée en 1988; étude 571690 débutée en 1991). Le PISSC (1987) a fait état d'un faible pouvoir mutagène in vivo sous la forme de mutations létales récessives liées au sexe chez la mouche Drosophila melanogaster,mais il n'a pas été indiqué que la toluène-2,4-diamine produisait des dominants létaux, des anomalies des spermatozoïdes, des points récessifs ou des aberrations chromosomiques chez les souris. Le CIRC (1978) a également fait état d'un faible pouvoir mutagène de la toluène-2,4-diamine dans l'essai de mutation létale récessive liée au sexe chez la mouche Drosophila melanogaster. Des rapports in vivo plus récents appuient la thèse de la génotoxicité induite par la toluène-2,4-diamine; des dommages à l'ADN dans divers organes ont été observés chez des rats (Wistar, F344, PVG) et des souris (ddY) traités (George et Westmoreland, 1991; Sasaki et al., 1999; Sekihashi et al., 2002). Des souris transgéniques (Lac Z-MutaMCMouse et C57Bl6 Big Blue) et des rats transgéniques (F344 gpt delta) traités avec de la toluène-2,4-diamine ont également présenté des mutations accrues (Hayward et al., 1995; Suter et al., 1996; Kirkland et Beevers, 2006; Toyoda-Hokaiwado et al., 2010). Des micronoyaux ont aussi été observés chez des rats F344 exposés à cette substance (George et Westmoreland, 1991).

Autres effets sur la santé

La toluène-2,4-diamine peut avoir des effets néfastes à la capacité de reproduction en réduisant la capacité de production de spermatozoïdes; toutefois, les données relatives aux effets sur le développement sont limitées. Chez les hommes exposés professionnellement à cette substance, on a constaté une diminution de la numération des spermatozoïdes (Zenz, 1988), mais aucune anomalie de la tête des spermatozoïdes n'a été observée (Soares et Lock, 1980; Topham, 1980a,b). Il a été déterminé que la toluène-2,4-diamine franchit la barrière hépatotesticulaire et inhibe la synthèse de l'ADN dans les testicules (Greene et al., 1981). Chez les souris femelles, des doses de 150 mg/kg p.c. par jour ont diminué le nombre et la taille des portées (Hardin et al., 1987).

Varma et al. (1988) ont administré de la toluène-2,4-diamine à une concentration de 0 ou 0,03 % à des rats Sprague-Dawley mâles dans de la nourriture à volonté pendant 10 semaines (soit une dose d'environ 15 mg/kg p.c. par jour). Un examen au microscope électronique a révélé des modifications dégénératives des cellules de Sertoli, notamment un gonflement cytoplasmique, une rupture de la membrane et une vacuolisation. En outre, après une exposition alimentaire à environ 31 mg/kg p.c. par jour pendant trois semaines, on a constaté que la numération des spermatozoïdes était significativement inférieure à celle des animaux témoins sans aucun changement dans les concentrations de testostérone. On a observé dans les cellules de Sertoli que le tissu péritubulaire présentait un épaississement et de petites vacuoles.

Afin d'évaluer la capacité de reproduction, Thysen et al. (1985) ont administré de la toluène-2,4-diamine à une concentration de 0 %, 0,01 % ou 0,03 % à des rats Sprague-Dawley mâles dans de la nourriture à volonté pendant 10 semaines (soit une dose d'environ 0, 5 et 15 mg/kg p.c. par jour). On a fait s'accoupler chaque mâle traité avec deux femelles vierges non traitées. Tous les animaux du groupe témoin et du groupe à faible dose ont démontré un niveau équivalent de fertilité, tandis que les animaux du groupe à forte dose ont présenté un nombre réduit d'accouplements fertiles. Toutefois, le nombre d'implants par femelle pleine et les résorptions étaient comparables entre tous les animaux témoins et traités. Un examen au microscope des tissus testiculaires a révélé une hypospermatogenèse focale ou diffuse sans dégénérescence des cellules interstitielles. La lumière des tubes séminifères dans les régions touchées contenait des cellules exfoliées. De plus, beaucoup de tubes séminifères ne contenaient pas de spermatozoïdes. Les auteurs ont émis l'hypothèse qu'une inhibition de la spermatogenèse soit responsable de la diminution de la fertilité observée.

Les effets non cancéreux aigus et chroniques signalés chez les animaux sont similaires; la distribution tissulaire importante de la toluène-2,4-diamine produit des perturbations dans de multiples systèmes d'organes. Des rapports d'études de létalité indiquent que l'exposition orale aiguë cause une augmentation de la concentration de méthémoglobine dans le sang et une cyanose, une perte de poids, une augmentation de la diurèse et une inflammation du tube digestif chez les rats, les souris et les chats. Dans des études de létalité par voie cutanée menées chez des rats, on a également observé les effets suivants : méthémoglobinémie, hémorragies gastriques pétéchiales, lésions hépatiques, sédation, hyperémie des poumons, respiration laborieuse, décoloration des poumons et du foie, dépression du système nerveux central, perte de coordination motrice, convulsions, et grossissement des glandes surrénales (Bayer, 1971, 1974, 1981, dans Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008; Waring et Pheasant, 1976, dans Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008; Zalchari, 1978, dans Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008; Weisbrod et Stephan, 1983, dans Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008).

Les effets non cancéreux chroniques touchent généralement le foie. Chez l'homme, il a été signalé que l'exposition à la toluène-2,4-diamine peut entraîner un ictère (Patty, 1963). Chez les rats mâles et femelles, des injections sous-cutanées régulières de toluène-2,4-diamine ont produit une cirrhose et une dégénérescence des cellules hépatiques, ainsi que des lésions sous-cutanées liées à la voie d'administration (Steinhoff et Dycka, dans Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008). Des modifications biochimiques associées à l'atteinte hépatique ont également été observées, à savoir des taux élevés de phosphatase alcaline, d'alanine aminotransférase (glutamate pyruvate transaminase) et de bilirubine dans le sérum des rats mâles et femelles ayant reçu la substance par voie orale qui présentaient une nécrose hépatique focale. On a également observé une anémie chronique (diminution du taux d'hémoglobine dans le sang), une leucocytose (nombre élevé de globules blancs) et une accumulation d'hémosidérine dans les tissus (agrégats fer-protéine intercellulaires) à une dose de 258 mg/kg p.c. par jour (Stula et Aftosmis, 1976, dans Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008).

On a administré à 30 rats Sprague-Dawley de la toluène-2,4-diamine à une dose de 0, 8,33 ou 25 mg/kg p.c. par injection sous-cutanée une fois par semaine pendant deux ans (soit environ 0, 1,2 et 3,6 mg/kg p.c. par jour, respectivement). Seize animaux sur 60 (27 %) dans le groupe à forte dose, 7 sur 60 (12 %) dans le groupe à faible dose et 4 sur 60 (7 %) dans le groupe témoin ont présenté une nécrose hépatique focale et une cirrhose du foie (Steinhoff et Dycka, 1981, dans Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008).

Caractérisation des risques

On considère que les principales sources d'exposition à la toluène-2,4-diamine pour la population générale du Canada sont le contact avec des textiles et l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide. Les marges d'exposition calculées d'après les expositions estimées et la concentration associée à des effets critiques correspondante sont présentées dans le tableau 7-10.

L'exposition quotidienne potentielle par voie à la toluène-2,4-diamine par l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide noir a été estimée de façon prudente entre 1,3 × 10−6 mg/kg p.c. par jour et 4,7 × 10−6 mg/kg p.c. par jour. L'exposition quotidienne par voie orale des nourrissons par mise en bouche d'objets en textile a été estimée à 2,2 × 10−5 mg/kg p.c. par jour. Il a également été estimé que les expositions quotidiennes des adultes et des nourrissons par contact cutané avec les textiles des vêtements personnels et des grenouillères était de 2,5 × 10−5 mg/kg p.c. par jour et de 4,1 × 10−5 mg/kg p.c. par jour, respectivement.

Les concentrations associées à un effet critique assurant la protection contre les effets cancéreux et non cancéreux à la suite d'une exposition orale ou cutanée à la toluène-2,4-diamine sont établies d'après les effets cancéreux chez les rats, tandis qu'il a été démontré qu'une durée d'exposition plus courte à des doses plus élevées provoquait des effets sur la reproduction. La concentration associée à un effet critique (DMENO) pour les effets cancéreux a été établie à 4,0 mg/kg p.c. par jour pour les mâles et les femelles, d'après une étude alimentaire d'une durée de 103 semaines sur des rats. À ces doses, les mâles ont développé des fibromes sous-cutanés après 71 semaines d'exposition, et les femelles ont présenté des adénomes et des carcinomes de la glande mammaire après 40 semaines d'exposition. Des effets sur la reproduction chez les rats mâles (augmentation du poids des testicules et dégénérescence des cellules de Sertoli) ont été observés chez des animaux auxquels on a administré 15 mg/kg p.c. par jour pendant 10 semaines. On a également constaté, après trois semaines d'exposition à une dose de 31 mg/kg p.c. par jour, une diminution de la numération de spermatozoïdes, une augmentation du poids des testicules et une vacuolisation des cellules de Sertoli. Dans une étude de deux ans par injection sous-cutanée, des rats ont montré des signes de toxicité hépatique et une diminution du poids corporel, avec une concentration associée à un effet critique comparable de 3,6 mg/kg p.c. par jour.

La comparaison de l'estimation prudente de l'exposition quotidienne à la toluène-2,4-diamine par l'utilisation d'ustensiles de cuisson (4,7 × 10−6 mg/kg p.c. par jour) avec la plus faible concentration associée à un effet critique de 4,0 mg/kg p.c. par jour pour les effets cancéreux permet d'obtenir une marge d'exposition de 850 000 (tableau 7-10), qui est considérée comme adéquate pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant l'exposition et les effets sur la santé. La comparaison des estimations de l'exposition quotidienne à la toluène-2,4-diamine par contact avec des matières textiles pour les adultes et les nourrissons (2,2 × 10−5 à 4,1 × 10−5 mg/kg p.c. par jour) avec la plus faible concentration associée à un effet critique de 4,0 mg/kg p.c. par jour pour les effets cancéreux permet d'obtenir des marges d'exposition de 98 000 à 180 000 (tableau 7-10), qui sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant l'exposition et les effets sur la santé.

Tableau 7-10. Marges d'exposition pour l'exposition quotidienne à la toluène-2,4-diamine
Voies d'expositionScénario d'expositionExposition quotidienne estimée (mg/kg p.c. par jour)Concentration associée à un effet critique (mg/kg p.c. par jour)ME
OraleUstensiles de cuisson en polyamide4,7 × 10−64,0850 000
OraleMise en bouche d'objets en textile (nourrissons)Note de bas de page 7-10 [a]2,2 × 10−54,0180 000
CutanéeTextiles – grenouillère[a],Note de bas de page 7-10 [b]4,1 × 10−54,097 000
CutanéeTextiles – vêtements personnels[a],[b]2,5 × 10−54,0160 000
Note de bas de page 7-10 a

Pour les expositions estimées par contact cutané avec des textiles, un facteur d'ajustement de 10 % est appliqué afin de prendre en compte la probabilité que le textile contienne de la toluène-2,4-diamine ou un colorant azoïque à base de toluène-2,4-diamine.

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Note de bas de page 7-10 b

On a supposé que l'absorption cutanée était de 24 %.

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Bien que des scénarios d'exposition aiguë par voie cutanée aient été mis en évidence (à savoir, contact avec des vêtements personnels en textile chez les adultes et les nourrissons), on considère que la toluène-2,4-diamine ne présente pas de toxicité aiguë, comme le démontrent les plages de valeur de DL50 propres à chaque voie d'exposition observées chez le rat, de 136 à 553 et de 326 à 1 200 mg/kg p.c. par jour, respectivement (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2008). Par conséquent, le risque pour la population générale est jugé faible.

7.3.4  4-chloroaniline

Évaluation de l'exposition
Milieux naturels

Aucune donnée empirique sur les concentrations de 4-chloroaniline dans les milieux naturels au Canada n'a été relevée. Compte tenu des quantités déclarées de 4-chloroaniline commercialisées au Canada (inférieures ou égales à 1 000 kg), l'exposition de la population générale du Canada par les rejets directs dans les milieux naturels ne devrait pas être importante. Des données limitées provenant d'autres pays indiquent que l'eau pourrait être une source d'exposition à la 4-chloroaniline, lorsque l'utilisation de produits chimiques précurseurs entraîne une contamination du sol qui se propage par ruissellement dans les sources d'eau potable .

Des données limitées sur les concentrations de 4-chloroaniline principalement associées aux rejets industriels dans l'eau des rivières européennes ont été obtenues dans des études des années 1970 et 1980 (PISSC, 2003). Ces données ne sont pas jugées pertinentes pour le contexte canadien compte tenu des faibles quantités commercialisées au Canada qui ont été déclarées (voir Sources). Seulement deux études publiées relativement récemment sur l'eau potable (en Iran et en Espagne) ont été recensées pour la 4-chloroaniline et d'autres amines. L'étude iranienne n'a trouvé aucun échantillon d'eau du robinet contenant de la 4-chloroaniline au-dessus de la limite de détection (0,6 ng/L) (Djozan et Faraj-Zadeh, 1995). Toutefois, une étude espagnole plus récente de surveillance de 24 amines dans l'eau potable traitée a fait état de concentrations de 4-chloroaniline supérieures aux concentrations de fond après des chutes de pluie en raison du ruissellement provenant de terres agricoles contaminées par des pesticides (Jurado-Sánchez et al., 2012). Dans cette étude, les concentrations de 4-chloroaniline dans l'eau brute prélevée avant le traitement étaient toutes inférieures à la limite de détection (0,06 ng/L); cependant, après un traitement de peroxydation/coagulation suivi d'une filtration et d'une chloration, les concentrations de 4-chloroaniline augmentaient pour atteindre une concentration moyenne de 27 ng/L (concentrations allant de 3,4 à 60 ng/L), ce qui donne à penser que de la 4-chloroaniline s'est formée ou a été rejetée pendant le procédé de traitement de l'eau par un processus indéfini et non caractérisé. Les auteurs de l'étude ont laissé entendre que l'augmentation des concentrations de précurseurs des amines (pesticides et leurs produits de dégradation) dans l'eau à la suite de fortes pluies s'expliquait par le ruissellement et le transport de ces composés depuis le sol (Jurado-Sánchez et al., 2012). Ces données, qui ne sont pas représentatives des pratiques et des conditions agricoles au Canada, démontrent que, dans les régions où des pratiques d'agriculture intensive ont entraîné une contamination des sols, il existe un risque de ruissellement et de transport de ces produits chimiques dans les eaux de surface après des pluies abondantes (Jurado-Sánchez et al., 2012). Même si cette étude laisse supposer que l'eau est une source potentielle d'exposition à la 4-chloroaniline, l'extrapolation de ces données à la population canadienne est trop incertaine pour permettre de caractériser les risques.

Aliments

Des résidus alimentaires du diflubenzuron, un insecticide homologué au Canada (ARLA, 2013), aux États-Unis (USEPA, 1997) et dans d'autres pays (JMPR, 2003), peuvent être métabolisés en 4-chloroaniline après la consommation et peuvent donc contribuer à l'exposition alimentaire à cette substance (Wittke et al., 2001). Le métabolisme in vivo du diflubenzuron en 4-chloroaniline chez les mammifères a été observé à des taux de conversion allant de 2 % (USEPA, 1997) à 13 % (EFSA, 2012). L'Environmental Protection Agency des États-Unis (USEPA, 1997), la Réunion conjointe FAO/OMS sur les résidus de pesticides (JMPR, 2003) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail en France (ANSES, 2011) ont estimé de manière indépendante que les apports alimentaires étaient compris entre 0,08 et 2,0 µg/kg p.c. par jour et représentaient moins de 10 % de la dose quotidienne admissible de diflubenzuron. D'après la plage de valeurs de ces données sur l'apport alimentaire et la plage susmentionnée de 2 à 13 % pour le métabolisme en 4-chloroaniline, l'apport alimentaire de 4-chloroaniline à partir de résidus de diflubenzuron dans les aliments est estimé entre 0,0016 et 0,26 µg/kg p.c. par jour. Les expositions aux résidus de diflubenzuron dans les aliments au Canada devraient être tout aussi faibles, et les quantités actuelles de résidus de diflubenzuron dans les aliments ne devraient pas dépasser la limite maximale de résidus établie par Santé Canada en application de la Loi et du Règlement sur les produits antiparasitaires. Par conséquent, la contribution potentielle du diflubenzuron à l'exposition alimentaire à la 4-chloroaniline ne sera pas abordée plus en profondeur dans cette évaluation.

Les autres pesticides qui peuvent également métaboliser la 4-chloroaniline à de faibles concentrations, notamment le monuron, le monolinuron et le buturon, ne sont pas homologués au Canada (ARLA, 2013). Toutefois, l'utilisation de ces pesticides en dehors du Canada peut entraîner des résidus dans les aliments importés. Par exemple, la surveillance effectuée dans le cadre de l'Étude canadienne sur l'alimentation totaleNote de bas de page[7] a permis de détecter le monolinuron à des concentrations en parties par milliard dans certains aliments importés, notamment dans le café (1,18 ppb) et dans le céleri (0,65 ppb) [Rawn et al., 2004]. Ces données, aussi limitées soient-elles, indiquent que les pratiques agricoles dans d'autres pays peuvent contribuer à des expositions alimentaires aux résidus de certains pesticides par le biais d'aliments importés, qui peuvent également contribuer à une exposition à la 4-chloroaniline à de faibles concentrations. Cependant, ces concentrations sont nettement inférieures à la norme générale relative à la limite maximale de résidus de 0,1 ppm établie pour les résidus de produits chimiques agricoles et de pesticides en ce qui concerne les aliments cultivés au Canada et importés, sauf si des limites maximales de résidus (LMR) spécifiques sont établies (Canada, 1978).

Produits

Dans les tests de produits de Santé Canada, la 4-chloroaniline a été détectée dans cinq échantillons de textile et de cuir (vêtements pour enfants, jouets et pantoufles en cuir) à des concentrations supérieures à la limite de détection de 1,8 mg/kg, mais inférieures à la limite de quantification de 5,5 mg/kg (Santé Canada, 2013a). Les expositions orales et cutanées à la 4-chloroaniline à partir de textiles ont été estimées de façon prudente selon la limite de quantification de 5,5 mg/kg de textile (voir le tableau 7-11 pour les estimations de l'exposition et l'annexe E pour les hypothèses sous-jacentes). On a supposé de façon prudente que l'absorption cutanée de la 4-chloroaniline est de 100 %. Une étude par microdialyse cutanée in vivo a indiqué que la 4-chloroaniline est absorbée rapidement (durée de 3 heures pour atteindre la concentration maximale) et se métabolise pendant l'absorption percutanée en métabolite N-acétyle détecté dans le dialysat du sang à la suite d'une exposition topique chez les rats (El Marbouh et al., 2000), parallèlement à des expositions par voie orale et par voie intraveineuse (NTP, 1989). Une étude in vitro sur les cellules de diffusion utilisant de la peau de souris a révélé la présence de 52,5 % (± 7,7 %) de la substance 4-chloroaniline d'origine dans le fluide récepteur 24 heures après l'administration de la dose; toutefois, les résidus fixés à la peau et les métabolites n'ont pas été mesurés (Levillain et al., 1998). Une comparaison de la toxicité aiguë par les voies orale et cutanée semble indiquer des pouvoirs comparables (DFG, 1992a; PISSC, 2003), ce qui vient encore étayer la thèse selon laquelle le degré d'absorption cutanée de la 4-chloroaniline devrait être relativement élevé.

Tableau 7-11. Expositions estimées à la 4-chloroaniline à partir de textiles
Voies d'expositionScénario d'expositionGroupe d'âgeExposition aiguë estimée (mg/kg p.c.)Exposition quotidienne estiméeNote de bas de page 7-11 [a] (mg/kg p.c. par jour)
CutanéeNote de bas de page 7-11 [b]Textiles – grenouillèreNourrissons0,0442,2 × 10−4
Cutanée[b]Textiles – vêtements personnelsAdultes0,0281,4 × 10−4
OraleMise en bouche d'objets en textileNourrissonsSans objet2,9 × 10−5
Note de bas de page 7-11 a

On suppose que la probabilité que la 4-chloroaniline soit présente dans les vêtements ou les matières textiles est de 10 %.

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Note de bas de page 7-11 b

On suppose, de façon prudente, que l'absorption cutanée est de 100 %, mais la fraction réellement absorbée peut être inférieure.

