Rapport d’évaluation
4. Environnement
4.1 Rejets et présence de triclosan dans l'environnement
Il n'existe aucune source naturelle de triclosan connue; sa présence dans l'environnement découle entièrement de l'activité humaine. Les voies possibles de rejets de triclosan dans l'environnement sont présentées dans la figure 4-1; elles sont fondées sur un diagramme conceptuel proposé par Bound et Voulvoulis (2005) pour les produits pharmaceutiques dans l'environnement.

Longue description pour la figure 4-1
Voies possibles de rejets du triclosan dans l’environnement (modifié par rapport à Bound et Voulvoulis, 2005) - Cette figure montre que la fabrication ou l'utilisation de produits contenant du triclosan, que cela soit dans les industries ou dans les ménages, peut entraîner des rejets dans les égouts qui se retrouveront dans les usines de traitement des eaux usées. Dans le cas des usines de traitement des eaux usées, le triclosan peut se retrouver dans l'eau de surface s'il est rejeté avec les effluents de l'usine. Il peut également atteindre les sols en cas d'épandage des boues d'épuration de ces usines. Le triclosan qui est présent dans les sites d'enfouissement ou qui a atteint le sol à cause de l'épandage des boues d'épuration pourrait s'infiltrer dans les eaux souterraines. Le triclosan se retrouvant dans les biosolides épandus sur les sols pourrait aussi rejoindre l’eau de surface par ruissellement.
Le triclosan peut être rejeté dans l'environnement à la suite de son utilisation dans de nombreux produits de consommation, de la fabrication industrielle ou de la formulation de produits contenant du triclosan. L'utilisation du triclosan dans des produits est réputée être le principal facteur contributif aux rejets de triclosan dans les égouts. Le triclosan rejeté dans les eaux usées atteint les usines de traitement des eaux usées, où il est partiellement retiré de ces eaux, selon le type de traitement. Le triclosan est rejeté dans l'eau de surface par l'entremise des effluents provenant des usines de traitement des eaux usées. Une partie du triclosan se retrouve dans les boues pendant le procédé de traitement des eaux usées. En conséquence, le triclosan atteint aussi les sols au moment de l'amendement des terres agricoles au moyen de biosolides. La figure 4-1 présente d'autres voies de pénétration possibles, qui devraient être moins importantes au chapitre des rejets du triclosan dans l'environnement (voir les sections ci-après).
Les sections suivantes donnent d'autres détails sur les sources potentielles de triclosan dans les eaux et les sols. Les sections 4.1.1 et 4.1.2 décrivent les rejets de triclosan dans l'eau et le sol. La section 4.1.3, quant à elle, traite de la présence de triclosan dans les eaux de surface, les sédiments et les sols au Canada et dans d'autres pays. Les métabolites de triclosan, le méthyl-triclosan et les dioxines faiblement chlorées, sont également décrits et examinés dans les sections suivantes, le cas échéant.
D'après les utilisations du triclosan documentées au Canada, ainsi que ses propriétés physiques et chimiques (p. ex. une faible volatilité), le triclosan ne devrait pas être rejeté dans l'air. Aucune donnée de surveillance atmosphérique du triclosan et de son métabolite, le méthyl-triclosan, n'a été trouvée. Pour cette raison, l'exposition au triclosan par voie atmosphérique ne sera pas analysée plus à fond dans le cadre de la présente évaluation, et les autres informations relatives à la présence de triclosan dans l'air seront limitées à la prédiction du devenir du triclosan dans le milieu atmosphérique et l'estimation de sa demi-vie dans l'air (voir la section 4.2.2).
4.1.1 Rejets dans l'eau
4.1.1.1 Rejets provenant des industries et des ménages vers les usines de traitement des eaux usées
Le triclosan est utilisé dans une variété de produits de consommateurs, principalement des savons et des nettoyants pour la peau. Ces produits sont, pour la plupart, rejetés dans les égouts et transportés vers des usines de traitement des eaux usées. Le triclosan n'est pas fabriqué au Canada; toutefois, il est importé par un certain nombre d'entreprises pour la fabrication de produits contenant du triclosan. Les activités industrielles associées à la fabrication de ces produits peuvent également rejeter une certaine quantité de triclosan dans les égouts. D'après une analyse des résultats obtenus dans le cadre de l'enquête menée en vertu de l'article 71 de la LCPE (Environnement Canada, 2013), la contribution globale relative des établissements de fabrication comparativement à la contribution des ménages aux rejets de triclosan à destination des usines de traitement des eaux usées devrait être faible.
De même, le triclosan présent dans des produits comme les médicaments, les nettoyants et les dentifrices peut être absorbé par voie orale par l'homme, puis excrété (jusqu'à 83 % de la dose orale; Sandborgh-Englund et al., 2006) ou rejeté directement à l'évier. Une fois excrété, le triclosan est transporté vers une usine de traitement des eaux usées par l'intermédiaire des égouts. Le triclosan est également appliqué sur des textiles tels que les t-shirts afin d'empêcher l'émission d'odeurs indésirables. D'après les études publiées, on estime que le lavage de ces t-shirts au cours de leur vie utile peut rejeter 1,5 % de la masse de triclosan contenue dans les égouts (22 mg par t‑shirt; Walser et al., 2011). Junker et Hay (2004) ont démontré que seules des quantités infimes de triclosan sont désorbées par le plastique lorsqu'elles sont exposées à l'eau dans un laboratoire. Considérant qu' compter du 31 décembre 2014, le triclosan n'est plus homologué au Canada comme un produit antiparasitaire (c.-à-d. qu'il ne pourra plus être utilisé pour le traitement des textiles, du cuir, du papier, des matières plastiques ou des matériaux en caoutchouc fabriqués au Canada), toute contribution environnementale potentielle des articles traités au triclosan devrait être réduite.
Les concentrations mesurées de triclosan dans les influents (c.-à-d. dans les eaux usées au point d'entrée d'une usine de traitement des eaux usées) ou les effluents de plusieurs usines de traitement des eaux usées situées d'un bout à l'autre du Canada sont présentées au tableau 4-1. La plupart des systèmes de traitement des eaux usées répertoriés dans le tableau 4-1 ont recours à un procédé de traitement secondaire des eaux usées, tandis que deux de ces systèmes utilisent un procédé de traitement primaire; cinq des systèmes sont des lagunes. Le District régional de la capitale de Victoria n'a aucun système de traitement des eaux usées. Il convient de noter que l'usine de traitement des eaux usées dont les influents affichent une concentration de 20 750 ng/L de triclosan reçoit des eaux usées d'un fabricant de savon qui a déclaré utiliser du triclosan (Environnement Canada, 2013). La concentration de triclosan dans l'effluent de cette usine de traitement des eaux usées est cependant très faible en raison de l'efficacité élevée du traitement.
Tableaux 4-1. Concentration de triclosan dans les influents et les effluents de certaines usines de traitement des eaux usées au Canada
Emplacement des usines de traitement des eaux usées | Année d'échantillonnage | Concentration dans les influents (minimum, maximum ou moyenne, ng/L) | Concentration dans les effluents (minimum, maximum ou moyenne, ng/L) | Référence |
---|---|---|---|---|
Montréal (population desservie de 1 620 693 habitants) | 2005-2006 | 102-811 | 55-662 | Lajeunesse et Gagnon, 2007 |
Une usine de traitement des eaux uséesa au Québec | 2010-2012 | 500 | 360 | Comm. pers.b,c |
Une usine de traitement des eaux uséesa au Québec | 2011-2013 | 2050 | 525 | Comm. pers.c |
Tableau des notes
Remarque : Pour la liste des abréviations et des notes, voir le tableau 4-1c.
Emplacement des usines de traitement des eaux usées | Année d'échantillonnage | Concentration dans les influents (minimum, maximum ou moyenne, ng/L) | Concentration dans les effluents (minimum, maximum ou moyenne, ng/L) | Référence |
---|---|---|---|---|
Hamilton (population desservie de 352 000 habitants) | 2002 | 1150 | 520-740 | Lee et al., 2003 |
Toronto (4 usines de traitement des eaux usées; (population desservie de 75 000-1 750 000 habitants) | 2002 | 380-1320 | 140-210 | Lee et al., 2003 |
Burlington (population desservie de 144 130 habitants) | 2002 | 790 | 130 | Lee et al., 2003 |
Guelph (population desservie de 100 000 habitants) | 2002 | 740 | 110-130 | Lee et al., 2003 |
Dundas (population desservie de 27 800 habitants) | 2002 | 2910 | 30-50 | Lee et al., 2003 |
Waterdown (population desservie : sans objet) | 2002 | 2260 | 120-150 | Lee et al., 2003 |
Windsor (population desservie de 78 500 habitants) | 2003-2004 | 4530 | Moyenne avant la désinfection par rayonnement ultraviolet : 80-330 Moyenne après désinfection par rayonnement ultraviolet : 63 | Hua et al., 2005; McPhedran et al., 2013 |
12 usines municipales de traitement des eaux uséesa le long de la rivière Thames (recevant un mélange d'eaux usées résidentielles et industrielles) 2475 - 182 000) | 2002 | 410-3640 | Moyenne : 108 Maximum : 324 | Lishman et al., 2006 |
Huit usines municipales de traitement des eaux uséesa dans le sud de l'Ontario (population desservie de 77 225 - 1 750 000 habitants) | 2004 | 870-1830 | 50-360 | Lee et al., 2005 |
Une usine de traitement des eaux uséesa en Ontario | 2010-2013 | 1073 | 109 | Comm. pers.b,c |
Une usine de traitement des eaux uséesa en Ontario | 2010-2011 | 1908 | 90 | Comm. pers.b |
Une usine de traitement des eaux uséesa en Ontario | 2011-2012 | 2440 | 40 | Comm. pers.c |
Une usine de traitement des eaux uséesa en Ontario | 2011-2012 | 2600 | 20 | Comm. pers.c |
Une usine de traitement des eaux uséesa en Ontario | 2011-2013 | 20 750 | 12 | Comm. pers.c |
Une usine de traitement des eaux uséesa en Ontario | 2011-2013 | 865 | 40 | Comm. pers.c |
Tableau des notes
Remarque : Pour la liste des abréviations et des notes, voir le tableau 4-1c.
Emplacement des usines de traitement des eaux usées | Année d'échantillonnage | Concentration dans les influents (minimum, maximum ou moyenne, ng/L) | Concentration dans les effluents (minimum, maximum ou moyenne, ng/L) | Référence |
---|---|---|---|---|
Une usine de traitement des eaux uséesa en Colombie-Britannique | 2010-2013 | 1673 | 167 | Comm. pers.b,c |
Une usine de traitement des eaux uséesa en Colombie-Britannique | 2011-2013 | 1350 | 865 | Comm. pers.c |
Exutoire du District régional de la capitale de Victoria (population desservie : sans objet) | 2006 | s.o. | 2200-4160 | Comm. pers.d |
Tableau des notes
Abréviations : max., maximum ; moy., moyenne; min., minimum; s.o., sans objet; comm. pers., communication personnelle.
a L'identité ne peut être divulguée. Certaines usines de traitement des eaux usées sont les mêmes dans toutes les études.
b Communication personnelle de 2011 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d'Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
c Communication personnelle de 2013 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d'Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
d Communication personnelle de 2008 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d'Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Certaines des concentrations mesurées dans les influents et les effluents citées dans le tableau 4-1 à titre de communication personnelle ont été résumées par Guerra et al. (2014).
4.1.1.2 Élimination par les usines de traitement des eaux usées
Le devenir du triclosan dans les usines de traitement des eaux usées est quelque peu complexe et a fait l'objet de plusieurs études (Bester 2003, 2005; Sabaliunas et al., 2003; Thomas et Foster, 2005; Waltman et al., 2006). Les études montrent que les usines de traitement parviennent très efficacement à éliminer le triclosan présent dans les eaux usées si elles sont dotées d'un système de traitement secondaire des eaux usées. Thomas et Foster (2005) ont signalé que la majorité du triclosan est éliminée pendant le traitement secondaire (de 55 à 88 %) et qu'une plus petite partie (de 10 à 44 %) est éliminée par le traitement primaire.
Au Canada, Lishman et al. (2006) ont indiqué que les usines de traitement des eaux usées situées le long de la rivière Thames en Ontario éliminent de 74 à 98 % du triclosan. La plupart de ces usines employaient au moins un traitement secondaire avec des boues activées dans le cadre de leur procédé. Lee et al. (2003) ont également signalé une efficacité d'élimination moyenne de 81 % (plage : de 49 à 94 %) dans les usines de traitement des eaux usées situées au sud de l'Ontario, où la plupart des usines étudiées employaient au moins un traitement secondaire. Il convient de noter que, d'après les données de 2004, un traitement des eaux usées primaire ou moins a été fourni à 26 % des 22 millions de Canadiens desservis par des réseaux d'égouts (Environnement Canada, 2007). En 2012, le Règlement sur les effluents des systèmes d'assainissement des eaux usées de l'administration fédérale est entré en vigueur. Ce règlement établit des normes de référence nationales relatives à la qualité des effluents, atteignables grâce à un traitement secondaire des eaux usées et qui n'exigent qu'une mise à niveau mineure, voire aucune, des systèmes de traitement des eaux usées (Canada, 2012).
L'efficacité d'élimination au Canada est comparable à celle mesurée dans d'autres pays. Aux États-Unis, un taux d'efficacité d'élimination du triclosan s'établissant entre 95 et 96 % (McAvoy et al., 2002) et pouvant atteindre 99 % (Thomas et Foster, 2005) a été mesuré aux usines de traitement des eaux usées qui utilisent un traitement secondaire. En Europe, l'efficacité d'élimination du triclosan dans les usines de traitement des eaux usées a été mesurée entre 87 et 96 % en Allemagne (Bester, 2003; 2005), à 94 % en Suisse (Singer et al., 2002) et à 95 % au Royaume-Uni (Sabaliunas et al., 2003), toujours pour les usines qui emploient un traitement secondaire. Ces chiffres montrent que l'élimination efficace du triclosan est attribuable au traitement secondaire.
Les mécanismes d'élimination du triclosan des eaux usées ont fait l'objet de quelques études. Thomas et Foster (2005) ont démontré que l'adsorption par les matières particulaires constitue probablement un mécanisme d'élimination du triclosan. Bester (2003) a indiqué que 96 % du triclosan était éliminé des eaux usées, dont une proportion de 22 à 43 % était adsorbée par les boues. Cette observation est conforme à la nature modérément absorbante de ce composé (log Koc pouvant atteindre 4,7; voir le tableau 2-2). Federle et al. (2002) ont mené un essai continu sur les boues activées visant à examiner la dégradation du triclosan. Lors de cet essai, on a utilisé du triclosan marqué au carbone 14 afin d'établir un bilan de matière. Les auteurs ont indiqué que, à l'état stable, de 1,5 à 4,5 % du triclosan étaient adsorbés dans les matières solides, tandis que de 81 à 92 % étaient minéralisés dans le CO2 ou incorporés à la biomasse microbienne. Le carbone 14 présent dans les effluents se composait d'intermédiaires polaires extractibles (dans l'acétate d'éthyle) et non extractibles (de 0,4 à 7,2 % et de 2,3 à 10,5 %, respectivement). Dans l'ensemble, la suppression du composé d'origine dépassait 98,5 %. Une deuxième série d'expériences menée par Federle et al. (2002) a permis de constater que le choc au chargement avec du triclosan - méthode représentative d'une situation dans laquelle une usine de traitement des eaux usées reçoit un niveau faible et uniforme de triclosan (p. ex. rejets dans les égouts de produits après leur utilisation par les consommateurs), mais avec des impulsions périodiques de niveaux plus élevés (p. ex. rejets d'établissements de fabrication) - n'a pas changé le modèle d'élimination de façon importante. Enfin, dans un essai de minéralisation de boues activées par lots, Federle et al. (2002) ont observé que de 31 à 52 % du triclosan s'était dégradé en 14CO2 71 jours après son ajout aux boues. À la suite d'une période de latence de 3 à 10 jours, le triclosan a été une nouvelle fois ajouté dans les systèmes d'essai, ce qui a permis de récupérer de 79 % à 81 % de cette deuxième dose en tant que 14CO2après 52 jours.
Bien que les usines de traitement des eaux usées éliminent efficacement le triclosan, il peut également être méthylé en méthyl-triclosan pendant le procédé de traitement, et plus probablement au cours d'un traitement secondaire. On ne connaît pas à ce jour la contribution de cette réaction à l'ensemble de l'élimination du triclosan des eaux usées, mais une diminution des concentrations de triclosan a été associée à une augmentation des concentrations de méthyl-triclosan pendant le traitement secondaire (Lozano et al., 2013). En règle générale, les concentrations de méthyl-triclosan dans les effluents des usines de traitement des eaux usées sont très faibles (Lindström et al., 2002; McAvoy et al., 2002), notamment parce qu'une partie de cette substance se retrouve dans les boues (Lozano et al., 2013).
En outre, le triclosan peut réagir avec les chloramines (qui sont utilisées comme désinfectant de rechange au chlore libre dans le traitement de l'eau potable ou qui se forment pendant la chloration des effluents d'eaux usées non nitrifiés). Greyshock et Vikesland (2006) ont examiné la réactivité du triclosan dans les eaux chloraminées sur une plage de pH de 6,5 à 10,5. La réactivité du triclosan en présence de chloramines est faible. Les produits de ces réactions comprenaient trois formes chlorées du triclosan, ainsi que le 2,4-dichlorophénol et le 2,4,6-trichlorophénol.
L'incidence de l'exposition au triclosan sur les communautés bactériennes dans les digesteurs municipaux n'a pas été largement étudiée; toutefois, les quelques études de laboratoire menées à ce jour indiquent que le triclosan peut modifier la structure des communautés bactériennes et favoriser la prolifération de la résistance aux antimicrobiens. Il convient de noter que les concentrations utilisées dans les études de laboratoire et les conditions dans lesquelles ces études ont été menées diffèrent des conditions environnementales réelles. De plus, les concentrations utilisées pour l'exposition sont généralement plus élevées que celles mesurées dans l'environnement. En conséquence, l'étendue de la résistance aux antimicrobiens et les répercussions sur les structures des communautés bactériennes au sein de l'usine de traitement des eaux usées qui sont associées aux concentrations actuelles de triclosan ne sont pas bien comprises. Il a été démontré que le triclosan peut diminuer l'absorption d'oxygène et inhiber la nitrification de la biomasse des boues activées (Stasinakis et al., 2008a). Dans une étude portant sur l'utilisation de digesteurs anaérobies en laboratoire, l'exposition au triclosan à des concentrations de 5, de 50 et de 500 mg/kg a eu des répercussions sur les structures des communautés bactériennes et sur la fonction des digesteurs et a abouti à la prolifération de gènes favorisant la résistance aux antimicrobiens (McNamara et al., 2014). McNamara (2014) a observé que les communautés de bactéries et d'archées utilisées dans son étude divergeaient des communautés témoins et que la fonction globale des digesteurs, évaluée au moyen de la production de méthane, était amoindrie. D'après ces observations, l'échec de cette fonction s'amorçait à une concentration de 50 mg/kg dans certaines communautés exposées, et la prolifération du gène de résistance au triclosan (mexB) s'est accrue lorsque les communautés précédemment non exposées étaient mises en présence d'une concentration de 500 mg/kg (McNamara et al., 2014). Chez les bactéries aérobies, une modification de la structure des communautés et une sélection en faveur de bactéries résistantes dans les sédiments en conditions aérobies et dans les boues activées en conditions aérobies ont également été observées (Drury et al., 2013; Son et al., 2010).
4.1.1.3 Rejets depuis les usines de traitement des eaux usées vers l'eau de surface
4.1.1.3.1 Au Canada
Les résultats de plusieurs études ont indiqué que les usines de traitement des eaux usées canadiennes rejettent du triclosan dans leurs effluents (de 12 à 4160 ng/L; voir le tableau -1). La grande variété de concentrations mesurées dans les effluents reflète principalement les différences entre les populations desservies par les usines de traitement des eaux usées ainsi que les divers niveaux de traitement utilisés par les usines (de l'absence de traitement au traitement secondaire des eaux usées). Compte tenu du grand nombre de produits qui contiennent du triclosan et de l'omniprésence de ces derniers, un profil d'utilisation assez uniforme est attendu pour l'ensemble du Canada.
4.1.1.3.2 Dans d'autres pays
Les concentrations de triclosan présent dans les influents et les effluents d'usines de traitement des eaux usées ont été mesurées aux États-Unis, en Suisse, dans les pays scandinaves, en Espagne et en Allemagne et elles ressemblent généralement les concentrations observées au Canada. Les États-Unis et la Suisse ont entrepris une surveillance du méthyl-triclosan.
Aux États-Unis, des échantillons d'influent, d'effluent primaire et d'effluent terminal ont été recueillis dans cinq usines de traitement des eaux usées et analysés aux fins de détection de triclosan et de méthyl-triclosan dans le cadre d'une étude de surveillance (McAvoy et al., 2002). Les usines échantillonnées desservaient des populations de 2445 à 398 000 personnes. Les concentrations de triclosan dans les échantillons d'effluents terminaux variaient de 240 à 410 ng/L et de 1610 à 2700 ng/L pour les usines utilisant des boues activées ou des traitements par filtre bactérien respectivement. Le méthyl-triclosan (dérivé) était qualitativement détectable dans tous les échantillons et on a estimé qu'il était présent dans l'ordre de 2 à 50 ng/L.
Le traitement par filtre bactérien implique l'utilisation d'un lit de pierre concassée ou de milieux synthétiques pour soutenir un film de micro-organismes aérobies. Cette méthode est reconnue comme étant moins efficace que le traitement par boues activées. Moins de 2 % des usines de traitement des eaux usées au Canada utilisent ce procédé.
En Suisse, des échantillons d'effluents primaires et terminaux ont été prélevés en 1997 et en 2001 dans des usines de traitement des eaux usées qui employaient un procédé de traitement biologique (traitement secondaire, méthode exacte non précisée). Les usines échantillonnées desservaient des populations de 4500 à 36 000 personnes. Selon les mesures effectuées dans les effluents primaires, les concentrations de triclosan étaient de 600 à 1300 ng/L, tandis que les concentrations de méthyl-triclosan étaient beaucoup plus faibles, de moins de 1 à 4 ng/L. Les concentrations correspondantes dans les effluents terminaux étaient de 70 à 650 ng/L pour le triclosan et de moins de 2 à 11 ng/L pour le méthyl-triclosan. Les concentrations les plus élevées de méthyl-triclosan dans l'effluent terminal par rapport à celles de l'effluent primaire indiquent que ce produit de transformation est synthétisé au cours du traitement biologique.
Un programme de surveillance au Danemark a permis d'examiner les concentrations de triclosan dans l'effluent terminal d'une usine de traitement des eaux usées desservant une population de 750 000 habitants et recevant un apport industriel. Cette usine avait recours à un traitement biologique dans le cadre de son procédé de traitement des eaux usées. La concentration moyenne de triclosan mesurée dans l'effluent était inférieure à la limite de détection de 1000 ng/L (Pedersen et Nielsen, 2003). En Suède, les effluents terminaux des trois usines de traitement des eaux usées les plus importantes du pays ont été échantillonnés et analysés aux fins de détection de plusieurs polluants organiques, y compris le triclosan (Paxéus, 1996). Pour deux des usines, la concentration de triclosan mesurée était de 500 ng/L, mais cette substance n'a pas été détectée dans l'effluent de la troisième usine (limite de détection de la méthode non précisée).
Les données de surveillance internationales et nationales des effluents des usines de traitement des eaux usées ont également été résumées par l'Environmental Protection Agency des États-Unis (USEPA, 2008F). Selon l'USEPA (2008e), les concentrations de triclosan mesurées dans les effluents d'usines de traitement des eaux usées variaient de 10 à 2700 ng/L aux États-Unis, de 80 à 269 000 ng/L en Espagne et de 10 à 600 ng/L en Allemagne.
4.1.2 Rejets dans le sol
Parmi les utilisations déclarées pour le triclosan au Canada, certaines peuvent amener cette substance à atteindre les sites d'enfouissement parmi les déchets solides (p. ex., produits textiles ou en caoutchouc). Les sites d'enfouissement qui ne collectent ni ne traitent leurs lixiviats risquent de libérer des substances dans le sol, lesquelles atteindront tôt ou tard les eaux de surface ou souterraines par lessivage. On ne dispose toutefois d'aucune donnée sur la quantité de triclosan décelée à la suite de cette voie d'élimination.
L'épandage de biosolides provenant d'usines de traitement des eaux usées sur des terres agricoles peut entraîner la présence de triclosan dans le sol. Compte tenu de cette voie d'exposition, on a étudié la présence de triclosan dans les boues et dans les biosolides.
4.1.2.1 Concentrations dans les boues d'épuration et dans les biosolides au Canada
À l'instar des résultats des nombreuses études et initiatives de surveillance (tableau 4‑2), il est facile de trouver du triclosan dans les boues et les biosolides provenant d'usines de traitement des eaux usées d'un bout à l'autre du Canada.
Entre 2011 et 2013, les boues de six usines canadiennes de traitement des eaux usées ont été échantillonnées par Environnement Canada; les concentrations moyennes de triclosan variaient entre 3,5 et 26,0 μg/g de poids sec (médiane : 8,9 μg/g de poids sec) (communication personnelle de 2013 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d'Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée). Dans une étude menée pour le Conseil canadien des ministres de l'Environnement afin de documenter la présence de substances émergentes préoccupantes dans les biosolides, on a prélevé des échantillons en 2009 dans 11 usines de traitement des eaux usées situées dans tout le Canada (CCME, 2010a; tableau 4-2). Dans l'ensemble, le triclosan a été observé dans 97 % des échantillons prélevés; la concentration moyenne pour l'ensemble des échantillons était de 6,1 mg/g de poids sec (minimum et maximum de l'étendue : de moins de 0,1 à 46,4 mg/g de poids sec), soit la valeur médiane la plus élevée parmi les 82 substances analysées dans le cadre de cette étude. Selon cette étude, les procédés de compostage aérobie semblaient parvenir à réduire la masse d'entrée du triclosan dans les boues d'alimentation (solides résiduels provenant des eaux usées obtenues au moyen des procédés de traitement étudiés). La digestion anaérobie n'a pas réussi à bien réduire cette substance. Chu et Metcalfe (2007) ont mesuré des niveaux de triclosan similaires (de l'ordre de 0,68 à 11,55 μg/g de poids sec) dans des biosolides traités recueillis en 2006 à quatre usines de traitement des eaux usées situées dans le sud de l'Ontario. Lee et Peart (2002) ont fait le compte rendu des concentrations de triclosan dans les échantillons de boues des eaux usées prélevés dans 25 usines de traitement des eaux usées dans tout le Canada, de Vancouver à Moncton. La plupart des échantillons prélevés provenaient de boues digérées (c.-à-d. à la suite du traitement secondaire des eaux usées). Le triclosan a été détecté dans tous les échantillons de boues, avec une plage de concentrations allant de 0,90 à 28,2 μg/g de poids sec (médiane : 12,5 μg/g de poids sec). Selon Lee et Peart (2002), le triclosan est probablement le phénol polychloré le plus abondant trouvé dans des boues d'eaux usées puisque seulement 3 des 35 échantillons prélevés contenaient des concentrations de triclosan inférieures à 5 μg/g de poids sec.
Aucune donnée de surveillance n'a pu être trouvée concernant les concentrations de méthyl-triclosan dans les boues des eaux usées provenant des usines de traitement des eaux usées au Canada.
Emplacement de l'usine de traitement des eaux usées | Période d'échantillonnage | Concentration (min.-max. ou moyenne, μg/g de poids sec) | Référence |
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Vancouver (Colombie-Britannique) | 1994 et 1999 | 8,41-24,7 | Lee et Peart, 2002 |
Calgary (Bonny Brook, Alberta) | 1999 | 12,8 | Lee et Peart, 2002 |
Calgary (Fish Creek, Alberta) | 1999 | 19,5 | Lee et Peart, 2002 |
Edmonton (Alberta) | 2000 | 22,0 | Lee et Peart, 2002 |
Regina (Saskatchewan) | 2000 | 18,9 | Lee et Peart, 2002 |
Saskatoon (Saskatchewan) | 2000 | 9,9 | Lee et Peart, 2002 |
Adelaidea (Ontario) | 1998 | 8,9 | Lee et Peart, 2002 |
Burlington (Ontario) | 2001 | 19,4 | Lee et Peart, 2002 |
Galt (Ontario) | 1996 | 7,48 | Lee et Peart, 2002 |
Guelph (Ontario) | 1999 | 28,2 | Lee et Peart, 2002 |
Hamilton (Ontario) | 1997 | 16,2 | Lee et Peart, 2002 |
Ingersoll (Ontario) | 1998 | 11,5 | Lee et Peart, 2002 |
Kitchener (Ontario) | 1997 | 16,1 | Lee et Peart, 2002 |
Ottawa (Ontario) | 2000 | 18,6 | Lee et Peart, 2002 |
Waterloo (Ontario) | 1996 | 11,7 | Lee et Peart, 2002 |
Windsor (Ontario) | 1997 | 8,84 | Lee et Peart, 2002 |
Toronto (Ashbridges Bay, Ontario) | 2000 | 20,3 | Lee et Peart, 2002 |
Toronto (ruisseau Highlanda, Ontario) | 2000 | 16,5 | Lee et Peart, 2002 |
Toronto (Humber, Ontario) | 2000 | 16,6 | Lee et Peart, 2002 |
Toronto (Nord, Ontario) | 2000 | 5,4 | Lee et Peart, 2002 |
Montréala (Québec) | 1999 | 6,1 | Lee et Peart, 2002 |
Granby (Québec) | 1996 | 0,90 | Lee et Peart, 2002 |
Québeca (Québec) | 2000 | 5,5-9,8 | Lee et Peart, 2002 |
Moncton (Nouveau-Brunswick) | 1997 | 1,92 | Lee et Peart, 2002 |
Truro (Nouvelle-Écosse) | 1996 | 7,53 | Lee et Peart, 2002 |
Windsor (Ontario) | 2004 | 5,29 | McPhedran et al., 2013 |
4 usines de traitement des eaux usées dans le sud de l'Ontario | 2006 | 0,68-11,55 | Chu et Metcalfe, 2007 |
Salmon Arm (Colombie-Britannique) | 2009 | Min.-max. : 21,3-24,0 Médiane : 21,5 | CCME, 2010a |
Red Deer (Alberta) | 2009 | Min.-max. : 11,7-13,9 Médiane : 12,7 | CCME, 2010a |
Saskatoon (Saskatchewan) | 2009 | Min.-max. : 5,6-6,3 Médiane : 6,1 | CCME, 2010a |
Prince Albert (Saskatchewan) | 2009 | Min.-max. : 2,3-5,6 Médiane : 4,0 | CCME, 2010a |
Eganville (Ontario)b | 2009 | Min.-max. : 0,6-30,6 Médiane : 3,1 | CCME, 2010a |
Smiths Falls (Ontario)b | 2009 | Min.-max. : 11,8-11,9 Médiane : 11,8 | CCME, 2010a |
Vallée de la Gatineau (Québec)b | 2009 | Min.-max. : 27,6-46,4 Médiane : 38,6 | CCME, 2010a |
Vallée de la Gatineau (Québec)c | 2009 | Min.-max. : inférieur(e) à 0,1-0,92 Médiane : 0,78 | CCME, 2010a |
Saguenay (Québec)b | 2009 | Min.-max. : 0,9-2,8 Médiane : 1,3 | CCME, 2010a |
Moncton (Nouveau-Brunswick)d | 2009 | Min.-max. : 5,9-7,3 Médiane : 7,0 | CCME, 2010a |
Moncton (Nouveau-Brunswick)c | 2009 | Min.-max. : 0,60-0,96 Médiane : 0,63 | CCME, 2010a |
Halifax (Nouvelle-Écosse)e | 2009 | Min.-max. : 4,8-6,5 Médiane : 6,1 | CCME, 2010a |
Gander (Terre-Neuve) | 2009 | Min.-max. : 9,2-20,3 Médiane : 9,6 | CCME, 2010a |
3 usines de traitement des eaux uséesf en Ontario | 2011-2013 | 3,5-14,5 | Comm. pers.g |
2 usines de traitement des eaux uséesf en Colombie-Britannique | 2011-2013 | 6,5b-26,0 | Comm. pers.g |
1 usine de traitement des eaux uséesf au Québecb | 2011-2012 | 7,7 | Comm. pers.g |
Tableau des notes
Abréviations : comm. pers., communication personnelle, max., maximum; min., minimum.
a Dans les boues brutes.
b Dans les biosolides déshydratés.
c Biosolides compostés.
d Biosolides stabilisés à la chaux.
e Cette usine traite également les boues provenant de Herring Cove, de Bedford, de Dartmouth et d'Aerotech.
f L'identité ne peut être divulguée. Certaines usines de traitement des eaux usées sont les mêmes dans toutes les études.
g Communication personnelle de 2013 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d'Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Certaines des concentrations mesurées dans les biosolides citées dans le tableau 4-2 à titre de communication personnelle ont été résumées par Guerra et al. (2014).
4.1.2.2 Concentrations dans les boues d'épuration dans d'autres pays
Les données sur la présence de triclosan dans les boues étaient disponibles pour les États-Unis, la Suède et l'Australie. Le méthyl-triclosan et les dérivés chlorés du triclosan ont aussi été mesurés dans des échantillons provenant des États-Unis. Les concentrations de triclosan trouvées dans les échantillons de boues provenant des États-Unis et de la Suède se trouvaient dans la fourchette des concentrations maximales et minimales observées dans les échantillons canadiens (présentées dans le tableau 4‑2).
On a mesuré la concentration de triclosan et de méthyl-triclosan dans des échantillons de boues prélevées dans des usines de traitement des eaux usées aux États-Unis (McAvoy et al., 2002). On a constaté que le triclosan était éliminé rapidement durant le procédé de digestion des boues en conditions aérobies, tandis que l'analyse des échantillons provenant d'une usine de traitement utilisant un filtre bactérien a démontré une efficacité faible, voire nulle, de l'élimination du triclosan durant le procédé de digestion des boues en conditions anaérobies. Les concentrations de triclosan variaient de 0,5 à 15,6 μg/g de poids sec, tandis que celles du méthyl-triclosan variaient de valeurs inférieures à la limite de quantification (LQ) à 1,03 μg/g de poids sec et que les concentrations des dérivés chlorés atteignaient jusqu'à 0,42 μg/g de poids sec (McAvoy et al., 2002). McClellan et Halden (2010) ont mesuré une concentration moyenne du triclosan de 12,6 μg/g de poids sec et une concentration maximale de 19,7 μg/g de poids sec dans les biosolides archivés recueillis en 2001 de 94 usines de traitement des eaux usées aux États-Unis dans le cadre d'une enquête nationale. On a constaté que parmi les 38 composés détectés dans les échantillons de boues, le triclosan affichait la deuxième concentration moyenne la plus élevée après le triclocarban, qui est un autre agent antimicrobien.
En Suède, Svensson (2002) a prélevé des échantillons de boues à 19 usines de traitement des eaux usées en 2001-2002. Les concentrations de triclosan dans les échantillons de boues allaient de 0,028 à 6,4 μg/g de poids sec. Une autre enquête sur des échantillons de boues provenant de quatre usines suédoises de traitement des eaux usées en 2001 a révélé des concentrations de triclosan similaires (de l'ordre de 2,8 et à 4,4 μg/g de poids sec) dans des boues digérées en conditions anaérobies (Remberger et al,. 2002). Pour l'une des usines étudiées, on a analysé un échantillon de boues ayant subi un traitement primaire et un échantillon de boues digérées en conditions anaérobies. Les résultats de ces analyses corroboraient les constatations de McAvoy et al. (2002) selon lesquelles peu ou prou de triclosan est éliminé pendant la digestion anaérobie.
En Australie, Langdon et al. (2011) ont prélevé des échantillons de biosolides dans 13 usines de traitement des eaux usées et ont constaté des concentrations de triclosan allant de 0,22 à 9,89 μg/g de poids sec, avec une moyenne de 3,77 μg/g de poids sec.
4.1.3 Concentrations dans l'environnement
Les rejets continus de triclosan à partir de produits qui en contiennent, notamment par les eaux usées, entraînent l'omniprésence de ce produit chimique dans l'environnement. Des concentrations de triclosan ont été décelées dans les eaux de surface, les sédiments et le sol dans des ordres de grandeur allant des parties par millier aux parties par milliards. La surveillance du triclosan dans les eaux de surface canadiennes du début des années 2000 jusqu'aux dernières données disponibles pour 2014 indique que cette substance continue à être présente à des concentrations constantes.
Les paragraphes qui suivent résument les données de suivi et de surveillance disponibles pour l'eau, les sédiments et le sol au Canada et dans d'autres pays.
4.1.3.1 Concentrations mesurées dans les eaux de surface
4.1.3.1.1 Au Canada
Le tableau 4-3 présente l'éventail des concentrations de triclosan mesurées dans les eaux de surface au Canada. La majeure partie de ces données provient de la Direction de la science et de la technologie de l'eau d'Environnement Canada (communication personnelle, tableau 4-3b-h, source non citée). Des données étaient disponibles pour toutes les provinces et tous les territoires, sauf l'Île-du-Prince-Édouard, pour la période allant de 2002 à 2013. En 2014, l'échantillonnage s'est poursuivi à certains endroits au Canada. Les niveaux rapportés s'étalaient sur près de quatre ordres de grandeur, depuis en-dessous de la limite de détection de la méthode (LDM), à 874 ng/L (les limites de détection de la méthode déclarées allaient de 4 à 42 ng/L); la concentration médiane la plus élevée a été établie à 139 ng/L. Comme l'eau de surface de zones fortement et légèrement peuplées a été échantillonnée, cette gamme devrait être représentative des eaux intérieures canadiennes. Les données pour les sites échantillonnés pendant 8 à 10 ans indiquent en général que le triclosan est toujours présent à des concentrations constantes.
Tableaux 4-3. Concentrations de triclosan dans les eaux de surface au Canada
Plan d'eau | Période d'échantillonnage | Nombre d'échantillons | Conc. min. (ng/L)a | Conc. méd. (ng/L)a | Conc. max. (ng/L)a | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
Rivière Detroit, 600 m en aval de l'usine de traitement des eaux usées de la rivière Litlle (ville de Windsor) | 2003 | 3 | n.d. | 8 (moyenne) | n.d. | Hua et al., 2005 |
Embouchure de la rivière Niagara (Niagara-on-the-Lake) | 2004-2005 | 10 | 0,34 | 0,69 | 3,20 | Comm.pers.b |
Tête de la rivière Niagara (Fort Erie) | 2004-2005 | 11 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 0,43 | Comm. pers.b |
Fleuve Saint-Laurent (chenal sud), à la décharge du lac Ontario (île Wolfe) | 2004-2005 | 11 | inférieur(e) à LDM | 0,11 | 0,25 | Comm. pers.b |
Rivière Thames | 2002 | 86 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 691 | Comm. pers.c |
Port de Hamilton | 2003-2004 | 59 | inférieur(e) à LDM | 12 | 626 | Comm. pers.c |
Rivière Grand | 2003-2004 | 72 | inférieur(e) à LDM | 11 | 260 | Comm. pers.c |
Ruisseau Andrews | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.c |
Ruisseau Blyth | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.c |
Ruisseau Egbert | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.c |
Ruisseau Indian | 2005 | 4 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 599 | Comm. pers.c |
Ruisseau Kerrys | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.c |
Ruisseau Laurel | 2005 | 5 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 65 | Comm. pers.c |
Petite rivière Ausable | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.c |
Rivière Middle Maitland | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.c |
Ruisseau Mill | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.c |
Ruisseau Nineteen | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.c |
Ruisseau Nissouri | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.c |
Rivière Maitland Nord | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.c |
Rivière Nottawasaga | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 22 | Comm. pers.c |
Ruisseau Spring | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 93 | Comm. pers.c |
Rivière Stokes | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 43 | Comm. pers.c |
Ruisseau Twenty Mile | 2005 | 15 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 433 | Comm. pers.c |
Ruisseau Vineland | 2005 | 5 | inférieur(e) à LDM | 34 | 66 | Comm. pers.c |
Rivière West Don | 2005 | 6 | inférieur(e) à LDM | 23 | 64 | Comm. pers.c |
6 cours d'eau et 3 lacs en Ontario | 2009-2010 | 22 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 74 | Comm. pers.d |
Rivière Niagara (à Niagara-on-the-Lake) | 2012-2013 | 5 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 7,53 | Comm. pers.e |
Île Wolfe | 2012-2013 | 5 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.e |
Ruisseau Mimico | 2012-2014 | 19 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 80,4 | Comm. pers.e |
Ruisseau Highland | 2012-2014 | 18 | inférieur(e) à LDM | 5,38 | 22,6 | Comm. pers.e |
Rivière Grand (en amont de l'usine d'épuration des eaux usées de Kitchener) | 2012-2014 | 16 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 6,7 | Comm. pers.e |
Rivière Grand (en aval de l'usine d'épuration des eaux usées de Kitchener) | 2012-2014 | 19 | inférieur(e) à LDM | 12,5 | 44,2 | Comm. pers.e |
Rivière Thames (en amont de l'usine d'épuration London Greenway) | 2012-2014 | 17 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 19,1 | Comm. pers.e |
Rivière Thames (en aval de l'usine d'épuration London Greenway) | 2012-2014 | 17 | inférieur(e) à LDM | 8,18 | 16,9 | Comm. pers.e |
4 sites du port d'Hamilton | 2012-2014 | 60 | inférieur(e) à LDM | 5,92 | 268 | Comm. pers.e |
Ruisseau Taylor | 2012-2014 | 19 | inférieur(e) à LDM | 20,8 | 58,8 | Comm. pers.e |
Tableau des notes
Abréviations : conc., concentration; max., maximale; LDM, limite de détection de la méthode; min., minimum; LQM, limite de quantification de la méthode; n.d., non disponible; LDÉ, limite de détection de l'échantillon.
a Ontario : LQM = 4 ng/L pour la rivière Detroit; LDM = 0,10 ng/L pour l'embouchure et la tête de la rivière Niagara et du fleuve Saint-Laurent; LDM = 5 ng/L pour la rivière Grand et le port de Hamilton; LDM = 20 ng/L pour les autres plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;c LDM = 10 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;d la LDM affichait une variation de 4,06 à 41,9 ng/L (moyenne de 6,02 ng/L) entre les lots d'échantillons pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.e,f
b Communication personnelle de 2006 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d'Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
c Communication personnelle de 2007 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d' Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
d Communication personnelle de 2014 entre la Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection de Santé Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
e Communication personnelle de 2015 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d' Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Plan d'eau | Période d'échantillonnage | Nombre d'échantillons | Conc. min. (ng/L)a | Conc. méd. (ng/L)a | Conc. max. (ng/L)a | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
Rivière des Outaouais (Carillon) | 2006-2008 | 10 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 9 | Comm. pers.f |
Rivière Saint-Maurice (à Trois-Rivières) | 2007-2008 | 4 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.f |
Fleuve Saint-Laurent (à Lavaltrie) | 2006-2009 | 11 | inférieur(e) à LDM | 16 | 29 | Comm. pers.f |
Fleuve Saint-Laurent (à Bécancour) | 2006-2009 | 10 | inférieur(e) à LDM | 5 | 25 | Comm. pers.f |
Rivière Richelieu (à Sorel) | 2006-2009 | 11 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 11 | Comm. pers.f |
Fleuve Saint-Laurent (à Lévis) | 2006-2009 | 11 | inférieur(e) à LDM | 6,9 | 34 | Comm. pers.f |
3 cours d'eau et 1 lac au Québec | 2009-2010 | 11 | inférieur(e) à LDM | 41 | 146 | Comm. pers.d |
Fleuve Saint-Laurent (à Lévis) | 2012-2014 | 10 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 7,65 | Comm. pers.e |
Fleuve Saint-Laurent (Lavaltrie) | 2012-2014 | 17 | inférieur(e) à LDM | 7,52 | 15,8 | Comm. pers.e |
Tableau des notes
Abréviations : conc., concentration; max., maximale; LDM, limite de détection de la méthode; min., minimum; LQM, limite de quantification de la méthode; n.d., non disponible; LDÉ, limite de détection de l'échantillon.
a Quebec: LDM = 6 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;g LDM = 10 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;d la LDM affichait une variation de 4,06 à 41,9 ng/L (moyenne de 6,02 ng/L) entre les lots d'échantillon pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.e.
b Communication personnelle de 2006 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d'Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
e Communication personnelle de 2015 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d' Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
f Communication personnelle de 2010 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d' Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Plan d'eau | Période d'échantillonnage | Nombre d'échantillons | Conc. min. (ng/L)a | Conc. méd. (ng/L)a | Conc. max. (ng/L)a | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
2 cours d'eau et 2 lacs au Manitoba | 2009-2010 | 8 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.d |
Rivière Rouge (à l'autoroute 4) | 2013 | 2 | inférieur(e) à LDM | n.d. | 5,73 | Comm. pers.e |
Rivière Rouge (Selkirk) | 2013-2014 | 5 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 14 | Comm. pers.e |
Rivière Rouge (Winnipeg) | 2013 | 2 | inférieur(e) à LDM | n.d. | 37,1 | Comm. pers.e |
Rivière Rouge (Emmerson) | 2013 | 2 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.e |
Tableau des notes
Abréviations : conc., concentration; max., maximale; LDM, limite de détection de la méthode; min., minimum; LQM, limite de quantification de la méthode; n.d., non disponible; LDÉ, limite de détection de l'échantillon.
a Manitoba: LDM = 10 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;d la LDM affichait une variation de 4,06 à 41,9 ng/L (moyenne de 6,02 ng/L) entre lots d'échantillons pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.e,f.
d Communication personnelle de 2014 entre la Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection de Santé Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
e Communication personnelle de 2015 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d' Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Plan d'eau | Période d'échantillonnage | Nombre d'échantillons | Conc. min. (ng/L)a | Conc. méd. (ng/L)a | Conc. max. (ng/L)a | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
Fleuve Columbia (à Waneta) | 2009 | 1 | n.d. | n.d. | inférieur(e) à 147 | Comm. pers.g |
Ruisseau Fishtrap | 2009-2010 | 2 | 66 | n.d. | inférieur(e) à 69 | Comm. pers.g |
Fleuve Fraser | 2008 | 2 | 236 | n.d. | inférieur(e) à 240 | Comm. pers.g |
Ruisseau Mill (Kelowna) | 2008-2010 | 18 | inférieur(e) à 63 | n.d. | inférieur(e) à 249 | Comm. pers.g |
Rivière Okanagan | 2008-2010 | 16 | inférieur(e) à 62 | n.d. | inférieur(e) à 248 | Comm. pers.g |
Ruisseau Still (Burnaby) | 2008, 2010 | 3 | inférieur(e) à 64 | n.d. | inférieur(e) à 241 | Comm. pers.g |
Rivière Sumas | 2008-2010 | 4 | inférieur(e) à 64 | n.d. | inférieur(e) à 245 | Comm. pers.g |
Ruisseau BX (Vernon) | 2009-2010 | 3 | inférieur(e) à 70 | n.d. | inférieur(e) à 120 | Comm. pers.g |
Ruisseau Ellis (Penticton) | 2009-2010 | 4 | inférieur(e) à 64 | n.d. | inférieur(e) à 131 | Comm. pers.g |
Ruisseau Hastings (North Vancouver) | 2010 | 1 | n.d. | n.d. | inférieur(e) à 63 | Comm. pers.g |
Lac Osoyoos | 2009-2010 | 2 | inférieur(e) à 67 | n.d. | inférieur(e) à 111 | Comm. pers.g |
3 cours d'eau et 3 lacs en Colombie-Britannique | 2009-2010 | 12 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.d |
Ruisseau Mill (amont) | 2012-2014 | 15 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 7,7 | Comm. pers.e |
Ruisseau Mill (cours intermédiaire) | 2012-2014 | 15 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 20,7 | Comm. pers.e |
Ruisseau Mill (référence) | 2012-2014 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 35,3 | Comm. pers.e |
Rivière Okanagan (nord) | 2012-2014 | 6 | inférieur(e) à LDM | n.d. | 17 | Comm. pers.e |
Rivière Okanagan | 2012-2014 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 8,9 | Comm. pers.e |
Lac Osoyoos | 2012-2013 | 4 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.e |
Rivière Serpentine | 2012-2014 | 15 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 11,3 | Comm. pers.e |
Ruisseau Still | 2012-2014 | 18 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 20,2 | Comm. pers.e |
Tableau des notes
Abréviations : conc., concentration; max., maximale; LDM, limite de détection de la méthode; min., minimum; LQM, limite de quantification de la méthode; n.d., non disponible; LDÉ, limite de détection de l'échantillon.