Retour à la note de page 7-11 b

Les expositions aux articles en cuir sont considérées comme étant de courte durée et intermittentes. D'après la limite de quantification de 5,5 mg/kg déterminée par la méthode d'analyse, et non d'après les rejets quantifiés, l'exposition dermique à la 4-chloroaniline par l'utilisation d'articles en cuir est estimée entre 1,58 × 10−5 mg/kg p.c. (adultes) et 1,5 × 10−4 mg/kg p.c. (nourrissons).

La migration de la 4-chloroaniline à partir de certains ustensiles de cuisson en polyamide a été observée dans une étude menée au Danemark (Trier et al., 2010). En utilisant le niveau de migration médian de la 4-chloroaniline (4 × 10−4 µg/g d'aliment), on a calculé que les estimations de l'exposition potentielle à la 4-chloroaniline par l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide étaient comprises entre 5 × 10−4 µg/kg p.c. par jour (personnes âgées de 60 ans et plus) et 1,9 × 10−3 µg/kg p.c. par jour (tout-petits de 0,5 à 4 ans).

Autres sources

La chlorhexidine et ses sels (acétate, gluconate et chlorhydrate) sont des antiseptiques à large spectre utilisés pour stériliser et nettoyer la peau et les mains, traiter la plaque dentaire et la gingivite, désinfecter les plaies et, de façon générale, pour lutter contre une panoplie de bactéries et de levures (Environnement Canada et Santé Canada, 2013b). La présence de 4-chloroaniline dans des produits de consommation à base de chlorhexidine peut être due à un résidu de la synthèse de la chlorhexidine ou de l'hydrolyse pendant l'entreposage (PISSC, 2003). Les concentrations de 4-chloroaniline observées dans les produits à base de chlorhexidine étaient comprises entre 40 à 240 mg/kg (Zong, 2011) et plus de 1 000 mg/kg (Kohlbecker, 1989), alors que les indices de qualité pharmaceutique des sels de chlorhexidine d'après les monographies de la pharmacopée des États-Unis indiquent des limites pour la 4-chloroaniline sous forme d'impureté allant jusqu'à 500 ppm (USP-NF, 2013).

L'acétate de chlorhexidine a déjà fait l'objet d'une ébauche d'évaluation par le gouvernement du Canada, dans laquelle l'exposition quotidienne par voie cutanée à la chlorhexidine attribuable aux après-rasages (0,19 % d'acétate de chlorhexidine) a été estimée à 32,2 µg/kg p.c. par jour (Environnement Canada et Santé Canada, 2013b). D'après l'estimation de la limite supérieure de la présence de 4-chloroaniline comme impureté jusqu'à 500 ppm (USP-NF, 2013), l'exposition quotidienne correspondante à la 4-chloroaniline attribuable à l'utilisation d'après-rasages contenant de l'acétate de chlorhexidine est estimée à 0,016 µg/kg p.c. par jour. D'autres sels de chlorhexidine n'ayant pas été précédemment caractérisés dans l'ébauche d'évaluation du gouvernement du Canada ont été recensés dans d'autres produits cosmétiques de consommation (communication personnelle, courriel de la Direction de la sécurité des produits de consommation [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], daté de 2014; source non citée). Compte tenu de la dose quotidienne appliquée par l'utilisation d'un soin hydratant pour la peau contenant 0,2 %Note de bas de page[8] de digluconate de chlorhexidine et d'une limite maximale de résidus de 500 ppm, l'exposition à la 4-chloroaniline est estimée à 0,07 µg/kg p.c. par jourNote de bas de page[9]. D'autres utilisations de produits à base de chlorhexidine ont été recensées au Canada dans la Base de données sur les produits pharmaceutiques (BDPP, 2010), notamment plusieurs produits antibactériens pour le lavage des mains, des bains de bouche antiseptiques, et des produits antiseptiques topiques en vente libre, avec des concentrations de chlorhexidine allant de 0,003 % à 20 %. Les estimations de l'exposition à la 4-chloroaniline résiduelle attribuable à ces produits n'ont pas été calculées; toutefois, bon nombre de ces produits sont destinés aux hôpitaux et aux établissements de soins de santé et ne sont donc pas considérés comme représentant des expositions pour la population générale du Canada.

Le triclocarban est un agent antimicrobien qui est synthétisé par une réaction de l'isocyanate de 3,4-dichlorophényle (n° CAS 102-36-3) avec la 4-chloroaniline (TCC, 2002). Par conséquent, la 4-chloroaniline peut être décelée sous forme résiduelle dans les produits de consommation contenant du triclocarban (PISSC, 2003). D'après les notifications présentées à Santé Canada en vertu du Règlement sur les cosmétiques, il a été établi que cette substance était un ingrédient dans les produits cosmétiques sur le marché canadien, notamment dans des nettoyants pour la peau, des déodorants et des préparations pour bains (communications personnelles, courriels de la Direction de la sécurité des produits de consommation [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], daté de 2014; source non citée). Aux États-Unis, la présence de triclocarban a été décelée dans les eaux de surface (Halden et Paull, 2005) et des biosolides provenant du traitement des eaux usées (CalEPA, 2010b). Les résultats d'une étude de 2009 sur les concentrations de triclocarban dans les biosolides des eaux usées ont mis en évidence une prévalence du triclocarban de 100 % pour tous les points d'échantillonnage au Canada et des concentrations dans les biosolides allant de 64 ng/g à 6 600 ng/g de poids sec (concentration médiane de 1 930 ng/g de poids sec) [CCME, 2009], ce qui indique une utilisation répandue de cette substance avec rejet à l'égout au Canada. Il existe des données prouvant que le triclocarban peut se dégrader dans la colonne de sol et produire la 4-chloroaniline et la 3,4-dichloroaniline (Gledhill, 1975; Miller et al., 2010; Kwon et Xia, 2012). Bien que les données soient limitées, les renseignements disponibles donnent à penser que le triclocarban rejeté dans l'environnement puis dégradé peut être une source de 4-chloroaniline. Toutefois, l'exposition attribuable à cette source est incertaine et ne sera pas caractérisée davantage dans la présente évaluation préalable.

Évaluation des effets sur la santé

L'ensemble de données sur la toxicité de la 4-chloroaniline a déjà été résumé dans le document d'appui Provisional Peer Reviewed Toxicity Values par l'USEPA (2008b), dans un Résumé succinct international sur l'évaluation des risques chimiques par le PISSC de l'Organisation mondiale de la Santé (2003), ainsi que dans des examens menés par le CIRC (1993) et par la MAK Commission en Allemagne (DFG, 1992a). Un examen des données relatives aux effets sur la santé de la 4-chloroaniline dans le cadre d'une évaluation du diflubenzuron par les autorités européennes (KEMI, 2011; EFSA, 2012) a également été pris en considération dans la présente évaluation. Le raisonnement justifiant le choix des concentrations associées à un effet critique pour le calcul des marges d'exposition est expliqué ci-dessous.

La 4-chloroaniline a été classée par le CIRC (2013) comme un agent cancérogène du Groupe 2B et par la Commission européenne comme un agent cancérogène du Groupe 1B (ESIS, 1995-2012), et elle est considérée par l'USEPA (2008a) comme probablement cancérogène chez l'homme (voir le tableau 7-5). La substance a également été évaluée comme cancérogène par le National Toxicology Program des États-Unis (preuves « claires » chez les rats mâles, « quelques » preuves chez les souris mâles; NTP, 1989) et par la MAK Commission en Allemagne (cancérogène de Catégorie 2; DFG, 2012a), et la 4-chloroaniline figure sur la liste Prop65 en Californie, une liste des substances aux effets cancérogènes connus (CalEPA, 2010a).

Aucune donnée épidémiologique examinant le potentiel cancérogène de la 4-chloroaniline n'a été recensée (PISSC, 2003; CIRC, 1993). Toutefois, quatre études d'administration périodique pour détecter les effets cancérogènes chez des rongeurs étaient disponibles, dont des études alimentaires de 78 semaines chez des rats et des souris (NCI, 1979c) et des études par gavage de deux ans chez des rats et des souris (NTP, 1989).

Chez le rat F344, une augmentation des incidences de sarcomes de la rate a été observée chez des rats mâles auxquels on a administré régulièrement de la 4-chloroaniline à une dose de 25 mg/kg p.c. par jour dans le régime alimentaire (NCI, 1979c) et de 2 à 6 mg/kg p.c. par jour par gavage oral (NTP, 1989). Dans l'étude plus récente menée par le NTP (1989), on a constaté que l'augmentation de l'incidence de sarcomes de la rate chez les rats mâles était attribuable à la dose : 0 sur 50 (0 %) à 0 mg/kg p.c. par jour, 1 sur 50 (2 %) à 2 mg/kg p.c. par jour, 3 sur 50 (6 %) à 6 mg/kg p.c. par jour, et 38 sur 50 (74 %) à 18 mg/kg p.c. par jour. Les incidences observées à faible dose (1 sur 50) et à moyenne dose (3 sur 50) n'étaient pas statistiquement significatives selon des évaluations en paires; cependant, l'incidence de ces tumeurs était nettement supérieure à la moyenne de 0,3 à 0,4 % dans le groupe témoin historique présentant des signes de fibrose splénique à la même dose. Malgré la faible incidence spontanée de sarcomes de la rate chez les rats du groupe témoin historique au NTP, il n'est pas certain que les sarcomes de la rate observés à faible dose puissent être considérés comme attribuables à l'exposition à la 4-chloroaniline. Néanmoins, étant donné que des effets non cancéreux attribuables à l'exposition ont été clairement observés dans la rate à une dose de 2 mg/kg p.c. par jour (fibrose, 11 animaux sur 50 [22 %] par rapport à 3 animaux sur 49 [6 %] dans le groupe témoin), il semble raisonnable de penser que la faible incidence de sarcomes de la rate à cette dose (1 sur 50, ou 2 %) était probablement attribuable à la dose. Les sarcomes de la rate étaient associés à des effets non néoplasiques à toutes les doses testées, notamment des modifications dégénératives de la rate (fibrose et congestion), ainsi que des signes d'oxydation de l'hémoglobine (méthémoglobine) et d'hémolyse accrue. Ces effets non néoplasiques ont aussi été observés chez les rats femelles alors qu'on a seulement constaté une augmentation « équivoque » de l'incidence de sarcomes de la rate chez les femelles à moyenne et forte doses (1 sur 50, soit 2 % pour chaque dose). Néanmoins, ces taux sont supérieurs à la très faible incidence spontanée de sarcomes de la rate chez les rats femelles d'après les données du groupe témoin historique du NTP à l'époque (0 sur 297 dans le groupe témoin traité par gavage à l'eau, 1 sur 1961 ou 0,05 % de tous les animaux témoins non traités) [cité dans NTP, 1989]. Aux fins de cette évaluation, les sarcomes de la rate observés chez les rats mâles à la plus faible dose testée sont considérés comme attribuables à l'exposition.

Il convient de noter que ces données sur le sarcome de la rate ont été utilisées auparavant par plusieurs organismes de réglementation pour quantifier le risque de cancer au moyen de plusieurs méthodes, notamment l'utilisation d'un facteur de pente (approche du risque unitaire; USEPA, 1997), de la méthode T25 (dose provoquant des tumeurs chez 25 % des animaux de laboratoire; EFSA, 2012) et d'une approche fondée sur la marge d'exposition BMDL10 (limite inférieure de l'intervalle de confiance de 95 % de la dose de référence associée à une augmentation de 10 % de l'incidence des tumeurs; USEPA, 2008a; EFSA, 2012). Cependant, dans cette évaluation préalable, la plage de doses de 2 à 6 mg/kg p.c. par jour pour la faible dose et la dose moyenne chez les rats mâles (NTP, 1989) a été choisie comme point de départ pour les effets cancérogènes de la 4-chloroaniline.

Chez les souris B6C3F1, des effets hématotoxiques similaires à ceux constatés chez les rats ont été observés dans les études alimentaires et par gavage, mais à des doses relativement plus élevées, ce qui indique globalement une sensibilité plus importante chez les rats que chez les souris. Quelques preuves de cancérogénicité ont également été observées chez les souris, ainsi que des preuves « équivoques » de l'augmentation des hémangiosarcomes principalement dans la rate et le foie des souris mâles et femelles dans l'étude alimentaire (supérieure ou égale à 325 mg/kg p.c. par jour) [NCI, 1979c]. Dans l'étude plus récente par gavage (NTP, 1989), on a nettement constaté une augmentation liée à la dose de l'incidence de carcinomes hépatocellulaires à toutes les doses testées chez les mâles; toutefois, du fait de l'incidence spontanée élevée de carcinomes hépatiques dans les données du groupe témoin historique du NTP pour les souris mâles de cette souche (moyenne = 18,7 %, maximum = 30 %), seule l'incidence observée à la dose la plus élevée de 30 mg/kg p.c. par jour (34 %) était supérieure au taux maximal d'incidence spontanée de tumeurs et, par conséquent, clairement attribuable à l'exposition à la 4-chloroaniline. D'après les études d'administration périodique susmentionnées sur des rats et des souris, les concentrations associées à un effet critique sont établies à une dose minimale avec effet nocif observé (DMENO) allant de 2 à 6 mg/kg p.c. par jour, correspondant à l'augmentation de l'incidence de la fibrose splénique (rats mâles et femelles) ainsi qu'à l'augmentation de l'incidence des sarcomes de la rate chez les rats mâles (NTP, 1989).

La génotoxicité de la 4-chloroaniline est résumée à partir de sources secondaires (DFG, 1992a; PISSC, 2003). En bref, les résultats sur la 4-choloraniline dans les essais de mutation inverse sur des souches de Salmonella étaient mitigés, les différents auteurs faisant état de réponses positives et négatives principalement à partir de la souche TA98 et avec activation S9, tandis que des résultats négatifs constants ont été rapportés sans activation S9 pour toutes les souches. Inversement, la 4-chloroaniline a obtenu des résultats positifs aux tests de mutagénicité dans cinq essais biologiques distincts utilisant des cellules de lymphome de souris L5178Y (PISSC, 2003). Des réponses positives pour les aberrations chromosomiques et les échanges de chromatides sœurs ont été observées dans des cellules ovariennes de hamster chinois, tandis que des résultats mitigés ont été obtenus pour la synthèse d'ADN non programmée dans des hépatocytes primaires de rats. Le test du micronoyau in vivo a obtenu des résultats négatifs chez des souris CFLP jusqu'à 180 mg/kg p.c., alors qu'une augmentation des micronoyaux a été observée chez des souris B6C3F1 à une dose de 300 mg/kg p.c. (toutes les études tirées de DFG, 1992a et PISSC, 2003). Des études plus récentes non publiées sur la génotoxicité in vivo de la 4-chloroaniline ont été menées afin d'étayer une évaluation de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur le pesticide diflubenzuron (KEMI, 2011). Un rapport de l'EFSA, qui présente à la fois des résultats positifs au test du micronoyau chez des souris et des preuves de dommage à l'ADN d'une seule cellule dans le foie de rats (essai de Comet), semble indiquer que la 4-chloroaniline pourrait avoir un potentiel génotoxique in vivo (KEMI, 2011; EFSA, 2012).

La toxicité aiguë de la 4-chloroaniline par voie cutanée, orale et par inhalation a fait l'objet d'études chez plusieurs espèces animales, au cours desquelles de la mortalité ainsi que d'autres effets (méthémoglobinémie, cyanose, etc.) ont été observés (DFG, 1992a; PISSC, 2003). Pour la toxicité aiguë par voie orale, des DMENO comprises entre 8 et 54 mg/kg p.c. ont été établies à partir d'études menées sur des chats, des chiens beagles, des rats et des singes, au cours desquelles une panoplie d'effets aigus d'intensité variable a été observée à ces doses, notamment une élévation des concentrations de méthémoglobine d'au moins 10 % en combinaison avec des signes cliniques de cyanose ou de méthémoglobinémie. En outre, des valeurs de DL50 allant de 50 à 350 mg/kg p.c. ont été déterminées pour la toxicité aiguë par voie orale d'après les études menées sur des souris, des rats, des cochons d'Inde et des chats.

Caractérisation des risques

Les marges entre les estimations des expositions aiguës par voie cutanée à la 4-chloroaniline par contact avec des textiles et les concentrations associées à un effet critique (méthémoglobine et cyanose) donnent des marges d'exposition comprises entre 180 et 1 900 (tableau 7-12). Compte tenu de la prudence de l'estimation de l'exposition aiguë par contact avec des textiles, ces marges d'exposition sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes dans les bases de données sur l'exposition et les effets sur la santé.

Tableau 7-12. Marges d'exposition pour l'exposition aiguë par voie cutanée à la 4-chloroaniline
Produits de consommationEstimation de l'exposition
(mg/kg p.c. par événement)
Concentrations associées à un effet critique : méthémoglobinémie, cyanose
(mg/kg p.c.)
ME
Textiles – vêtements personnels0,0288 à 54290 à 1 900
Textiles – grenouillère0,0448 à 54180 à 1 200
Note de bas de page 7-12 a

Une hypothèse prudente sur l'absorption systémique équivalente par voie orale et cutanée est utilisée en l'absence d'une valeur précise pour la fraction absorbée par voie cutanée.

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Les marges entre les estimations des expositions quotidiennes par voies cutanée et orale à la 4-chloroaniline, par le contact avec des textiles (voies orale et cutanée), par l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide (voie orale) et par l'utilisation de produits contenant de la chlorhexidine (voie cutanée), et les concentrations associées à un effet critique donnent des marges d'exposition allant de 9 000 à plus de 1 million, qui sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes dans les bases de données sur l'exposition et les effets sur la santé (voir le tableau 7-13).

Tableau 7-13. Marges d'exposition pour l'exposition quotidienne à la 4-chloroaniline
Voies d'exposition
(dans les produits de consommation)
Estimation de l'exposition
(µg/kg p.c. par jour)
Concentrations associées à un effet critique : DMENO associées à des effets cancéreux
(mg/kg p.c. par jour)
ME
Orale : Textiles – mise en bouche (nourrissons)0,0292 à 669 000 à 210 000
Orale : Ustensiles de cuisson en polyamide5 × 10−4 à 1,9 × 10−32 à 6supérieur(e) à  1 million
CutanéeNote de bas de page 7-13 [a] : Textiles – vêtements personnels0,142 à 614 000 à 43 000
Cutanée[a] : Textiles – grenouillère0,222 à 69 000 à 27 000
Cutanée[a] : Lotion après rasage (0,19 % de chlorhexidine)Note de bas de page 7-13 [b]0,0162 à 6120 000 à 370 000
Cutanée[a] : Soin hydratant pour la peau (0,2 % de digluconate de chlorhexidine)[b]0,072 à 628 500 à 86 000
Note de bas de page 7-13 a

Une hypothèse prudente sur l'absorption systémique équivalente par voie orale et cutanée est utilisée en l'absence d'une valeur précise pour la fraction absorbée par voie cutanée.

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Note de bas de page 7-13 b

 D'après une concentration de 4-chloroaniline pouvant aller jusqu'à 500 ppm dans la chlorhexidine (USP-NF, 2013).

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7.3.5  3,4-dichloroaniline

Évaluation de l'exposition
Milieux naturels

Aucune donnée empirique sur les concentrations de 3,4-dichloroaniline dans les milieux naturels au Canada n'a été relevée. L'information résumée ci-dessous donne à penser que l'utilisation de produits chimiques précurseurs, qui entraîne la contamination des sols et le ruissellement dans les sources d'eau potable , peut constituer une source potentielle d'exposition à la 3,4-dichloroaniline.

Une étude espagnole récente de surveillance de 24 amines dans l'eau potable traitée a fait état de concentrations de 3,4-dichloroaniline supérieures aux concentrations de fond après des chutes de pluie en raison du ruissellement provenant de terres agricoles contaminées par des pesticides (Jurado-Sánchez et al., 2012). Dans cette étude, la concentration moyenne de 3,4-dichloroaniline dans l'eau brute prélevée était de 2,8 ng/L (plage de 1,5 à 3,4 ng/L). Après un traitement de peroxydation/coagulation, suivi d'une filtration et d'une chloration, les concentrations de 3,4-dichloroaniline ont augmenté pour atteindre une concentration moyenne de 119 ng/L (plage de 0,6 à 190 ng/L). Les auteurs ont attribué l'augmentation des concentrations de 3,4-dichloroaniline à sa formation spontanée ou à son rejet pendant le traitement par un processus indéfini et non caractérisé. Ils pensaient également que l'augmentation des concentrations de précurseurs des amines (pesticides et leurs produits de dégradation) dans l'eau brute après de fortes pluies s'expliquait par le ruissellement et le transport de ces composés depuis le sol (Jurado-Sánchez et al., 2012). Bien que ces données proviennent de scénarios qui ne sont pas nécessairement représentatifs des pratiques agricoles au Canada, elles démontrent que les précurseurs des amines peuvent être transportés dans les eaux de surface par ruissellement après des pluies abondantes et que ces situations peuvent se produire dans les régions où des pratiques d'agriculture intensive ont entraîné une contamination des sols (Jurado-Sánchez et al., 2012). Même si cette étude laisse supposer que l'eau potable traitée peut représenter une source potentielle d'exposition à la 3,4-dichloroaniline, l'extrapolation de ces données au Canada est trop incertaine pour permettre de caractériser les risques dans cette évaluation préalable.