a Colombie-Britannique : Les valeurs sont présentées en tant que inférieur(e) à LDÉ pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.h La LDÉ varie d'un échantillon à l'autre et peut être inférieure ou supérieure à la LDM, selon la propreté de l'échantillon (présence ou absence de composants perturbateurs). LDM = 10 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;d la LDM affichait des variations de 4,06 à 41,9 ng\/L (moyenne de 6,02 ng\/L) entre les échantillons pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.e,f
d Communication personnelle de 2014 entre la Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection de Santé Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
e Communication personnelle de 2015 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d' Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
g Communication personnelle de 2011 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d' Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Plan d'eau | Période d'échantillonnage | Nombre d'échantillons | Conc. min. (ng/L)a | Conc. méd. (ng/L)a | Conc. max. (ng/L)a | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
Ruisseau Wascana (en aval de Regina) | 2002-2003 | 23 | 12 | 87 | 602 | Comm. pers.g |
Ruisseau Wascana (depuis l'amont jusqu'à l'aval de Regina) | 2006 | 5 | inférieur(e) à LDM | 139 | 178 | Comm. pers.g |
Ruisseau Wascana (depuis l'amont jusqu'à l'aval de Regina) | 2006-2007 | 10 | inférieur(e) à LDM | 43 | 112 | Waiser et al., 2011 |
Rivière Qu'Appelle (depous l'amont jusqu'à la confluence en aval avec le ruisseau Wascana) | 2006 | 5 | inférieur(e) à LDM | 22 | 26 | Comm. pers.g |
Lac Pasqua | 2006 | 1 | n.d. | n.d. | 15 | Comm. pers.g |
2 rivières en Saskatchewan | 2009-2010 | 4 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.d |
Ruisseau Wascana (aval) | 2012-2014 | 12 | inférieur(e) à LDM | 63,3 | 874 | Comm. pers.e |
Ruisseau Wascana (amont) | 2012-2013 | 9 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.e |
Tableau des notes
Abréviations : conc., concentration; max., maximale; LDM, limite de détection de la méthode; min., minimum; LQM, limite de quantification de la méthode; n.d., non disponible; LDÉ, limite de détection de l'échantillon.
a Saskatchewan: LDM = 25 ng/L (Waiser et al., 2011), LDM = 5 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;h LDM = 10 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;d la LDM affichait une variation de 4,06 à 41,9 ng/L (moyenne de 6,02 ng/L) entre les lots d'échantillons pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.e,f
d Communication personnelle de 2014 entre la Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection de Santé Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
e Communication personnelle de 2015 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d' Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
g Communication personnelle de 2011 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d' Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Plan d'eau | Période d'échantillonnage | Nombre d'échantillons | Conc. min. (ng/L)a | Conc. méd. (ng/L)a | Conc. max. (ng/L)a | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
1 lac et 3 rivières en Alberta | 2009-2010 | 8 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.d |
Tableau des notes
Abréviations : conc., concentration; max., maximale; LDM, limite de détection de la méthode; min., minimum; LQM, limite de quantification de la méthode; n.d., non disponible; LDÉ, limite de détection de l'échantillon.
a Alberta: LDM = 10 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;d la LDM affichait des variations de 4,06 à 41,9 ng/L (moyenne de 6,02 ng/L) entre les lots d'échantillons pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.
d Communication personnelle de 2014 entre la Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection de Santé Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Plan d'eau | Période d'échantillonnage | Nombre d'échantillons | Conc. min. (ng/L)a | Conc. méd. (ng/L)a | Conc. max. (ng/L)a | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
1 rivière et 2 lacs à Terre-Neuve | 2009-2010 | n.d. | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 34 | Comm. pers.d |
Rivière Waterford | 2012-2014 | 12 | inférieur(e) à LDM | n.d. | 17 | Comm. pers.e |
Tableau des notes
Abréviations : conc., concentration; max., maximale; LDM, limite de détection de la méthode; min., minimum; LQM, limite de quantification de la méthode; n.d., non disponible; LDÉ, limite de détection de l'échantillon.
a Terre-Neuve : LDM = 10 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;d la LDM affichait des variations de 4,06 à 41,9 ng/L (moyenne de 6,02 ng/L) entre les lots d'échantillons pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.
d Communication personnelle de 2014 entre la Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection de Santé Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
e Communication personnelle de 2015 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d' Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Plan d'eau | Période d'échantillonnage | Nombre d'échantillons | Conc. min. (ng/L)a | Conc. méd. (ng/L)a | Conc. max. (ng/L)a | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
1 cours d'eau et 1 lac au Nouveau-Brunswick | 2009-2010 | 4 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.d |
Rivière Napan | 2012-2013 | 7 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.e |
Fleuve Saint-Jean (amont) | 2012-2014 | 16 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 8,0 | Comm. pers.e |
Fleuve Saint-Jean (aval) | 2012-2014 | 16 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | 6 | Comm. pers.f |
Tableau des notes
Abréviations : conc., concentration; max., maximale; LDM, limite de détection de la méthode; min., minimum; LQM, limite de quantification de la méthode; n.d., non disponible; LDÉ, limite de détection de l'échantillon.
a Nouveau-Brunswick : LDM = 10 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;d la LDM affichait des variations de 4,06 à 41,9 ng/L (moyenne de 6,02 ng/L) entre les lots d'échantillons pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.
d Communication personnelle de 2014 entre la Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection de Santé Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
e Communication personnelle de 2015 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d' Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Plan d'eau | Période d'échantillonnage | Nombre d'échantillons | Conc. min. (ng/L)a | Conc. méd. (ng/L)a | Conc. max. (ng/L)a | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
2 lacs en Nouvelle-Écosse | 2009-2010 | 4 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.d |
Rivière Little Sackville | 2012-2013 | 5 | inférieur(e) à LDM | 12 | 25,4 | Comm. pers.e |
Tableau des notes
Abréviations : conc., concentration; max., maximale; LDM, limite de détection de la méthode; min., minimum; LQM, limite de quantification de la méthode; n.d., non disponible; LDÉ, limite de détection de l'échantillon.
a Nouvelle-Écosse : LDM = 10 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;d la LDM affichait des variations de 4,06 à 41,9 ng/L (moyenne de 6,02 ng/L) entre les lots d'échantillons pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.
d Communication personnelle de 2014 entre la Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection de Santé Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
e Communication personnelle de 2015 entre la Direction des sciences et de la technologie de l'eau d' Environnement Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Plan d'eau | Période d'échantillonnage | Nombre d'échantillons | Conc. min. (ng/L)a | Conc. méd. (ng/L)a | Conc. max. (ng/L)a | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
1 lac au Yukon | 2009-2010 | 2 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.d |
Tableau des notes
Abréviations : conc., concentration; max., maximale; LDM, limite de détection de la méthode; min., minimum; LQM, limite de quantification de la méthode; n.d., non disponible; LDÉ, limite de détection de l'échantillon.
a Yukon: LDM = 10 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;d la LDM affichait des variations de 4,06 à 41,9 ng/L (moyenne de 6,02 ng/L) entre les lots d'échantillons pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.
d Communication personnelle de 2014 entre la Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection de Santé Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Plan d'eau | Période d'échantillonnage | Nombre d'échantillons | Conc. min. (ng/L)a | Conc. méd. (ng/L)a | Conc. max. (ng/L)a | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
1 cours d'eau et 2 lacs dans les territoires du Nord-Ouest | 2009-2010 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.d |
Tableau des notes
Abbreviations: conc., concentration; max., maximum; MDL, method detection limit; min., minimum; MQL, method quantification limit; NA, not available; No., number; SDL, sample detection limit; WWTP, wastewater treatment plant.
a Territoires du Nord-Ouest : LDM = 10 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;d la LDM affichait des variations de 4,06 à 41,9 ng/L (moyenne de 6,02 ng/L) entre les lots d'échantillons pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.
d Communication personnelle de 2014 entre la Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection de Santé Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
Plan d'eau | Période d'échantillonnage | Nombre d'échantillons | Conc. min. (ng/L)a | Conc. méd. (ng/L)a | Conc. max. (ng/L)a | Référence |
---|---|---|---|---|---|---|
3 lacs au Nunavut | 2009-2010 | 6 | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | inférieur(e) à LDM | Comm. pers.d |
Tableau des notes
Abréviations : conc., concentration; max., maximale; LDM, limite de détection de la méthode; min., minimum; LQM, limite de quantification de la méthode; n.d., non disponible; LDÉ, limite de détection de l'échantillon.
a Nunavut: LDM = 10 ng/L pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle;d la LDM affichait des variations de 4,06 à 41,9 ng/L (moyenne de 6,02 ng/L) entre les lots d'échantillons pour les plans d'eau avec renvoi à une communication personnelle.
d Communication personnelle de 2014 entre la Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection de Santé Canada et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée.
On a en outre trouvé des données de suivi du méthyl-triclosan pour l'Ontario et la Saskatchewan. Le méthyl-triclosan a été mesuré à des concentrations d'environ 1 et 0,1 ng/L dans des échantillons d'eau du port de Hamilton et du lac Ontario, respectivement (Andersen et al., 2007). En Saskatchewan, Waiser et al. (2011) ont mesuré des concentrations variant de 3 à 17 ng/L dans le ruisseau Wascana en aval de l'usine de traitement des eaux usées de Regina. Le site d'échantillonnage en aval du ruisseau Wascana affiche les plus fortes concentrations de triclosan mesurées (voir le tableau 4-3).
4.1.3.1.2 Autres pays
Les concentrations de triclosan ont fait l'objet d'un suivi aux États-Unis. Dans un relevé de reconnaissance national de 139 cours d'eau dans 30 États effectué en 1999 et en 2000, Kolpin et al., 2002 ont mesuré des concentrations maximales et médianes de triclosan de 2300 et de 140 ng/L, respectivement. Au Texas, Coogan et al. (2007) ont mesuré des concentrations de triclosan et de méthyl-triclosan variant de 60 à 120 ng/L et de 50 à 80 ng/L, respectivement, dans un ruisseau recevant les effluents d'une usine de traitement des eaux usées.
Okumura et Nishikawa (1996) ont mesuré des concentrations de triclosan variant de 50 à 150 ng/L dans un cours d'eau au Japon. En Suisse, les concentrations de triclosan dans les cours d'eau et les lacs allaient de 1,4 à 74 ng/L, comme l'ont signalé Lindström et al. (2002). Toujours en Suisse, Singer et al. (2002) ont mesuré une concentration de méthyl-triclosan d'environ 0,5 ng/L (entre la limite de quantification de la méthode [LQM] et la LDM) dans l'eau échantillonnée dans l'épilimnion et l'hypolimnion d'un lac.
Brausch et Rand (2011) ont passé en revue toutes les études menées sur le triclosan qui avaient été publiées avant avril 2010 et ont déterminé, à l'aide de calculs, que ce composé a été détecté dans 56,8 % des échantillons d'eaux de surface analysés (n = 710), avec une concentration médiane de 48 ng/L (plage : inférieur(e) à 0,1 à 2300 ng/L). Leur examen incluait notamment des données relatives à des eaux de surface aux États-Unis, en Roumanie, au Royaume-Uni, en Corée du Sud et en Suisse.
4.1.3.2 Concentrations mesurées dans les sédiments
4.1.3.2.1 Au Canada
Des données de suivi du triclosan et du méthyl-triclosan sont disponibles pour les années 2012 et 2013 (communication personnelle, courriel envoyé en 2015 par la Division de la surveillance de la qualité de l'eau d'Environnement Canada à la Division des évaluations écologiques d'Environnement Canada; source non citée). Des échantillons de sédiments de surface ont été prélevés dans les régions de l'Atlantique et du Pacifique, dans le lac Érié et dans le fleuve Saint-Laurent. Dans l'ensemble, les concentrations dans les sédiments de surface au Canada étaient de l'ordre de inférieur(e) à 1 à 47 ng/g pour le triclosan et de inférieur(e) à 2 à 22 ng/g pour le méthyl-triclosan. On a analysé des carottes de sédiments prélevées à différentes profondeurs dans le lac Ontario; les concentrations maximales de triclosan et de méthyl-triclosan, observées à une profondeur d'échantillonnage de 9 cm, étaient respectivement de 9 et 15 ng/g. On a effectué la mesure de sédiments en suspension à différentes distances d'une usine de traitement des eaux usées située le long du fleuve Saint-Laurent; la concentration maximale de triclosan dans la plage de 1000 à 2000 ng/g a été observée à une distance 4 km. Les données canadiennes de suivi des concentrations de triclosan et de méthyl-triclosan sont présentées au tableau 4-4 ci-après.
Site (taille de l'échantillon) | Type d'échantillon | Plage de concentrations - triclosan (ng/g) | Moyenne géométrique - triclosan (ng/g) | Plage de concentrations - méthyl-triclosan (ng/g) | Moyenne géométrique - méthyl-triclosan (ng/g) |
---|---|---|---|---|---|
Région du Pacifique (3) | Sédiments de surface | inférieur(e) à 1-9 | 2,1 | inférieur(e) à 2 | n.d. |
Grands Lacs (2) | Sédiments de surface | 7 | 7,0 | inférieur(e) à 2-14 | n.d. |
Fleuve Saint-Laurent (7) | Sédiments de surface | 14-47 | 27,4 | inférieur(e) à 2-22 | 4,5 |
Région de l'Atlantique (9) | Sédiments de surface | inférieur(e) à 1-18 | 1,9 | inférieur(e) à 2-3 | n.d. |
Lac Ontario (1) | Carottes (1 cm de profondeur) | 7 | n.d. | 14 | n.d. |
Lac Ontario (1) | Carottes (3 cm de profondeur) | 8 | n.d. | inférieur(e) à 2 | n.d. |
Lac Ontario (2) | Carottes (5 à 7 cm de profondeur) | inférieur(e) à 1 | n.d. | inférieur(e) à 2 | n.d. |
Lac Ontario (1) | Carottes (9 cm de profondeur) | 9 | n.d. | 15 | n.d. |
Lac Ontario (11) | Carottes (11 à 32 cm de profondeur) | inférieur(e) à 1 | n.d. | inférieur(e) à 2 | n.d. |
Fleuve Saint-Laurent (2) | Sédiments en suspension (1 km de l'usine de traitement des eaux usées) | 15-21 | 17,8 | inférieur(e) à 2-9 | n.d. |
Fleuve Saint-Laurent (2) | Sédiments en suspension (4 km de l'usine de traitement des eaux usées) | 990-2000 | 1427 | 17-24 | 20,2 |
Fleuve Saint-Laurent (4) | Sédiments en suspension (7 km de l'usine de traitement des eaux usées) | 29-150 | 70,4 | 12-19 | 17 |
Fleuve Saint-Laurent (6) | Sédiments en suspension (15 km de l'usine de traitement des eaux usées) | 26-150 | 72 | 9-22 | 15,7 |
Tableau des notes
Abréviations : n.d., non disponible
a Source : Données non publiées, Division de la surveillance de la qualité de l'eau, Environnement Canada.
4.1.3.2.2 Autres pays
Des données de suivi des concentrations de triclosan dans les sédiments étaient disponibles pour la Suisse, la Suède, les États-Unis et la Chine. Singer et al. (2002) ont analysé une carotte de sédiments prélevée dans un lac en Suisse qui reçoit des effluents provenant d'usines de traitement des eaux usées. Le profil établi de la carotte de sédiments a révélé des concentrations de triclosan variant de moins de 5 ng/g de poids sec en 1960 et en 1961 à 53 ng/g de poids sec en 1992 et en 1993. En Suède, Remberger et al. (2002) ont signalé des concentrations de triclosan variant de 8 à 17 ng/g de poids sec dans les sédiments marins échantillonnés dans une zone industrielle. Miller et al. (2008) ont aussi relevé la présence de triclosan dans des sédiments estuariens provenant de carottes prélevées dans la baie de Jamaica (New York). Des concentrations de pointe variant de 600 à 800 ng/g de poids sec ont été observées dans les sédiments déposés entre le milieu des années 1960 et la fin des années 1970; ces concentrations ont ensuite diminué pour atteindre des concentrations inférieures à 50 ng/g au cours des années suivantes. Zhao et al.(2010) ont mesuré des concentrations de triclosan dont la valeur varie de 56,5 à 739 ng/g de poids sec dans des sédiments échantillonnés dans trois rivières se déversant dans des zones fortement peuplées de Chine.
4.1.3.3 Concentrations mesurées dans les sols
Aucune donnée de suivi des concentrations de triclosan ou de méthyl-triclosan dans le sol n'a été trouvée pour le Canada. En Suède, Remberger et al. (2002) ont mesuré les concentrations de triclosan dans deux zones (industrielles) contaminées et dans une zone de forêt vierge. Les concentrations de triclosan dans les sites contaminés ont varié de moins de 3 à 15 μg/kg de poids sec, tandis qu'elles étaient inférieures à 3 μg/kg de poids sec (limite de détection) dans le sol de la zone forestière. Aux États-Unis, Wu et al. (2010b) ont mesuré les concentrations de triclosan dans des sols qui avaient été amendés avec des biosolides. Les concentrations de triclosan dans ces sols ont varié de 1,6 à 11 μg/kg de poids sec.
4.2 Devenir dans l'environnement
La présente section contient de l'information sur la distribution et le devenir du triclosan dans les milieux naturels. La distribution dans l'eau, le sol, les sédiments et l'air est évaluée à l'aide du modèle plurispécifique (version 1.0 ; Cahill, 2008) et considère les propriétés ionisantes du triclosan à des pH de 7 et de 8. La persistance du triclosan dans l'environnement est évaluée pour l'eau, les sédiments et les sols à l'aide de données empiriques. La dégradation du triclosan dans l'air est évaluée à l'aide de données obtenues à l'aide du modèle AOPWIN (2008). L'information sur les voies de dégradation abiotiques et biotiques et sur les dérivés sont organisées selon sur le milieu.
4.2.1 Distribution dans l'environnement
Lorsqu'une substance peut s'ioniser dans l'eau à un pH plausible sur le plan environnemental, ses formes neutres et ioniques coexisteront dans l'environnement (eau, sédiments et sol). Avec un pKa de 8,1 (voir le tableau 2-2), le triclosan s'ionisera, dans une certaine mesure, dans la plupart des plans d'eau naturels du Canada. L'ionisation du triclosan a lieu lorsque le proton lié au groupe phénolique se dissocie de la structure afin de former une molécule anionique. À des valeurs de pH de 6, 7, 8 ou 9, la fraction de triclosan ionisée dans l'eau pure sera de 1, 7, 44 ou 89 %, respectivement, selon l'équation suivante : Fi = 1-(1/(1+10pH-pka)) x 100 %, où Fi est la fraction ionisée.
Le tableau 4-5 présente un résumé de la distribution des formes neutre et anionique du triclosan dans les milieux naturels, selon le modèle plurispécifique (version 1.0; Cahill, 2008). Plus précisément, ces résultats donnent la proportion (fraction de la masse totale émise dans l'environnement : valeur implicite de 1000 g par heure pour l'air, l'eau et le sol utilisée pour la modélisation) de chaque forme présente dans chaque milieu à la suite de rejets continus dans l'eau ou le sol, à un pH environnemental de 7. Le modèle a également été utilisé à un pH environnemental de 8, puisque cette valeur est également pertinente pour de nombreux écosystèmes aquatiques et terrestres au Canada. La proportion modélisée est déterminée relativement à la quantité totale rejetée afin que la somme de toutes les proportions soit égale à 100 %. Les propriétés physiques et chimiques et les valeurs de la demi-vie présentées dans les tableaux 2-2 et 4-6, respectivement, ont servi de données d'entrée pour le modèle. Les valeurs d'entrée pour les propriétés physiques et chimiques de la forme ionisée du triclosan étaient fondées sur les valeurs correspondantes pour la forme neutre, après l'application de facteurs de correction, tandis que les valeurs d'entrée pour les demi-vies étaient les mêmes que pour la forme neutre. Les résultats indiqués au tableau 4-5 représentent les effets nets du partage chimique, du transport entre les divers milieux et de la perte tant par l'advection (hors de la région modélisée, mais toujours dans l'écosystème élargi) que la dégradation ou la transformation. Malgré le processus de perte, la somme de toutes les proportions équivaut toujours à 100 % étant donné que les prévisions sont fondées sur l'hypothèse que l'état d'équilibre est atteint entre les quatre compartiments lorsque le triclosan est rejeté de façon continue.
Triclosan rejeté dans : | Forme | Pourcentage du triclosan réparti dans chaque compartiment | |||
---|---|---|---|---|---|
eau (100 %), pH de 7 | neutre | air : 0,0 | eau : 72,9 | sol : 0,0 | sédiments : 19,8 |
eau (100 %), pH de 7 | ionisée | air : 0,0 | eau : 5,8 | sol : 0,0 | sédiments : 1,5 |
sol (100 %), pH de 7 | neutre | air : 0,0 | eau : 0,1 | sol : 92,6 | sédiments : 0,0 |
sol (100 %), pH de 7 | ionisée | air : 0,0 | eau : 0,0 | sol : 7,3 | sédiments : 0,0 |
eau (100 %), pH de 8 | neutre | air : 0,0 | eau : 50,6 | sol : 0,0 | sédiments : 5,2 |
eau (100 %), pH de 8 | ionisée | air : 0,0 | eau : 40,1 | sol : 0,0 | sédiments : 4,1 |
sol (100 %), pH de 8 | neutre | air : 0,0 | eau : 0,2 | sol : 55,6 | sédiments : 0,0 |
sol (100 %), pH de 8 | ionisée | air : 0,0 | eau : 0,1 | sol : 44,1 | sédiments : 0,0 |
Dans un scénario où le triclosan est uniquement rejeté dans l'eau, on s'attend à ce qu'il reste dans l'eau (de 79 à 91 %) et les sédiments (de 9 à 21 %), à un pH de 7 et 8. S'il est seulement rejeté dans le sol, le triclosan reste presque exclusivement dans ce milieu (supérieur(e) à 99 %). À un pH environnemental de 7, le triclosan sera surtout présent sous sa forme neutre dans l'eau, les sédiments et le sol. À un pH de 8, dans ces mêmes milieux, le triclosan sera présent à environ 55 % sous sa forme neutre et à environ 45 % sous sa forme ionisée (forme anionique). Dans les provinces des Prairies, par exemple, où le sol est alcalin (pH 9), le triclosan sera surtout présent sous sa forme anionique.
4.2.2 Devenir dans l'air
Le profil de distribution dans l'environnement établi à l'aide du modèle plurispécifique (version 1.0; Cahill, 2008) résumé au tableau 4-5 indique qu'il est peu probable que le triclosan persiste dans l'air s'il est rejeté dans l'environnement. Les résultats du modèle AOPWIN (2008) indiquent que le triclosan se dégrade rapidement en réagissant avec les radicaux hydroxyles et que sa demi-vie est de 0,66 jour. Le triclosan n'est pas susceptible d'être transporté sur de longues distances compte tenu de sa distribution peu probable ainsi que de son bref temps de séjour prévu dans l'air.
4.2.3 Devenir dans l'eau
4.2.3.1 Processus abiotiques
Le triclosan est un composé phénolique qui s'ionise à des pH pertinents sur le plan environnemental (pKa de 8,1; voir le tableau 2-2). La spéciation, ou l'état d'ionisation, d'un acide organique faible comme le triclosan aura une incidence sur son devenir dans l'environnement et sa biodisponibilité. Par exemple, la forme ionisée du triclosan a un spectre d'absorption de la lumière différent de celui de la forme neutre. De plus, les organismes peuvent absorber plus facilement la forme neutre, comme l'ont souligné Orvos et al. (2002) qui ont démontré que, pour la même espèce, la toxicité du triclosan a diminué avec l'augmentation du pH. De façon plus générale, les résultats obtenus par Erickson et al. (2006a, b) semblent indiquer que la forme ionisée des acides organiques faibles peut également être absorbée par l'intermédiaire de divers mécanismes. En conséquence, le triclosan ionisé pourrait également s'accumuler dans les organismes.
Dans les eaux naturelles, le triclosan pourrait former des complexes avec les matières organiques dissoutes, ce qui pourrait influencer les concentrations de triclosan dissous à l'état libre. Ainsi, seule une fraction de la quantité totale de triclosan présente dans la colonne d'eau pourrait en réalité être biodisponible (p. ex. présente sous la forme dissoute à l'état libre), en supposant que les complexes formés à partir des matières organiques dissoutes et du triclosan ne puissent traverser une membrane cellulaire. Aucune étude quantifiant les effets des matières organiques dissoutes sur la bioaccumulation du triclosan dans les organismes aquatiques n'a été retrouvée dans la littérature scientifique. Cependant, selon un modèle de bilan massique des poissons, la fraction biodisponible prévue du triclosan dans la colonne d'eau est d'environ 99 %, selon son log Koc de 4,7 (voir la section 4.3.1).
Des études en laboratoire ont montré que le triclosan est stable sur le plan hydrolytique à des pH de 4, de 7 et de 9 (USEPA, 2008e). Il est également résistant aux acides et aux bases (Singer et al., 2002). Sa faible constante de la loi de Henry 5,05 x 10-4 Pa·m3/mol (voir le tableau 2-2) indique que cette substance ne devrait pas se volatiliser à partir de la surface de l'eau.