Le diuron et le linuron, des pesticides de type phénylurée, sont homologués au Canada pour un nombre limité d'utilisations (ARLA, 2013) et pourraient contribuer à l'exposition des milieux naturels du fait de leur dégradation partielle en 3,4-dichloroaniline. Au Canada, les concentrations de diuron et de linuron dans l'eau ont été mesurées dans des petits cours d'eau à proximité de régions agricoles dans le sud de l'Ontario et au Québec, entre 2006 et 2008 (Struger et al., 2011). Cette étude a mis en évidence une tendance temporelle d'augmentation des concentrations de diuron et de linuron au cours de la saison de croissance et d'épandage jusqu'à juin ou juillet, suivie d'une diminution d'août à septembre. En 2006, les concentrations de diuron en Ontario variaient de 4,15 à 2 900 ng/L, et celles de linuron se situaient entre 107 et 240 ng/L. En 2007, ces concentrations en Ontario étaient comprises, pour le diuron, entre 2,16 et 133 ng/L et, pour le linuron, entre 3,10 et 856 ng/L et, en 2008, elles allaient de 4,35 à 873 ng/L et de 11,2 à 145 ng/L, respectivement (Struger et al., 2011). D'autres données canadiennes de surveillance des résidus de linuron indiquent généralement qu'il est peu souvent détecté dans l'eau (ARLA, 2012). Des études de surveillance ciblées menées dans des régions agricoles indiquent que, généralement, les concentrations maximales de linuron pendant des épisodes de ruissellement avoisinaient 20 à 40 μg/L, mais elles ont parfois détecté des concentrations pouvant atteindre 100 µg/L (ARLA, 2012). La formation de la 3,4-dichloroaniline du fait de la dégradation du diuron et du linuron dans l'environnement a été documentée (USEPA, 2003; ARLA, 2012; Sorensen et al., 2003; Giacomazzi et Cochet, 2004), et on a observé dans des études américaines la présence simultanée de 3,4-dichloroaniline et de diuron dans des eaux de surface à proximité de zones agricoles où le diuron était utilisé (Hladik et Calhoun, 2012; Thurman et al., 1999). D'après les renseignements disponibles, une certaine dégradation du diuron et du linuron en 3,4-dichloroaniline peut se produire et contribuer aux concentrations de cette substance dans les eaux de surface au Canada. Étant donné que le linuron et le diuron ont été réévalués récemment par l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada (communication personnelle, courriel de l'ARLA [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], daté de 2013; source non citée). Les contributions des pesticides homologués et de leurs produits de dégradation à l'exposition à la 3,4-dichloroaniline sont du ressort d'une autre instance de Santé Canada et ne sont donc pas examinées dans la présente évaluation préalable.

Aliments

Aucune donnée n'a été recensée au Canada sur les concentrations de 3,4-dichloroaniline dans les aliments; toutefois, certains pesticides, tels que le le linuron et le diuron, dans des produits alimentaires peuvent se dégrader en 3,4-dichloroaniline. La surveillance des résidus de linuron et de diuron dans les aliments sur le marché canadien indique des concentrations globalement faibles, généralement inférieures à 0,1 ppm (communication personnelle, courriel de la Direction des aliments [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], daté de 2014; source non citée). Dans la mesure où la 3,4-dichloroaniline n'est considérée que comme un métabolite mineur du linuron et du diuron in vivo, la concentration de ses résidus devrait être beaucoup plus faible. En général, les résidus de ces pesticides dans les aliments ne dépassent pas la limite maximale de résidus établie par Santé Canada en vertu de la Loiet du Règlement sur les produits antiparasitaires. Par conséquent, la contribution potentielle du linuron ou du diuron à l'exposition alimentaire à la 3,4-dichloroaniline ne sera pas abordée plus en profondeur dans cette évaluation.

Produits de consommation

Le triclocarban est un agent antimicrobien qui est synthétisé par une réaction de l'isocyanate de 4-chlorophényle (n° CAS 104-12-1) avec la 3,4-dichloroaniline (TCC, 2002). Par conséquent, la 3,4-dichloroaniline peut être décelée sous forme résiduelle dans les produits de consommation contenant du triclocarban. D'après les notifications présentées à Santé Canada en vertu du Règlement sur les cosmétiques, il a été établi que cette substance était un ingrédient dans les produits cosmétiques sur le marché canadien, notamment dans des nettoyants pour la peau, des déodorants et des préparations pour bains (communications personnelles, courriels de la Direction de la sécurité des produits de consommation [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], daté de 2014; source non citée). Aux États-Unis, la présence de triclocarban a été décelée dans les eaux de surface (Halden et Paull, 2005) et des biosolides provenant du traitement des eaux usées (CalEPA, 2010b). Les résultats d'une étude de 2009 sur les concentrations de triclocarban dans les biosolides des eaux usées ont mis en évidence une prévalence du triclocarban de 100 % pour tous les points d'échantillonnage au Canada et des concentrations dans les biosolides allant de 64 ng/g à 6 600 ng/g de poids sec (concentration médiane de 1 930 ng/g de poids sec) [CCME, 2009], ce qui indique une utilisation répandue de cette substance avec rejet à l'égout au Canada. Il existe des données prouvant que le triclocarban peut se dégrader dans la colonne de sol et produire la 4-chloroaniline et la 3,4-dichloroaniline (Gledhill, 1975; Miller et al., 2010; Kwon et Xia, 2012). Bien que les données soient limitées, les renseignements disponibles donnent à penser que le triclocarban rejeté dans l'environnement puis dégradé peut être une source de 3,4-dichloroaniline. Toutefois, l'exposition attribuable à cette source est incertaine et ne sera pas caractérisée davantage dans la présente évaluation préalable.

Évaluation des effets sur la santé

Les données sur les effets sur la santé de la 3,4-dichloroaniline ont été recensées à partir de diverses sources secondaires, notamment un rapport du Comité consultatif sur les substances chimiques existantes concernant l'environnement de la Société allemande des produits chimiques (BUA, 1996), un ensemble de données de la International Uniform Chemical Information Database(IUCLID) [Commission européenne, ©2000d], un rapport d'évaluation des risques de l'Union européenne (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2006), un ensemble de données de dépistage connexe de l'IUCLID (BAuA, 2005), ainsi qu'un examen par la MAK Commission en Allemagne (DFG, 2013). Ces données ont été recoupées avec le dossier REACH (enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des produits chimiques) de la 3,4-dichloroaniline (ECHA, ©2007-2013), afin d'obtenir des données qui n'avaient pas encore été tirées des autres examens. Les études initiales ont été examinées lorsqu'elles étaient disponibles, sinon les renseignements sont ceux des sources secondaires. Le raisonnement justifiant le choix des concentrations associées à un effet critique pour le calcul des marges d'exposition quotidienne est expliqué ci-dessous.

Aucune étude adéquate sur la toxicité chronique n'a été recensée pour la 3,4-dichloroaniline; toutefois, plusieurs études sur la toxicité aiguë, la toxicité à court terme et le métabolisme étaient disponibles, notamment plusieurs études fournissant des preuves que le propanil, un herbicide, est efficacement métabolisé en 3,4-dichloroaniline chez les mammifères. Par ailleurs, les évaluations de l'innocuité du propanil effectuées par l'Envrionmental Protection Agency des États-Unis (2006) et l'Autorité européenne de sécurité des aliments (2011, 2013) ont permis de conclure que la toxicité chronique de la 3,4-dichloroaniline est incertaine en raison du manque de données, et ce, même si cette substance a été désignée comme le métabolite préoccupant du propanil. Dans le cadre de la présente évaluation préalable, un point de départ chronique a été établi en fonction de données déduites à partir d'analogues sur les chloroanilines pertinentes, à savoir la 4-chloroaniline et le propanil (l'herbicide précurseur de la 3,4-dichloroaniline). Les seules données sur la toxicité chronique disponibles pour les chloroanilines connexes concernent la 4-chloroaniline (DMENO chronique chez le rat de 2 mg/kg p.c. par jour : augmentation de la fibrose splénique et du sarcome de la rate) et le propanil (DMENO chronique chez le rat d'environ 7 mg/kg p.c. par jour sous forme de 3,4-dichloroaniline : diminution de la numération de globules rouges, diminution des valeurs d'hématocrite, augmentation de la méthémoglobine, augmentation du poids de la rate et des cas de splénomégalie chez les femelles, hémosidérose de la rate chez les mâles). Par conséquent, des DMENO chroniques par voie orale chez le rat comprises entre 2 et 7 mg/kg p.c. par jour, établies d'après des données déduites à partir d'analogues sur la 4-chloroaniline et le propanil (doses équivalentes à celles de la 3,4-dichloroaniline), sont considérées comme les points de départ pour la toxicité chronique de la 3,4-dichloroaniline.

Caractérisation des risques inférieur(e) à

Bien que de faibles concentrations de 3,4-dichloroaniline puissent exister dans plusieurs sources (résidus dans les aliments et l'eau provenant de l'utilisation de pesticides précurseurs, dégradation résiduelle et dans l'environnement du triclocarban), les expositions potentielles principales sont traitées dans le cadre de la Loi sur les produits antiparasitaires ou de la Loi sur les aliments et drogues. Un bref résumé de ces sources potentielles et des incertitudes associées est présenté ci-dessous.

Le riz et les produits du riz importés des États-Unis devraient contenir une certaine quantité de 3,4-dichloroaniline si du propanil y est utilisé. Les contributions des pesticides homologués et de leurs produits de dégradation sont abordées par l'ARLA (Santé Canada) et ne sont donc pas examinées dans la présente évaluation préalable. L'évaluation de l'exposition alimentaire à la 3,4-dichloroaniline à partir de résidus des pesticides homologués, le linuron et le diuron, est réglementée au Canada en vertu de la Loi et du Règlement sur les produits antiparasitaires.Les contributions des pesticides homologués et de leurs produits de dégradation sont abordées par l'ARLA (Santé Canada) et ne sont donc pas examinées dans la présente évaluation préalable.

En ce qui concerne l'ensemble des incertitudes de cette évaluation, on manque de données sur la toxicité chronique de la 3,4-dichloroaniline. Tandis que des données confirment les effets semblables du point de vue qualitatif de la 3,4-dichloroaniline, de la 4-chloroaniline et du propanil, le potentiel relatif de la 3,4-dichloroaniline demeure incertain.

Des preuves limitées indiquent que la dégradation du triclocarban dans l'environnement peut également constituer une source d'exposition à la 3,4-dichloroaniline, mais l'incertitude est très élevée à ce sujet en raison des données limitées disponibles.

7.3.6  o-anisidine

Évaluation de l'exposition

La population générale du Canada ne devrait pas être exposée à l'o-anisidine à partir des milieux naturels, car les quantités commerciales de cette substance sont limitées dans le pays. L'exposition de la population générale à l'o-anisidine par l'utilisation de produits de consommation a été estimée pour les produits textiles (contact direct et prolongé avec la peau et mise en bouche par les nourrissons) et pour les ustensiles de cuisson en polyamide (voie orale).

L'o-anisidine a été détectée dans 4 échantillons de textile sur 66 au cours de tests de produits effectués par Santé Canada (Santé Canada, 2013a). Les expositions cutanée et orale à l'o-anisidine à partir de textiles ont été estimées à partir de la limite de quantification de 2,6 mg/kg (voir le tableau 7-14). On a estimé, de façon prudente, que l'absorption cutanée était de 100 % car, même si aucune donnée pertinente sur l'exposition par voie cutanée n'a été recensée, les amines aromatiques monocycliques devraient avoir un fort potentiel d'absorption cutanée.

Tableau 7-14. Expositions estimées à l'o-anisidine à partir de textiles
Voies d'expositionScénario d'expositionGroupe d'âgeExposition aiguë estimée
(mg/kg p.c.)
Exposition quotidienne estiméeNote de bas de page 7-14 [a] (mg/kg p.c. par jour)
CutanéeNote de bas de page 7-14 [b]Textiles – grenouillèreNourrissons0,0211,0 × 10−4
Cutanée[b]Textiles – vêtements personnelsAdultes0,0136,7 × 10−5
OraleMise en bouche d'objets en textileNourrissonsSans objet1,3 × 10−5
Note de bas de page 7-14 a

Un facteur d'ajustement de 10 % est appliqué afin de prendre en compte la probabilité que le textile contienne de l'o-anisidine ou un colorant azoïque à base d'o-anisidine.

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Note de bas de page 7-14 b

On a supposé, de façon prudente, que l'absorption cutanée était de 100 %.

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La migration de l'o-anisidine à partir de certains ustensiles de cuisson en polyamide a été observée dans une étude menée au Danemark (Trier et al., 2010). En utilisant le niveau de migration médian de l'o-anisidine (4 × 10−4 µg/g d'aliment), on a calculé que les estimations de l'exposition potentielle à l'o-anisidine par l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide étaient comprises entre 5 × 10−4 µg/kg p.c. par jour (personnes âgées de 60 ans et plus) et 1,9 × 10−3 µg/kg p.c. par jour (tout-petits de 0,5 à 4 ans).

On a également mesuré l'o-anisidine dans les encres à tatouage et des estimés conservateurs d'exposition aigue et à court terme ont été dérivés. L'exposition aiguë à l'o-anisidine résiduelle dans l'encre à tatouage a été estimée entre 0,0027 et 0,026 mg/kg p.c. L'exposition quotidienne par le rejet à court terme d'amines a été estimée entre 6,3 × 10−6 et 6,1 × 10−5 mg/kg p.c. par jour. Ces estimations de l'exposition sont considérées comme des limites supérieures en raison des hypothèses sous-jacentes prudentes utilisées dans le calcul (voir l'annexe F). À cause des incertitudes élevées associées avec ces expositions estimées, le risque lié à l'expositiondue au tatouage n'a pas été estimé. (voir section 7.5.1 Incertitudes).

Évaluation des effets sur la santé

L'o-anisidine a précédemment été évaluée par le CIRC (1982, 1999) et par le Bureau européen des substances chimiques (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002). Les données toxicologiques sur le sel de chlorhydrate d'o-anisidine ont été jugées pertinentes, car ce sel devrait se dissocier en milieu physiologique pour produire de l'o-anisidine et est donc considéré comme un équivalent toxicologique. Le raisonnement justifiant le choix des concentrations associées à un effet critique pour le calcul des marges d'exposition est expliqué ci-dessous.

Cancérogénicité et génotoxicité

Chez les rats et les souris auxquels on a administré de l'o-anisidine (sous forme de chlorhydrate) par voie alimentaire pendant une période allant jusqu'à deux ans, des carcinomes de la vessie ont été provoqués chez les deux sexes dans les deux espèces (NCI, 1978). Les rats ont reçu des doses de chlorhydrate d'o-anisidine de 250 ou 500 mg/kg p.c. par jour. L'incidence des tumeurs de la vessie était, d'une part, de 52 sur 54 (96 %) et de 52 sur 52 (100 %) chez les mâles et, d'autre part, de 46 sur 49 (94 %) et de 50 sur 51 (98 %) chez les femelles, dans les groupes à faible dose et à forte dose, respectivement, alors que l'incidence était nulle dans le groupe témoin (voir l'annexe I pour obtenir toutes les données sur l'incidence chez les rats et les souris). On a constaté des décès chez les deux sexes aux deux niveaux de doses, ainsi qu'une baisse excessive du poids corporel, ce qui laisse entendre que la dose maximale tolérée avait été dépassée. Cependant, par mesure de précaution, on a effectué une quantification du potentiel cancérogène en même temps que cette étude.

Les doses de référence (BMD) associées à une augmentation de 10 % de l'incidence des tumeurs par rapport aux groupes témoins (c.-à-d. la BMD10), ainsi que les limites inférieures correspondantes d'un intervalle de confiance unilatéral à 95 % (BMDL10) ont été calculées pour le chlorhydrate d'o-anisidine, à l'aide du logiciel Benchmark Dose Software de l'Environmental Protection Agency des États-Unis (BMDS version 2.3.1) [USEPA, 2013b]. La BMDL10 la plus faible pour le chlorhydrate d'o-anisidine est de 5,53 mg/kg p.c. par jour pour les papillomes et carcinomes à cellules transitionnelles dans la vessie de rats F344 mâles (annexe I). Après ajustement pour tenir compte de la différence de poids moléculaire, cette valeur correspond à une BMDL10 de 4,3 mg/kg p.c. par jour pour l'o-anisidine. Étant donné que la dose maximale tolérée avait été dépassée dans cette étude et que la BMDL10 était en dehors de la fourchette des doses testées, la quantification de cette BMDL10 est jugée prudente.

L'Union européenne a calculé une T25 (définie comme la dose journalière chronique qui entraînera des tumeurs à un site tissulaire précis chez 25 % des animaux, après correction de l'incidence spontanée, au cours de la durée de vie moyenne de cette espèce; Dybing et al., 1997) de 51,6 mg/kg p.c. par jour pour les rats (pour l'o-anisidine sous forme de chlorhydrate). La LTD10 (dose tumorigène plus faible associée à une augmentation de 10 % de l'incidence des tumeurs par rapport aux animaux témoins) pour le chlorhydrate d'o-anisidine, publiée dans la Carcinogenic Potency Database, est de 2,85 mg/kg p.c. par jour pour les rats (CPDB, 2013).

Dans la même étude (NCI, 1978), des souris ont reçu du chlorhydrate d'o-anisidine à une dose de 325 ou de 650 mg/kg p.c. par jour. L'augmentation du poids corporel a diminué de façon importante chez les mâles et les femelles dans les groupes à faible dose et à forte dose. Il n'y a pas eu de répercussions sur la survie chez la souris, et on a observé des cas de cancer de la vessie en tant que lésion due à des doses élevées chez les mâles et les femelles. La BMDL10pour le chlorhydrate d'o-anisidine chez la souris est de 333 mg/kg p.c. par jour chez les mâles et de 360 mg/kg p.c. par jour chez les femelles, pour les papillomes ou les carcinomes à cellules transitionnelles de la vessie. Les valeurs correspondantes de la BMD10 sont de 407 et 431 mg/kg p.c. par jour, respectivement (voir l'annexe I). Lorsque les BMDL10 pour le chlorhydrate d'o-anisidine sont ajustées pour tenir compte de la différence de poids moléculaire, elles correspondent à des valeurs de BMDL10 pour l'o-anisidine de 256 et 277 mg/kg p.c. par jour chez les mâles et les femelles, respectivement.

Dans une étude de promotion tumorale, on n'a observé aucune lésion de la vessie chez 10 rats mâles recevant de l'o-anisidine dans leur alimentation à une dose de 85 mg/kg p.c. par jour pendant deux semaines, puis à une dose de 21 mg/kg p.c. par jour pendant 30 semaines. Toutefois, chez 16 rats mâles ayant reçu l'initiateur N-butyl-N-(4-hydroxybutyl)nitrosamine dans leur eau potable pendant 4 semaines avant de recevoir de l'o-anisidine dans leur alimentation, on a observé une augmentation significative de l'incidence de l'hyperplasie, tandis que l'augmentation des incidences de papillomes et de carcinomes de la vessie n'étaient pas significatives (Ono et al., 1992).