Le triclosan est vulnérable à la phototransformation dans les eaux de surface, comme le prouvent de nombreuses études (Lindström et al., 2002; Singer et al., 2002; Tixier et al., 2002; Mezcua et al., 2004; Lores et al., 2005; Latch et al., 2005). Tixier et al. (2002)) ont quantifié la phototransformation du triclosan en laboratoire et sur le terrain pour un petit lac en Suisse. Ils ont souligné le fait que le pH, en ayant une incidence sur la spéciation du triclosan (pKa = 8,1), influe également sur sa capacité à absorber la lumière du soleil. En effet, le taux de phototransformation directe du triclosan augmente avec le niveau de pH (c.-à-d., avec la proportion de la forme ionisée du triclosan présente dans une solution). La phototransformation indirecte (p. ex. la photosensibilisation par la matière organique) représentait un processus négligeable. Les auteurs de l'étude ont estimé que, pendant la saison estivale, la phototransformation directe représentait 80 % de l'élimination totale du triclosan observée dans le lac à l'étude. L'autre piège principal pour le triclosan était la perte au point de déversement. Les auteurs ont également prévu les taux de phototransformation du triclosan pour une variété de conditions environnementales, y compris le moment de l'année et la latitude. Les valeurs primaires de la demi-vie de dégradation qui en résulte allaient de 2 et 2000 jours. Pour les latitudes modélisées par les auteurs, qui correspondent au sud du Canada (d'environ 45 à 50° N), et pour un pH de 8, les demi-vies efficaces annualisées pour la phototransformation qui ont été obtenues pour le triclosan dans l'eau étaient inférieures à 100 jours, tout au long de l'année. Pour les plans d'eau ayant un pH plus faible, on pourrait s'attendre à ce que les demi-vies soient plus longues (mais toujours de moins de 100 jours) et à ce que l'importance relative d'autres processus d'élimination (comme la biodégradation et la sédimentation) augmentent.
Latch et al. (2005) ont effectué des expériences dans de l'eau naturelle et déionisée à la lumière naturelle du soleil et ont démontré que le triclosan se dégradait rapidement par photolyse directe (demi-vie de 5 h à un pH de 8, à la lumière du soleil du milieu de l'été, à 45o N de latitude).
Lindström et al. (2002) ont mené une expérience de photolyse dans laquelle le triclosan était exposé à la lumière naturelle du soleil dans l'eau de lac à différentes valeurs de pH. Même si le triclosan était stable à un pH de 5,6, il se dégradait rapidement à un pH de 8 (demi-vie d'environ 20 minutes). Également soumis à des essais lors de cette étude, le méthyl-triclosan (qui atteint les eaux de surface par l'intermédiaire des effluents des usines de traitement des eaux usées) n'a pas subi de photodégradation aux deux pH.
La photolyse du triclosan peut former différents produits de dégradation. Par exemple, en plus de démontrer que le triclosan dispose d'une courte demi-vie (41 minutes), une étude réalisée dans des conditions de laboratoire a permis de constater que du 2,4-dichlorophénol (2,4-DCP) s'est était formé en tant que dérivé majeur (jusqu'à 97 %; USEPA, 2008f). Cette substance a fait l'objet d'un rapport d'évaluation initial de l'Ensemble des données de dépistage en vertu du programme de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) visant à étudier les substances chimiques produites en grande quantité. Ce rapport indique que le 2,4-DCP n'est probablement pas persistant ni bioaccumulable, et qu'il est modérément toxique pour les organismes aquatiques (OCDE, 2007).
Mezcua et al. (2004) ont identifié le dichloro-2,7/2,8 DCDD en tant que produits de phototransformation majeurs du triclosan à la lumière naturelle du soleil. Deux expériences de phototransformation ont été menées à deux valeurs de pH différentes (pH de 5 et de 7). On a démontré que le triclosan se transformait en dioxine à un pH de 7 seulement, ce qui confirme les résultats obtenus par Tixier et al. (2002) en ce qui concerne les taux élevés de transformation de la forme ionisée comparativement à la forme neutre. Mezcua et al. (2004) ont également identifié le 2,7/2,8-DCDD dans les effluents d'une usine de traitement des eaux usées (de 4 à 400 ng/L), révélant ainsi son apport dans les eaux de surface réceptrices. La phototransformation du triclosan en DCDD a été confirmée par Lores et al. (2005) et par Sanchez-Prado et al.(2006) à l'aide d'une microextraction en phase solide. Latch et al. (2005) ont pour leur part identifié le 2,8-DCDD et le 2,4-DCP en tant que dérivés du triclosan dans le cadre d'une expérience de photolyse. Les résultats de ces produits variaient de 3 à 12 %. Enfin, la phototransformation du triclosan en 2,8-DCDD a également été signalée dans l'eau de mer (Aranami et Readman, 2007).
Les données disponibles sur la dégradation du 2,7/2,8-DCDD et la toxicité aquatique du 2,8-DCDD indiquent que ces composés devraient être moins nocifs pour l'environnement que d'autres dioxines, comme leurs congénères tétrachlorés (p. ex. 2,3,7,8-TCDD). Le 2,7/2,8-DCDD ne figure pas sur la liste des 17 dioxines et furanes, qui sont les plus préoccupantes selon les facteurs internationaux d'équivalence de la toxicité (OTAN, 1988). L'instabilité du 2,7/2,8-DCDD à la lumière est signalée dans plusieurs études (Mezcua et al., 2004 [demi-vie de moins de 20 heures], Latch et al., 2005; Sanchez-Prado et al., 2006; Aranami et Readman; 2007;), tout comme la dégradation microbienne aérobie du 2,7-DCDD et du 2,8-DCDD (p. ex. de 16 à 33 % en 7 jours; Parsons et Storms, 1989; Parsons, 1992; Field et Sierra-Alvarez, 2008). La toxicité du 2,8-DCDD pour les poissons semble être faible, selon les résultats d'une étude au cours de laquelle des embryons de medaka japonais (Oryzias latipes) ont éclos et survécu les 3 jours suivants (toute la durée de l'exposition), après avoir été exposés à 50 000 ng/L (Wisk et Cooper, 1990). Par contre, la toxicité du 2,7-DCDD est inconnue. Étant donné leur état transitoire dans l'environnement et leur toxicité faible probables, ces DCDD ne devraient pas être préoccupants pour l'environnement.
Buth et al. (2009) ont démontré que les dérivés du triclosan chloré qui se forment au cours de la désinfection des eaux usées peuvent ensuite se phototransformer en PCDD et en 2,4-DCP dans l'eau naturelle. Ainsi, on a pu déceler ces congénères de dioxine (1,2,8-TRICDD, 1,2,3,8-TCDD et 2,3,7-TCDD) dans les sédiments du Mississippi, à des niveaux qui correspondaient à l'utilisation historique du triclosan (Buth et al., 2010). Ces composés pourraient être plus toxiques que le 2,7/2,8-DCDD en raison de l'augmentation de la substitution du chlore. Buth et al. (2010) ont estimé que l'apport en masse des dioxines dérivées du triclosan peut représenter jusqu'à 30 % du bassin total de dioxines présent dans les carottes de sédiments qu'ils ont analysées.
4.2.3.2 Processus biotiques
4.2.3.2.1 Conditions liées aux usines de traitement des eaux usées
En raison de sa structure chimique, le triclosan ne devrait pas se biodégrader rapidement. Les résultats obtenus pour l'essai normalisé prescrit par la ligne directrice 301C (essai MITI I modifié) de l'OCDE indique que le triclosan n'est pas facilement ou intrinsèquement biodégradable (0 % de dégradation après 4 semaines, à une concentration d'essai de 100 mg/L; NITE, 2002). Dans ce type d'essais qui visent à mesurer la dégradation ultime (mesurée par la formation de CO2), une solution aqueuse de la substance d'essai est inoculée et incubée dans des conditions aérobies, dans l'obscurité ou à la lumière diffuse. Ces résultats concordent avec le travail effectué précédemment par Voets et al. (1976), qui n'ont observé aucune perte de triclosan dans des essais inoculés avec un extrait du sol. Toutefois, Federle et al. (2002) laissent entendre que les résultats négatifs obtenus dans ces essais ne sont pas fiables en raison de la toxicité bactérienne qu'affiche probablement le triclosan aux concentrations élevées utilisées (de 1 à 100 mg/L). Cet énoncé est appuyé par les résultats d'une étude sur la biodégradation rapide au cours de laquelle le triclosan a été appliqué à un taux de 0,2 mg/L sur un inoculum microbien dans un sol limono-sableux et des boues activées. Le triclosan s'est dégradé avec une demi-vie moyenne de 5,2 jours (USEPA, 2008e). Les résultats des essais sur la biodégradation aérobie menés à différentes concentrations (de 10 à 500 000 µg/L) pour diverses durées (de 21 à 91 jours) ont révélé de 18 à 70 % de dégradation pour le triclosan (NICNAS, 2009). Plus précisément, Stasinakis et al. (2008b) ont effectué un essai sur la biodégradation avec le triclosan (à 10 µg/L) à l'aide de l'essai normalisé prescrit par la ligne directrice 301F de l'OCDE (essai manométrique de respirométrie). Lors de cet essai de 28 jours, on a obtenu 52 % de dégradation ultime et une demi-vie calculée de 1,8 jour. Federle et al. (2002) ont effectué des essais de biodégradation avec des boues activées à des concentrations de triclosan de 20 à 200 µg/L. À la fin des essais (71 jours), de 31 à 52 % du triclosan était minéralisé en CO2. Aux fins de comparaison, les concentrations de triclosan dans les influents des usines de traitement des eaux usées du Canada sont de l'ordre de 0,102 à 20,7 µg/L (tableau 4-1), c.-à-d. bien inférieures à celles ayant fait l'objet des essais de biodégradation mentionnés ci-dessus.
Voets et al. (1976) ont effectué des essais sur le triclosan dans des conditions de digestion anaérobies des biosolides dans des usines de traitement des eaux usées. Les résultats de deux essais de biodégradation anaérobie menés à 200 et à de 1000 à 5000 µg/L pendant 147 et 21 jours, respectivement, ont indiqué une dégradation de 10 et de 50 %, respectivement.
4.2.3.2.2 Conditions environnementales
Dans le cadre d'une étude sur le métabolisme aquatique aérobie menée à 20 °C, le triclosan a rapidement disparu de la couche d'eau d'un système eau-sédiments de loam sableux (dans un cours d'eau) et d'un système eau-sédiments de loam limono-argileux (dans un étang) (USEPA, 2008e). Dans la couche d'eau (pH de 7,2 à 7,3), les concentrations de triclosan marqué au 14C a diminué en passant d'une moyenne de 88 à 93 % de la radioactivité appliquée au moment zéro à une moyenne de 49 à 53 % au jour 1, et étaient inférieures ou égales à 0,3 % de 56 à 104 jours après le traitement. Les quantités de CO2 volatilisées dans l'ensemble du système allaient de 21 à 29 % à la fin de l'étude (jour 104). [Les demi-vies de dissipation du triclosan marqué au 14C pour la couche d'eau (résultant de la dégradation et de la distribution) étaient de 1,3 à 1,4 jour, selon les résidus extractibles seulement. Les demi-vies pour les sédiments et le nombre total de systèmes étaient de 54 à 60 jours et de 40 à 56 jours, respectivement. Plus de détails sont fournis à la section 4.2.4.2 ci-dessous.
Les résultats susmentionnés concernant la biodégradation ultime (c.-à-d., une minéralisation en CO2) du triclosan dans des conditions aérobies prouvent que cette substance n'est pas persistante dans l'eau. Les résultats de l'étude sur le métabolisme aquatique aérobie indiquent également que le triclosan n'est pas persistant dans ce milieu naturel.
Milieu : processus lié au devenir (conditions d'essai) | Valeur pour la dégradation | Paramètres de la dégradation (unités) | Référence |
---|---|---|---|
Air : oxydation atmosphérique | 0,66a | Demi-vie, jour | AOPWIN, 2008 |
Eau : hydrolyse | Stable | n.d. | Singer et al., 2002 |
Eau : hydrolyse (pH de 4, 7 et 9, 50 °C, pendant 5 jours) | Stable | n.d. | USEPA, 2008e |
Eau : photodégradation (conditions sur le terrain, pH de 8,0, toute l'année, 50° N) | inférieur(e) à 100 | Demi-vie primaire, jours | Tixier et al., 2002 |
Eau : photodégradation (conditions de laboratoire, pH de 8,0, lumière du soleil d'été, 45° N) | 5 | Demi-vie primaire, heures | Latch et al., 2005 |
Eau : photodégradation (conditions de laboratoire, pH de 8,0, lumière du soleil d'été, 47° N) | 0,37 | Demi-vie primaire, heures | Lindström et al., 2002 |
Eau : photodégradation (conditions de laboratoire, pH de 7,0, lumière artificielle) | 41 | Demi-vie, minutes | USEPA, 2008e |
Eau : biodégradation, conditions liées aux usines de traitement des eaux usées (conditions aérobies, diverses concentrations et durées d'essai) | 18-70 | % de dégradation | NICNAS, 2009 |
Eau : biodégradation et répartition (conditions aérobies, 20 °C, dans l'obscurité, pendant 104 jours) :
| Plage pour les deux systèmes (couche d'eau) : 1,3-1,4a | Demi-vie (dissipation), jours | USEPA, 2008e |
Sédiments : biodégradation et répartition (conditions aérobies, 20 °C, dans l'obscurité, pendant 104 jours) :
| Plages pour les deux systèmes : sédiments : 54-60a système entier : 40-56 | Demi-vie (dissipation), jours Demi-vie (dégradation), jours | USEPA, 2008e |
Sol : biodégradation (conditions aérobies, 20 °C, dans l'obscurité, pendant 124 jours) :
| 2,9 3,8 3,7 | Demi-vie, jour | USEPA, 2008e |
Sol : biodégradation (conditions aérobies, loam, pH de 7,4, 22 °C) | 18a | Demi-vie primaire, jours | Ying et al., 2007 |
Sol : biodégradation (conditions aérobies, température ambiante) :
| 58 32 | Demi-vie primaire, jours | Wu et al., 2009 |
Sol : biodégradation (conditions aérobies, 20 °C dans l'obscurité, pendant 45 jours) :
| 14 16 14 13 | Demi-vie primaire, jours | Xu et al., 2009 |
Sol : biodégradation (conditions anaérobies, loam, pH de 7,4, 22 °C) | supérieur(e) à supérieur(e) à 70 | Demi-vie primaire, jours | Ying et al., 2007 |
Tableau des notes
Abréviations : j, jours; h, heures; n.d., non disponible; UEEU, usine d'épuration des eaux usées
a Valeur utilisée pour la modélisation de la fugacité avec un modèle plurispécifique.
4.2.4 Devenir dans les sédiments
4.2.4.1 Processus abiotiques
Le triclosan est sensible à l'oxydation rapide par les oxydes de manganèse qui sont présents dans les sédiments et les sols aérobies (Zhang et Huang, 2003). Selon les calculs effectués dans des conditions environnementales pertinentes sur les plans du pH et de l'oxyde de manganèse, la demi-vie de dégradation primaire du triclosan était de moins de 21 heures; d'après les constatations, les produits de dégradation incluaient le 2,4-DCP (inférieur(e) à 1 % de la perte de triclosan). Toutefois, les matières organiques naturelles et les ions métalliques dissous dans l'eau et le sol augmenteraient probablement cette valeur en réagissant de façon concurrentielle avec l'oxyde de manganèse et en l'adsorbant.
Étant donné les valeurs modérées de son log Kco, qui vont de 3,34 à 4,67 (voir le tableau 2-2), on peut s'attendre à ce que le triclosan (en particulier sa forme neutre) soit adsorbé par les matières organiques présentes dans les effluents ou les eaux de surface réceptrices. Une fois la substance rejetée dans les écosystèmes aquatiques par les effluents des usines de traitement des eaux usées, une partie pourrait être éliminée de la colonne d'eau par la sédimentation. Lorsqu'il a atteint les sédiments aérobies, le triclosan pourrait réagir dans une certaine mesure avec les oxydes de manganèse. L'équilibre entre ces deux processus (c'est-à-dire l'apport aux sédiments par la sédimentation et l'élimination par l'oxydation) serait difficile à quantifier.
4.2.4.2 Processus biotiques
Tel que mentionné précédemment, le triclosan s'est rapidement dégradé dans un système eau-sédiments de loam sableux (dans un cours d'eau) et un système eau-sédiments de loam limono-argileux (dans un étang) dans des conditions aérobies (USEPA, 2008e). Dans la couche d'eau, la concentration de triclosan marqué au 14C a diminué en passant d'une moyenne de 88 à 93 % de la radioactivité appliquée au moment zéro à une valeur inférieure ou égale à 0,3 % de 56 à 104 jours après le traitement. Dans les sédiments, la concentration de triclosan marqué au 14C a augmenté en passant d'une moyenne de 39 à 40 % de la radioactivité appliquée au moment zéro à une moyenne de 69 à 75 % au bout de 7 à 14 jours et était de 21 à 22 % 104 jours après le traitement. Dans l'ensemble du système, la concentration de triclosan marqué au 14C a diminué de façon constante, passant de 88 à 93 % de la radioactivité appliquée au moment zéro à une moyenne de 52 à 68 % après 28 jours et était de 21,5 à 21,8 % 104 jours après le traitement. Les demi-vies de dissipation du triclosan marqué au 14C (dégradation et répartition) étaient de 1,3 à 1,4 jour (couche d'eau) et de 54 à 60 jours (sédiments) pour les deux systèmes eau-sédiments ainsi que de 40 à 56 jours pour l'ensemble des systèmes. Les proportions de résidus non extractibles (non inclus dans les calculs des demi-vies) étaient de 32 à 33 % à la fin de l'étude et, pour le CO2volatilisé, de 21 à 29 %. On a déterminé que le méthyl-triclosan était un dérivé mineur avec une moyenne maximale de 0,1 % de la radioactivité appliquée 28 jours après le traitement dans l'eau et une moyenne maximale de 3,4 à 4,8 % au bout de 104 jours dans les sédiments et l'ensemble du système.
On n'a pu trouver aucune demi-vie mesurée de façon expérimentale pour le triclosan dans les sédiments en conditions anaérobies. Toutefois, des données de suivi prouvent la persistance du triclosan dans les sédiments anaérobies enfouis. Singer et al. (2002) ont analysé une carotte de sédiments prélevée dans un lac en Suisse qui reçoit des effluents provenant d'usines de traitement des eaux usées. Le profil de concentration dans la carotte montrait que le triclosan s'était accumulé dans les sédiments (de moins de 5 ng/g de poids sec en 1960-1961 à 42 ng/g de poids sec en 1970-1971 et à 53 ng/g de poids sec en 1992-1993). Cette augmentation étant probablement due au déversement continu du triclosan dans le lac, celui-ci s'accumule donc plus rapidement dans les sédiments anaérobies qu'il ne se dégrade. Le fait que l'on ait trouvé une concentration relativement élevée de triclosan dans la couche de sédiments vieille d'environ 30 ans (1970-1971) laisse penser que cette substance a un faible taux de dégradation. On a également décelé du triclosan dans des carottes de sédiments estuariens provenant de Jamaica Bay (New York). En effet, Miller et al. (2008) ont mesuré des concentrations de pointe de 600 à 800 ng de triclosan/g de poids sec dans les sédiments déposés dans cette baie du milieu des années 1960 à la fin des années 1970. Pendant les années suivantes, les concentrations ont diminué en passant à moins de moins de 50 ng/g de poids sec, et ce, probablement en raison de l'introduction d'un procédé de traitement des eaux usées par boues activées dans les usines de traitement des eaux usées de Jamaica Bay. En Chine, Zhao et al. (2010) ont mesuré des concentrations de triclosan allant de 56,5 à 739 ng/g de poids sec dans les sédiments prélevés dans trois cours d'eau traversant une zone densément peuplée. Dans l'ensemble, ces données tirées des carottes de sédiments indiquent que le triclosan persiste dans les sédiments anaérobies enfouis.
Étant donné que les organismes vivent principalement dans des conditions aérobies (même l'endofaune benthique), une plus grande importance est attribuée aux demi-vies mesurées dans ces conditions. Le triclosan qui se trouve dans les sédiments anaérobies enfouis est considéré comme étant moins important pour ce qui est de l'exposition biologique. En outre, si le triclosan présent dans ces sédiments devait être remis en suspension, il entrerait en contact avec de l'oxygène (à cause du mélange) et pourrait alors être soumis aux processus de biodégradation. Les valeurs de la demi-vie pour la dégradation ultime dans des conditions aérobies ne sont pas disponibles pour les sédiments. L'étude menée avec deux systèmes eau-sédiments a permis de constater des demi-vies de 40 à 56 jours dans ces systèmes. Ces demi-vies correspondent à un mélange de processus primaire et de dégradation ultime étant donné que le taux de CO2 était de 21 à 29 % de la radioactivité appliquée à la fin de l'étude. Dans le cadre de cette étude, une partie du triclosan n'était pas disponible pour la biodégradation en raison de sa distribution dans les sédiments (c.-à-d. qu'il était lié aux résidus). Compte tenu des preuves empiriques de biodégradation primaire rapide dans l'eau et le sol (demi-vies allant de quelques jours à quelques semaines; tableau 4‑6) et des demi-vies allant d'environ 30 à 70 jours pour la dégradation ultime dans l'eau, le triclosan ne persisterait pas dans les sédiments. Il est à noter que le méthyl-triclosan est un dérivé du triclosan dans les sédiments.
4.2.5 Devenir dans le sol
4.2.5.1 Processus abiotiques
Comme il a été mentionné précédemment, l'hydrolyse n'est pas un processus de transformation important pour le triclosan. Par ailleurs, sa faible constante de la loi de Henry (voir le tableau 2-2) indique que cette substance ne devrait pas se volatiliser à partir des surfaces de sols humides. Compte tenu de son Kco (de 3,34 à 4,67), le triclosan ne devrait pas, en général, être mobile dans le sol, tout particulièrement si la teneur en carbone organique du sol est élevée. D'autres processus abiotiques comme la phototransformation n'ont pas été documentés pour le triclosan dans les sols. Puisque sa voie d'entrée principale dans le sol est vraisemblablement l'épandage de biosolides sur les champs agricoles suivi d'un labour (voir la section 4.5.3), une partie du triclosan sera probablement incorporée aux couches de sol plus profondes et, par conséquent, ne sera pas exposée à la lumière. Si l'épandage a lieu sur des terres à bois ou dans des forêts, le triclosan présent dans les biosolides pourrait être exposé à la lumière du fait qu'il n'est pas enfoui par un labour. Avant l'épandage, certaines usines de traitement des eaux usées placent les biosolides sur une plaque ou sur un terrain ouvert afin de les faire sécher un peu plus, laissant ainsi le triclosan vulnérable à la phototransformation et à la production possible de dérivés qui pourraient être rejetés dans l'environnement.
Le potentiel de lixiviation du triclosan a fait l'objet d'un examen à l'aide des critères de Cohen et al. (1984) et de la méthode d'évaluation par indice d'ubiquité dans l'eau souterraine (Groundwater Ubiquity Score) (Gustafson, 1989). Ces deux approches permettent une détermination semi-quantitative du potentiel de lixiviation des substances chimiques. Le tableau 4-7 montre dans quelle mesure les propriétés physiques et chimiques du triclosan et certaines données sur le devenir de cette substance sont comparables aux valeurs pour les critères de Cohen et al. (1984). Cette comparaison ne nous révèle rien de précis sur le potentiel de lixiviation du triclosan. Dans les Prairies, où les sols ont tendance à être alcalins, la forme anionique du triclosan devrait prédominer, augmentant ainsi son potentiel de lixiviation.
Propriété | Critères de Cohen et al. (1984) indiquant un potentiel de lixiviation | Valeur pour le triclosan | Correspond aux critères de lixiviation |
---|---|---|---|
Solubilité dans l'eau | supérieur(e) à 30 mg/L | 10 mg/L | Non |
Kd | inférieur(e) à 5 et habituellement inférieur(e) à 1 ou 2 | 10-282 | Non |
Kco | inférieur(e) à 300 | 2188-46 774 | Non |
Constante de la loi de Henry | inférieur(e) à 10-2atm·m3/mol (inférieur(e) à 1013 Pa·m3/mol) | 4,99 x 10-9atm·m3/mol (5,05 × 10-4 Pa·m3/mol) | Oui |
pKa | Chargé négativement (entièrement ou partiellement) à la valeur du pH ambiant | 8,1 | Oui (varie en fonction de la valeur du pH ambiant) |
Demi-vie par hydrolyse | supérieur(e) à 20 semaines (supérieur(e) à 140 jours) | Stable à l'hydrolyse | Oui |
Demi-vie pour la phototransformation dans le sol | supérieur(e) à 1 semaine (supérieur(e) à 7 jours) | n.d. | n.d. |
Demi-vie dans le sol | supérieur(e) à 2 à 3 semaines (supérieur(e) à 14 à 21 jours) | Aérobie : de 2,9 à 58 jours Anaérobie : supérieur(e) à 70 jours | Oui |
Tableau des notes
Abréviations : j, jours; Kd, coefficient de partage sol/eau; Kco, coefficient de partage carbone organique/eau dans le sol; n.d., non disponible ; pKa, constante de dissociation; s, semaine(s).
La méthode de Gustafson (1989) peut également être utilisée afin d'estimer le potentiel de lixiviation des substances chimiques. La méthode d'évaluation de Gustafson utilise l'indice d'ubiquité dans l'eau souterraine, qui est fondé sur la persistance et la mobilité du composé et qui s'exprime comme suit :
Indice d'ubiquité dans l'eau souterraine = log10(t½ sol) x (4 - log10(Kco))
La valeur de l'indice d'ubiquité dans l'eau souterraine indique la lixiviabilité du composé. La durée de la persistance dans l'équation de l'indice (t1/2 sol) correspond au temps de dissipation sur le terrain (TD50), tel que déterminé dans les études sur la dissipation sur le terrain, et doit comprendre la dissipation par volatilisation, par phototransformation et par transformation biologique. Toutefois, au lieu d'employer la valeur TD50 pour la dissipation sur le terrain, on a utilisé la valeur du sol aérobie en laboratoire TD50 ou t1/2 dans l'équation de l'indice. On a procédé ainsi du fait que la valeur TD50 pour la dissipation sur le terrain peut également comprendre la dissipation due à la lixiviation et au ruissellement et peut, par conséquent, entraîner une sous-estimation du potentiel de lixiviation lorsqu'elle est utilisée dans l'équation. Le schéma de classification de l'indice d'ubiquité dans l'eau souterraine est démontré dans le tableau 4-8.
Indice D'ubiquité dans l'eau souterraine | Attributs probables |
---|---|
supérieur(e) à 2,8 | Lessivable |
supérieur(e) à 1,8 et inférieur(e) à 2,8 | À la limite d'être lessivable |
inférieur(e) à 1,8 | Non lessivable |
Pour le triclosan, une valeur de demi-vie de 58 jours dans un sol aérobie et une valeur Kco de 2188 ont été utilisées afin de calculer une valeur prudente de l'indice d'ubiquité dans l'eau souterraine. Selon la classification de la lixiviabilité présentée au tableau 4-8, le triclosan n'est pas lessivable (indice = 1,16).
Indice d'ubiquité dans l'eau pour le triclosan = log10(58) x (4 - 3,34) = 1,16.
Lorsqu'il est présent dans le sol, le triclosan devrait présenter un faible potentiel de lixiviation selon la classification de la mobilité (Kco : 2188 - 46 774 : d'immobile à faiblement mobile, conformément à McCall et al., 1981) et selon la cote de l'indice qui indique qu'il n'est pas lessivable. Il convient toutefois de noter que le triclosan a été détecté dans l'eau souterraine à de faibles concentrations dans le cadre de diverses études de suivi, ce qui laisse penser que d'autres mécanismes, tels que le transport facilité (facilité par particules, macropores ou fractures), peuvent contribuer à sa présence dans l'eau souterraine (Gottschall et al., 2012; Edwards et al., 2009). Dans le cadre d'un relevé de reconnaissance national des contaminants présents dans l'eau souterraine effectué aux États-Unis en 2000, le triclosan a été décelé à 15 % des 47 sites échantillonnés par Barnes et al. (2008). Les concentrations étaient toutes inférieures au niveau de déclaration de 1 µg/L. Les sites d'échantillonnage étaient principalement des puits ainsi que quelques sources et puisards. Ces sites se trouvaient dans des zones pouvant être contaminées par des eaux usées d'origine animale ou humaine (c.-à-d., en aval d'un site d'enfouissement, d'un aménagement résidentiel non desservi par un réseau d'égout ou d'un parc d'engraissement d'animaux). En Chine, Chen et al. (2011) ont mesuré des concentrations de triclosan dans l'eau souterraine qui sert à irriguer les champs agricoles allant de 1,2 à 10,8 ng/L à trois sites différents. Les concentrations de triclosan étaient inférieures à la limite de quantification (1,6 μg/kg) dans les sols irrigués correspondants.
Le triclosan peut également pénétrer dans l'environnement terrestre lorsque des produits sont éliminés dans des sites d'enfouissement La lixiviation devrait être limitée dans le cas des produits solides contenant du triclosan, tels que les plastiques. Toutefois, dans le cas de matériaux tels que les textiles, le triclosan est plus sujet à la lixiviation du fait qu'il est appliqué à la surface du matériau. Les produits de soins personnels qui sont éliminés dans les sites d'enfouissement devraient contribuer à la présence de résidus de triclosan dans le lixiviat. Le lixiviat de 94 % des plus grands sites d'enfouissement canadiens est recueilli et traité (sur place ou hors site) avant d'être rejeté dans l'environnement. Des données de surveillance ont été recueillies dans le cadre du programme de surveillance du Plan de gestion des produits chimiques du gouvernement du Canada en 2010, en 2011, en 2012 et en 2013 à quatre des douze plus importants sites d'enfouissement au Canada. Ces données indiquent que les concentrations de triclosan présentes dans le lixiviat non traité se situaient entre des valeurs inférieures à la LDM et 1,4 µg/L. Trois des 12 sites d'enfouissement échantillonnés traitent leurs lixiviats sur place avant de les envoyer à une usine de traitement des eaux usées ou de les rejeter dans l'environnement. Les concentrations de triclosan dans le lixiviat traité de ces sites d'enfouissement se situaient entre des valeurs inférieures à la LDM et 0,16 µg/L. Dans le cas des sites d'enfouissement qui acheminent leurs lixiviats (traités ou non) à une usine de traitement des eaux usées, l'élimination du triclosan pendant la phase de traitement primaire ou secondaire suivie de la dilution de l'effluent de l'usine dans le cours d'eau récepteur entraînera vraisemblablement des faibles rejets de triclosan dans les écosystèmes aquatiques (Conestoga-Rovers and Associates, 2015). Ainsi, d'après cette information, les sites d'enfouissement ne sont pas une source probable de triclosan dans l'environnement.
Il existe également des preuves que le triclosan peut atteindre les eaus superficielles et souterraines par ruissellement et drainage. À la suite de l'épandage en nappe de liquides ou de biosolides d'eaux usées déshydratés sur le sol et en simulant une chute de pluie, Topp et al. (2008) et Sabourin et al. (2009) ont constaté que les concentrations de triclosan dans les eaux de ruissellement étaient de 258 ng/L et 110 ng/L, respectivement, 1 jour après l'épandage des biosolides. Lors de l'étude menée par Topp et al. (2008), la concentration de triclosan dans l'eau de ruissellement était toujours au-dessus de la LDQ 266 jours après l'application. Afin d'expliquer cette persistance, les auteurs ont supposé que les processus de sorption et de diffusion du sol avaient retenu une partie de la substance chimique, réduisant ainsi sa disponibilité pour la biodégradation. Lapen et al. (2008) et Edwards et al. (2009) ont relevé des concentrations maximales de triclosan de 3 680 ng/L et de 240 ng/L dans les eaux de drains après l'épandage de liquides et de biosolides déshydratés provenant d'usines de traitement des eaux usées, respectivement, ce qui indique que le triclosan peut atteindre l'eau souterraine. Gottschall et al. (2012) ont détecté du triclosan dans les eaux de drains à une concentration de 73 ng/L et dans les eaux souterraines à une profondeur de 2 mètres à une concentration de 19 ng/L, mais non à des profondeurs de 4 à 6 mètres à la suite d'une application de biosolides déshydratés issus des eaux usées. Ces études sur les eaux de ruissellement et les eaux de drains ont été menées en Ontario au Canada.
4.2.5.2 Processus biotiques
Dans le cadre d'une étude sur le métabolisme aérobie des sols menée à 20 oC, le triclosan se dégradait rapidement avec une demi-vie de 2,9 jours dans le loam sableux, de 3,8 jours dans le limon argileux et de 3,7 jours dans le limon ( USEPA, 2008e). Les concentrations de triclosan marqué au 14C ont diminué, passant d'une moyenne de 92 à 95 % de la radioactivité appliquée au moment zéro à une moyenne de 42 à 58 % au bout de 2 à 3 jours, et de 1,1 à 4,3 % de 61 à 124 jours après le traitement. Les concentrations de résidus non extractibles (non inclus dans les calculs des demi-vies) étaient de 61 à 76 % de la radioactivité appliquée à la fin de l'étude, et la valeur du CO2 volatilisé était quant à elle de 11 à 16 %. Le dérivé majeur était le méthyl-triclosan, avec des moyennes maximales de 13 à 24 % de la dose appliquée au bout de 14 à 28 jours après le traitement. À la fin de l'étude, les concentrations de méthyl-triclosan avaient diminué. Les valeurs relatives au temps de dissipation (TD50) du méthyl-triclosan dans ces sols, tel que l'indique le National Industrial Chemicals Notification and Assessment Scheme (NICNAS, 2009), variaient de 39 à 153 jours. Une expérience supplémentaire a été menée à 10 °C avec le loam sableux décrit ci-dessus. La valeur TD50 obtenue pour le triclosan était de 10,7 jours par rapport à 2,5 jours pour le même le sol à 20 °C, tel que l'indique le NICNAS (2009). La première valeur reste faible en ce qui concerne la persistance du triclosan dans le sol.
Ying et al. (2007) ont étudié en laboratoire la dégradation biologique du triclosan dans le sol dans des conditions aérobies et anaérobies. Pour les expériences en milieu aérobie, ils ont ajouté le triclosan à un sol loameux (à 1 mg/kg) qui a ensuite été incubé dans l'obscurité pendant 70 jours. Les expériences en milieu anaérobie ont été menées de la même façon, mais dans une chambre d'incubation anaérobie remplie d'azote. À chaque échantillonnage effectué pendant l'expérience, des échantillons de sol étaient extraits avec de l'acétone, et la concentration de triclosan présente dans la partie extraite était ensuite mesurée par chromatographie en phase liquide à haute résolution. Des échantillons de sol stérile ont également été incubés afin d'évaluer les processus de transformation abiotique; aucune dégradation n'a eu lieu dans ces échantillons. Les résultats obtenus indiquaient que le triclosan se dégradait dans les sols aérobies avec une demi-vie de 18 jours. Toutefois, il ne s'était pas dégradé dans des conditions anaérobies avant la fin de la période d'étude (c'est-à-dire, une demi-vie supérieur(e) à 70 jours). Des mesures supplémentaires ont indiqué que le triclosan n'a pas eu d'effets négatifs sur l'activité microbienne dans le sol dans les échantillons de sol aérobies; aucune mesure similaire n'a été prise dans le sol anaérobie. Cette étude indique que le triclosan n'est pas persistant dans le sol aérobie; toutefois, la mesure dans laquelle il se dégrade n'a pas été caractérisée par les auteurs de l'étude (p. ex. la dégradation primaire par rapport à la dégradation ultime). En effet, aucune tentative n'a été effectuée pour déterminer ou quantifier les dérivés dans le sol, et aucun piège n'a été utilisé pour recueillir les composés volatils de dégradation, tels que le CO2. En outre, la partie du triclosan liée aux résidus dans le sol (c'est-à-dire, non extraite avec de l'acétone) n'a pas été quantifiée. Toutefois, les chiffres fournis dans le document indiquent que les concentrations de triclosan extractible dans les sols stériles étaient plutôt stables au cours de l'étude. Le fait que ces concentrations soient restées stables indique que les résidus liés formés dans le sol non stérile étaient probablement des dérivés du triclosan et non une molécule d'origine étant donné que cette dernière ne s'est pas liée au sol stérile. Dans une étude similaire, Wu et al. (2009) ont incubé dans des conditions aérobies deux types de sol dans lesquels du triclosan a été ajouté. La période d'incubation était de 60 jours. Les demi-vies obtenues étaient de 58 et 32 jours, respectivement, pour une argile limoneuse et un loam sableux. Les auteurs ont également mesuré le taux de biodégradation du triclosan dans les mêmes sols modifiés avec des biosolides; les demi-vies correspondantes étaient de 41 et 20 jours. Enfin, Xu et al. (2009) ont incubé quatre types de sols avec du triclosan dans des conditions aérobies pendant 45 jours et ont observé des demi-vies allant de 13 à 16 jours.
Dans une étude en laboratoire comparant la transformation du triclosan dans des sols sur lesquels on n’a jamais appliqué de biosolides et dans les mêmes sols sur lesquels on a appliqué des biosolides, Kwon et al. (2010) ont observé que la présence de biosolides ralentissait considérablement la transformation du triclosan, et ce, probablement en raison d’interactions physiques et chimiques telles que l’adsorption. Les demi-vies dans deux sols différents étaient de 2 et 13 jours sans les biosolides, et les demi-vies dans les deux mêmes sols étaient de 50 et 108 jours, respectivement, après l’épandage de biosolides. Étant donné que les biosolides constituent probablement la principale source de triclosan dans l’environnement terrestre, on peut s’attendre à ces demi-vies plus longues dans des conditions naturelles. Lozano et al. (2010) ont rapporté une demi-vie de dissipation du triclosan de 107 jours dans un champ où des biosolides avaient été épandus. Dans une autre étude, Lozano et al. (2012) ont étudié le triclosan et son dérivé, le méthyl-triclosan, sur une période de trois ans à la suite de l’épandage de biosolides sur un sol de sédiments sableux dans des conditions de terrain. La disparition du triclosan correspondait avec l’apparition du méthyl-triclosan, ce qui pourrait indiquer une transformation in situ. Les demi-vies de dissipation ont été estimées à 104 jours pour le triclosan et à 443 jours pour le méthyl-triclosan.
Comme pour les sédiments, une plus grande importance est attribuée aux demi-vies mesurées dans ces conditions étant donné que les organismes vivent principalement dans des conditions aérobies dans les sols. Les valeurs de la demi-vie pour la dégradation ultime dans les sols ne sont pas disponibles. La seule étude sur le métabolisme dans les sols aérobies, au cours de laquelle le CO2 a été piégé et mesuré, indique des demi-vies de 2,9 à 3,8 jours pour le triclosan et une production de 11 à 16 % de CO2 après 124 jours. Ces demi-vies reflètent à la fois les processus de dégradation primaire et ultime. En général, le CO2 ne devrait pas atteindre des concentrations élevées, car une grande partie du triclosan se répartit dans les résidus présents dans le sol, ce qui explique qu'il n'est pas disponible pour la dégradation. D'après les preuves de biodégradation rapide mentionnées dans les différentes études sur le triclosan en sol aérobie décrites plus haut (demi-vies de 2,9 à 58 jours), le triclosan n'est pas considéré comme persistant dans le sol.
4.2.6 Pertinence du devenir du triclosan dans l'environnement
Le temps de séjour et le devenir d'un produit chimique dans l'environnement sont des facteurs qui ont une incidence directe sur les niveaux d'exposition à ce produit chimique et au risque qui y est associé, c.-à-d. la probabilité d'effets indésirables d'un contact avec un produit chimique ou de l'absorption de celui-ci. En général, un long temps de séjour peut contribuer à une exposition prolongée et, de ce fait, à un risque plus élevé (Mackay et al., 2014).
Le triclosan n'est pas susceptible de persister dans l'environnement, comme en témoignent sa demi-vie dans les divers compartiments et sa distribution dans l'environnement dans chaque compartiment (tableaux 4-5 et 4-6). Dans le milieu aquatique, toutefois, son entrée continue dans les eaux de surface par les effluents des usines de traitement des eaux usées fait en sorte qu'il est constamment présent dans les écosystèmes aquatiques récepteurs. Tel que souligné par Mackay et al. (2014), lorsqu'un produit chimique entre de façon constante et généralisée dans l'environnement, celui-ci est présent de façon continue dans le milieu environnant (c.-à-d. à proximité de sources d'émission), et il peut y avoir exposition à cette substance chimique bien avant que le processus de dégradation puisse avoir eu lieu. Dans ce cas, la demi-vie d'une substance chimique en tant qu'indicateur de sa persistance globale devient donc peu pertinente en raison de la courte période d'exposition (Mackay et al., 2014). En effet, dans le cas du triclosan, le temps d'exposition dans les écosystèmes aquatiques peut être plus court que le temps nécessaire à sa dégradation. En conséquence, on peut s'attendre à ce qu'il y ait exposition à long terme au triclosan dans l'eau et les sédiments, surtout dans l'environnement immédiat des sources d'effluents. Dans les écosystèmes terrestres, l'exposition au triclosan peut se produire à la suite de l'épandage périodique de biosolides. Puisque les demi-vies de dissipation sur le terrain mesurées pour le triclosan sont relativement longues (supérieur(e) à 100 jours), les degrés d'exposition dans le sol devraient également être relativement constants.
On s'attend également à ce qu'il y ait exposition aux dérivés du triclosan dans l'environnement; le risque y afférent sera toutefois fonction de leurs propriétés. Dans l'eau, la photolyse du triclosan entraîne la formation du dichlorophénol (DCP) et d'autres dérivés de la phototransformation du triclosan, notamment des dioxines faiblement dichlorées. Le DCP et les dioxines dichlorées ne devraient pas représenter des sources de préoccupations environnementales en raison de leur toxicité modérée et de leur état transitoire dans l'environnement. La désinfection des eaux usées peut aussi mener à la formation de DCP, mais aussi de dioxines trichlorées. Même si les dioxines trichlorées peuvent être plus toxiques que les DCP et les dioxines dichlorées en raison de la substitution plus élevée du chlore, elles ne sont pas considérées comme étant aussi toxiques que les dioxines fortement chlorées telles que les dioxines tétrachlorées.
Dans les processus biologiques qui se produisent aux usines de traitement des eaux usées ainsi que dans le sol et les sédiments, la méthylation du triclosan provoque la formation du méthyl-triclosan. On sait que ce dérivé affiche des demi-vies plus longues dans l'environnement et, tout comme le triclosan, qu'il est très toxique pour les organismes aquatiques. On s'attend à ce que le méthyl-triclosan soit omniprésent dans l'environnement et à ce qu'une exposition simultanée au triclosan et au méthyl-triclosan puisse survenir dans l'environnement.
Le triclosan ne devrait pas être transporté sur de longues distances dans l'environnement en raison de sa demi-vie relativement courte dans les écosystèmes aquatiques, de sa courte demi-vie modélisée dans l'air et de sa distribution prévue dans l'environnement (voir les résultats présentés au tableau 4-5).
4.3 Bioaccumulation
La bioaccumulation est un processus qui entraîne une augmentation de la concentration d'un produit chimique dans les organismes par toutes les voies d'exposition, c.-à-d. l'alimentation et les sources présentes dans le milieu ambiant, comparativement à la concentration présente de l'environnement de ces organismes (Arnot et Gobas, 2006; Burkhard et al., 2012). Il s'agit du résultat net de processus concurrents d'absorption de produits chimiques dans l'organisme provenant de l'alimentation et de la bioconcentration à partir des surfaces respiratoires et cutanées ainsi que de l'élimination chimique de l'organisme découlant de la biotransformation métabolique de composés d'origine par échange respiratoire et éjection fécale ainsi que de la dilution par la croissance (Arnot et Gobas, 2006). Sur le plan de l'écosystème, la bioaccumulation d'une substance chimique dans les organismes peut entraîner sa bioamplification dans les niveaux trophiques.
De nombreuses mesures peuvent servir à évaluer le potentiel de bioaccumulation d'une substance chimique, dont le facteur de bioconcentration (FBC), le facteur de bioaccumulation (FBA), le coefficient de partage octanol-eau (un substitut pour les tissus lipidiques), log Koe, et le facteur de bioamplification (FBAm). La biodisponibilité et la biotransformation du composé d'origine par métabolisme sont également des considérations importantes dans la détermination de l'étendue de la bioaccumulation d'un produit chimique et du potentiel de bioaccumulation de celui-ci. La caractérisation du potentiel de bioaccumulation d'un produit chimique est également importante dans l'évaluation de sa toxicité. La bioaccumulation à des concentrations qui dépassent les seuils de toxicité narcotique interne peut entraîner des effets indésirables et de la mortalité chez les organismes.
Le potentiel de bioaccumulation du triclosan a été caractérisé à l'aide de ses propriétés chimiques et physiques, d'études des FBC et des FBA, de son métabolisme, de calculs du ratio et de la capacité de fugacité et d'une modélisation avec le modèle BASL4 (2011). Les données disponibles couvraient de nombreux organismes aquatiques et certaines espèces terrestres. La bioaccumulation du méthyl-triclosan chez les espèces aquatiques est également décrite. Les études sur la bioaccumulation chez les poissons et le potentiel de métabolisme du triclosan présentées dans les paragraphes qui suivent ont également été examinées dans un rapport non publié (Arnot, 2015) présenté à Environnement et Changement climatique Canada. Ajoutons qu'un rapport inédit (Arnot, 2016) qui a également été présenté à ce ministère décrit l'utilisation d'extrapolations in vitro-in vivo dans l'estimation des constantes de biotransformation corps entier selon des données publiées de bioessai in vitro dans leurs calculs de facteurs de bioconcentration (FBC). D'après Arnot (2016), la plage des valeurs FBC calculées à l'aide de ces données d'extrapolation était comparable aux valeurs mesurées correspondantes, aux valeurs de relevé de terrain pour diverses espèces et aux valeurs prévues de différents modèles là où ces données étaient d'une qualité fiable.
Le triclosan est disponible et peut être absorbé par les organismes comme l'a démontré sa présence dans les tissus des organismes aquatiques exposés. Le triclosan peut également être facilement métabolisé par les organismes. Des FBC allant de faibles à élevés étaient disponibles pour deux espèces de poissons, et un FBC modéré a été déterminé pour les moules (Böttcher, 1991; Schettgen et al., 1999; Schettgen 2000; NITE 2006; Gatidou et al., 2010; Gonzalo-Lumbreras et al., 2012). On observe de nombreuses incertitudes associées à certaines études du FBC; les FBC rapportés plus haut seraient des surestimations. Les FBA du triclosan indiqués pour les algues et les escargots étaient de faibles à modérés (Coogan et al., 2007; Coogan et La Point, 2008). Les FBA rapportés pour le méthyl-triclosan allaient de modérés à élevés (Coogan et al., 2007; Coogan et La Point, 2008; Balmer et al., 2004). Une bioaccumulation modérée du triclosan chez les poissons peut amener des concentrations qui dépassent les seuils de toxicité interne, comme le montrent les calculs de la capacité de fugacité. Il est improbable que le triclosan se bioamplifie dans les chaînes alimentaires terrestres et aquatiques, principalement du fait qu'il peut être métabolisé par les organismes.
4.3.1 Organismes aquatiques
4.3.1.1 Concentrations mesurées chez les organismes aquatiques sauvages
Même si peu d'information a pu être trouvée sur les concentrations de triclosan présentes dans les organismes aquatiques sauvages au Canada, des données expérimentales sur la présence ou la bioaccumulation du triclosan dans les organismes étaient disponibles dans la littérature d'autres pays. Adolfsson-Erici et al. (2002) ont rapporté l'accumulation de triclosan dans la bile de poissons exposés de différentes façons aux effluents d'usines de traitement des eaux usées en Suède (tableau 4-9). Certains poissons ont été exposés aux effluents en laboratoire pendant 3 à 4 semaines, tandis que d'autres ont été mis en cage pendant trois semaines en aval d'une usine de traitement des eaux usées. On a également capturé des poissons sauvages pour lesquels la période d'exposition est incertaine. Lorsqu'on les examine ensemble, les concentrations mesurées dans la bile des poissons pour tous les types d'expositions variaient de 0,24 à 120 mg/kg de poids humide. Les plus fortes concentrations ont été mesurées en laboratoire chez des poissons exposés à des eaux usées, suivis par des poissons mis en cage en aval d'une usine de traitement des eaux usées. Les plus faibles concentrations ont été mesurées chez des poissons sauvages prélevés en aval une usine de traitement des eaux usées. Ces mesures sont celles de la bile, lesquelles surestiment probablement la concentration présente dans le corps entier. Bien qu'aucun facteur de bioaccumulation (FBA) ne puisse être calculé à partir de cette étude, les résultats indiquent que le triclosan est biodisponible lorsqu'il est rejeté dans l'eau. Les données mettent également en évidence le potentiel d'excrétion du triclosan non métabolisé par les poissons. Les résultats déclarés par Valters et al. (2005) indiquent que le triclosan est présent dans une bien moindre mesure dans le plasma des poissons (de 0,750 à 10 ng/g de poids humide) (tableau 4-9). Boehmer et al. (2004) ont constaté que les concentrations de triclosan allaient jusqu'à 3,4 ng/g de poids humide dans les tissus musculaires des poissons échantillonnés dans de nombreux cours d'eau en Allemagne. Les concentrations correspondantes de méthyl-triclosan dans les mêmes échantillons pouvaient s'élever jusqu'à environ 90 fois les concentrations de triclosan (tableau 4-9).