Les essais de mutation inverse effectués in vitro sur des souches d'épreuve standard de bactéries étaient négatifs. Pourtant, l'o-anisidine a entraîné des mutations inverses et des dommages à l'ADN dans des souches bactériennes présentant un taux élevé de N-acétyltransférase ou d'O-acétyltransférase élevée, ce qui indique que son activation se fait par l'acétylation. Dans les cellules de mammifères, l'o-anisidine a entraîné des mutations, des aberrations chromosomiques et des échanges de chromatides sœurs, aussi bien avec que sans activation métabolique. Malgré les résultats négatifs pour cette substance dans les essais concernant les dommages à l'ADN (essai de synthèse d'ADN non programmée) dans les hépatocytes de rats, l'o-anisidine a entraîné la rupture de brins d'ADN dans les cellules de lymphome de souris en présence de facteurs d'activation métabolique provenant du foie de rat. L'o-anisidine a provoqué une augmentation de la fréquence de transformation des cellules embryonnaires de hamsters syriens, mais les résultats étaient négatifs sur les cellules embryonnaires de souris dans des essais de transformation destinés à détecter les initiateurs et les promoteurs (CIRC, 1999; Rivedal et al., 2000; Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002; Oda, 2004; Sakai et al., 2010).

In vivo, des adduits de l'ADN ont été trouvés dans la vessie, le foie, les reins et la rate des rats ayant reçu de l'o-anisidine par injection intrapéritonéale; les concentrations les plus élevées et les adduits les plus persistants ont été détectés dans la vessie (Stiborová et al., 2005; Naiman et al., 2012). On a déterminé qu'il s'agissait d'adduits à la désoxyguanosine dérivés d'un métabolite N-hydroxy de l'o-anisidine et qu'ils étaient semblables à ceux obtenus in vitro après activation de l'o-anisidine avec des microsomes humains, ce qui laisse entendre que les enzymes de type monooxygénase du foie métabolisent l'o-anisidine pour générer des ions nitrénium ou carbénium réactifs (Stiborová et al., 2005; Naiman et al., 2012). Stiborová et al.(2002) ont également démontré que l'o-anisidine pouvait être activée par des peroxydases in vitro pour former des diimines pouvant réagir avec l'ADN. Comme les peroxydases sont des enzymes ubiquistes, l'activation de l'o-anisidine peut se produire dans de nombreux tissus, y compris la vessie.

Dans une étude antérieure, aucun adduit à l'ADN n'a été observé dans la vessie ou le foie de souris ayant reçu de l'o-anisidine par gavage (Ashby et al., 1994). La fréquence de mutation a augmenté dans la vessie, mais pas dans le foie de souris transgéniques ayant reçu de l'o-anisidine par gavage (Ashby et al., 1994). Sasaki et al.(1998) et Sekihashi et al. (2002) ont apporté quelques preuves de dommages à l'ADN dans la vessie de souris et de rats, après leur avoir administré de l'o-anisidine par gavage. Dans ces études, des dommages à l'ADN ont également pu être observés dans le côlon des deux espèces, ainsi que dans l'estomac, les reins, les poumons et le cerveau des rats. Cependant, aucun dommage à l'ADN n'a été détecté dans les organes testés (y compris la vessie) dans une étude antérieure menée par Ashby et al. (1991), dans laquelle des rats ont été traités par injection intrapéritonéale ou par gavage oral. Les essais de synthèse d'ADN non programmée étaient également négatifs après l'administration par gavage dans le foie des rats et après l'administration par voie intrapéritonéale dans les reins des rats (Tyson et Mirsalis, 1985; Ashby et al., 1991). Les études in vivo sur les micronoyaux ont aussi donné des résultats négatifs chez les souris ayant reçu de l'o-anisidine par gavage ou par injection intrapéritonéale et chez les rats traités par gavage (Ashby et al., 1991).

Autres effets sur la santé

Aucune étude sur la toxicité pour la reproduction ou le développement n'a été recensée. Cependant, dans les études de deux ans sur la cancérogénicité alimentaire menées sur des souris et des rats, il n'y a eu aucun effet sur les organes reproducteurs des mâles ou des femelles (NCI, 1978; voir la section 7.4.6.2.1). Dans cette étude, on a observé chez les rats une augmentation de la mortalité liée à la dose administrée (significative pour les deux doses) et, chez les rats et les souris, une perte de poids corporel également liée à la dose (supérieure à 10 % pour les deux doses). Chez la souris, on a également constaté une augmentation de l'hyperplasie de la vessie, qui était significative à forte dose.

L'étude du NCI (1978) comportait un volet de détermination des doses de sept semaines, au cours duquel on a administré à des rats et des souris de l'o-anisidine (sous forme de chlorhydrate) à des doses allant de 1 000 à 30 000 mg/kg dans leur alimentation (ce qui correspond à des doses d'o-anisidine de 38, 115, 380 et 1 150 mg/kg p.c. par jour, chez le rat, et de 100, 300, 1 000 et 3 000 mg/kg p.c. par jour, chez la souris). Chez le rat, le poids corporel a diminué de plus de 10 % dans les deux groupes exposés aux doses les plus élevées, et on a pu observer des rates granuleuses chez les mâles de tous les groupes et chez les femelles des deux groupes exposés aux doses les plus élevées. Tous les animaux des deux groupes exposés aux doses les plus élevées présentaient également un assombrissement et un grossissement de la rate. Chez la souris, le poids corporel a diminué de plus de 10 % dans les trois groupes exposés aux doses les plus élevées, et tous les animaux des deux groupes exposés aux doses les plus élevées présentaient un grossissement et un assombrissement de la rate. Aucune analyse statistique ou histopathologie n'a été menée au cours de ce volet de l'étude.

Dans une étude de 28 jours non publiée et citée dans le rapport d'évaluation des risques de l'Union européenne (Centre commun de recherche de la Commission européenne, 2002), des rats ont reçu par gavage quotidien des doses de 0, 16, 80 ou 400 mg/kg par jour. L'Union européenne a déterminé une dose sans effet nocif observé (DSENO) de 16 mg/kg p.c. par jour et une dose minimale avec effet nocif observé (DMENO) de 80 mg/kg p.c. par jour, correspondant à l'apparition d'une légère anémie hémolytique et de modifications morphologiques de la rate (hémosidérose, hyperémie, augmentation de l'hématopoïèse) chez les deux sexes, ainsi que d'une augmentation de la bilirubine et d'une augmentation du poids relatif du foie chez les femelles (Hoechst, 1990).

Les données disponibles sur la toxicité aiguë étaient limitées et elles étaient tirées de sources secondaires ou manquaient de détails. Dans une étude de toxicité génétique par voie orale chez la souris et le rat, Ashby et al.(1991) ont remarqué que la méthémoglobine avait augmenté (plus de trois fois par rapport aux concentrations du groupe témoin) après l'administration par voie orale de doses de 690 mg/kg p.c. Aucun décès, ni signe de toxicité ou pathologie clinique n'ont été signalés chez le rat après une application cutanée de 2 000 mg/kg p.c. par jour (Hoechst, 1988).

Caractérisation des risques

L'exposition de la population générale au Canada à l'o-anisidine dans les milieux naturels ne devrait pas avoir lieu en raison des quantités commerciales limitées au Canada.

On s'attend à ce que la population générale du Canada soit exposée à l'o-anisidine à partir de produits de consommation, et ce, principalement par l'utilisation d'articles en textile et d'ustensiles de cuisson. Les expositions quotidiennes par voie cutanée des adultes et des nourrissons par contact de la peau avec des vêtements textiles ont été estimées à 6,7 × 10−5 et à 1,0 × 10−4 mg/kg p.c. par jour, respectivement. L'exposition quotidienne par voie orale des nourrissons par mise en bouche d'objets de textile a été estimée à 1,3 × 10−5 mg/kg p.c. par jour. L'exposition quotidienne potentielle par voie orale à l'o-anisidine par l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide a été estimée, de façon prudente, entre 5 × 10−7 mg/kg p.c. par jour (personnes âgées, de 60 ans et plus) et 1,9 × 10−6 mg/kg p.c. par jour (tout-petits, de 0,5 à 4 ans).

La concentration associée à un effet critique pour l'exposition chronique à l'o-anisidine est une BMDL10 de 256 mg/kg p.c. par jour, selon l'incidence de tumeurs de la vessie chez les souris mâles observées au cours d'une étude alimentaire de deux ans (NCI, 1978).

Comme, dans la même étude (NCI, 1978), on a remarqué une toxicité excessive chez les rats des deux sexes et aux deux niveaux de dose, la détermination d'une BMDL10 à partir de cette étude est jugée prudente et n'a pas été utilisée pour calculer les marges d'exposition.

La comparaison des estimations de l'exposition avec la BMDL10 prudente permet d'obtenir des marges d'expositions de plus de 1 million (tableau 7-15). Des données sur la toxicité orale ont été utilisées en l'absence de données sur l'exposition par voie cutanée. À titre d'hypothèse prudente, on a considéré que l'absorption par voie cutanée était équivalente à celle par voie orale. Toutes les marges d'exposition sont considérées comme adéquates pour rendre compte des incertitudes liées aux bases de données concernant les effets sur la santé et l'exposition.

Tableau 7-15. Marges d'exposition pour l'exposition quotidienne à l'o-anisidine
Voies d'expositionProduits de consommationExposition quotidienne estimée
(mg/kg p.c. par jour)
Concentration associée à un effet critique :
BMDL10 par voie orale
(mg/kg p.c. par jour)Note de bas de page 7-15 [d]
ME
CutanéeTextiles – grenouillèreNote de bas de page 7-15[a],Note de bas de page 7-15 [b]1,0 × 10−42562,6 × 106
CutanéeTextiles – vêtements personnels[a],[b]6,7 × 10−52563,8 × 106
OraleMise en bouche d'objets en textile (nourrissons)[a]1,3 × 10−52562,0 × 107
OraleUstensiles de cuissonNote de bas de page 7-15 [c]1,9 × 10−62561,3 × 108
Note de bas de page 7-15 a

Un facteur d'ajustement de 10 % est appliqué afin de prendre en compte la probabilité que le textile contienne de l'o-anisidine ou un colorant azoïque à base d'o-anisidine.

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Note de bas de page 7-15 b

On a supposé, de façon prudente, que l'absorption cutanée était de 100 %.

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Note de bas de page 7-15 c

 Présentaient l'estimation la plus élevée pour les tout-petits (de 0,5 à 4 ans).

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Note de bas de page 7-15 d

La BMDL10 pour la souris a été choisie car, chez le rat, une toxicité excessive a été observée chez les deux sexes et aux deux niveaux de doses.

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Dans l'annexe I, le calcul de la BMDL10 est présenté pour le rat et la souris, même si, dans l'étude sur le rat, la dose maximale tolérée a été dépassée et la fourchette de doses était limitée. En raison des limites mentionnées dans l'ensemble de données sur le rat, les marges d'exposition présentées sont calculées à partir de la BMDL10 de l'étude sur la souris. En raison des données limitées sur la toxicité dans le cadre d'une exposition aiguë, aucune marge d'exposition n'a pu être calculée. Cependant, les expositions aiguës ne devraient pas être une préoccupation.

7.3.7  p-aminophénol

Évaluation de l'exposition

Aucune donnée empirique sur la concentration de p-aminophénol dans les milieux naturels au Canada n'a été relevée. Les valeurs modélisées du rejet de p-aminophénol dans l'eau à partir des scénarios d'utilisation et de formulation de cosmétiques ont été abordées à la section 6.2. Cependant, on ne s'attend à aucune exposition au p-aminophénol par l'air et le sol. Par rapport à l'utilisation de produits cosmétiques et l'exposition directe (abordées ci-dessous), les milieux environnementaux ne sont pas considérés comme étant une source importante d'exposition pour la population générale du Canada.

D'après les notifications présentées à Santé Canada en vertu du Règlement sur les cosmétiques, le p-aminophénol est utilisé au Canada dans les colorants capillaires, le vernis à ongles, ainsi que les crèmes, les lotions et les soins hydratants pour le corps (communications personnelles, courriels de la Direction de la sécurité des produits de consommation [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], datés de 2011 et 2013; source non citée). De plus, dans les fiches techniques santé-sécurité obtenues de Procter & Gamble et de fabricants de produits similaires, le p-aminophénol figure dans la liste des composants de produits de coloration capillaire vendus au Canada à une concentration allant jusqu'à 5 % (P&G Beauty, 2009a, b, c, d, 2012a, b, c, 2013; TIGI, 2011; JPMS, 2012). Ces produits cosmétiques et les estimations de la limite supérieure de l'exposition correspondante par voie cutanée sont résumés dans le tableau 7-16. Les hypothèses et les détails concernant ces estimations de l'exposition sont présentés dans l'annexe J.

Tableau 7-16. Résumé des estimations de la limite supérieure de l'exposition cutanée au p-aminophénol par l'utilisation de produits cosmétiquesNote de bas de page 7-16[a]
Scénario d'exposition concernant les produits cosmétiquesNote de bas de page 7-16 [b]Concentration
(% p/p)Note de bas de page 7-16 [c]
Exposition estimée par événement
(mg/kg p.c.)
Exposition quotidienne estimée (mg/kg p.c. par jour)
Colorant capillaire permanent (par événement)2,5Note de bas de page 7-16 [d]0,212s. o.
Vernis à ongles (par événement)10 à 300,004 à 0,013s. o.
Crème, lotion, soin hydratant pour le corps (nourrisson)inférieur(e) ou égal(e) à  0,1inférieur(e) ou égal(e) à  0,011inférieur(e) ou égal(e) à  0,019
Crème, lotion, soin hydratant pour le corps (adulte)inférieur(e) ou égal(e) à  0,1inférieur(e) ou égal(e) à  0,004inférieur(e) ou égal(e) à  0,004
Note de bas de page 7-16 a

 Les estimations de l'exposition sont calculées au moyen de la version 4.1 du logiciel ConsExpo (ConsExpo, 2006), sauf indication contraire. Voir l'annexe J pour les facteurs d'exposition.

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Note de bas de page 7-16 b

Les scénarios d'exposition prennent en considération les adultes âgés de 20 à 59 ans. On suppose que l'absorption cutanée est de 6 % (Bucks et al., 1990).

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Note de bas de page 7-16 c

Sauf indication contraire, d'après les notifications présentées à Santé Canada en vertu du Règlement sur les cosmétiques (communications personnelles, courriels de la Direction de la sécurité des produits de consommation [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], datés de 2011 et 2013; source non citée).

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Note de bas de page 7-16d

D'après la concentration maximale déclarée dans les fiches techniques santé-sécurité obtenues de Procter & Gamble et de fabricants de produits similaires pour les produits disponibles au Canada. La concentration maximale de 5 % a été divisée par deux selon un ratio de 1:1 du colorant par rapport à l'agent d'oxydation, qui sont mélangés pour produire le colorant capillaire permanent.

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Plusieurs études faisant état de l'absorption du p-aminophénol par voie cutanée ont été recensées. Chez des volontaires humains, l'absorption du p-aminophénol par voie cutanée a été estimée à 6 %, en fonction de la récupération dans l'urine au cours des 7 jours suivant une exposition de 24 heures (Bucks et al., 1990). On a appliqué du p-aminophénol radiomarqué à une dose de 2 à 4 µg/cm2 dans une solution d'éthanol à 95 % sur la partie intérieure de l'avant-bras de volontaires de sexe masculin. Le site d'application était couvert de façon occlusive ou non occlusive (protégée). Des échantillons d'urine ont été recueillis pendant 7 jours après l'application. Au bout de 24 heures après l'administration, les chambres fixées au site d'application ont été enlevées. Le site d'application a été lavé successivement avec du savon, de l'eau, du savon, de l'eau et de l'eau. Toutes les eaux de lavages ont été recueillies aux fins d'analyse. Le p-aminophénol a été récupéré à 63 % et à 91 % dans les conditions occlusives et non occlusives, respectivement. Les auteurs ont recommandé un taux d'absorption percutanée de 8 % et de 6 % pour les conditions occlusives et non occlusives, respectivement. L'absorption cutanée chez le rat (y compris l'urine, les fèces, les viscères, le corps et la peau, sauf le site d'application) variait de 1,7 à 11,5 % de la dose appliquée au cours des 4 jours suivant une application cutanée de p-aminophénol pendant 30 minutes (Tsomi et Kalopissis, 1982). Dans une étude non publiée sur les rats (Hofer et al., 1984), moins de 1 % de la dose radioactive appliquée a été retrouvée dans l'urine, les fèces et les organes, à la suite d'une exposition cutanée de 30 minutes à du p-aminophénol dans une solution aqueuse ou à du p-aminophénol dans des formulations de colorant capillaire. Cependant, l'étude n'est pas disponible dans son intégralité.

Dans une étude in vitro sur de la peau de souris, on a appliqué du p-aminophénol en une seule dose dans de l'acétone et, dans les 24 heures, 72 % de la dose appliquée avait été transportée à travers la peau (Hinz et al., 1991). Dans une étude non publiée et citée dans l'examen du Comité scientifique des produits de consommation de l'Union européenne (Faith et Williams, 1999), l'absorption à travers la peau de rat et la peau humaine était beaucoup plus faible (10 % et 0,5 à 6 %, respectivement) pendant une exposition de 24 heures. Toutefois, l'étude n'est pas disponible dans son intégralité. Dans une autre étude non publiée (BMS, 1997), moins de 1 % de la dose appliquée a été absorbée après une application de p-aminophénol sur de la peau humaine in vitro pendant 30 minutes, que ce soit seul ou en présence d'autres ingrédients de colorants capillaires, y compris le peroxyde d'hydrogène (développant). Le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs de l'Union européenne a utilisé l'étude de BMS (1997), qui a été réalisée en utilisant précisément des formulations de colorants capillaires, pour calculer une absorption par voie cutanée de 7,84 % (CSSC, 2011); toutefois, les données d'origine de cette étude n'étaient pas disponibles.

D'après les données disponibles, une absorption par voie cutanée de 6 % a été choisie à partir de l'étude sur la peau humaine in vivo (Bucks et al., 1990).La valeur de 6 % a été choisie en fonction de la meilleure récupération observée. L'étude sur la peau humaine était la plus appropriée pour s'appliquer aux scénarios d'exposition par voie cutanée au p-aminophénol. La valeur de l'absorption cutanée de 6 % a été utilisée pour estimer l'exposition par voie cutanée à partir de colorants capillaires, de vernis à ongles, ainsi que de crèmes, de lotions ou de soins hydratants pour le corps.

Évaluation des effets sur la santé

Les effets sur la santé du p-aminophénol ont été précédemment examinés par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2010), le Comité scientifique des produits de consommation (CSPC, 2005) et le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC, 2011). Le raisonnement justifiant le choix des concentrations associées à un effet critique pour le calcul des marges d'exposition est expliqué ci-dessous.

L'exposition par voie cutanée au p-aminophénol a été démontrée comme produisant principalement des métabolites acétylés; deux études sur l'exposition par l'épiderme reconstitué in vitro et par voie cutanée in vivo ont démontré une formation d'acétaminophène (Dressler et Appelqvist, 2006; Hu et al., 2009; Nohynek et al., 2005). À l'inverse, l'injection intrapéritonéale et l'administration par gavage chez les rats et les lapins ont entraîné la conversion d'environ 5 % à 45 % d'acétaminophène, respectivement (Bray et al., 1952; Newton et al., 1983, 1985). L'acétaminophène est un médicament thérapeutique homologué pour les humains qui est autorisé pour la vente et réglementé en tant que médicament en vertu de la Loi sur les aliments et drogues au Canada, avec la prise d'une dose maximale quotidienne de 4 000 mg (C.01.021, Règlement sur les aliments et drogues) (Santé Canada, 2009).

Cancérogénicité et génotoxicité

Aucune augmentation de l'incidence des tumeurs n'a été observée chez les rats mâles ou femelles ayant reçu du p-aminophénol par gavage quotidien à des doses allant jusqu'à 30 mg/kg p.c. par jour pendant 101 semaines (CIT, 1998; ECHA, 2013). L'étude a été menée conformément aux lignes directrices de l'OCDE, mais les données d'origine de l'étude n'étaient pas disponibles.

L'OCDE (2010) a conclu que le p-aminophénol est clastogène, d'après les résultats positifs aux essais in vitro sur les aberrations chromosomiques et sur la formation de micronoyaux, et le CSPC (2005) a jugé que les effets clastogènes se produisent à des doses élevées en présence d'effets toxiques. Le SCCS (2011) a soutenu cette conclusion et ajouté qu'il n'y avait « pas de risque de mutagénicité » pour l'homme (dans des conditions normales d'utilisation par voie cutanée), sur la base d'un mode d'action génotoxique indirect similaire à celui qui a été signalé pour l'acétaminophène, le principal métabolite du p-aminophénol par voie cutanée.

Tableau 7-17. Résumé des données de génotoxicité in vitro du p-aminophénol
Type d'essaiPositifNégatif
Mutagénicité bactérienne (souches de Salmonella typhimurium sensibles aux mutations ponctuelles)-Avec et sans activation (McCann et al., 1975; Garner et Nutman, 1977; Degawa et al., 1979; Lavoie et al., 1979; Probst et al., 1981; Thompson et al., 1983; DeFlora et al., 1984a, b; Zeiger et al., 1988; Watanabe et al., 1991; Tomiyama et al., 2008).
Mutagénicité bactérienne (souches d'Escherichia colisensibles aux dommages oxydatifs)Sans activation (Yoshida et al., 1998; Martinex et al., 2000)-
Dommages bactériologiques à l'ADNSans activation (DeFlora et al., 1984b; Hellmer et Bolcsfoldi, 1992a)Avec activation (Mamber et al., 1983; DeFlora et al., 1984b; Hellmer et Bolcsfoldi, 1992a)
Mutagénicité des cellules mammaliennesLocus TK – Cellules de lymphomes de souris (Amacher et Turner, 1982; Oberly et al., 1984, 1993; Majeska et Holden, 1995).Locus HGPRT dans des cellules ovariennes de hamster chinois (Oberly et al., 1990, 1993). Locus HGPRT dans les cellules ovariennes et des cellules de lymphomes de souris (Majeska et Holden, 1995).
Aberrations chromosomiques de cellules mammaliennes et événements d'échange de chromatides sœurs(Kirchner et Bayer, 1982; Takehisa et Kanaya, 1982; Holme et al., 1988; Majeska et Holden, 1995; Kusakabe et al., 2002)-
Ruptures de brins d'ADN dans des cellules mammaliennes et synthèse inhibée de l'ADN(Andersson et al., 1982; Hayward et al., 1982; Majeska et Holden, 1995)-
Tableau 7-18. Résumé des données de génotoxicité in-vivo du p-aminophénol
Type d'essaiPositifNégatif
Micronoyau in vivoLe p-aminophénol a entraîné la formation de micronoyaux dans la moelle osseuse et la rate de souris traitées par voie orale, ainsi que dans la moelle osseuse et le foie de souris traitées par injection intrapéritonéale (JECDB, non daté-a; Wild et al., 1980; Cliet et al., 1989; Sicardi et al., 1991; Benning et al., 1994).Moelle osseuse de rats traités par voie orale (CIT, 1995). Moelle osseuse des rats traités par gavage (Hossack et Richardson, 1977).
Échange de chromatides soeurs in vivo-Moelle osseuse de hamsters ayant reçu une injection intrapéritonéale (Kirchner et Bayer, 1982).
Mutations létales dominantes in vivo-Rats exposés par voie orale (Burnett et al., 1989; Hellmer et Bolcsfoldi, 1992b).
Réparation de l'ADN par passage sur hôte in vivo-Souris traitées oralement (Burnett et al., 1989; Hellmer et Bolcsfoldi, 1992b).
Synthèse d'ADN non programmée in vivo-Hépatocytes de rats (Microtest, 1989).
Essai d'expression d'allèles récessifs létaux liés au sexe chez l'espèce Drosophila melanogaster-(Eiche et al., 1990).
Test de mutations et de recombinaisons somatiques chez l'espèce Drosophila melanogaster(Eiche et al., 1990)-

Les preuves de la mutagénicité du p-aminophénol sont équivoques, mais cette amine aromatique présente un potentiel clastogène in vivo.

Autres effets sur la santé

Dans une étude sur la toxicité du p-aminophénol pour la reproduction et le développement (Burnett et al., 1989), on a administré à des rats femelles des doses de 0, 52, 149 ou 520 mg/kg p.c. par jour dans leur alimentation pendant 13 semaines avant l'accouplement. Les mères du groupe à forte dose (520 mg/kg p.c. par jour) présentaient un poids corporel et un gain de poids réduits par rapport à celles du groupe témoin pendant la gestation. On a également observé une augmentation du nombre de pertes post-implantation et de résorptions complètes, ainsi qu'une réduction du poids des fœtus. Les effets toxiques sur le fœtus sont probablement non spécifiques et liés à une toxicité maternelle.

Dans la même étude (Burnett et al., 1989), les animaux des deux sexes ont reçu du p-aminophénol pendant 13 ou 27 semaines (doses de 42, 120 ou 420 mg/kg p.c. par jour chez les mâles et de 52, 149 ou 520 mg/kg p.c. par jour chez les femelles). L'incidence et la gravité de la néphropathie ont augmenté de façon proportionnelle à la dose et étaient donc plus marquées chez les mâles que chez les femelles. À forte dose (420 mg/kg p.c. par jour pour les mâles et 520 mg/kg p.c. par jour pour les femelles), on a observé des diminutions significatives du poids corporel, du gain de poids corporel, de la consommation alimentaire, du nombre de globules rouges et du taux d'hémoglobine. La DMENO pour cette étude a été établie à la faible dose de 42 mg/kg par jour, en fonction de la pathologie rénale.

Dans une autre étude de toxicité pour la reproduction et le développement (Harada et al., 2008), on a administré à des rats du p-aminophénol par gavage à des doses de 0, 20, 100 ou 500 mg/kg p.c. par jour à partir de 14 jours avant l'accouplement. Les femelles ont reçu des doses jusqu'au troisième jour de la lactation, et les mâles ont été traités pendant 49 jours au total. À la dose élevée de 500 mg/kg p.c. par jour, plusieurs animaux traités sont morts et présentaient une nécrose des reins. Chez les animaux qui ont survécu, les reins et la rate étaient sombres et présentaient une histopathologie compatible avec l'anémie, et les gains de poids corporel à certains moments donnés avaient diminué de façon importante chez les deux sexes. À cette dose, on a également observé des effets sur l'appareil reproducteur masculin, une gestation prolongée, ainsi qu'une augmentation du taux de mortinatalité et de décès de la progéniture. Les effets sur les paramètres de développement sont probablement dus à la toxicité chez les parents. On a déterminé une DSENO de 100 mg/kg p.c. par jour concernant la toxicité pour le développement (DMENO de 500 mg/kg p.c. par jour). À une dose de 100 mg/kg p.c. par jour, les animaux traités avaient une urine brune et présentaient une diminution de la consommation alimentaire. Les auteurs et l'OCDE estiment que cette dose est la DMENO pour la toxicité générale (DSENO de 20 mg/kg p.c. par jour).

Une dose sans effet observé (DSEO) de 10 mg/kg p.c. par jour et une dose minimale avec effet observé (DMEO) de 30 mg/kg p.c. par jour ont été déterminées pour le p-aminophénol dans une étude non publiée de 90 jours menée sur le rat par gavage, d'après l'augmentation proportionnelle à la dose de l'incidence de néphropathies chez les mâles et les femelles (CIT, non daté). Cependant, dans la partie de cette étude portant sur la toxicité chronique et la cancérogénicité (voir ci-dessus), il n'y avait aucune différence concernant les paramètres, y compris l'hématologie, le poids des organes, la pathologie clinique ou l'histopathologie, le poids corporel ou la mortalité, entre les groupes témoins et les rats ayant reçu jusqu'à 30 mg/kg p.c. par jour pendant 101 semaines (ECHA, 2013). Dans son évaluation de l'innocuité du p-aminophénol, le CSSC (2011) a utilisé une DSENO de 10 mg/kg p.c. par jour tirée de cette étude.

Dans une étude de 28 jours par gavage oral sur des rats (JECDB, non daté-a; REACH, 2013), les auteurs de l'étude et l'OCDE ont déterminé une DSENO de 20 mg/kg p.c. par jour pour le p-aminophénol, en fonction de la pathologie rénale, des analyses d'urine et d'une augmentation du poids des reins à une dose de 100 mg/kg p.c. par jour. À une dose de 500 mg/kg p.c. par jour, on a observé des effets similaires à ceux de l'anémie, notamment une diminution des globules rouges, de l'hématocrite et de l'hémoglobine et une augmentation des réticulocytes, ainsi qu'une augmentation du poids du foie et de la rate. L'étude originale n'était pas disponible.

Caractérisation des risques

L'exposition de la population générale du Canada au p-aminophénol a principalement lieu par l'utilisation de produits cosmétiques. Les estimations des risques associés aux scénarios supérieurs d'exposition au p-aminophénol par les produits cosmétiques (c.à-d. colorants capillaires, vernis à ongles, crèmes, lotions et soins hydratants pour le corps) sont présentées dans les tableaux 7-17 et 7-18.

La concentration associée à un effet critique pour le p-aminophénol est une DSENO de 20 mg/kg p.c. par jour, établie en fonction de la coloration de l'urine et de la diminution de la consommation alimentaire observées à la DMENO de 100 mg/kg p.c. par jour dans une étude de 40 à 49 jours par gavage sur des rats (Harada et al., 2008).

La comparaison des valeurs estimatives de la limite supérieure de l'exposition par voie cutanée au p-aminophénol, par l'utilisation de colorants capillaires, de vernis à ongles et de crèmes, lotions et soins hydratants pour le corps, avec la concentration associée à un effet critique (DSENO par voie orale à court terme de 20 mg/kg p.c. par jour) permet d'obtenir des marges d'exposition allant d'au moins 94 à 5 000.

Étant donné que, d'une part, la DSENO de 20 mg/kg p.c. par jour a été établie dans une étude de courte durée par voie orale en fonction d'effets bénins à la dose la plus élevée suivante de 100 mg/kg p.c. par jour et que, d'autre part, une étude chronique chez le rat n'a révélé aucun effet à une dose de 30 mg/kg p.c. par jour, l'utilisation de cette DSENO pour calculer les marges d'exposition relatives aux expositions cutanées par événement est considérée comme prudente. Par conséquent, toutes les marges d'exposition présentées dans les tableaux 7-17 et 7-18 sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant l'exposition et les effets sur la santé.

Des données sur la toxicité orale ont été utilisées en l'absence de données sur l'exposition par voie cutanée. À titre d'hypothèse prudente, on a considéré que l'absorption par voie cutanée était équivalente à celle par voie orale.

Tableau 7-19. Marges d'exposition pour l'exposition quotidienne au p-aminophénol
Produit cosmétiqueEstimation de la limite supérieure de l'exposition quotidienne (mg/kg p.c. par jour)Concentration associée à un effet critique :
DSENO par voie orale chez le rat
(mg/kg p.c. par jour)
ME
Crème, lotion, soin hydratant pour le corps (nourrisson)inférieur(e) ou égal(e) à  0,01920supérieur(e) à  1 050
Crème, lotion, soin hydratant pour le corps (adulte)inférieur(e) ou égal(e) à  0,00420supérieur(e) à  5 000
Tableau  7-20. Marges d'exposition pour l'exposition aiguë (par événement) au p-aminophénol
Produit cosmétiqueEstimation de la limite supérieure de l'exposition aiguë
(mg/kg p.c.)
Concentration associée à un effet critique :
DSENO par voie orale chez le rat
(mg/kg p.c. par jour)
ME
Crème, lotion, soin hydratant pour le corps (nourrisson)inférieur(e) ou égal(e) à  0,01120supérieur(e) à  1 820
Crème, lotion, soin hydratant pour le corps (adulte)inférieur(e) ou égal(e) à  0,00420supérieur(e) à  5 000
Vernis à ongles0,004 à 0,013201 540 à 5 000
Colorant capillaire permanent0,2122094

7.3.8  Benzène-1,3-diamine

Évaluation de l'exposition

Selon les renseignements fournis en réponse à une enquête en vertu de l'article 71, entre 1 000 et 10 000 kg de benzène-1,3-diamine ont été importés au Canada pour servir à la fabrication de pneus industriels (Environnement Canada, 2009). La plus grande partie de la quantité commercialisée sert à la fabrication du caoutchouc des pneus, et une quantité négligeable est rejetée dans l'environnement par l'entremise du traitement; par conséquent, l'exposition de la population générale dans les milieux naturels n'est pas prévue. Le benzène-1,3-diamine est intégré à la matrice de pneus à de faibles concentrations. De ce fait, il ne devrait pas y avoir d'exposition humaine à la benzène-1,3-diamine présente dans les pneus au cours de leur durée de vie utile et de leurs utilisations sous forme recyclée.

Comme il est mentionné dans la section 4.2, la benzène-1,3-diamine est utilisée en tant que révélateur dans les colorants capillaires permanents au Canada. L'exposition potentielle à la benzène-1,3-diamine des adultes utilisant ce produit a été estimée au moyen du logiciel ConsExpo (ConsExpo, 2006; voir l'annexe J pour obtenir les hypothèses sous-jacentes). L'estimation de la limite supérieure de l'exposition par voie cutanée pour les adultes est de 0,25 mg/kg p.c. par événement, en fonction de l'utilisation de colorants capillaires contenant une concentration de 1 % de benzène-1,3-diamine (communications personnelles, courriels de la Direction de la sécurité des produits de consommation [Santé Canada] au Bureau de l'évaluation des risques des substances existantes [Santé Canada], datés de 2011 et 2013; source non citée).

Trois études portant sur l'absorption cutanée de la benzène-1,3-diamine ont été recensées. Kiese et al.(1968) ont administré à des chiens une dose de 1,5 g de benzène-1,3-diamine (environ 176 mg/kg p.c.), dans diverses formulations de colorants capillaires, appliquée sur une zone délimitée de 20 cm × 25 cm pendant trois heures. Bien que la récupération totale n'ait pas été abordée, les auteurs ont signalé que 60 mg (4 %) ont été absorbés au total. Plus récemment, Lam et Bisgaard (1989) ont administré à des rats Wistar mâles des solutions à 4 % en poids par volume (p/v) de benzène-1,3-diamine (ce qui équivaut à 556 µmol, soit 660 mg, dans 16,5 mL de solution saline à 0,9 % p/v ou dans 16,5 mL de solution aqueuse à 4 % p/v de peroxyde d'hydrogène dans une solution saline à 0,9 %). Après 24 heures d'application des solutions d'essai sur des zones délimitées de 8 cm × 8 cm, on a lavé les sites traités et recueilli l'urine et les fèces pendant les 7 jours suivants. Les pourcentages de la dose absorbée récupérés étaient de 80,7 %, de 10 % et de 9,3 % dans l'urine, les fèces et les tissus de la carcasse, respectivement. La masse totale récupérée était de 99,9 ± 16,2 µmol de benzène-1,3-diamine, ce qui correspondait à un taux d'absorption de 18 % (Lam et Bisgaard, 1989). De plus, la zone de peau exposée a été excisée et trempée dans une solution saline pendant 24 heures. On a constaté que seules des quantités infimes de benzène-1,3-diamine ont migré dans la solution saline et que moins de 1 % de la radioactivité totale a été détectée dans la peau excisée. Les mêmes auteurs ont mené une étude in vivo au cours de laquelle de la benzène-1,3-diamine radiomarquée a été appliquée par voie cutanée à une dose de 240 mg/kg p.c. sur le dos de rats (n = 7; Bisgaard et Lam, 1989). Les rats ont été placés dans des cages de digestibilité, et l'urine et les fèces ont été prélevées au cours des 24 heures suivantes. Les animaux ont été sacrifiés après 24 heures et la radioactivité a été mesurée dans la carcasse, les fèces et l'urine. On a déterminé que l'absorption de la benzène-1,3-diamine était de 18,0 % ± 3,0 %, au moyen d'une analyse du bilan massique qui fait la somme de la radioactivité dans la carcasse, les fèces et l'urine.

Selon les données disponibles, une valeur d'absorption cutanée de 18 % a été tirée de l'étude in vivo sur les rats, au cours de laquelle l'urine et les fèces ont été recueillies pendant 7 jours après l'exposition (Lam et Bisgaard, 1989). Cette étude a permis de démontrer que la récupération était bonne, et l'observation de l'absorption cutanée de benzène-1,3-diamine y était approfondie. Cette valeur est également corroborée par une autre étude in vivo, qui a également permis de déduire que l'absorption cutanée était de 18 % (Bisgaard et Lam, 1989). Même s'ils ont indiqué une absorption totale dans la carcasse, les fèces et l'urine, les auteurs n'ont pas fait état de la récupération de la dose appliquée. En outre, ils n'ont pas déterminé les résidus fixés à la peau ou les lavages de la peau. Même si Kiese et al. (1968) ont signalé une absorption plus faible chez les chiens, l'étude ne portait que sur la concentration dans le sang. Par ailleurs, le nombre de réplicats utilisés et le mode de calcul de l'absorption totale déclarée de 60 mg ne sont pas clairs.

Comme il a été indiqué précédemment, une étude menée au Danemark a permis de déterminer que la benzène-1,3-diamine migrait à partir de certains ustensiles de cuisson en polyamide (Trier et al., 2010). En utilisant le niveau de migration médian de la benzène-1,3-diamine (0,0003 µg/g d'aliment), on a calculé, de façon prudente, que les estimations de l'exposition potentielle à la benzène-1,3-diamine par l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide étaient comprises entre 0,0004 µg/kg p.c. par jour (12 ans et plus) et 0,0014 µg/kg p.c. par jour (tout-petits de 0,5 à 4 ans).

Évaluation des effets sur la santé
Cancérogénicité et génotoxicité

Aux fins de cette évaluation, on a considéré que la benzène-1,3-diamine et son sel, le dichlorhydrate de m-phénylènediamine, étaient équivalents. Ces deux substances ont été classées dans le groupe 3 par le CIRC. Le CIRC a jugé inadéquates toutes les études menées sur des animaux impliquant des expositions cutanées et sous-cutanées. En outre, aucune étude pertinente sur la cancérogénicité ou l'épidémiologie n'était disponible aux fins d'examen par le CIRC au moment de la classification (CIRC, 1998) [voir le tableau 7-5 pour les classifications en matière de cancérogénicité]. Il convient de noter que les isomères similaires sur le plan structural ont également été classés. Le CIRC a classé les isomères para dans le groupe 2A, ce qui indique qu'ils sont probablement cancérogènes pour l'homme dans le cadre d'expositions professionnelles (comme un coiffeur ou un barbier), et dans le groupe 3, ce qui indique qu'ils sont inclassables quant à leur cancérogénicité pour l'homme dans le cadre de l'utilisation personnelle de colorants capillaires (CIRC, 1998). Le raisonnement justifiant le choix des concentrations associées à un effet critique pour le calcul des marges d'exposition est expliqué ci-dessous.

Aucune relation dose-effet claire entre l'exposition et la cancérogénicité n'a été démontrée. Aucune étude épidémiologique ni aucun rapport de cas n'ont été recensés dans la littérature scientifique disponible. Même si la majorité des données provenant d'études sur les animaux n'indiquent aucun pouvoir cancérogène, des adénomes pituitaires antérieurs et des tumeurs de type fibrosarcome ont été signalés après une injection sous-cutanée.

Dans des études chroniques, au cours desquelles on a administré par voie orale des doses de 6 à 40 mg/kg p.c. par jour à des rats mâles et femelles et des doses de 30 à 100 mg/kg p.c. par jour à des rats mâles, on n'a pas réussi à démontrer le potentiel tumorigène de la benzène-1,3-diamine (Russfield et al., 1975; Weisburger et al., 1978; Sontag, 1981; Nozaki, 1991 dans Commission européenne, 2000i). De même, des souris mâles et femelles ayant reçu des doses de 23 à 520 mg/kg p.c. par jour n'ont pas développé de tumeurs (Russfield et al., 1975; Weisburger et al., 1978; Sontag, 1981; Amo et al., 1988). De surcroît, les souris ayant reçu une formulation à 1,5 % une fois par semaine pendant 21 mois ou une formulation à 0,17 % une fois par semaine pendant 18 mois n'ont pas développé de tumeurs associées au traitement (Burnett et al., 1975, 1980). De la même façon, les lapins traités avec une formulation à 1,5 % deux fois par semaine pendant 13 semaines n'ont montré aucun signe de toxicité (Burnett et al., 1976).

Inversement, quelques chercheurs ont signalé une réponse tumorigène importante après l'exposition. Des souris femelles auxquelles on a administré par voie orale des doses de 16 ou 54 mg/kg p.c. par jour dans l'eau potable ont développé des adénomes pituitaires antérieurs (Nozaki, 1991 dans Commission européenne, 2000i). Parmi les cinq rats Wistar King ayant reçu des doses de 4,5 ou de 9 mg/kg p.c. par jour par injection sous-cutanée pendant 11 mois et des doses de 6 ou de 12 mg/kg p.c. par jour par injection sous-cutanée pendant 5 à 11 mois, un animal a développé des fibrosarcomes aux sites d'injection (Saruta et al., 1962). Par ailleurs, des rats mâles et femelles auxquels on a administré des doses de 1,2 ou de 3,6 mg/kg p.c. par jour par injection sous-cutanée pendant deux ans ont développé des tumeurs aux sites d'injection (cité dans Commission européenne, 2000i : Habs, 1980; Steinhoff et Dycka, 1981).