Fair et al. (2009) ont prélevé du plasma sanguin de dauphins à gros nez sauvages en Caroline du Sud et en Floride. Les concentrations de triclosan dans le plasma variaient de 0,025 à 0,27 ng/g de poids humide et jusqu'à 31 % des individus échantillonnés affichaient des taux détectables de triclosan.
Pour le milieu marin, des données sur les résidus de triclosan et de méthyl-triclosan dans les tissus sont disponibles pour Mytilus galloprovincialis, une espèce de moules (Kookana et al., 2013). Des concentrations moyennes de triclosan et de méthyl-triclosan de 9,87 et de 6,99 ng/g de poids humide, respectivement, ont été mesurées chez des moules après une exposition de 70 jours à quatre sites marins situés à Adélaïde, dans le sud de l'Australie, où les effluents d'usines de traitement des eaux usées sont rejetés (Kookana et al., 2013).
Compte tenu de son pKa de 8,1, le triclosan peut être partiellement ionisé à des pH pertinents sur le plan environnemental, lesquels peuvent avoir une incidence sur son potentiel de bioaccumulation. Or, ces valeurs n'étaient pas disponibles pour les études décrites ci-dessus.
Organisme étudié | Paramètre | Valeur (en fonction du poids humide) | Référence |
---|---|---|---|
Truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) | Concentration dans la bile | 34 à 120 mg/kga | Adolfsson-Erici et al., 2002 |
Truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) | Concentration dans la bile | 17 à 47 mg/kgb | Adolfsson-Erici et al., 2002 |
Gardon (Rutilus rutilus) | Concentration dans la bile | 4,4 mg/kgc | Adolfsson-Erici et al., 2002 |
Lotte (Zoarces viviparous) | Concentration dans la bile | 0,24 à 0,90 mg/kgc | Adolfsson-Erici et al., 2002 |
Perche commune (Perca fluviatilis) | Concentration dans la bile | 0,44 mg/kgc | Adolfsson-Erici et al., 2002 |
13 espèces de poissons de la rivière Détroit (près de Windsor, en Ontario) | Concentrations dans le plasma sanguin | 0,750 à 10 ng/g | Valters et al., 2005 |
Dauphin à gros nez (Tursiops truncatus) | Concentrations dans le plasma sanguin | 0,025 à 0,27 ng/g | Fair et al., 2009 |
Dorade (Abramis brama) | Concentration dans les tissus musculaires | inférieur(e) à 0,25 à 3,4 ng/g | Boehmer et al., 2004 |
Moules de mer (Mytilus galloprovincialis) | Concentration dans l'ensemble du corps | 9,87 ng/g | Kookana et al., 2013 |
Tableau des notes
a Poissons exposés à des effluents d'usines de traitement des eaux usées dans un laboratoire.
b Organismes mis en cage en aval d'une usine de traitement des eaux usées.
c Organismes prélevés dans le milieu sauvage en aval d'usines de traitement des eaux usées.
4.3.1.2 Taille moléculaire et bioconcentration
Les données sur la taille moléculaire et les diamètres transversaux sont utiles et couramment utilisées par des instances internationales, comme l'UE (ECHA, 2008), pour établir le potentiel de bioaccumulation à l'aide de la méthode du poids de la preuve. D'après de récentes études liées aux données sur le FBC chez les poissons et aux paramètres de la taille moléculaire (Dimitrov et al., 2002; Dimitrov et al., 2005), la probabilité qu'une molécule traverse des membranes cellulaires à la suite d'une diffusion passive diminue de façon importante lorsque le diamètre transversal maximal augmente. La probabilité de diffusion passive par les branchies diminue de façon notable lorsque le diamètre maximal des molécules d'une substance chimique est supérieur à environ 1,5 nm et diminue de façon encore plus significative dans le cas des molécules ayant un diamètre maximal supérieur à 1,7 nm. Sakuratani et al.(2008) ont également étudié l'effet qu'a le diamètre transversal sur la diffusion passive à l'aide d'un ensemble d'essais sur le FBC effectués sur environ 1200 substances chimiques nouvelles ou non. Ils ont observé que les substances qui n'affichent pas un très haut potentiel de bioconcentration (FBC inférieur(e) à 5000 L/kg de poids humide) ont souvent un diamètre maximal supérieur à 2,0 nm et un diamètre effectif dépassant 1,1 nm. Or, comme le diamètre maximal du triclosan est de 1,3 nm et son diamètre effectif, est de 0,81 nm, celui-ci devrait se diffuser assez facilement à travers la bicouche lipidique.
4.3.1.3 Métabolisme et toxicocinétique chez les poissons
Selon des études sur le métabolisme et la distribution du triclosan chez les poissons, le triclosan pourrait subir une biotransformation, principalement par le biais de la transformation de phase II donnant le conjugué glucuronide, et par la suite être rejeté des organismes exposés (James et al., 2012; Newsome et al., 1975). Les études de toxicocinétique et de métabolisme chez les mammifères sont examinées à la section 3.1.1; le conjugué glucuronide du triclosan a également été identifié en tant que principal métabolite du triclosan dans de nombreuses études (USEPA, 2008 b; CSPC, 2009; Sandborgh-Englund et al., 2006). En outre, grâce au logiciel ACD Labs Percepta (ACD/Percepta c1997-2012), on a estimé que le triclosan avait un volume de distribution (Vd) de faible à modéré à 2,4 L/kg comparativement à des composés plus hydrophobes et établi qu'il affichait un haut potentiel de liaison aux protéines plasmatiques (log Ka, albumine sérique humaine = 4,1). Le triclosan pourrait donc être distribué dans le sang ainsi que dans les tissus lipophiles. En utilisant le même logiciel, on a établi que le triclosan était très perméable dans les tissus du jéjunum humain (intestin), avec un taux élevé de diffusion passive (ka = 0,06 min-1 via une voie entièrement transcellulaire). Ce résultat concorde avec les estimations de la taille maximale et du diamètre effectif du triclosan dont il est question au paragraphe 4.3.1.2.
Newsome et al. (1975) ont étudié l'absorption, la distribution, le métabolisme et l'excrétion du triclosan chez le cyprin doré (Carassius auratus). Dans l'étude, un groupe de six cyprins dorés (poids de 4 à 107 g) a été exposé à du triclosan radiomarqué à raison de 2 mg/L pendant deux heures ou 0,5 mg/L pendant huit heures d'absorption (pH de 7,8 à 8,2). Après l'essai d'absorption de deux heures, la plus grande concentration de triclosan radioactivé a été trouvée dans la vésicule biliaire, avec un facteur de concentration de 2500 par rapport à la solution d'essai; environ 60 % de l'activité a été observée dans la bile. Le triclosan a été éliminé rapidement au cours de la période d'excrétion. Après 24 heures d'excrétion, 60 % de l'activité dans l'eau a été associée à des métabolites, les 40 % restant étant le composé d'origine. Au moins un métabolite aurait été identifié, probablement un glucuronide conjugué. Newsome et al. (1975) ont indiqué que les reins et le corps avaient atteint l'équilibre avec la solution d'essai environ deux heures après l'exposition initiale, tandis que les concentrations dans le foie et la vésicule biliaire ont continué à augmenter en flèche. Il est donc probable que l'état d'équilibre n'ait pas été atteint dans le foie et la vésicule biliaire. Même si aucun état d'équilibre n'a été atteint dans le corps entier dans le cadre de cette étude, les résultats semblent indiquer en général que le triclosan affiche une demi-vie courte chez le cyprin doré qui serait d'environ 1 à 2 jours.
Dans le cadre d'une étude in vitro, on a constaté que le triclosan subissait une glucuronidation et une sulfonation rapides dans le foie et l'intestin de la barbue de rivière (Ictalurus punctatus) (James et al., 2012). La glucuronidation et la sulfonation du triclosan ont été dosées dans la fraction microsomale du foie et de l'intestin proximal. Les valeurs Km pour le méthyl-triclosan ont varié de 80 à 250 µM, les valeurs Vmax de l'o‑déméthylation allant de 30 à 150 pmol/min/mg de protéine (à 21 °C). Le triclosan à 1 µM peut subir une glucuronidation à raison de 23 pmol/min/mg de protéines dans le foie et de 3,2 pmol/min/mg de protéines dans l'intestin et une sulfonation à raison de 277 et de 938 pmol/min/mg de protéines dans le foie et l'intestin, respectivement. James et al. (2012) ont conclu que le triclosan pourrait être éliminé rapidement dans les tissus de la barbue à la suite d'une absorption alimentaire à ces doses.
Le métabolisme du triclosan a également été modélisé à l'aide du modèle BCFMax avec facteurs atténuants (Dimitrov et al., 2005); les métabolites potentiels prévus par le modèle sont présentés à la figure 4-2. La transformation de phase II donnant le glucuronide conjugué est la voie dominante, caractérisée par une probabilité d'apparition du métabolite glucuronide conjugué du triclosan ou de transformation complète de la molécule d'origine de près de 100 % (c.-à-d. un rapport molaire de 1:1). Selon le modèle, la réaction de phase I donnant l'oxydation arénique a une plus faible probabilité d'occurrence, mais peut aussi être une voie d'élimination. À l'aide de SMARTCyp, une relation quantitative structure-activité du cytochrome P450 basée sur HTML du Département de conception des médicaments et de pharmacologie de l'université de Copenhague (Rydberg et al., 2010a, 2010b; Rydberg et Olsen, 2012a, 2012b; Rydberg et al., 2013a, 2013b), on a prévu que de 3 à 4 sites d'oxydation arénique de phase I afficheraient une forte probabilité d'occurrence sur la structure du triclosan.

Longue description pour la figure 4-2
Prévision des métabolites potentiel du triclosan l'aide du modèle BCFMax avec facteurs atténuants. Cette figure illustre la structure du triclosan et les quatre structures de ses métabolites potentiels prédits par le model. On prédit que la conjugaison du glucuronide est la voie dominante et que sa probabilité d’occurence est de 99,9%, tandis qu’on prédit que la probabilité de produire des métabolites par la conjugaison du sulfate et deux types d’hydroxylation C du benzène est de 0%.
4.3.1.4 Facteurs de bioconcentration (FBC) et facteurs de bioaccumulation (FBA) chez les espèces aquatiques
Les paragraphes qui suivent traitent d'études menées sur les facteurs de bioconcentration (FBC) chez des poissons et des moules (Gonzalo-Lumbreras et al., 2012; Gatidou et al, 2010; Schettgen et al., 1999; Schettgen, 2000; NITE, 2006; Böttcher, 1991) et sur le facteur de bioaccumulation (FBA) chez des algues et les escargots (Coogan et al, 2007; Coogan et La Pointe, 2008); le tableau 4-10 qui suit en donne un résumé.
Organisme étudié | Paramètre | Valeur (L/kg, en fonction du poids humide) | Référence |
---|---|---|---|
Poisson zèbre (Danio rerio) (stade larvaire) | FBC | 2018-2630 (d'après une teneur en lipides de 15 %) | Gonzalo-Lumbreras et al., 2012 |
Poisson zèbre (Danio rerio) | FBC | 2532-4157 (à un pH de 7,7-8,0) | Böttcher, 1991 |
Poisson zèbre (Danio rerio) | FBC | 3700-8700 (à des pH de 6, 7, 8 et 9) | Schettgen et al., 1999; Schettgen, 2000 |
Carpe (Cyprinus carpio) | FBC | 16-90 | NITE, 2006 |
Algues (échantillons prélevés sur le terrain, diverses espèces) | FBA | 900-2100a | Coogan et al., 2007 |
Éphippies de daphnie (œufs durables) | FBC | 74; 4970b | Chiaia-Hernandez et al., 2013 |
Moules (Mytilus galloprovincialis) | FBC | 1700c | Gatidou et al., 2010 |
Moules (Mytilus galloprovincialis) | FBC | 646c, 13 490b | Kookana et al., 2013 |
Escargot (Helisoma trivolvis) | FBA | 500d | Coogan et La Point, 2008 |
Tableau des notes
a Organismes sauvages prélevés en aval d'usines de traitement des eaux usées.
b Normalisée pour les lipides.
c Poids sec.
d Organismes mis en cage en aval d'une usine de traitement des eaux usées.
Böttcher (1991) a effectué un essai de bioconcentration chez le poisson-zèbre (Danio rerio) dans un système d'essai en régime d'écoulement continu en s'appuyant sur des méthodes dérivées de la ligne directrice pour les essais 305C de l'OCDE. Des poissons-zèbres ont été exposés à 3 ou à 30 μg/L du triclosan dans le milieu aquatique. Les concentrations des composés d'essai ont été maintenues (de 2,95 à 3,18 μg/L et de 26,4 à 27,66 μg/L pour des concentrations nominales de 3 et de 30 μg/L, respectivement). Les poissons affichaient un poids moyen de 0,33 g au début de l'étude. Les périodes d'absorption et d'élimination étaient de 5 et 2 semaines, respectivement. Du triclosan marqué au 14C a été utilisé pour l'expérience, et les résultats étaient fondés sur la radioactivité totale mesurée dans l'eau et les tissus des poissons. L'expérience a été réalisée à un pH de 7,7 à 8,0; étant donné le pKa de 8,1 du triclosan, près de la moitié de la substance à l'essai a été dissociée en raison de l'exposition aux formes neutres et ioniques du triclosan. Il semblerait que l'état stable n'ait pas été atteint au cours de la période d'absorption de 5 semaines, dans la mesure où les valeurs du facteur de bioconcentration (FBC) fluctuaient au cours de cette période aux deux niveaux d'exposition. Les valeurs maximales du FBC ont été atteintes à la semaine 3, mais elles ont ensuite diminué jusqu'à la semaine 5. Les causes de la diminution des valeurs du FBC sont inconnues, mais sont liées aux fluctuations des résidus dans les tissus plutôt que dans les concentrations d'exposition du fait que ces dernières ont été très stables au cours de la phase d'absorption. Les FBC moyens pendant la période d'absorption de 5 semaines ont été établis à 4157 L/kg de poids humide à 3 µg/L et à 2532 L/kg de poids humide à 30 µg/L (tableau 4-10); les valeurs maximales du FBC étaient de 5337 L/kg de poids humide et de 3408 L/kg de poids humide, respectivement. Comme ces mesures fondées sur la radioactivité totale ne permettent aucune distinction entre le composé et ses éventuels métabolites, il est possible que les valeurs du FBC aient été surestimées. Les constantes du taux de dépuration (k2) à 3 et à 30 µg/L étaient de 0,142/jour et 0,141/jour, respectivement. Il convient de noter que la concentration d'exposition plus élevée utilisée dans cet essai correspond à 5,6 % de la concentration létale médiane à 96 heures (CL50) pour le poisson-zèbre (540 µg/L; étude non passée en revue citée dans NICNAS, 2009). Les lignes directrices pour les essais 305 de l'OCDE recommandent que la plus forte concentration soit fixée à 1 % de la CL50 aiguë asymptote pour éviter les effets toxiques qui pourraient influer sur la cinétique de la bioaccumulation chez les poissons. Compte tenu des carences de cette étude, notamment le manque d'équilibre au cours de la phase d'absorption, les résultats sont incertains et leur fiabilité est discutable. Ces incertitudes ont été prises en considération dans l'approche du poids de la preuve utilisée pour caractériser le potentiel de bioaccumulation du triclosan.
Schettgen et al. (1999) ont réalisé une étude sur la bioconcentration du triclosan à des pH différents (6-9) en s'appuyant sur la ligne directrice pour les essais 305E de l'OCDE. Des poissons-zèbres (Danio rerio) ont été exposés à 35 ou 50 μg/L de triclosan pendant environ 150 heures avant d'être placés dans de l'eau claire pendant 100 heures supplémentaires pour la phase d'élimination. Les teneurs moyennes en lipides étaient de 5,32, 6,18, 3,86 et 7,55 % pour les poissons soumis à des pH de 6, 7, 8 et 9, respectivement. Le triclosan a été dissous dans du méthanol; la concentration de méthanol était de 0,05 % dans le réservoir d'accumulation (Schettgen, 2000). Cette concentration dépassait la concentration de solvant maximale de 0,01 % (soit l'équivalent de 0,1 mL/L) indiquée dans la ligne directrice pour les essais 305E de l'OCDE. La forte concentration de méthanol pourrait avoir augmenté la biodisponibilité du triclosan, entraînant un degré d'absorption plus élevé que celui susceptible de survenir dans des conditions naturelles. On a ensuite analysé les concentrations de triclosan dans les poissons et l'eau par chromatographie en phase gazeuse avec détecteurs à capture d'électrons, et on a calculé les constantes du taux d'absorption (k1) et de la clairance (k2). D'après la courbe obtenue pour l'absorption et l'élimination, il semblerait qu'un équilibre ait été atteint pendant l'expérience. La période d'exposition pendant la phase d'absorption (150 heures) dépassait le temps nécessaire à l'atteinte de 80 % de l'état d'équilibre (80 % du temps pour atteindre l'état d'équilibre = 1,6/k2 = 1,6/0,0347/h = 46 h), ce qui peut également indiquer que l'état d'équilibre a été atteint. Les valeurs du FBC (± l'écart type) ont été établies en tant que rapport des constantes de taux et se présentent comme suit : 8700 (±2632) L/kg de poids humide, 8150 (±1417) L/kg de poids humide, 6350 (±963) L/kg de poids humide et 3700 (±1232) L/kg de poids humide à des pH de 6, 7, 8 et 9, respectivement (tableau 4-10). Ces valeurs montrent la diminution prévue du taux absorption avec l'augmentation de l'ionisation du triclosan d'un pH de 6 à 9; la constante du taux de clairance affiche des valeurs semblables pour toutes les valeurs de pH utilisées, allant de 0,0347/heure à 0,0413/heure. La constante du taux métabolique (km) sera légèrement inférieure à ces valeurs de dépuration, mais la demi-vie estimée en fonction du taux de dépuration moyen est d'environ 18 jours, soit un peu plus longue que celle indiquée dans d'autres études. Les constantes du taux d'absorption sont passées de 356/heure à 129/heure avec l'augmentation des valeurs du pH. Comme c'était le cas pour une concentration d'exposition utilisée dans l'étude de Böttcher (1991), les concentrations d'exposition utilisées dans le présent essai sont supérieures à 1 % de la CL50 asymptotique aiguë à 96 heures chez le poisson-zèbre (540 µg/L; étude non passée en revue citée dans NICNAS, 2009); la limite de 1 % est recommandée dans la ligne directrice pour les essais 305 de l'OCDE afin d'éviter les effets toxiques qui pourraient avoir une incidence sur la cinétique de la bioaccumulation chez les poissons. Dans cette expérience, les processus d'absorption et de dépuration et par conséquent les valeurs du FBC peuvent avoir été légèrement touchés par les concentrations de triclosan utilisées. Le taux de récupération du triclosan était de 168 % chez les poissons et de 93 % dans l'eau; le taux de récupération supérieur à 100 % observé chez les poissons semble indiquer une erreur expérimentale et la contamination possible des tissus, ce qui pourrait avoir entraîné une surestimation du FBC. En raison des lacunes de l'étude expérimentale, la fiabilité des résultats est discutable, et cela est pris en considération dans la méthode du poids de la preuve utilisée pour caractériser le potentiel de bioaccumulation du triclosan.
Une étude menée sur des larves de poisson-zèbre a été réalisée par Gonzalo-Lumbreras et al. (2012) en tant qu'alternative aux lignes directrices techniques pour les essais 305 de l'OCDE en raison de considérations éthiques et économiques. Des larves de poisson-zèbre ont été exposées à 3 et 30 μg/L, ce qui correspond à 0,1 et 1 % de leur CL50 et est comparable aux concentrations utilisées dans les études effectuées par Böttcher (1991) et Schettgen et al. (1999) décrites ci-dessus. Les valeurs du FBC ont été établies à 2018 et à 2630 aux concentrations d'exposition inférieures et supérieures, respectivement, sur plus de 72 heures. Les solutions d'exposition ont été remplacées toutes les 24 heures conformément aux exigences des lignes directrices 305 de l'OCDE pour éviter toute fluctuation des concentrations d'exposition nominales. L'état d'équilibre n'a pas été atteint au cours de la phase d'absorption, et on a expliqué qu'un temps d'exposition plus long était nécessaire. Il convient de noter que les larves de poisson-zèbre affichent une teneur plus élevée en lipides (15 %) que les poissons adultes, ce qui peut avoir une incidence sur la mesure de la bioaccumulation des substances chimiques hydrophobes par rapport aux résultats obtenus chez les poissons adultes, qui présentent généralement une teneur en lipides de 5 %. Une comparaison directe avec les valeurs du FBC chez les poissons adultes exigerait l'application d'un facteur de conversion permettant de tenir compte des différences quant à la teneur en lipides. Étant donné que les poissons vivant en milieu naturel seraient exposés au triclosan à tous les stades de leur vie, cette étude est considérée comme une représentation valable du potentiel de bioaccumulation dans les premiers stades de vie.
Le National Institute of Technology and Evaluation (NITE) japonais a mené une étude sur la bioconcentration chez la carpe (Cyprinus carpio) au cours de laquelle les poissons ont été exposés à 3 ou 30 μg/L de triclosan pendant huit semaines dans des conditions de renouvellement continu (NITE, 2006). Le protocole suivait les lignes directrices d'essai du NITE pour la bioaccumulation chez la carpe, ce qui correspond à la ligne directrice 305C de l'OCDE. Les concentrations de triclosan mesurées dans l'eau d'essai pendant l'étude ont fluctué légèrement (de 22,4 à 26,0 μg/L et de 2,00 à 2,46 μg/L pour les concentrations d'exposition de 30 μg/L et de 3 μg/L, respectivement. Le rapport d'étude ne mentionne pas si une phase d'élimination a eu lieu au cours de l'expérience, mais il est probable qu'il y en ait eu une. De plus, le pH de l'eau de l'essai n'a pas été déclaré. Les valeurs moyennes du FBC à la concentration d'exposition de 3 μg/L étaient de 55, 69, 56, 39 et 80 L/kg de poids humide à 1, 2, 4, 6 et 8 semaines, respectivement. À la concentration d'exposition de 30 μg/L, les valeurs moyennes du FBC étaient de 36, 36, 30, 36 et 18 L/kg de poids humide à 1, 2, 4, 6 et 8 semaines, respectivement. Les valeurs minimales et maximales du FBC ont été de 16 et de 90, respectivement, si l'on considère les deux concentrations d'exposition et toutes les données (tableau 4-10). Comme dans l'étude par Böttcher (1991), les valeurs du FBC ont fluctué quelque peu au cours de l'étude du NITE, mais seulement nominalement par rapport à la moyenne globale du FBC de 45. Étant donné que les concentrations mesurées dans l'eau étaient relativement stables, les fluctuations des valeurs du FBC pourraient être dues aux fluctuations des concentrations dans les tissus des poissons. Toutefois, ces données n'étaient pas disponibles. Aucune valeur n'a été signalée pour les constantes des taux d'absorption ou de dépuration (k1), mais en utilisant la valeur moyenne globale du FBC de l'essai et en extrapolant kM à l'aide de la méthode décrite dans Arnot et al. (2008), la constante de taux métabolique serait d'environ 8,8 j-1 ou une demi-vie inférieur(e) à; 1 jour.
Les grandes différences observées entre les valeurs du FBC chez les poissons rapportées par Böttcher (1991), Schettgen et al. (1999), Gonzalo-Lumbreras et al. (2012) et le NITE (2006) pourraient être dues à des taux d'absorption et des taux métaboliques différents, à des poids différents chez les poissons utilisés, à des teneurs en lipides différentes, etc., en plus des lacunes des études mentionnées.
Aucun FBA n'est disponible pour les poissons; cependant, selon le Koc et Koe du triclosan, le FBA devrait correspondra approximativement au FBC. En effet, à un log Kco de 4,7, la partie du triclosan qui devrait être biodisponible dans la colonne d'eau (selon les modèles de bilan massique des poissons) est d'environ 99 %, ce qui signifie que presque toute la concentration de triclosan dans l'eau sera dans la phase dissoute. Cela laisse sous-entendre que l'absorption à partir de l'eau par les branchies est une exposition très pertinente pour cette substance. Cela laisse également sous-entendre que la contribution de l'alimentation à la charge corporelle totale de triclosan dans les organismes aquatiques est probablement plutôt faible. De fait, le FBA calculé à l'aide du bilan massique d'Arnot-Gobas (version 1.11) (Arnot et Gobas, 2003) n'est que de 3 % supérieur au FBC.