L'Union européenne a désigné la benzène-1,3-diamine comme un mutagène de catégorie 2 avec la phrase de risque H341, « susceptible d'induire des anomalies génétiques » (UE, 2008).. Le CIRC (1978) a signalé une mutagénicité positive de la souche TA1538 de Salmonella (déphasage de -1) en présence de fractions microsomales d'activation. De même, l'état des essais du NTP en février 2014 (NTP, 2014a) indique également que cette substance est mutagène dans les souches de Salmonella (étude 188858 portant sur les souches TA97, TA98, TA100, TA1535). De plus récentes études in vitroont aussi généralement appuyé le potentiel de toxicité génétique de la benzène-1,3-diamine. Shimizu et Takemura (1984) ont signalé des mutations dans les cultures Wp2 uvr A et WP2 uvr A/pKM d'E. coli exposées à la benzène-1,3-diamine avec des facteurs d'activation. On a également observé des dommages à l'ADN dans les lymphocytes humains traités, mais pas dans les cellules hybridomes humain-humain (Maeda et al., 1990; Plewa et al., 1995). Des aberrations chromosomiques ont été observées dans des cellules KI d'ovaire de hamster chinois traitées (sans activation), des cellules WBL d'ovaire de hamster chinois (avec activation) et des cellules CL-11 de poumon de hamster chinois (avec et sans activation) [Lee et Lee, 1986; Sofuni et al., 1990]. Toutefois, aucun dommage génétique (pas d'induction de synthèse d'ADN non programmée) n'a été signalé dans les hépatocytes primaires de rat provenant de rats Fischer F344 ou ACI (Probst et al., 1981; Williams et al., 1982).

En revanche, les preuves disponibles n'appuient pas la génotoxicité in vivo de la benzène-1,3-diamine. Le CIRC (1978) a indiqué que la benzène-1,3-diamine n'était pas capable de provoquer des mutations (létales dominantes) chez des rats Charles River. De manière générale, les études plus récentes in vivo ne fournissent pas de données à l'appui du potentiel génotoxique de cette substance (Commission européenne, 2000i).

Autres effets sur la santé

L'exposition par voie orale à la benzène-1,3-diamine peut avoir des effets néfastes pour la reproduction, tandis que des effets sur le développement n'ont pas été démontrés après une exposition par voie cutanée. Chez les rats femelles ayant reçu des doses de 0, de 10, de 30 ou de 90 mg/kg p.c. par jour par gavage oral pendant les jours de gestation 6 à 15, on a constaté une diminution du gain de poids corporel et de la consommation alimentaire aux doses de 30 et de 90 mg/kg p.c. par jour. À la dose élevée, on a signalé une augmentation des résorptions totales, une diminution du nombre de portées avec des fœtus vivants, une diminution du nombre de fœtus vivants, une diminution du nombre de fœtus par portée, une augmentation du nombre de fœtus morts, une diminution du poids des fœtus, et des malformations fœtales. La létalité fœtale a été attribuée à une diminution de la disponibilité d'éléments nutritifs pour les fœtus, en raison d'une diminution de l'absorption des aliments (document d'appui technique de TRDB/USEPA, cité dans Commission européenne, 2000i). Picciano et al. (1983) ont également fait état d'une diminution du gain de poids corporel de la mère chez les rats après une exposition par voie orale à la benzène-1,3-diamine.

Burnett et Goldenthal (1988, cité dans Commission européenne, 2000i) ont administré une formulation de colorant capillaire contenant 1,5 % de benzène-1,3-diamine à des rats Sprague-Dawley mâles et femelles par voie cutanée à une dose de 0,5 mL par animal, deux fois par semaine pendant 6 semaines (soit environ 6,1 mg/kg p.c. par jour). L'administration était continue au cours des trois générations d'accouplement. Aucun effet n'a été constaté sur les indices de fertilité, de gestation, de survie et de naissance vivante (nombre moyen de petits sevrés, poids moyen au sevrage des portées) dans toutes les générations, mais une dermatite bénigne a été signalée.

Des rapports de cas chez les humains indiquent des effets aigus qui sont cohérents avec ceux observés chez les souris, les rats, les lapins et les chats exposés par voie orale : œdème, symptômes gastro-intestinaux, dysfonctionnement pulmonaire, effets cardiovasculaires et rénaux, et pigmentation des organes (Nott, 1924; Bowen, 1963; Owens et Medsger, 1988). Néanmoins, l'administration chronique de benzène-1,3-diamine par voie orale chez les animaux a, en grande partie, des répercussions sur les fonctions hépatiques et rénales. La pigmentation des poumons, du foie et de la thyroïde a également été signalée (Nozaki, 1991 dans Commission européenne, 2000i).

Les rats et les souris auxquels la substance a été administrée de façon chronique par voie orale ont présenté de manière incohérente une pigmentation des organes, une réduction du gain de poids corporel, des effets rénaux (y compris une augmentation de l'urée et des taux de créatinine), ainsi qu'un dysfonctionnement hépatique (réduction de l'albumine plasmatique et de la consommation alimentaire) [Russfield et al., 1975; Weisburger et al., 1978; Amo et al., 1988; Nozaki, 1991 dans Commission européenne, 2000i; Commission européenne, 2000i]. Les études qui utilisaient l'eau potable comme moyen d'exposition ont généralement démontré des effets nocifs à des doses plus faibles que celles qui administraient de la benzène-1,3-diamine dans l'alimentation. Cela peut peut-être s'expliquer par une réduction de la biodisponibilité résultant de l'administration de benzène-1,3-diamine dans une matrice organique, y compris dans les produits alimentaires. Nozaki (1991, cité dans Commission européenne, 2000i) a signalé une diminution du gain de poids corporel, une augmentation de l'urée plasmatique, de la créatinine et du potassium, une réduction de l'albumine plasmatique, des maladies rénales chroniques et une dégénérescence éosinophile de l'épithélium nasal des rats Fischer 344 femelles ayant reçu des doses de 40 mg/kg p.c. par jour dans l'eau potable pendant 104 jours. Les mêmes chercheurs ont démontré une formation d'adénomes pituitaires antérieurs chez les souris BDF1 femelles exposées à des doses de 6 ou de 54 mg/kg p.c. par jour dans l'eau potable pendant 101 jours. Cependant, les rats Sprague-Dawley mâles ayant reçu des doses de 1 000 ou 2 000 ppm (ce qui équivaut à 75 et 150 mg/kg p.c. par jour) dans leur alimentation pendant 18 mois ne présentaient pas de hausse de la mortalité, de réduction du gain de poids corporel ni d'augmentation de l'incidence des tumeurs (cité dans Commission européenne, 2000i : Russfield et al., 1975; Weisburger et al., 1978).

La plupart des études sur le métabolisme de la benzène-1,3-diamine portaient sur l'application par voie cutanée, considérée comme la voie d'exposition la plus pertinente chez les humains (exposition aux préparations de colorants capillaires). Chez les chiens, on a estimé que la fraction de la dose totale appliquée absorbée par voie cutanée était faible (4 %), et ce, en fonction de la quantification des produits de réaction colorés au moyen de méthodes spectroscopiques (Kiese et al., 1968 dans Commission européenne, 2000i). Néanmoins, Lam et Bisgaard (1989) ont démontré que la benzène-1,3-diamine radiomarquée au 14C (environ 556 µmol) et appliquée sur la peau de rats se propageait dans les tissus du foie et des reins, et qu'environ 90,2 µmol (16 %) de la dose totale appliquée avait été récupérée dans l'urine et les fèces.

Conformément aux conclusions de l'étude de Lam et Bisgaard (1989), des applications répétées par voie cutanée à court terme chez la souris ont donné lieu à des lésions hépatiques et rénales. On a traité par voie cutanée 10 souris C57Bl6 et C3Hf/He (5 mâles et 5 femelles) avec des doses de 0 mg, de 1,1 mg (environ 41 mg/kg p.c. par jour) ou de 5,7 mg par animal (environ 204 mg/kg p.c. par jour), 5 jours par semaine pendant 2 semaines. Bien qu'aucun effet nocif n'ait été signalé avec la faible dose, la dose élevée a provoqué le décès de certains animaux après 2 à 3 applications. Les animaux traités avec la dose élevée ont également présenté une déshydratation, une néphrose tubulaire, un gonflement du foie et une dégénérescence graisseuse (Holland et al., 1978 dans Commission européenne, 2000i).

Toutefois, l'administration chronique par voie cutanée (dans le but d'estimer les concentrations de benzène-1,3-diamine dans les formulations de colorant capillaire) n'a montré aucun effet nocif (cité dans Commission européenne, 2000i : Burnett et al., 1975, 1976, 1980, 1988; Weisburger et al., 1978; Holland et al., 1979).

Les cas de sensibilisation provoquée par la benzène-1,3-diamine signalés chez des cobayes sont équivoques. Seules quatre études sur six ont mis en évidence un effet positif de sensibilisation à des concentrations de benzène-1,3-diamine allant jusqu'à 2 % (cité dans Commission européenne, 2000i : Nitti et al., 1937; Dossou et al., 1985; Ishihara et al., 1985; Kurlyandskki et al., 1987; Shigematsu et al., 1988; Kalish et Wood, 1995), et quelques tests épicutanés sur les humains ont démontré une sensibilisation après un traitement par voie cutanée (cité dans Commission européenne, 2000i : Mayer, 1930; Ishihara et al., 1985; Matsunuga, 1989).

Caractérisation des risques

L'exposition de la population générale du Canada à la benzène-1,3-diamine se produit principalement par l'utilisation d'ustensiles de cuisson et par contact cutané avec des colorants capillaires permanents sans vaporisateur et lavables contenant jusqu'à 1 % de cette substance. Les estimations des degrés d'exposition sont résumées dans le tableau 7-19. On a estimé à 0,25 mg/kg p.c. la limite supérieure de l'exposition cutanée aiguë résultant de l'application de colorants capillaires. Les expositions quotidiennes potentielles par voie orale découlant de l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide ont été estimées, de façon prudente, entre 4 × 10−7 et 1,4 × 10−6 mg/kg p.c. par jour.

Les concentrations associées à un effet critique assurant une protection contre la toxicité cutanée aiguë et intermittente due à l'exposition à la benzène-1,3-diamine dans les colorants capillaires sont une DSENO de 41 mg/kg p.c. par jour et une DMENO de 204 mg/kg p.c. par jour. Ces doses ont été établies d'après un taux négligeable de mortalité et de toxicité rénale et hépatique chez des souris traitées par voie cutanée, 5 jours par semaine pendant 2 semaines. Comme aucune étude impliquant des voies d'exposition mieux adaptées aux scénarios relatifs aux colorants capillaires n'a été recensée dans la littérature scientifique disponible, on a choisi une étude à court terme avec des doses répétées comme substitut prudent aux fins de comparaison. La concentration associée à un effet critique assurant une protection contre la toxicité orale chronique de la benzène-1,3-diamine due aux transferts depuis les ustensiles de cuisson en polyamide est la DSENO la plus élevée disponible de 150 mg/kg p.c. par jour, d'après deux études sur les rats dans lesquelles les animaux ont reçu des doses de 0, de 1 000 ou de 2 000 mg/kg p.c. par jour (environ 75 et 150 mg/kg p.c. par jour) dans leur alimentation. Aux deux niveaux de doses, les animaux traités ne présentaient pas d'augmentation de la mortalité, de réduction du gain de poids corporel ni d'augmentation de l'incidence des tumeurs.

En comparant l'estimation de la limite supérieure de l'exposition aiguë par voie cutanée à la benzène-1,3-diamine à partir de colorants capillaires (0,25 mg/kg p.c. par jour) avec les concentrations quotidiennes par voie cutanée à court terme associées à un effet critique (DSENO de 41 mg/kg p.c. par jour et DMENO de 204 mg/kg p.c. par jour), on obtient une fourchette de marges d'exposition allant de 164 à 816. Compte tenu du degré considérable de prudence associé à la comparaison de l'exposition aiguë intermittente à partir de l'application de colorant capillaire avec une concentration associée à un effet critique fondée sur des expositions répétées, ces marges d'exposition sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant l'exposition et les effets sur la santé. La probabilité d'une accumulation et d'une toxicité résultant d'expositions à des doses répétées à court terme devrait être faible, car on pense que l'élimination de la substance est rapide. Une étude sur le rat a démontré une élimination complète de la benzène-1,3-diamine dans les 7 jours suivant l'administration (Lam et Bisgaard, 1989). La comparaison des estimations de l'exposition quotidienne par voie orale à la benzène-1,3-diamine par l'utilisation d'ustensiles de cuisson avec la concentration chronique par voie orale associée à un effet critique (DSENO de 150 mg/kg p.c. par jour) permet d'obtenir des marges d'exposition allant de 1,1 × 108 à 3,8 × 108(tableau 7-19), qui sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant l'exposition et les effets sur la santé.

Tableau 7-21. Marges d'exposition pour l'exposition aiguë et quotidienne à la benzène-1,3-diamine
Durée et voie d'expositionProduitsEstimation de l'expositionConcentrations associées à un effet critique (mg/kg p.c. par jour)ME
Aiguë par voie cutanéeColorant capillaire – sans vaporisateur/lavable; permanent0,25 mg/kg p.c. par événementDSENO par voie cutanée = 41
DMENO par voie cutanée = 204
(lésions hépatiques et rénales)
164 à 816
Quotidienne par voie oraleUstensiles de cuisson en polyamide4 × 10−7 à 1,4 × 10−6 mg/kg p.c. par jourDSENO par voie orale = 150
(réduction du gain de poids corporel/tumeurs)
1,1 × 108 à
3,8 × 108

7.3.9  Amine Red Lake C

Évaluation de l'exposition

Selon l'utilisation de l'amine Red Lake C au Canada (non précisée ici pour des raisons de confidentialité; Canada, 2011; Environnement Canada, 2012), cette activité ne devrait entraîner que très peu de rejets de cette amine aromatique dans l'environnement. Par conséquent, l'exposition de la population générale du Canada à l'amine Red Lake C dans les milieux naturels ne  devrait pas se produire.

L'amine Red Lake C est un produit de décomposition prévu de trois pigments monoazoïques (par l'intermédiaire du clivage réducteur de la liaison azoïque) faisant partie du groupe des substances azoïques aromatiques et à base de benzidine (Environnement Canada et Santé Canada, 2013c). Les trois pigments monoazoïques sont le Pigment Red 53:1 (n° CAS 5160-02-1), le Pigment Red 52:1 (n° CAS 17852-99-2) et le Pigment Red 52:2 (n° CAS 12238-31-2). Les expositions orales et cutanées à l'amine Red Lake C ont été estimées en supposant que l'exposition peut se produire à la suite d'un clivage réducteur de la liaison azoïque dans le pigment d'origine par certaines bactéries dans la peau ou l'intestin (voir les tableaux 7-20 et 7-21). Par conséquent, on a estimé l'exposition à l'amine Red Lake C en fonction de l'exposition aux pigments d'origine (voir l'annexe K pour obtenir les détails des estimations).

Tableau 7-22. Résumé des estimations de la limite supérieure de l'exposition par voie orale à l'amine Red Lake C découlant de l'utilisation de Pigment Red 53:1 dans les produits cosmétiques pour le maquillage du visage et des lèvres
ScénarioGroupe d'âgeConcentration du pigment
(% p/p)
Exposition estimée par événement
(mg/kg p.c.)
Exposition quotidienne estimée
(mg/kg p.c. par jour)
Maquillage pour le visageTout-petitsinférieur(e) ou égal(e) à  15inférieur(e) ou égal(e) à  0,51s. o.
Baume pour les lèvresTout-petitsinférieur(e) ou égal(e) à 0,3inférieur(e) ou égal(e) à  4,83 × 10−4inférieur(e) ou égal(e) à  2,83 × 10−4
Rouge à lèvresAdultesinférieur(e) ou égal(e) à 0,3inférieur(e) ou égal(e) à  1,06 × 10−4inférieur(e) ou égal(e) à  2,53 × 10−4
Tableau  7-23. Résumé des estimations de la limite supérieure de l'exposition par voie cutanée à l'amine Red Lake C découlant de l'utilisation de Pigment Red 53:1 dans le maquillage pour le visage, les colorants capillaires et le fard à cils
ScénarioConcentration du pigment ( % p/p)Exposition estimée par événement (mg/kg p.c.)Exposition quotidienne estimée
(mg/kg p.c. par jour)
Maquillage pour le visageinférieur(e) ou égal(e) à  15inférieur(e) ou égal(e) à  3,37 × 10−2s. o.
Colorant capillaire (semi-permanent)0,3 à 13,69 × 10−2 à 1,23 × 10−15,28 × 10−3 à 1,76 × 10−2Note de bas de page 7-23 [a]
Fard à cilsinférieur(e) ou égal(e) à  0,1inférieur(e) ou égal(e) à  1,05 × 10−4inférieur(e) ou égal(e) à  6,98 × 10−5
Note de bas de page 7-23 a

 Exposition estimée en fonction de l'amortissement sur un an, selon une fréquence d'utilisation d'une fois par semaine.

Retour à la note de page 7-23 a

L'exposition systémique à l'amine Red Lake C par inhalation, en raison de la présence de Pigment Red 53:1, de Pigment Red 52:1 et de Pigment Red 52:2 dans les produits de peinture (p. ex. la peinture murale), devrait être inférieure aux estimations de l'exposition attribuable au maquillage pour le visage et à certains produits cosmétiques, indiquées dans les tableaux 7-20 et 7-21.

Évaluation des effets sur la santé

Les données sur la toxicité de l'amine Red Lake C ont été obtenues à partir du résumé en anglais des données de la base de données des produits chimiques existants du Japon (JECDB, non daté-b), de résumés d'études non publiées tirées d'un dossier de la base de données IUCLID (Commission européenne, ©2000f) et d'autres références publiées. Le raisonnement justifiant le choix des concentrations associées à un effet critique pour le calcul des marges d'exposition est expliqué ci-dessous.

Aucune étude de toxicité chronique ou de cancérogénicité n'a été relevée pour cette substance. Les résultats étaient négatifs pour l'amine Red Lake C dans tous les essais de mutagénicité inverse disponibles sur des souches de Salmonella et d'E coli, avec ou sans fraction S9 dérivée du foie des rats (JECDB, non daté-b; Shimizu et al., 1985; ETAD, 1986; Commission européenne, ©2000f), ainsi que dans les essais de synthèse d'ADN non programmée dans des hépatocytes primaires de rats (ETAD, 1988; Williams et al., 1989). On a obtenu des résultats positifs avec cette substance pour l'induction d'aberrations chromosomiques, mais pas pour la polyploïdie dans des cellules pulmonaires de hamster chinois (JECDB, non daté-b; Kusakabe et al., 2002). Un pH faible issu de la dissociation du groupement de l'acide sulfonique peut avoir provoqué la réponse cytogénétique, comme cela a également été observé au cours de la même étude pour une amine aromatique sulfonée étroitement liée, l'acide 4B. Dans le cas de l'acide 4B, une réponse négative pour les aberrations chromosomiques a été observée après que le milieu de culture a été tamponné à un pH neutre (Kusakabe et al., 2002). Cela a poussé les auteurs à conclure que le faible pH était probablement la cause de la clastogénicité observée, selon un effet commun qui avait été précédemment constaté (Morita et al., 1992). Même si aucun test répété sur l'amine Red Lake C n'a été effectué à un pH neutre, les auteurs de l'étude ont jugé que l'effet clastogène apparent observé n'était pas concluant (JECDB, non daté-b; Kusakabe et al., 2002). Dans une étude sur la toxicité d'autres amines aromatiques sulfonées, notamment des anilines sulfonées spécialement o-substituées, comme l'amine Red Lake C, la tendance générale indiquait une génotoxicité négative de ces substances (Jung et al., 1992). Dans l'ensemble, le poids de la preuve vient étayer la conclusion selon laquelle les données probantes concernant la toxicité génétique de l'amine Red Lake C sont limitées.

L'amine Red Lake C présentait une faible toxicité aiguë par voie orale, avec des DL50 allant de 2 000 à 5 000 mg/kg p.c. chez le rat (JECDB, non daté-b; Commission européenne, ©2000f) et une DL50 supérieure à 2 000 mg/kg p.c. chez le chat (Commission européenne, ©2000f). La base de données des produits chimiques existants du Japon (JECDB, non daté-b) et Sakuratani et al. (2008) ont fait état d'une étude de 28 jours avec des doses répétées menée sur des rats [Crj:CD (SD), cinq de chaque sexe par dose] auxquels on a administré par voie orale des doses de 0, 100, 300 ou 1 000 mg/kg p.c. par jour. Dans le résumé en anglais de cette étude, aucun changement lié à l'exposition n'a été signalé pour le poids corporel, la consommation alimentaire, les paramètres sanguins ou hématologiques, le poids des organes, ou les anomalies macroscopiques ou microscopiques. Dans cette étude, on a considéré que la DSENO était de 1 000 mg/kg p.c. par jour, soit la dose testée la plus élevée. La faible toxicité de l'amine Red Lake C est cohérente avec les résultats obtenus pour l'acide 4B, qui a également affiché une toxicité limitée dans les études à court terme (JECDB, non daté-b; Sakuratani et al., 2008). Cette hypothèse est étayée par la faible toxicité globalement observée pour les amines aromatiques sulfonées en général (Jung et al., 1992).

Caractérisation des risques

Puisque la toxicité aiguë de l'amine Red Lake C est faible (valeurs de la DL50 orale supérieures ou égales à 2 000 mg/kg p.c.), le risque lié à l'exposition aiguë ne devrait pas être préoccupant (aucune quantification présentée). Pour ce qui est des expositions répétées, la concentration associée à un effet critique est établie à 1 000 mg/kg p.c. par jour, c'est-à-dire la DSENO de l'étude de courte durée menée sur des rats (JECDB, non daté-b). En comparant les valeurs estimatives de la limite supérieure de l'exposition à l'amine Red Lake C par voie orale et par voie cutanée à partir de baume pour les lèvres et de colorant capillaire semi-permanent, respectivement, avec la concentration associée à un effet critique de 1 000 mg/kg p.c. par jour tirée de l'étude de 28 jours par gavage sur des rats, on obtient des marges d'exposition de plus de 57 000 (tableau 7-22). Ces marges d'exposition sont considérées comme adéquates pour rendre compte des incertitudes relevées dans les bases de données concernant les effets sur la santé et l'exposition.

Tableau 7-24. Marges d'exposition pour l'exposition quotidienne à l'amine Red Lake C
Voies d'expositionProduits cosmétiquesLimite supérieure de l'exposition quotidienne
(mg/kg p.c. par jour)
Concentration associée à un effet critique (mg/kg p.c. par jour)ME
OraleBaume pour les lèvres (tout-petit)2,83 × 10−4DSENO = 1 000supérieur(e) à  3,5 × 10 6
CutanéeColorant capillaire
(semi-permanent)
1,76 × 10−2Note de bas de page 7-24 [a]DSENO = 1 00057 000
Note de bas de page 7-24 a

 Exposition estimée en fonction de l'amortissement sur un an, selon une fréquence d'utilisation d'une fois par semaine.

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7.3.10  Les sept amines aromatiques restantes

D'après la réponse aux récentes enquêtes en vertu de l'article 71 de la LCPE (1999), ainsi que d'autres sources d'information décrites ci-dessous, la population générale du Canada ne devrait pas être exposée aux sept amines aromatiques suivantes : 2,4-diaminoanisole, p-toluidine, chlorhydrate de p-toluidine, p-phénétidine, 2-chloroaniline, 4-nitroaniline, et dichlorhydrate de m-phénylènediamine.

Puisque la population générale du Canada ne devrait pas être exposée à ces sept substances, seules de brèves descriptions de leurs effets sur la santé sont présentées ci-dessous, à l'exception du dichlorhydrate de m-phénylènediamine, qui est considéré comme l'équivalent toxicologique de la benzène-1,3-diamine (décrite plus haut).

2,4-diaminoanisole

Le potentiel cancérogène du 2,4-diaminoanisole (sous forme de sulfate) a été testé lors d'une expérience sur des souris B6C3F1 et de deux expériences sur des rats F344. La substance a provoqué des adénomes ou des carcinomes de la glande thyroïde chez les souris et les rats des deux sexes, après une période de 78 à 82 semaines d'administration par voie alimentaire. Chez le rat, des tumeurs de la peau et des glandes préputiales, clitoridiennes et de Zymbal ont également été observées. D'autres études disponibles indiquaient que le 2,4-diaminoanisole provoquait des tumeurs lorsqu'il était administré avec d'autres agents. Dans les cellules mammaliennes in vitro, le 2,4-diaminoanisole a entraîné des mutations, des dommages à l'ADN et des aberrations chromosomiques. Les tests d'Ames pour la mutagénicité dans les bactéries étaient généralement négatifs sans activation métabolique, mais positifs avec activation dans les souches détectant le déphasage. In vivo, les résultats étaient négatifs pour le 2,4-diaminoanisole dans les essais relatifs aux mutations létales dominantes chez le rat et aux micronoyaux dans la moelle osseuse des rats et des souris. Toutefois, il a provoqué des échanges de chromatides sœurs dans la moelle osseuse chez la souris et des dommages à l'ADN dans plusieurs organes, notamment la thyroïde, chez les rats et les souris (CIRC, 2001; Pomorski et al., 2002; Mattioli et al., 2005).

p-toluidine et chlorhydrate de p-toluidine

Dans cette évaluation, la p-toluidine et son sel de chlorhydrate sont considérés comme étant équivalents sur le plan toxicologique.

Une étude recensée a analysé le lait maternel de 31 mères allaitantes au Canada, y compris les 7 fumeuses et 24 non-fumeuses afin d'y détecter de la p-toluidine (limite de détection non établie; DeBruin et al., 1999). Dans cette étude, la p-toluidine n'a été détectée dans aucun des échantillons testés. Compte tenu de ce résultat, la population générale du Canada ne devrait globalement pas être exposée à la p-toluidine ni au chlorhydrate de p-toluidine.

En 2012, la Commission européenne (cancérogène de catégorie 2 (ESIS, 1995-2012) a classé la p-toluidine comme étant potentiellement cancérogène. À cette période, l'Environmental Protection Agency des États-Unis a également conclu que l'information disponible constituait des « indices sérieux de cancérogénicité possible » (USEPA, 2012b). Cependant, l'évaluation européenne du Comité Scientifique en matière de limites d'exposition professionnelle (CSLEP, 2013) a conclu que d'autres études expérimentales in vivo sur la génotoxicité et la cancérogénicité étaient nécessaires, tout en proposant que le pouvoir cancérogène attribué à la p-toluidine serait probablement inférieur à celui de son isomère, l'o-toluidine. 

La toxicité génétique de la p-toluidine a été évaluée dans le cadre de divers systèmes expérimentaux in vitro et in vivo (OCDE, 2005a). La p-toluidine ne produit pas de mutations ponctuelles dans la majorité des tests d'Ames. Un résultat positif a été obtenu au cours d'un essai de synthèse d'ADN non programmée effectué sur des cultures primaires d'hépatocytes de rat. En présence d'une activation métabolique, la p-toluidine s'est révélée clastogène, en augmentant les aberrations chromosomiques in vitro dans les cultures de cellules pulmonaires de hamster chinois. In vivo, une seule injection intrapéritonéale de p-toluidine a entraîné une augmentation de l'incidence des ruptures de l'ADN simple brin dans les poumons et le foie des souris. Pourtant, l'applicabilité de ces résultats est discutable , car la dose administrée représente les deux tiers de la dose létale médiane, et il est difficile de savoir si la réponse observée est le résultat de la cytotoxicité ou d'une action précise sur le matériel génétique. Même si des résultats négatifs ont été obtenus au test du micronoyau chez des souris ayant reçu de la p-toluidine par injection intrapéritonéale, une toxicité et une mortalité importantes ont été observées (OCDE, 2005a).

p-phénétidine

D'après les réponses à une enquête en vertu de l'article 71, on a pu déterminer que la p-phénétidine était présente dans le secteur des aliments et des boissons (Environnement Canada, 2008). Toutefois, elle n'est pas présente sur la Liste des additifs alimentaires autorisés incorporée par renvoi de l'autorisation de mise en marché associée, émise en vertu de la Loi sur les aliments et drogues(Santé Canada, 2013b) et n'est donc pas autorisée comme additif direct dans les aliments vendus au Canada. Toutefois, la monographie de l'éthoxyquine énoncée dans le Food Chemicals Codex des États-Unis (Institute of Medicine [États-Unis], 2003) établit une limite maximale de 3 % pour la p-phénétidine en tant qu'impureté organique dans l'éthoxyquine. L'éthoxyquine figure sur la Liste des additifs alimentaires autorisés ayant d'autres utilisations généralement acceptées comme additif alimentaire autorisé dans le paprika et le piment rouge moulu pour favoriser la conservation de la couleur à une concentration maximale de 100 ppm (Santé Canada, 2013b). Par conséquent, la p-phénétidine pourrait être présente sous forme d'impureté organique dans le paprika et le piment rouge moulu à une concentration de 3 ppm (communication personnelle, courriel de la Direction des aliments [Santé Canada] au Bureau de gestion du risque [Santé Canada], daté de 2013; source non citée). Puisque la p-phénétidine ne devrait être présente que sous forme d'impureté dans les épices, la population générale du Canada ne devrait pas être exposée à cette substance.

Dans le groupe des substances azoïques aromatiques et à base de benzidine (qui comprend 295 colorants et 40 pigments), deux colorants, le Solvent Red 3 (n° CAS 6535-42-8) et le Direct Yellow 12 (n° CAS 2870-32-8), rejettent de la p-phénétidine lors du clivage du lien azoïque. Cependant, le potentiel de clivage reste incertain. Comme l'exposition estimée au Solvent Red 3 est faible dans le cadre de son utilisation dans les produits cosmétiques (Santé Canada, 2013c), toute exposition hypothétique à la p-phénétidine à partir du Solvent Red 3 devrait également être faible. L'exposition de la population générale au Direct Yellow 12 utilisé comme colorant dans les articles en textile et en cuir a déjà été estimée (Santé Canada, 2014b). En raison de la prudence appliquée aux scénarios d'exposition, toute exposition systémique à la p-phénétidine à partir du colorant Direct Yellow 12 présent dans les textiles et le cuir devrait être faible.

Même si, in vitro, les résultats des tests d'Ames étaient négatifs dans les souches TA98 et TA100 de Salmonella sans activation, certaines études ont produit des résultats positifs en présence d'une activation métabolique. Toutes les autres souches bactériennes testées ont donné des résultats négatifs (Thompson et al., 1983; Nohmi et al., 1985; Ogawa et al., 1987; Zeiger et al., 1988; JECDB, non daté-c). La p-phénétidine a inhibé la synthèse d'ADN dans les cellules pulmonaires de hamster chinois sans activation (Holme et al., 1988), mais les résultats étaient négatifs pour la synthèse d'ADN non programmée dans les hépatocytes (Thompson et al., 1983; Yoshimi et al., 1988). Cette substance a provoqué des ruptures de brins d'ADN dans des fibroblastes de peau humaine, avec activation (Andersson et al., 1982; Nordenskjöld et Moldéus, 1983). Elle n'a cependant pas transformé les cellules embryonnaires de souris (Patierno et al., 1989). On a également signalé que la p-phénétidine entraîne des mutations et des aberrations chromosomiques dans les cellules pulmonaires de hamster chinois, ainsi que la formation de micronoyaux chez la souris. Toutefois, les renseignements disponibles sur ces études non publiées sont limitées (JECDB, non daté-c; Hoescht, 1989; Bayer, 1991).

Après une exposition à des doses répétées chez les rats, les effets étaient notamment les suivants : augmentation du poids de la rate, hémosidérose, augmentation de l'hématopoïèse extramédullaire, congestion de la rate et hyperplasie myéloïde de la moelle osseuse, diminution des érythrocytes, de l'hémoglobine et des hématocrites, augmentation des réticulocytes dans le sérum et corps de Heinz (Schnitzer et Smith, 1966; Sato et al., 1991; Pauluhn et Mohr, 2001).

En raison de la prudence appliquée aux scénarios d'exposition, toute exposition systémique à la p-phénétidine découlant du colorant Direct Yellow 12 présent dans les textiles et le cuir devrait être faible; ainsi, bien qu'il y ait des données limitées liées aux effets sur la santé, le risque potentiel est faible.

2-chloroaniline

Une recherche documentaire approfondie a été menée afin d'évaluer la prévalence de la 2-chloroaniline dans l'environnement canadien. Aucune donnée provenant de milieux canadiens n'a été recensée au cours de cette recherche.

Les renseignements pertinents sur les concentrations de 2-chloroaniline mesurées dans l'environnement à l'étranger comprenaient quatre études publiées dans la littérature scientifique. Une étude menée par Young et al. (2011) a examiné des échantillons d'eau prélevés dans l'environnement dans l'Hudson River et l'East River à New York (États-Unis) pour détecter des concentrations infimes de chloroanilines. Au cours de l'étude, on n'a pas décelé de 2-chloroaniline dans les échantillons provenant de ces deux emplacements. La limite de détection pour la 2-chloroaniline était 2,4 µg/L.

Dans une étude menée en 2006, Akyüz et Ata ont examiné la présence de 2-chloroaniline dans de l'eau de rivière prélevée à Zonguldak (Turquie). L'étude a permis de constater que les concentrations moyennes saisonnières de 2-chloroaniline variaient de 95,88 à 192,95 ng/L. Au cours d'une étude réalisée en 1981, Wegman et De Korte ont examiné les concentrations de 2-chloroaniline dans le Rhin à Lobith (Pays-Bas). Des concentrations de 2-chloroaniline allant jusqu'à 3,9 μg/L ont été mesurées, avec une concentration moyenne de 0,54 μg/L. Des mesures comparables ont été effectuées dans les affluents du Rhin, où des concentrations de 2-chloroaniline allant jusqu'à 1,3 μg/L ont été mesurées, avec une moyenne de 0,54 μg/L. Enfin, les concentrations de 2-chloroaniline ont été mesurées dans la Meuse, où des niveaux plus faibles ont été relevés, avec une concentration maximale de 0,86 µg/L et une concentration moyenne de 0,15 µg/L. Aux fins d'un article publié en 1988, Sholz et Palauschek ont mesuré les concentrations de 2-chloroaniline dans des eaux usées et de surface combinées qui avaient été échantillonnées en Allemagne. Des concentrations de 2-chloroaniline ont été détectées dans 15 échantillons sur 19, allant de 1,1 à 450 µg/L.

Lorsqu'elles sont présentes dans le sol, les chloroanilines se lient rapidement à des composants humiques du sol. Les chloroanilines libres subissent un processus de biodégradation microbienne, et les résidus de chloroaniline liés sont désorbés et suivent le même processus de biodégradation microbienne à un rythme plus lent, jusqu'à une minéralisation presque totale dans des conditions optimales (Brunsbach et Reineke, 1993). Par conséquent, la population générale du Canada ne devrait pas être exposée à la 2-chloroaniline.

Le résumé des effets sur la santé de la 2-chloroaniline s'appuie principalement sur des sources secondaires, notamment une évaluation par la MAK Commission en Allemagne (DFG, 1992b), un dossier élaboré par l'industrie se trouvant dans la base de données IUCLID (Commission européenne, ©2000h), des renseignements cités dans le cadre d'une étude du National Toxicology Program des États-Unis (NTP, 1998; Heijtmancik et al., 2002), et la littérature scientifique publiée. Un résumé des renseignements disponibles est fourni ci-dessous.

Aucune classification en matière de cancérogénicité, de génotoxicité ou de toxicité pour la reproduction et le développement n'a été recensée pour la 2-chloroaniline. La toxicité aiguë de la 2-chloroaniline se caractérise par la cyanose, la léthargie, l'ataxie et la mortalité à des doses plus élevées. Ces effets sont similaires à ceux d'autres dérivés d'aniline, y compris les chloroanilines, et sont dus à la toxicité des érythrocytes primaires, comme l'oxydation de l'hémoglobine (méthémoglobine), les adduits de l'hémoglobine, l'augmentation du renouvellement des érythrocytes (hémolyse), les dommages à la rate et la régénération compensatoire des érythrocytes. Des valeurs de DL50 relative à la toxicité aiguë ont été déterminées concernant l'exposition par voie orale (souris = 256 mg/kg p.c.; rat = 1 015 mg/kg p.c.), par voie cutanée (rat = 1 000 mg/kg p.c.; chat = 222 mg/kg p.c.) et par inhalation (rat = de 4 100 à 6 000 mg/m3). Les concentrations de méthémoglobine augmentent rapidement après une exposition aiguë, pour atteindre jusqu'à 62 % de méthémoglobine mesurée chez les chats deux heures après l'exposition par voie orale à une dose de 32 mg/kg p.c. L'hématotoxicité aiguë de la 2-chloroaniline est considérée comme étant relativement plus faible que celle des isomères 3-chloroaniline ou 4-chloroaniline.

Aucune étude fiable sur la toxicité chronique n'a été recensée. Cependant, plusieurs études de toxicité subchronique et à court terme portaient sur la 2-chloroaniline, même si bon nombre d'entre elles étaient des études non publiées et citées dans le dossier de l'industrie de la base de données IUCLID (Commission européenne, ©2000h). La majorité des études ont systématiquement démontré des effets hématotoxiques et connexes. La principale étude de toxicité subchronique a été menée par le National Toxicology Program des États-Unis. Il s'agissait d'une étude de 13 semaines par gavage oral sur des rats et des souris (NTP, 1998). Dans l'ensemble, les résultats (hémosidérine dans la rate, augmentation du poids de la rate, signes d'hémolyse, etc.) étaient semblables à ceux obtenus pour d'autres isomères de la chloroaniline (3-chloroaniline, 4-chloroaniline), mais la 2-chloroaniline présentait un potentiel de toxicité plus faible. Chez les rats et les souris, des augmentations de la méthémoglobine ont été observées à des concentrations aussi faibles que 10 à 20 mg/kg p.c. par jour. Néanmoins, la majorité des changements (augmentation du poids de la rate d'au moins 25 % par rapport aux valeurs du groupe témoin, diminutions des paramètres érythrocytaires d'au moins 10 % par rapport aux valeurs du groupe témoin, gravité de la fibrose splénique supérieure à la valeur minimale) n'ont pas eu lieu avant l'administration de doses allant de 80 à 160 mg/kg p.c. par jour chez les deux espèces. En comparaison, des baisses similaires dans les paramètres de globules rouges ont été obtenues avec des traitements à la 4-chloroaniline de 10 à 40 mg/kg p.c. par jour (NTP, 1989).

La toxicité génétique de la 2-chloroaniline est similaire à celle de la 4-chloroaniline, avec des résultats généralement négatifs pour les mutations inverses dans les souches de Salmonella, mais avec une mutagénicité positive observée dans des cellules de lymphome de souris L5178Y. Des résultats mitigés, positifs (rat) et négatifs (souris), ont été signalés pour le test du micronoyau in vivo.

4-nitroaniline

Dans le groupe des substances azoïques aromatiques et à base de benzidine (qui comprend 295 colorants et 40 pigments), il a été déterminé que 11 colorants contiennent un groupement 4-nitrophényle sur une liaison azoïque. Cependant, on considère que la plupart de ces colorants ne sont pas commercialisés au Canada, à l'exception de quatre colorants, à savoir les substances nos CAS 68155-63-5, 70210-25-2, 84878-17-1 et BANAP (n° CAS 29765-00-2).

Les substances nos CAS 68155-63-5 et 70210-25-2 sont des colorants acides polyazoïques utilisés au Canada pour teindre le cuir. La substance n° CAS 84878-17-1 est un colorant direct polyazoïque généralement utilisé comme colorant de textile et de cuir. L'absorption cutanée de ces colorants devrait être limitée en raison de leur grande taille moléculaire; par ailleurs, il est possible que le clivage des liaisons azoïques dans ces colorants polyazoïques ne libère pas nécessairement de la 4-nitroaniline (Environnement Canada et Santé Canada, 2014). En outre, on considère que l'utilisation du cuir est de courte durée et intermittente. Le BANAP (n° CAS 29765-00-2) est un colorant dispersé monoazoïque utilisé en tant que colorant du textile. L'absorption cutanée du BANAP devrait être limitée, et le taux et le degré de clivage azoïque sont incertains (Environnement Canada et Santé Canada, 2013d). L'exposition systémique à la 4-nitroaniline associée à ces colorants et à leurs utilisations ne devrait donc pas être importante. Par conséquent, la population générale du Canada ne devrait pas être exposée à la 4-nitroaniline.