Deux études sur la bioconcentration sont disponibles pour Mytilus galloprovincialis, une espèce de moule marine. Gatidou et al. (2010) ont mesuré un FBC de 1700 L/kg de poids sec (ou 1,7 L/g) chez M. galloprovincialis. Les moules ont été exposées à 300 ng/L de triclosan pendant 28 jours (pH non précisé), période au cours de laquelle les concentrations tissulaires ont augmenté constamment et où l'état d'équilibre n'a pas été observé. Le FBC a été déterminé en tant que rapport entre les constantes des taux d'absorption et de dépuration. L'expérience a révélé que le taux de dépuration du triclosan était inférieur à son taux d'absorption; la demi-vie biologique du triclosan indiquée était de 12 jours. Compte tenu de cette valeur pour la demi-vie, on se serait attendu à un FBC élevé. Kookana et al. (2013) ont étudié la bioconcentration du triclosan et du méthyl-triclosan chez les mêmes espèces de moules. Les moules ont été exposées au triclosan à une concentration de 100 ng/L pendant 30 jours dans des aquariums remplis d'eau de mer. L'état d'équilibre a été atteint au bout d'environ 24 à 30 jours. La teneur en lipides des moules est demeurée constante, à environ 5,4 %. Le FBC du triclosan a été établi à 646 et à 13 490 une fois normalisé pour les lipides. Le FBC (normalisé pour les lipides) du méthyl-triclosan a été établi à 15 488.
Chiaia-Hernandez et al. (2013) ont étudié la bioconcentration dans des éphippies de daphnies (œufs durables de la daphnie). Des éphippies de Daphnia magna ont été exposées à du triclosan à des concentrations comprises entre 150 et 250 µg/L pendant des périodes allant jusqu'à 120 heures. La teneur en lipides des organismes étudiés a été établie à 1,5 % du poids humide. On a déterminé que le FBC des éphippies était de 74 (poids humide) et de 4970 une fois normalisé pour les lipides.
Coogan et al. (2007) ont calculé un FBA allant de 900 à 2100 L/kg de poids humide pour des algues prélevées dans un ruisseau recevant les effluents d'une usine de traitement des eaux usées, tandis qu'un FBA de 500 a été calculé pour des escargots mis en cage dans le même ruisseau pendant deux semaines (Coogan et La Point, 2008). Même si on n'en a pas la certitude, il est probable que cet état d'équilibre des concentrations de triclosan chez les escargots ait été atteint avant la fin de la période d'exposition. Le pH au moment de l'exposition n'était pas précisé dans ces études.
4.3.1.5 Facteur d'accumulation biote-sédiments (FABS) chez les espèces vivant dans les sédiments
La voie et le degré d'absorption du triclosan de Lumbriculus variegatus, un ver vivant dans les sédiments, ont été étudiés avec du triclosan marqué au 14C (Karlsson et al., 2015). Dans cette étude, on s'est servi de vers capables de s'alimenter et de vers incapables de s'alimenter (après ablation des segments antérieurs de la tête) pour évaluer la cinétique de l'absorption. Les concentrations d'exposition nominales de triclosan sur plus de 48 heures ont varié entre environ 625 à 650 nmol/kg dans les sédiments et jusqu'à presque 5 nmol/L dans l'eau. On a constaté une baisse de l'activité du 14C du triclosan pendant la phase d'absorption de 48 heures; ce phénomène a été attribué à l'absorption du triclosan dans sa forme d'origine et de ses dérivés dans les organismes à l'étude, puisque la mesure de l'activité du 14C peut représenter non seulement le composé d'origine, mais aussi les dérivés dans les systèmes d'essai. On a relevé une plus grande absorption du triclosan chez les vers capables de s'alimenter comparativement à ceux incapables de le faire; l'augmentation de l'absorption observée a été donc attribuée à l'hydrophobicité du triclosan et à l'adsorption qui en découle dans les sédiments. Les facteurs d'accumulation biote-sédiments (FABS) ont été calculés en fonction des mesures de l'absorption et de la dépuration sur 48 heures en utilisant le modèle à un seul milieu du premier ordre. Le FABS sur 48 heures pour les vers capables de s'alimenter était de 9,0, tandis qu'il était de 6,6 pour les vers incapables de s'alimenter, pour lesquels l'absorption aurait lieu en majeure partie par l'épiderme (Karlsson et al., 2015). Ces valeurs du FABS représentent une combinaison de la substance d'origine et de ses dérivés.
4.3.1.6 Ratio de la fugacité eau-biote
La fugacité d'une substance chimique est un critère de l'équilibre thermodynamique qui peut être utilisé pour évaluer l'activité chimique relative dans un système composé de plusieurs milieux ou phases (telles que l'eau, les sédiments ou les aliments). En état d'équilibre, les fugacités des substances chimiques dans les différentes phases sont égales, et les ratios de fugacité entre un organisme et une phase de référence sont égaux à un. Lorsque le ratio de fugacité entre un organisme et une phase de référence qui est supérieur à 1, c'est qu'il y a augmentation (c.-à-d., amplification) de l'activité de la substance chimique dans l'organisme par rapport à la phase de référence. L'approche du ratio de fugacité peut être utilisée pour démontrer la bioamplification potentielle d'un produit chimique; les ratios de fugacité supérieurs à un indiquent des augmentations des quantités de résidus chimiques dans les organismes par l'intermédiaire de niveaux trophiques.
Le ratio de fugacité du triclosan pour le biote et l'eau a été calculé à l'aide de l'équation modifiée de Burkhard et al. (2012) :
Fbiote-eau = FBC (L/kg) × Dbiote (kg/L) × Zeau ÷ Zbiote
où
FBC = facteur de bioconcentration
Zeau, capacité de fugacité dans l'eau = 1/CLH (constante de la loi d'Henry)
Zbiote, capacité de fugacité dans le biote = % de lipides × (Dbiote÷Dlipides) × Ko2 × Zeau
Dbiote= 1 kg/L et Dlipides= 0,9 kg/L (communication personnelle de 2012 entre Frank A.P.C. Gobas, de l'université Simon Fraser, et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée).
La moyenne géométrique des FBC (établie à partir des études sur le FBC dans le corps entier chez des poissons par Böttcher (1991), Schettgen et al. (1999), Schettgen, 2000 et le NITE (2006); résumées au tableau 4-10) de 887 L/kg de poids humide et un log Koe (log Doe) 5,2 (pH de 7,4) ont été utilisés dans ce calcul; le ratio de fugacité obtenu est de 0,13 à un pH de 7,4 (~sang). Le résultat est inférieur à un, ce qui indique que le triclosan a un faible potentiel de bioamplification (Burkhard et al., 2012). En utilisant les valeurs maximales du FBC rapportées pour effectuer ce calcul, on obtient un ratio de fugacité légèrement supérieur à un. Étant donné que le triclosan est rapidement métabolisé par les poissons et que les valeurs élevées de FBC (rapportées dans Schettgen et al., 1999, et Schettgen, 2000) sont incertaines et peuvent être des surestimations en raison de l'erreur expérimentale, la bioamplification dans les niveaux trophiques est peu probable.
4.3.1.7 Bioaccumulation et seuil de toxicité narcotique interne
La bioaccumulation d'une substance chimique à des concentrations qui dépassent les seuils de toxicité interne peut entraîner la mort des organismes exposés. La valeur de 5 mmol/kg est considérée comme étant le seuil de toxicité narcotique interne neutre chez les poissons faisant l'objet d'exposition aiguë. Cette valeur est fondée sur les résultats de nombreuses études qui indiquent que les concentrations internes de narcotiques chimiques neutres qui sont létales chez les poissons sont assez constantes et s'établissent à environ 2 à 8 mmol/kg pour les expositions aiguës, avec une médiane de 5 mmol/kg, et à environ 0,2 à 0,8 mmol/kg pour les expositions chroniques (McCarty, 1986, 1987a, 1987 b, 1990; McCarty et Mackay, 1993; McCarty et al., 1985, 1991, 2013; Van Hoogen et Opperhuizen, 1988).
L'équation utilisée pour établir la fugacité (F = C ÷ Z; Burkhard et al., 2012) et le ratio de la fugacité biote-eau (Fbiote-eau) (voir la section 4.3.1.4) peut être utilisé comme suit pour calculer la concentration maximale interne d'une substance chimique selon les données du facteur de bioconcentration (FBC) :
C = F ×Zbiote
où
F = fugacité (Pa)
Zbiote = FBC (L/kg) × Dbiote (kg/L) × Zeau ÷ Fbiote-eau (voir la section 4.3.1.4)
Selon ce calcul, l'octanol est un substitut convenable pour les lipides chez les poissons, et le partitionnement de la diffusion de la substance dans le poisson est provoqué par l'hydrophobicité (c.-à-d., et non par un autre mécanisme comme les liaisons covalentes, lesquelles sont improbables avec le triclosan).
Ainsi, dans le cas du triclosan, si l'on tient compte d'une capacité de fugacité à la pression de vapeur de 0,00053 Pa et d'une concentration de lipides 5 % chez les poissons, la concentration maximale possible à un pH de 7,4 est d'environ 30 mmol/kg (une fugacité de 0,000067 Pa), ce qui est 6 fois le seuil narcotique interne médian en situation d'exposition aiguë de 5 mmol/kg. D'après les propriétés intrinsèques du triclosan, la bioaccumulation de celui-ci peut atteindre des niveaux dépassant les seuils narcotiques internes.
4.3.1.8 Bioconcentration et bioaccumulation du méthyl-triclosan dans les organismes aquatiques
Comme le méthyl-triclosan a souvent été détecté dans des organismes aquatiques vivant dans des eaux contaminées par le triclosan, le FBC et le FBA pour le méthyl-triclosan ont également été examinés dans l'analyse globale du poids de la preuve. Miyazaki et al. (1984) ont été les premiers à souligner l'accumulation du méthyl-triclosan dans le biote aquatique. Ils ont détecté différentes concentrations de ce composé chez des poissons et des mollusques et crustacés de diverses espèces prélevés dans la rivière Tama et la baie de Tokyo au Japon. Les concentrations variaient de 1 à 38 μg/kg et de 3 à 20 μg\/kg chez les poissons et les mollusques et crustacés, respectivement (tableau 4-11). Les auteurs ont attribué la présence de ce composé à la méthylation biologique du triclosan dans l'environnement.
Balmer et al. (2004) ont mesuré les concentrations de méthyl-triclosan que présentaient des poissons maigres, des gardons et des touladis de lacs de Suisse recevant les effluents d'usines de traitement des eaux usées ainsi que de lacs de référence non touchés par de tels effluents. Ils ont aussi prélevé des échantillons d'eau à l'aide de dispositifs à membrane semi-perméable afin de calculer la concentration de méthyl-triclosan dissous. Les concentrations de méthyl-triclosan chez les poissons atteignaient jusqu'à 35 μg/kg de poids humide et jusqu'à 365 μg/kg de lipides. Aucune trace de méthyl-triclosan n'a été détectée chez les poissons provenant des lacs de référence (inférieur(e) à 1 et inférieur(e) à 2 μg/kg). Les concentrations de méthyl-triclosan chez les poissons affichaient une bonne corrélation (r2= 0,85) avec le ratio de la population humaine vivant dans le bassin hydrographique et le débit des lacs, lequel est considéré comme une mesure de la charge domestique imposée par les usines de traitement des eaux usées aux lacs. Un FBA a été estimé pour le méthyl-triclosan à partir des concentrations mesurées dans les poissons ainsi que des concentrations observées dans l'eau échantillonnée à l'aide des dispositifs à membrane semi-perméable; le FBA calculé était de l'ordre de 100 000 à 260 000 L/kg (en fonction des lipides). En supposant une teneur moyenne en gras de 2 % chez les poissons, les auteurs de l'étude ont estimé que le FBA du méthyl-triclosan était de 2000 à 5200 L/kg (log FBA de 3,3 à 3,7) en fonction du poids humide.
Des FBA de 700 à 1500 L/kg ont été rapportés pour le méthyl-triclosan présent dans des algues prélevées dans un ruisseau recevant les effluents d'une usine de traitement des eaux usées (Coogan et al., 2007), tandis qu'un FBA de 1200 L/kg a été calculé pour les escargots qui avaient été mis en cage dans le même ruisseau pendant deux semaines (Coogan et La Point, 2008). Même si on ne le sait pas, l'état d'équilibre a probablement été atteint dans cette expérience étant donné la durée de la période d'exposition.
Organisme étudié | Paramètre | Valeur (en fonction du poids humide) | Référence |
---|---|---|---|
Goujon (Pseudorasbora parva) | Concentration dans le corps entier | 1 - 38 μg/kg | Miyazaki et al., 1984 |
Gobie (Acanthogobius flavimanus) | Concentration dans le corps entier | inférieur(e) à 1 - 2 μg/kg | Miyazaki et al., 1984 |
Palourde japonaise (Tapes philippinarum) | Concentration dans le corps entier | 3 μg/kg | Miyazaki et al., 1984 |
Mactre à coquille mince (Mactra veneriformis) | Concentration dans le corps entier | 5 μg/kg | Miyazaki et al., 1984 |
Huître (Rassostrea gigas) | Concentration dans le corps entier | 13 μg/kg | Miyazaki et al., 1984 |
Moule bleue (Mytilus edulis) | Concentration dans le corps entier | 20 μg/kg | Miyazaki et al., 1984 |
Poisson maigre (Coregonus sp.) | Concentration dans le corps entier | 4 - 211 μg/kga,b | Balmer et al., 2004 |
Gardon (Rutilus rutilus) | Concentration dans le corps entier | inférieur(e) à 2 - 365 μg/kga,b | Balmer et al., 2004 |
Touladi (Salmo trutta) | Concentration dans le corps entier | inférieur(e) à 1 μg/kga-c | Balmer et al., 2004 |
13 espèces de poissons de la rivière Détroit (près de Windsor, en Ontario) | Concentration dans le plasma | inférieur(e) à 0,000010 μg/kg | Valters et al., 2005 |
Dorade (Abramis brama) | Concentration dans les tissus musculaires | 3,8 - 26,1 ng/g | Boehmer et al., 2004 |
Poisson maigre (Coregonus sp.) et gardon (Rutilus rutilus) | FBA | 2000 - 5200 L/kga,b | Balmer et al., 2004 |
Algues (échantillons prélevés sur le terrain, diverses espèces) | FBA | 700 - 1500 L/kgb | Coogan et al., 2007 |
Escargot (Helisoma trivolvis) | FBA | 1200 L/kgd | Coogan et La Point, 2008 |
Tableau des notes
a Valeurs en fonction des lipides.
b Les poissons sauvages et les algues ont été prélevés en aval d'usines de traitement des eaux usées. Les concentrations observées dans les poissons provenant des lacs de référence étaient inférieur(e) à 1 et inférieur(e) à 2 μg/kg.
c Cette espèce n'a été trouvée que dans le lac de référence.
d Escargots mis en cages en en aval d'une usine de traitement des eaux usées.
4.3.2 Bioaccumulation dans les organismes terrestres
Kinney et al. (2008) ont prélevé des échantillons sur des sols agricoles qui avaient été amendés avec des biosolides provenant d'usines de traitement des eaux usées. Selon le ratio des concentrations du triclosan mesurées dans les tissus des lombrics dans le sol, des FBA de 10 et de 27 (sans unité) ont été calculées 31 et 156 jours après l'amendement du sol, respectivement. Même si on n'en a pas la certitude, il est probable que l'état d'équilibre dans les concentrations corporelles de triclosan ait été atteint au bout de 156 jours, bien que les données ne soient disponibles que pour deux périodes d'échantillonnage. Dans des conditions naturelles, comme dans le cas présent, l'exposition est dynamique plutôt que statique, étant donné les impulsions créées par l'épandage des biosolides suivi par la dissipation du triclosan par l'intermédiaire de divers processus. Pannu et al.(2012 b) ont trouvé des FBA similaires (de 4,3 à 12, sans unité) chez des vers de terre exposés dans des sols amendés avec des biosolides en laboratoire (28 jours) et sur le terrain.
Wu et al. (2010a) ont fait pousser du soja dans un sol sableux qui avait été amendé avec des biosolides ou irrigué avec des eaux usées contenant du triclosan. Les FBC (racines ou sol) mesurés après 60 et 110 jours de pousse dans le sol amendé avec des biosolides étaient d'environ 2,5 et 5,9 (sans unité), respectivement. Aucun FBC n'a pu être calculé pour les plantes cultivées dans le sol irrigué avec des eaux usées du fait que le triclosan n'a pas été décelé dans le sol. Toutefois, cette substance s'est bien accumulée dans les tissus végétaux (racines, tiges, feuilles et graines; de 24,2 à 80,1 ng/g après 110 jours). Encore une fois, on ne sait pas si un état d'équilibre a été atteint au cours de cette expérience.
La bioconcentration du triclosan chez deux espèces de macrophytes de milieu humide a été mesurée par Stevens et al. (2009). Ils ont exposé les organismes pendant 28 jours à des concentrations de triclosan allant de 0,4 à 1000 µg/L dans des systèmes à renouvellement continu (eau seulement). Ils ont mesuré des FBC allant de 0,4 à 2,8 L/kg de poids humide et de 1,4 à 101 L/kg de poids humide dans les pousses et les racines des plantes, respectivement. Ces valeurs seraient probablement différentes dans un environnement naturel où les plantes seraient enracinées dans le sol.
Le potentiel d'empoisonnement secondaire par le triclosan dans les chaînes alimentaires terrestres a été évalué à l'aide du modèle BASL4 (BASL4, 2011; voir la section 4.5.3 pour plus de détails). Dans ce modèle, l'exposition des lombrics au triclosan présent dans le sol suite à l'épandage de biosolides et l'accumulation subséquente de triclosan les vers de terre sont estimées en fonction de facteurs tels que l'ingestion de sol, la teneur en lipides et la dilution due à la croissance, entre autres choses. Par prudence, on suppose qu'aucun métabolisme du triclosan n'aura lieu dans les organismes. Ensuite, on calcule, selon des facteurs similaires, la bioaccumulation du triclosan chez les musaraignes qui consomment ces lombrics. Deux scénarios d'application de biosolides ont été exécutés (un pour les faibles expositions et un pour les fortes expositions; voir la section 4.5.3). Dans les deux cas, les concentrations de pointe dans les sols (118 µg/kg de poids sec et 222 µg/kg de poids sec pour les expositions faibles et élevées, respectivement) ont été observées juste après l'application des biosolides. Les concentrations de triclosan dans le sol entre les applications de biosolides s'établissaient en moyenne à 11 µg/kg de poids sec et à 110 μg/kg de poids sec, respectivement, pour expositions faibles et élevées. D'après les plus fortes concentrations modélisées dans le sol, à savoir ~11 100 µg/kg de poids sec et ~21 000 µg/kg de poids sec pour les expositions faibles et élevées respectivement chez les lombrics et ~531 000 µg/kg de poids sec et ~994 000 µg/kg de poids sec pour les expositions faibles et élevées respectivement chez les musaraignes, les FBA modélisés pour les vers de terre (c.-à-d. la concentration dans les lombrics divisée par la concentration dans le sol) sont d'environ 95, tandis que les FBA modélisés pour les musaraignes (c.-à-d. la concentration dans les musaraignes divisée par la concentration dans le sol) sont d'environ 4500. Les facteurs de bioamplification modélisés (c.-à-d. la concentration dans les musaraignes divisée par la concentration dans les vers de terre) sont d'environ 48. Les données de terrain susmentionnées indiquent des FBA de 4,3 à 27 pour les lombrics prélevés dans les champs amendés avec des biosolides (Kinney et al., 2008; Pannu et al., 2012b). Les résultats du modèle indiquent que les concentrations de triclosan augmentent du sol jusqu'aux lombrics et augmenteront davantage des lombrics jusqu'aux musaraignes. Les FAB modélisés pour les musaraignes sont étonnamment élevés étant donné que le triclosan est fortement métabolisé chez les mammifères. En effet, rien ne prouve que le triclosan est bioaccumulé chez les mammifères, bien qu'il puisse y avoir rétention du triclosan et/ou de ses métabolites dans le foie (NICNAS, 2009, CSPC, 2009). Le triclosan est considérablement métabolisé par la conjugaison des glucuronides avec le sulfate. Les FBA élevés modélisés sont probablement dus au fait que le modèle BASL4 part du principe qu'il n'y a aucun métabolisme dans les organismes.
4.3.3 Pertinence de la bioaccumulation du triclosan
L'information disponible reflète le comportement complexe du triclosan dans l'environnement et dans les organismes et empêche toute description précise de l'ampleur de la bioaccumulation du triclosan. Les études sur le FBC menées il y a quelques années sont spéculatives et donnent des éléments de preuve équivoques pour l'établissement d'un facteur absolu de bioconcentration. Ce que les preuves disponibles indiquent plus clairement et de façon plus cohérente, c'est que le triclosan peut être absorbé rapidement dans les organismes aquatiques et terrestres et qu'il atteint probablement l'état d'équilibre en quelques jours compte tenu de son faible log Koe, comme c'est le cas avec de nombreux produits pharmaceutiques. Le triclosan est donc une substance chimique hautement biodisponible in vivo, et son pH est susceptible d'avoir une forte incidence sur son potentiel de fugacité et sa diffusion dans les tissus. Dans l'environnement, à un pH de 7,0, le triclosan sera surtout présent dans sa forme neutre et aura tendance à se distribuer plus facilement dans les organismes que lorsqu'il est ionisé. À un pH sanguin de 7,4, le triclosan sera également en grande partie dans sa forme neutre, mais aussi, dans une moindre mesure, dans sa forme ionisée (20 %). Ainsi, le triclosan est probablement distribué dans le biote entre les tissus lipophiles et non lipophiles et peut se lier aux protéines plasmatiques dans l'albumine en raison de ses propriétés de donneur/receveur d'hydrogène, en particulier dans sa forme ionisée. La plage des valeurs du FBC (en soulignant leur statut équivoque) et des valeurs du FBA sur le terrain laisse sous-entendre que le taux de métabolisme dans les organismes des niveaux trophiques supérieurs et inférieurs et entre eux diffère naturellement et que, compte tenu de la grande biodisponibilité du triclosan, il s'agirait de la raison principale expliquant la variation du potentiel de bioaccumulation du triclosan, avec le pH des eaux où l'exposition survient. L'information in vivo, in silico et in vitro révèle une certaine cohérence dans les éléments de preuve qui nous permet d'avancer que la plupart des organismes peuvent éliminer le triclosan relativement rapidement par l'entremise de transformations métaboliques de phase II et possiblement de phase I. L'absorption du méthyl-triclosan et la déméthylation ultérieure peuvent également accroître la charge corporelle du triclosan, mais il peut être difficile de distinguer ces phénomènes de l'absorption du triclosan comme telle dans des situations d'exposition réelles.
Des preuves semblent indiquer que le triclosan a une bioconcentration potentielle associée à l'eau qui peut varier selon les conditions d'exposition et les organismes exposés. Comparativement aux autres produits chimiques de nature hydrophobe semblable ou plus marquée, le triclosan présente généralement une bioaccumulation qui varie de faible à modérée et qui est principalement liée à la biotransformation (voir la figure 7 dans Arnot et Gobas, 2006, pour une comparaison). Dans cette évaluation toutefois, le facteur absolu de bioconcentration ou de bioaccumulation est moins important que la capacité intrinsèque du triclosan à se distribuer dans les tissus à partir de l'eau. Il convient de souligner que le triclosan a un potentiel de bioconcentration suffisant et la fugacité requise pour amener des charges corporelles internes qui dépassent les seuils de toxicité par narcose ou par narcose polaire lorsque la concentration dans l'eau est suffisante. Cela devient très pertinent du fait que comme l'activité chimiqueNote de bas de page3du triclosan dans de l'eau peut, dans certains cas, dépasser l'activité chimique des substances chimiques narcotiques de plus d'un facteur de dix, la toxicité du triclosan pourrait approcher celles des substances chimiques plus réactives (comme certains médicaments) en situation d'exposition chronique. Ainsi, la bioconcentration, même à des degrés de faible à modéré, devient un facteur important dans l'examen du risque d'effets négatifs dans l'environnement canadien.