Aucune cancérogénicité n'a été constatée chez les rats mâles ou femelles auxquels on a administré de la 4-nitroaniline par gavage à des doses allant jusqu'à 9 mg/kg p.c. par jour pendant deux ans (Nair et al., 1990). Le NTP (1993) a mené une étude de deux ans sur des souris, qui ont reçu de la 4-nitroaniline par gavage à des doses de 3, 30 ou 100 mg/kg p.c. par jour. L'incidence d'hémangiosarcomes hépatiques et l'incidence combinée d'hémangiomes et d'hémangiosarcomes dans tous les sites ont légèrement augmenté à la dose élevée chez les souris mâles (p = 0,06). Dans les deux cas, un test de tendance a montré que les résultats étaient significatifs (p = 0,033 et p = 0,026), mais aucune comparaison par paire ne s'est avérée significative. Aucune augmentation associée au traitement de l'incidence des tumeurs n'a été observée chez les souris femelles. Le NTP a conclu qu'il y avait des « preuves équivoques de l'activité cancérogène chez les souris mâles » et « aucune preuve d'activité cancérogène chez les souris femelles » (NTP, 1993).

In vitro, la 4-nitroaniline a donné des résultats positifs pour les aberrations chromosomiques dans les cellules mammaliennes avec activation métabolique dans deux études, tandis que des résultats mitigés ont été obtenus sans activation (Galloway et al., 1987; NTP, 1993; Huang et al., 1995; Chung et al., 1996). Les essais sur les échanges de chromatides sœurs dans les cellules ovariennes de hamster chinois avec et sans activation ont également donné des résultats mitigés (Galloway et al., 1987; NTP, 1993). Un essai de mutation directe dans des cellules de lymphome de souris était positif sans activation, et négatif avec activation (NTP, 1993). La 4-nitroaniline a montré des résultats négatifs pour la synthèse d'ADN non programmée dans les hépatocytes primaires de rats (Thompson et al., 1983). La majorité des essais d'Ames étaient négatifs (Chiu et al., 1978; Haworth et al., 1983; Thompson et al., 1983; Corbett et al., 1985; Pai et al., 1985; Shahin, 1985; Shimizu et Yano, 1986; Kawai et al. 1987; Dellarco et Prival, 1989; Chung et al., 1996; Assmann et al., 1997).

Tous les essais de génotoxicité in vivo sur la 4-nitroaniline sont négatifs; toutefois, les données disponibles sont limitées. Les essais de mutation létale récessive liée au sexe chez l'espèce Drosophila ont présenté des résultats négatifs (Valencia et al., 1985; Zimmering et al., 1989). Dans un extrait, Mirsalis et al.(1983) ont déclaré qu'un essai de synthèse d'ADN non programmée sur les hépatocytes des rats mâles traités oralement par gavage a présenté des résultats négatifs. Une étude non publiée citée dans le système High Production Volume Information System (HPVIS) des États-Unis (2012) n'a fait état d'aucune augmentation des micronoyaux dans la moelle osseuse de souris mâles et femelles traitées par injection intrapéritonéale; l'étude originale n'était pas disponible (Solutia Inc., non daté).

Les données disponibles indiquent que la 4-nitroaniline n'est vraisemblablement pas mutagène ni génotoxique in vivo.

Les effets non néoplasiques dans les études à doses répétées par voie orale chez les souris et les rats comprennent une augmentation de la méthémoglobine, une pigmentation de la rate, une hémosidérine dans le foie, une hyperplasie de la moelle osseuse, une hématopoïèse extramédullaire dans la rate et le foie, et une augmentation du poids de la rate et du foie (Nair et al., 1990; NTP, 1993). Des effets semblables ont été observés dans une étude de 28 jours par inhalation menée sur des rats (Nair et al., 1986). Les hémangiomes et les hémangiosarcomes observés chez les souris mâles dans l'étude de deux ans par gavage sont vraisemblablement secondaires à d'autres effets, tels que la congestion de la rate, l'hématopoïèse extramédullaire et l'accumulation d'hémosidérine.

7.4  Caractérisation générale des risques pour la santé humaine

Cette évaluation des risques pour la santé humaine met l'accent sur les substances dont les quantités déclarées disponibles au Canada lors des enquêtes récentes sont supérieures au seuil de déclaration de 100 kg par an établi en vertu de l'article 71 ou pour lesquelles il existe des données probantes confirmant leur présence. L'exposition potentielle de la population générale du Canada a été caractérisée pour neuf substances, à savoir : 2-naphthylamine, o-toluidine, toluène-2,4-diamine, 4-chloroaniline, 3,4-dichloroaniline, o-anisidine, p-aminophénol, benzène-1,3-diamine et amine Red Lake C. L'exposition de la population générale du Canada à au moins une des neuf amines aromatiques a été estimée d'après l'utilisation de certains produits de consommation, comme les ustensiles de cuisson, les textiles et les produits cosmétiques. De plus, des renseignements provenant d'une seule étude sur un petit échantillon de femmes canadiennes ont fait état de très faibles concentrations d'o-toluidine dans le lait maternel, à partir desquelles l'exposition des enfants non nourris au lait maternisé a été estimée. Aucune donnée solide n'a été recensée sur les concentrations de ces neuf amines aromatiques dans les milieux naturels au Canada et, à l'exception du p-aminophénol, les données recueillies en vertu de l'article 71 indiquent que les volumes d'utilisation de ces neuf amines aromatiques au Canada sont faibles. Par conséquent, l'exposition à ces amines aromatiques à partir des milieux naturels est généralement jugée faible. Les sept amines aromatiques restantes de ce sous-groupe n'ont pas été déclarées en vertu de l'article 71 en des quantités supérieures au seuil de déclaration de 100 kg par an, et aucune autre information n'a été recensée indiquant une exposition de la population générale du Canada à ces substances. Par conséquent, on considère que la population ne devrait pas être exposée à ces substances (voir la section 7.3.10).

La cancérogénicité a été définie comme un effet préoccupant pour la santé dans le cas de six des neuf amines aromatiques pour lesquelles l'exposition a été caractérisée. La 2-naphtylamine, l'o-toluidine, la toluène-2,4-diamine, la 4-chloroaniline, et l'o-anisidine sont classées comme des agents cancérogènes connus ou potentiels pour l'homme par le Centre international de recherche sur le cancer (groupe 1 ou 2B) et par l'Union européenne (catégorie 1A ou 1B). La cancérogénicité n'a pas été définie comme un paramètre préoccupant pour le p-aminophénol, la benzène-1,3-diamine et l'amine Red Lake C; par conséquent, les concentrations associées à un effet critique pour la santé autre que le cancer ont été choisies pour la caractérisation des risques.

D'après une étude dirigée par Santé Canada en 2012, quatre substances (2-naphtylamine, toluène-2,4-diamine, 4-chloroaniline et o-anisidine) ont été détectées dans certains produits de textile et de cuir importés. Les marges entre les estimations de l'exposition de la population générale, par contact cutané avec des textiles et par la mise en bouche de textiles par des nourrissons, et les concentrations associées à un effet critique sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant l'exposition et les effets sur la santé.

Des données indiquent que les substances o-toluidine, toluène-2,4-diamine, o-anisidine, 4-chloroaniline et benzène-1,3-diamine résiduelles peuvent migrer vers les aliments préparés avec des ustensiles de cuisson en polyamide. Les marges entre l'estimation de l'exposition quotidienne par voie orale attribuable à l'utilisation d'ustensiles de cuisson en polyamide et les concentrations associées à un effet critique sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant l'exposition et les effets sur la santé.

Des expositions aux substances p-aminophénol, benzène-1,3-diamine, 4-chloroaniline et amine Red Lake C ont été signalées du fait de l'utilisation de certains produits cosmétiques. Les marges entre les estimations de l'exposition et les concentrations associées à un effet critique pour chacune de ces substances sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant l'exposition et les effets sur la santé.

L'o-toluidine a été détectée à de faibles concentrations dans le lait maternel chez un petit échantillon de femmes canadiennes. La marge entre l'estimation de l'absorption quotidienne d'o-toluidine dans le lait maternel par les nouveaux-nés qui ne sont pas nourris au lait maternisé et la concentration associée à un effet critique est considérée comme adéquate pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données concernant les effets sur la santé et l'exposition, et cette source ne semble pas préoccupante à ces faibles degrés d'exposition.

Pour les sept amines aromatiques restantes (2,4-diaminoanisole, 2-chloroaniline, p-toluidine, chlorhydrate de p-toluidine, 4-nitroaniline, p-phénétidine et dichlorhydrate de m-phénylènediamine), aucune information n'a été trouvée à l'appui de l'exposition actuelle de la population générale du Canada à ces substances; par conséquent, le risque pour la santé humaine découlant de ces substances n'est pas prévu.

Certaines  amines aromatiquesfigurant dans la présente évaluation préalable ont des effets préoccupants en raison du potentiel de cancérogénicité.

À la lumière des renseignements contenus dans la présente évaluation préalable, il est conclu que les 16 amines aromatiques évaluées ne pénètrent pas dans l'environnement en une quantité, à une concentration ou dans des conditions qui constituent ou peuvent constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.

Il est donc proposé de conclure que les 16 substances dans le sous-groupe des amines aromatiques ne satisfont pas aux critères énoncés à l'alinéa 64c) de la LCPE (1999).

7.4.1  Incertitude

Dans la présente évaluation, des données provenant d'autres pays ont été utilisées lorsque l'on estimait qu'elles renseignaient sur l'exposition potentielle de la population générale au Canada. Il est admis qu'un certain degré d'incertitude est associé à cette approche.

On note une incertitude relativement aux expositions estimées attribuables aux textiles, qui dépendent en partie du comportement de lixiviation non uniforme des matières textiles. Le degré de lixiviation dépend du type de fibre, des colorants utilisés, de la technologie de teinture, de l'intensité de la couleur et du traitement subséquent; il peut donc varier considérablement. On reconnaît également une certaine incertitude quant à la présence et aux concentrations d'amines aromatiques dans les produits importés au Canada, et ce, en raison des données disponibles limitées. Les tests de produits effectués par Santé Canada portaient sur 66 échantillons qui peuvent ne pas être représentatifs des concentrations d'amines aromatiques dans les articles en textile et en cuir commercialisés au Canada (Santé Canada, 2013a).

Dans toutes les études et les enquêtes de tests de produits menées récemment sur des articles en textile et en cuir au Canada et ailleurs qui sont mentionnées dans la présente évaluation (Santé Canada, 2013a; RAPEX, 2012; EurAzos, 2007; Kawakami et al., 2010), la prévalence des amines aromatiques était faible, ce qui laisse entendre que ces substances ne sont pas présentes dans la plupart des articles en textile et en cuir importés. En outre, parmi les produits testés, les concentrations détectées des amines aromatiques étaient variables; néanmoins, les mesures choisies et utilisées dans l'évaluation préalable en vue d'estimer l'exposition sont considérées comme adéquates pour dissiper les incertitudes et sont étayées par des données indiquant que ces substances ne sont pas présentes dans la plupart des articles en textile et en cuir importés.

De même, de faibles incidences ont également été signalées dans les études analysant les ustensiles de cuisson en polyamide noir (Trier et al., 2010; McCall et al., 2012). Les estimations de l'exposition sont fondées sur des hypothèses prudentes, liées notamment à l'utilisation de données étrangères en l'absence de données canadiennes, ainsi qu'au choix des hypothèses relatives au comportement d'utilisation et au taux de migration parmi des données extrêmement variables dans les études recensées. Néanmoins, les expositions ont été estimées d'après des hypothèses prudentes et sont donc jugées prudentes.

D'après les données disponibles sur les concentrations mesurées de l'o-toluidine et de l'o-anisidine dans les encres à tatouage en dehors du Canada, les expositions aiguës et à court terme à ces amines aromatiques ont été estimées de manière prudente. Les renseignements sur l'exposition à ces substances dans les encres à tatouage sont toutefois limités. L'exposition quotidienne systémique aux amines aromatiques présentes dans les colorants de tatouage dépend en partie du potentiel de métabolisme et de photodégradation in vivo des colorants azoïques dans les encres à tatouage et de la mobilisation subséquente dans le système lymphatique (Engel et al., 2009). Les données sur la cinétique à long terme étant limitées, l'exposition chronique aux amines aromatiques dans les encres à tatouage n'est pas bien caractérisée. Somme toute, il y a une très grande incertitude à propos de l'exposition systémique au amines aromatiques suite à des injections de tatouage (Agence de protection de l'environnement du Danemark, 2012). Bien que les propriétés dangereuses de l'o-toluidine et de l'o-anisidine soient reconnues, en raison de la forte incertitude en ce qui a trait à la caractérisation de l'exposition découlant de l'utilisation d'encres à tatouage, le risque lié à l'utilisation d' encres à tatouage n'a pas été caractérisé dans la présente évaluation et demeure une incertitude.

Plusieurs de ces amines aromatiques ont également été détectées dans la fumée de cigarette; par conséquent, l'exposition potentielle découlant de cette source est reconnue. Toutefois, le tabagisme étant du ressort d'une autre instance de Santé Canada, les expositions potentielles attribuables à la fumée de cigarette ne sont donc pas prises en compte dans la présente évaluation.

Une exposition alimentaire à la 4-chloroaniline et à la 3,4-dichloroaniline peut se produire en raison d'un métabolisme in vivo à la suite de l'ingestion de résidus de certains pesticides pouvant être présents à de faibles concentrations dans certains aliments. De même, les eaux situées à proximité de zones où certains herbicides homologués sont utilisés peuvent contenir de faibles concentrations de 4-chloroaniline et de 3,4-dichloroaniline en raison de la dégradation de ces herbicides dans l'environnement.

Bien que les données de biosurveillance humaines relevées pour ces amines aromatiques dans la population canadienne est été limitées, plusieurs études internationales suggèrent une exposition continue des populations aux amines aromatiques. Il n'est pas certain que le schéma d'exposition aux 16 amines aromatiques déterminé à partir des études de biosurveillance européennes puisse être directement appliqué à la population canadienne. Par conséquent, en l'absence d'une étude de biosurveillance menée au Canada pouvant corroborer l'information, une incertitude subsiste quant à l'exposition des Canadiens aux 16 amines aromatiques, par rapport aux données relevées en Europe.

7.4.2 Amines aromatiques ayant des effets potentiels préoccupants sur la santé

Dans l'ensemble, les risques que posent les substances visées par cette évaluation pour la santé humaine sont faibles compte tenu des niveaux actuels d'exposition. Toutefois, comme cela est indiqué dans les sections précédentes, neuf amines aromatiques figurant dans la présente évaluation ont des effets préoccupants d'après la cancérogénicité potentielle. Une liste de ces substances est présentée à l'annexe L.

Dans la version préliminaire de l'évaluation des amines aromatiques, 14 amines aromatiques ont été déterminées comme ayant des effets préoccupants pour la santé humaine. Depuis la publication de l'ébauche, des considerations plus précise fondées principalement sur des éléments de preuve concernant le potentiel carcinogène ont été appliqués en vue de cerner les substances considérées comme ayant des effets préoccupants (annexe L). À ce titre, six des 14 amines aromatiques précédemment signalées dans l'ébauche d'évaluation n'est plus prise en compte confirmer les éléments de preuve liés à la cancérogénicité potentielle. Plus précisément, le p-aminophénol, la benzène-1,3-diamine et ses sels ne sont pas considérés comme ayant des effets préoccupants pour la santé humaine étant donné que des résultats négatifs et/ou équivoques relatifs à la cancérogénicité sont disponibles pour ces substances. Pour la p-phénétidine, le 3,4-DCA et 2-CA, il y a un manque de données sur la toxicité chronique et les incertitudes relatives à la lecture croisée pour ces substances, ainsi l’information disponible ne permet présentement pas d'appuyer l’identification des ces substances la cancérogénicité potentielle en vertu du plan de gestion des produits chimiques.

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8. Conclusion

Compte tenu de tous les éléments de preuve contenus dans la présente évaluation préalable, les 16 amines amine aromatiques évaluées dans cette évaluation présentent un faible risque d'effets nocifs sur les organismes et sur l'intégrité globale de l'environnement. On conclut que ces amines aromatiques ne satisfont pas aux critères énoncés aux alinéas 64a) ou b) de la LCPE (1999), car ils ne pénètrent pas dans l'environnement en une quantité, à une concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement ou sur la diversité biologique, ou à mettre en danger l'environnement essentiel pour la vie.

À la lumière des renseignements contenus dans la présente évaluation préalable, on conclut que les amines aromatiques évaluées dans cette évaluation ne satisfont pas aux critères énoncés à l'alinéa 64c) de la LCPE (1999), car ils ne pénètrent pas dans l'environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.

On conclut que les amines aromatiques étudiées dans la présente évaluation ne satisfont à aucun des critères énoncés à l'article 64 de la LCPE (1999).

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Références

Annexes

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Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Le numéro de registre du Chemical Abstracts Service (n° CAS) est la propriété de l'American Chemical Society. Toute utilisation ou redistribution, sauf si elle sert à répondre aux besoins législatifs et/ou est nécessaire pour les rapports au gouvernement du Canada lorsque des renseignements ou des rapports sont exigés par la loi ou une politique administrative, est interdite sans l'autorisation écrite préalable de l'American Chemical Society.

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Note de bas de page 2

http://www.chemicalsubstanceschimiques.gc.ca/group/diisocyanates/index-eng.php

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Note de bas de page 3

Vingt-deux amines aromatiques répertoriées à l'annexe 8 du règlement (CE) no 1907/2006 (EU 22).

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Note de bas de page 4

La détermination de la conformité à l'un ou plusieurs des critères énoncés à l'article 64 est basée sur une évaluation des risques potentiels pour l'environnement ou la santé humaine associés aux expositions dans l'environnement en général. Pour l'humain, cela comprend, sans toutefois s'y limiter, l'exposition par l'air ambiant et intérieur (pour les non-fumeurs), l'eau potable, les produits alimentaires et l'utilisation de produits de consommation. Une conclusion établie en vertu de la LCPE (1999) n'est pas pertinente à une évaluation, qu'elle n'empêche pas non plus, par rapport aux critères de danger définis dans le Règlement sur les produits dangereux et le Règlement sur les produits contrôlés. Ce dernier fait partie du cadre réglementaire applicable au Système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT) pour les produits destinés à être utilisés au travail. De la même manière, la conclusion qui s'inspire des critères contenus dans l'article 64 de la LCPE (1999) n'empêche pas les mesures prises en vertu d'autres articles de la LCPE ou d'autres lois.

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Note de bas de page 5

L’activité commerciale fait référence à l’utilisation d’une substance chimique, d’un mélange, d’un produit ou d’un article manufacturé contenant une substance chimique, dans une entreprise commerciale qui fournit des biens et des services commercialisables.

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Note de bas de page 6

On exprime généralement un facteur d'émission par la fraction d’une substance rejetée dans un milieu donné, tels que les eaux usées, le sol ou l'air, au cours de son cycle de vie, notamment sa fabrication, sa transformation, son application industrielle ou son utilisation commerciale ou par le consommateur. Les sources de facteurs d'émissions comprennent des documents sur les scénarios d’émission, rédigés sous l'égide de l'OCDE, les données déclarées à l'Inventaire national des rejets de polluants d'Environnement Canada, les données générées par l'industrie, les données de surveillance, etc.

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Note de bas de page 7

http://www.hc-sc.gc.ca/fn-an/surveill/total-diet/concentration/pesticide_conc_whitehorse1998-fra.php

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Note de bas de page 8

Une teneur de 0,2 % en digluconate de chlorhexidine constitue la limite de concentration fixée dans la Liste critique des ingrédients dont l'utilisation est restreinte ou interdite dans les cosmétiques (Santé Canada, 2011).

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Note de bas de page 9

La dose attribuable à l'utilisation d'un soin hydratant pour la peau chez l'adulte est calculée à l'aide des valeurs par défaut des Modules I et II de PCP WG pour la fréquence moyenne (1,1/jour) et la quantité moyenne de produit (4,4 g par application). En appliquant à cette dose de 4,84 g par jour une fraction de poids de 0,2 % de digluconate de chlorhexidine, on obtient une dose quotidienne appliquée de 0,14 mg/kg p.c. pour un adulte. Si l'on utilise une concentration de 4-chloroaniline résiduelle de 500 ppm (USP-NF, 2013) et une fraction d'absorption cutanée de 1, l'exposition quotidienne à la 4-chloroaniline est de 0,07 µg/kg p.c. par jour.

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