4.4 Effets écologiques
4.4.1 Mode d'action
Les modes d'action (MA) cellulaires du triclosan, par le biais de cibles de liaison moléculaires, ont été démontrés dans des bactéries, des végétaux et des rongeurs (Jang et al., 2008; McMurry et al., 1998; Heath et al., 1999; Hoang et Schweizer, 1999; Levy et al., 1999; Zhang et al., 2006; Serrano et al., 2007). Le triclosan est cible de nombreux sites intracellulaires et cytoplasmiques et pourrait avoir une incidence sur la transcription des gènes qui participent au métabolisme des acides aminés, des glucides et des lipides ainsi que sur les voies de signalisation, comme l'illustre la bactérie Staphylococcus aureus (Jang et al., 2008). Le triclosan bloque la biosynthèse des lipides dans les bactéries en inhibant précisément l'enzyme ENR (enyol-acyl carrier protein reductase) qui participe à la synthèse des acides gras bactériens de type II (McMurry et al., 1998; Heath et al., 1999; Hoang et Schweizer; 1999; Levy et al., 1999). Les voies de synthèse des acides gras chez les plantes sont similaires à celles des bactéries (Zhang et al., 2006). Les expériences menées avec Arabidopsis, de la famille des Brassicasées, ont montré que l'enzyme ENR est une cible possible du triclosan (Serrano et al., 2007). Chez la souris, l'activation du PPARα est le MA principal pour l'hépatocancérogenèse induite par le triclosan (voir la section 3.1.8). Le triclosan peut également perturber les processus médiés par la thyroïde; il a été démontré in vitro que le triclosan pouvait perturber l'expression génétique associée aux hormones thyroïdiennes chez les amphibiens (Veldhoen et al., 2006) (voir la section 3.1.10 et la section 4.4.2.1). On soupçonne que le triclosan peut découpler la phosphorylation oxydative (Newton et al., 2005, communication personnelle de 2014 entre Beate Escher, de l'université du Queensland, et la Direction des sciences et de l'évaluation des risques d'Environnement Canada; source non citée).
La structure moléculaire du triclosan ressemble à celle de plusieurs œstrogènes non stéroïdiens, tels que le diéthylstilbestrol et le bisphénol A, avec ses deux groupements phénols fonctionnels. Cela semble indiquer qu'il pourrait agir en tant qu'agent perturbateur du système endocrinien (Ishibashi et al., 2004; voir la section 4.4.2). Le profileur de la boîte à outils RQSA (relation quantitative structure-activité) de l'OCDE (RQSA, 2008) a relevé des alertes de classification de toxicité élevée concernant le triclosan; ces alertes laissent supposer que le triclosan exerce une toxicité au-delà du mode d'action narcotique de référence. Parmi ces alertes, mentionnons les liaisons aux récepteurs des œstrogènes (liant puissant), la toxicité aquatique aiguë par OASIS (phénols et anilines) et la catégorie de risque élevé selon la règle de Cramer.
L'activité chimique du triclosan (c.-à-d. la fraction de la solubilité dans l'eau provoquant des effets indésirables) est d'environ 0,00004 (d'après la concentration estimée sans effet (CESE) pour les organismes aquatiques; voir 4.4.2.1 ci-dessous), qui est beaucoup moins importante que l'activité chimique prévue pour les substances chimiques narcotiques de référence (généralement de 0,1 à 0,01) (Mackay et al., 2014). Les ratios de toxicité sont de beaucoup supérieurs à 10, ce qui indique un mode d'action toxique particulier (Escher et al., 2011).
Le triclosan s'ionise à des pH pertinents sur le plan écologique. Certaines études menées sur des daphnies (Ceriodaphnia dubia) et des algues (Scenedesmus subspicatus) ont démontré que le pH de la solution d'essai pouvait avoir une incidence sur la toxicité du triclosan (Orvos et al., 2002; Roberts et al., 2014). Les essais effectués à des valeurs de pH inférieures, lesquelles correspondent à une proportion plus élevée de la forme neutre du triclosan en solution, ont en général révélé une plus grande toxicité, bien que cet effet n'ait pas été démontré systématiquement à tous les niveaux de pH. Ce constat pourrait s'expliquer par le fait que la biodisponibilité de la forme neutre, pour ce qui est de sa capacité à traverser les membranes cellulaires, est supérieure à celle de la forme ionique, qui est arrêtée par une barrière électronique à la surface de la membrane. Ainsi, la toxicocinétique du triclosan serait dépendante du pH, mais pas sa toxicité intracellulaire. Sur le site de l'action toxique, le pH du cytoplasme revêt de l'importance en raison d'un phénomène de piégeage ionique (Neuwoehner et Escher, 2011); l'espèce de triclosan induisant l'effet serait donc fonction du pH. Cela pourrait expliquer l'absence de relation cohérente entre le pH du milieu d'exposition et les effets dans l'une des deux études susmentionnées (Roberts et al., 2014). En outre, la comparaison des différentes études menées avec la même espèce ou d'autres espèces n'indique pas clairement que le pH a une incidence sur la toxicité. Étant donné les sérieux doutes quant au rôle du triclosan en tant que découpleur, aucun ajustement des données sur l'écotoxicité pour un effet dépendant du pH (du milieu) n'a été effectué dans la présente évaluation. On sait que les découpleurs acides faibles ont une plus grande puissance lorsque le pH interne est égal au pKa (c.-à-d. le rapport 50:50 entre les espèces neutres et ionisés); par conséquent, les deux formes devraient contribuer à la toxicodynamique du triclosan. On croit en effet que les effets toxiques internes sont indépendants du pH du milieu d'essai. On reconnaît que ce milieu peut avoir une incidence sur la toxicocinétique du triclosan; cependant, la relation ultime entre le pH du milieu d'essai et la toxicité observée ne peut être quantifiée.
4.4.2 Écotoxicité
Environnement et Changement climatique Canada a compilé un ensemble de données exhaustif sur la toxicité du triclosan, notamment sur les organismes benthiques, terrestres et aquatiques. Des études sur des durées d’exposition aiguës, à long terme et chroniques étaient disponibles. L’acuité ou la chronicité d’un paramètre de toxicité repose sur la durée de vie de chaque espèce étudiée. Les données sur les effets chez les espèces aquatiques sont présentées à la sous-section 4.4.2.1, chez les organismes benthiques, à la sous-section 4.4.2.2, et chez les organismes terrestres, à la sous-section 4.4.2.3. La sous-section 4.4.2.1 contient également une description de la distribution de la sensibilité des espèces (DSE) pour les espèces aquatiques d’après des études menées sur les effets chroniques selon le protocole d’élaboration des recommandations de 2007 du Conseil canadien des ministres de l’Environnement (CCME, 2007), des valeurs dérivées pour la concentration estimée sans effet (CESE) ainsi qu’un résumé des données sur les effets qu’a le méthyl-triclosan sur les espèces aquatiques. La sous-section 4.4.2.3 comprend également des valeurs dérivées pour la CESE chez les organismes terrestres. La résistance aux antimicrobiens est quant à elle traitée à la section 3.6. Il semble que les cas de résistance au triclosan et de multirésistance peuvent augmenter dans les communautés microbiennes environnementales exposées au triclosan (Carey et McNamara, 2015); cependant, peu d’études sont disponibles, et elles sont généralement limitées à des paramètres de laboratoire et à de fortes concentrations d’exposition. Les dangers pour l’environnement découlant des effets de la résistance microbienne au triclosan aux concentrations de triclosan mesurées n’ont pas été précisés.
4.4.2.1 Organismes aquatiques
4.4.2.1.1 Algues, macrophytes et communautés de bactéries
Des essais de toxicité menés sur une seule espèce ainsi que des études sur le niveau communautaire ont été menés sur des bactéries, des algues et des macrophytes exposés au triclosan. Orvos et al. (2002) ont soumis cinq espèces d'algues à des essais. L'algue bleu-vert Anabaena flos-aquae a été l'espèce la plus sensible avec une CE10 de 0,97 μg/L (tableau 4-12). Il convient de noter que, parmi les cinq espèces d'algues soumises aux essais, la moins sensible était la seule espèce marine du groupe, Skeletonema costatum (une diatomée) (CE25 après 96 heures supérieur(e) à 66 μg/L), ce qui pourrait laisser croire que la salinité de l'eau d'essai aurait une incidence sur la spéciation et la biodisponibilité du triclosan (p. ex. proportion plus élevée de la forme ionisée). Cependant, DeLorenzo et Fleming (2008) ont mesuré une CE50 après 96 heures de 3,55 μg/L dans le cas d'une espèce de phytoplancton marin (Dunaliella tertiolecta), ce qui est comparable à la toxicité mesurée par Orvos et al. (2002) pour certaines algues d'eau douce Yang et al. (2008) ont mesuré une CE50 de 0,53 μg/L après 72 heures pour l'algue Pseudokirchneriella subcapitata, ce qui est bien inférieur à la valeur consignée par Orvos et al. (2002) pour la même espèce (CE50 de 4,46 μg/L après 96 heures). Cette variation dans les valeurs de la toxicité obtenue dans le cadre des différents essais menés avec la même espèce d'algue est probablement attribuable au pH et à l'illumination. En effet, le pH utilisé a une incidence sur la fraction des formes neutres et ionisées du triclosan présent dans la solution, lesquelles peuvent être de différents niveaux de toxicité (Roberts et al., 2014). En outre, l'illumination du milieu d'essai entraîne une photolyse rapide du triclosan par les rayons UV, en particulier dans sa forme ionisée, ce qui provoque une baisse des concentrations d'exposition au cours de la période d'essai. Il peut alors y avoir sous-estimation de la toxicité du triclosan si les concentrations ne sont pas mesurées tout au long de l'essai. Fulton et al. (2009) ont obtenu une CMAT 7 jours pour l'inhibition de la croissance avec Lemna gibba semblable à celle obtenue dans la présentation d'étude (2013) (17 et 28 μg/L, respectivement; tableau 4-12).
Wilson et al. (2003) ont signalé un changement de la structure de la communauté d'algues à des concentrations de triclosan peu élevées (0,015 μg/L). Pour cette étude, des assemblages d'algues naturelles ainsi que de l'eau naturelle ont été utilisés afin que les résultats des essais biologiques soient plus réalistes sur le plan environnemental. Cependant, en raison du nombre insuffisant de données consignées, comme les mesures des concentrations d'exposition, il existe des incertitudes à l'égard du seuil véritable des effets et de la fiabilité de l'étude en général. En conséquence, les résultats de cette étude n'ont pas été utilisés pour établir le seuil de toxicité chronique du triclosan. Lawrence et al. (2009) ont étudié les effets du triclosan sur la structure et la fonction des communautés du biofilm de cours d'eau qui constituent un élément clé de la fonction de l'ensemble de l'écosystème. En utilisant l'eau de la rivière Saskatchewan Sud comme source d'inoculum et d'éléments nutritifs, ils ont employé diverses techniques, notamment les analyses à l'échelle microscopique, les sondes moléculaires et les déterminations physiologiques, afin de déterminer les effets d'une exposition continue de 8 semaines à 10 µg de triclosan par litre. Les analyses des communautés du biofilm ont révélé un changement dans la composition des algues et des bactéries ainsi qu'une réduction importante de la biomasse algale dans des systèmes d'essai contenant du triclosan par rapport aux témoins. Le changement général observé était orienté vers une communauté plus hétérotrophe qui pourrait avoir des répercussions écologiques importantes sur le flux de l'énergie et du carbone. Le niveau d'exposition réel dans cette étude demeure toutefois incertain du fait que la concentration de triclosan n'était pas stable. En utilisant des cultures pures de protozoaires, les mêmes auteurs ont constaté que le triclosan avait des effets sur certaines espèces d'algues, de cyanobactéries et de protozoaires exposées à des concentrations de 0,5 et de 10 μg/L pendant 14 jours. Cependant, les effets observés n'ont pas été quantifiés, et les concentrations d'exposition n'ont probablement pas été maintenues étant donné l'utilisation d'un système statique. Ces résultats n'ont pas été davantage pris en considération. Miyoshi et al.(2003) ont signalé que le triclosan avait des effets nocifs sur deux espèces de Paramecium à des concentrations de 1564 et de 400 μg/L après 5 jours. Cependant, le manque de données expérimentales, notamment concernant les concentrations d'exposition, remet en question la fiabilité de cette étude. En conséquence, ses résultats n'ont pas été davantage pris en considération.
Tableaux 4-12. Toxicité chronique du triclosan pour les organismes aquatiques d'eau doucea
Organisme | Paramètre (durée) | Effet | Conc. (µg/L) | Utilisé dans la DSE | Référence |
---|---|---|---|---|---|
Scenedesmus subspicatus | CMAT (72 h) | Croissance | 0,77 | Non | Orvos et al., 2002 |
Scenedesmus subspicatus | CSEO (96 h) | Croissance | 0,69 | Non | Orvos et al., 2002 |
Scenedesmus subspicatus | CE10 (72 h) | Croissance | 0,5 | Oui | Roberts et al., 2014 |
Scenedesmus vacuolatus | CE10 (24 h) | Croissance | 1,09 | Oui | Franz et al., 2008 |
Anabaena flos-aquae | CE10 (96 h) | Croissance | 0,97 | Oui | Orvos et al., 2002 |
Pseudokirchneriella subcapitata | CE25 (96 h) | Croissance | 2,44 | Oui | Orvos et al., 2002 |
Pseudokirchneriella subcapitata | CMAT (72 h) | Croissance | 0,28 | Non | Yang et al., 2008 |
Pseudokirchneriella subcapitata | CSEO (72 h) | Croissance | 0,53 | Non | Tamura et al., 2012 |
Navicula pelliculosa | CE25 (96 h) | Croissance | 10,7 | Oui | Orvos et al., 2002 |
Nitzschia palea | CE10 (72 h) | Activité photosynthétique | 194 | Oui | Franz et al., 2008 |
Closterium ehrenbergii | CMAT (96 h) | Croissance | 354 | Oui | Ciniglia et al., 2005 |
Lemna gibba | CMAT (7 j) | Croissance | 28 | Ouib | Présentation d'étude 2013 |
Lemna gibba | CMAT (7 j) | Croissance | 17 | Ouib | Fulton et al., 2009 |
Tableau des notes
Abréviations : conc. = concentration; CEx = concentration d'une substance qui est estimée avoir des effets sur x % des organismes mis à l'essai; CLx = concentration d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; CMEO = concentration minimale avec effet observé; CMAT = concentration maximale acceptable de toxiques, représente généralement la différence entre la CSEO et la CMEO ou la moyenne géométrique des deux mesures; CSEO = concentration sans effet observé; DSE = distribution de la sensibilité des espèces.
a Toutes les données de ce tableau sont tirées d'études fiables selon une évaluation dans le cadre des Sommaires de rigueur d'étude; on peut se procurer cette information en en faisant la demande à Environnement et Changement climatique Canada.
b Comme ces paramètres sont équivalents et sont pour les mêmes espèces, on les a utilisés pour calculer une moyenne géométrique pour les espèces (22 µg/L pour L. gibba et 39 µg/L pour C. dubia) qui a été utilisée dans la DSE.
Organisme | Paramètre (durée) | Effet | Conc. (µg/L) | Utilisé dans la DSE | Référence |
---|---|---|---|---|---|
Hyalella azteca | CL10 (10 j) | Survie | 5 | Oui | Dussault et al., 2008 |
Hyalella azteca | CE10 (10 j) | Croissance | 50 | Non | Dussault et al., 2008 |
Ceriodaphnia dubia | CMAT (7 j) | Reproduction | 8,5 | Ouib | Orvos et al., 2002 |
Ceriodaphnia dubia | CMAT (7 j) | Survie et reproduction | 177 | Ouib | Tatarazako et al., 2004 |
Ceriodaphnia dubia | CSEO (8 j) | Survie et reproduction | 30 | Non | Tamura et al., 2012 |
Daphnia magna | CSEO (21 j) | Survie de la génération des parents | 200 | Non | Orvos et al., 2002 |
Daphnia magna | CMAT (21 j) | Reproduction | 89 | Oui | Orvos et al., 2002 |
Tableau des notes
Abréviations : conc. = concentration; CEx = concentration d'une substance qui est estimée avoir des effets sur x % des organismes mis à l'essai; CLx = concentration d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; CMEO = concentration minimale avec effet observé; CMAT = concentration maximale acceptable de toxiques, représente généralement la différence entre la CSEO et la CMEO ou la moyenne géométrique des deux mesures; CSEO = concentration sans effet observé; DSE = distribution de la sensibilité des espèces.
a Toutes les données de ce tableau sont tirées d'études fiables selon une évaluation dans le cadre des Sommaires de rigueur d'étude; on peut se procurer cette information en en faisant la demande à Environnement et Changement climatique Canada.
b Comme ces paramètres sont équivalents et sont pour les mêmes espèces, on les a utilisés pour calculer une moyenne géométrique pour les espèces (22 µg/L pour L. gibba et 39 µg/L pour C. dubia) qui a été utilisée dans la DSE.
Organisme | Paramètre (durée) | Effet | Conc. (µg/L) | Utilisé dans la DSE | Référence |
---|---|---|---|---|---|
Chironomus dilutus | CL10 (10 j) | Survie | 20 | Oui | Dussault et al., 2008 |
Chironomus dilutus | CE10 (10 j) | Croissance | 80 | Non | Dussault et al., 2008 |
Tableau des notes
Abréviations : conc. = concentration; CEx = concentration d'une substance qui est estimée avoir des effets sur x % des organismes mis à l'essai; CLx = concentration d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; CMEO = concentration minimale avec effet observé; CMAT = concentration maximale acceptable de toxiques, représente généralement la différence entre la CSEO et la CMEO ou la moyenne géométrique des deux mesures; CSEO = concentration sans effet observé; DSE = distribution de la sensibilité des espèces.
a Toutes les données de ce tableau sont tirées d'études fiables selon une évaluation dans le cadre des Sommaires de rigueur d'étude; on peut se procurer cette information en en faisant la demande à Environnement et Changement climatique Canada.
Organisme | Paramètre (durée) | Effet | Conc. (µg/L) | Utilisé dans la DSE | Référence |
---|---|---|---|---|---|
Physa acuta | CMAT (42 j) | Croissance | 3,2 | Oui | Brown et al., 2012 |
Tableau des notes
Abréviations : conc. = concentration; CEx = concentration d'une substance qui est estimée avoir des effets sur x % des organismes mis à l'essai; CLx = concentration d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; CMEO = concentration minimale avec effet observé; CMAT = concentration maximale acceptable de toxiques, représente généralement la différence entre la CSEO et la CMEO ou la moyenne géométrique des deux mesures; CSEO = concentration sans effet observé; DSE = distribution de la sensibilité des espèces.
a Toutes les données de ce tableau sont tirées d'études fiables selon une évaluation dans le cadre des Sommaires de rigueur d'étude; on peut se procurer cette information en en faisant la demande à Environnement et Changement climatique Canada.
Organisme | Paramètre (durée) | Effet | Conc. (µg/L) | Utilisé dans la DSE | Référence |
---|---|---|---|---|---|
Dactylèthre de l'Afrique du Sud (Xenopus laevis) | CSEO (32 j) | Croissance et développement post-embryonnaire | supérieur(e) à 29,6 | Oui | Fort et al., 2011 |
Dactylèthre de l'Afrique du Sud (Xenopus laevis) | CSEO (14 j) | Croissance et biomarqueurs du système endocrinien | supérieur(e) à 200 | Non | Matsumura et al., 2005 |
Ouaouaron (Rana catesbeiana) | CSEO (18 j) | Croissance et développement post-embryonnaire | supérieur(e) à 11,2 | Oui | Veldhoen et al., 2006 |
Ouaouaron (Rana catesbeiana) | CMEO (6 j) | Expression génétique | 0,12 | Non | Veldhoen et al., 2006 |
Rainette du Pacifique (Pseudacris regilla) | CMAT (21 j) | Développement post-embryonnaire | 0,95 | Oui | Marlatt et al., 2013 |
Tableau des notes
Abréviations : conc. = concentration; CEx = concentration d'une substance qui est estimée avoir des effets sur x % des organismes mis à l'essai; CLx = concentration d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; CMEO = concentration minimale avec effet observé; CMAT = concentration maximale acceptable de toxiques, représente généralement la différence entre la CSEO et la CMEO ou la moyenne géométrique des deux mesures; CSEO = concentration sans effet observé; DSE = distribution de la sensibilité des espèces.
a Toutes les données de ce tableau sont tirées d'études fiables selon une évaluation dans le cadre des Sommaires de rigueur d'étude; on peut se procurer cette information en en faisant la demande à Environnement et Changement climatique Canada.
Organisme | Paramètre (durée) | Effet | Conc. (µg/L) | Utilisé dans la DSE | Référence |
---|---|---|---|---|---|
Truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss) | CMAT (61 j) | Survie des alevins | 49,3 | Oui | Orvos et al., 2002 |
Gambusie (Gambusia affinis) | CMAT (35 j) | Nombre de spermatozoïdes | 76,6 | Oui | Raut et Angus, 2010 |
Méné tête-de-boule (Pimephales promelas) | CSEO (21 j) | Croissance | supérieur(e) à 0,450 | Non | Schultz et al., 2012 |
Medaka japonais (Oryzias latipes) | CSEO (21 j) | Fécondité, fertilité | supérieur(e) à 137 | Oui | Ishibashi et al., 2004 |
Tableau des notes
Abréviations : conc. = concentration; CEx = concentration d'une substance qui est estimée avoir des effets sur x % des organismes mis à l'essai; CLx = concentration d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; CMEO = concentration minimale avec effet observé; CMAT = concentration maximale acceptable de toxiques, représente généralement la différence entre la CSEO et la CMEO ou la moyenne géométrique des deux mesures; CSEO = concentration sans effet observé; DSE = distribution de la sensibilité des espèces.
a Toutes les données de ce tableau sont tirées d'études fiables selon une évaluation dans le cadre des Sommaires de rigueur d'étude; on peut se procurer cette information en en faisant la demande à Environnement et Changement climatique Canada.
4.4.2.1.2 Invertébrés
Dans le cas des crustacés d'eau douce, Orvos et al.(2002) ont mesuré les effets toxiques aigus et chroniques chez les daphnies à des concentrations de 390 μg/L et de 289 μg/L, respectivement. Leurs résultats pour la reproduction de Ceriodaphnia dubia indiquent une CMAT de 8,5 μg/L (tableau 4-12), tandis que Tatarazako et al.(2004) ont obtenu une CMAT pour la reproduction de la même espèce de 177 µg/L de triclosan. Flaherty et Dodson (2005) ont remarqué que lorsque Daphnia magna était exposée de façon chronique à 10 μg/L de triclosan, elle produisait deux fois plus d'individus mâles que ses homologues du groupe témoin. Cependant, lorsque Daphnia était exposée au triclosan contenu dans un mélange de produits pharmaceutiques, une diminution du rapport de masculinité était observée, avec 20 % de progénitures mâles en moins. Aucun paramètre ne pourrait être calculé pour l'expérience avec le triclosan uniquement du fait qu'une seule concentration a été utilisée.
Borgmann et al. (2007) ont déterminé les effets d'un mélange de produits pharmaceutiques, y compris le triclosan, sur l'amphipode d'eau douce Hyalella azteca. La survie, l'accouplement, la taille du corps et la reproduction de cette espèce ont fait l'objet d'un suivi sur trois générations. Aucun effet n'a été observé sur l'un ou l'autre des paramètres mesurés. La concentration moyenne mesurée du triclosan au cours de l'expérience était de 127 ng/L. Dussault et al.(2008) ont mené un essai de toxicité chronique sur cet amphipode et ont obtenu les valeurs suivantes : CL10 et CE10 de 5 et de 50 μg/L pour la survie et la croissance, respectivement. Les mêmes auteurs ont également effectué des essais sur les larves de diptères aquatiques Chironomus dilutus et ont obtenu des valeurs de CL10 et de CE10 similaires (20 et 80 μg/L). Bien que Hyalella et Chironomus soient des organismes benthiques, les essais mentionnés précédemment ont été menés à l'aide d'eau enrichie uniquement (et non à l'aide de sédiments enrichis).
On a découvert que le triclosan a des effets génotoxiques et cytotoxiques in vivo dans les hémocytes de la moule zébrée d'eau douce (Dreissena polymorpha). Plusieurs biomarqueurs ont été évalués pendant une période d'exposition de 96 heures. Une augmentation importante de tous les biomarqueurs génétiques (p. ex. test du micronoyau, fréquence apoptotique) ainsi qu'une déstabilisation évidente des membranes lysosomiales ont été constatées après une exposition au triclosan à des concentrations variant de 290 à 870 ng/L (Binelli et al., 2009). Brown et al. (2012) ont exposé l'escargot d'eau douce Physa acuta à diverses concentrations de triclosan pendant 42 jours. Les escargots exposés à 5 μg/L de triclosan et plus affichaient des taux de croissance inférieurs par rapport aux individus témoins.
4.4.2.1.3 Amphibiens
Fraker et Smith (2004) ont constaté une diminution de l'activité chez les têtards Rana pipiens exposés au triclosan pendant 24 jours à des concentrations de 0,230 µg/L et plus, bien qu'il n'ait pas de relation dose-réponse. La survie des têtards était significativement inférieure chez les individus exposés à 230 µg/L, mais elle était similaire aux groupes témoins à 23 µg/L et moins. En revanche, Smith et Burgett (2005) ont observé une augmentation de l'activité chez les têtards Bufo americanus exposés à une concentration de triclosan de 230 ng/L pendant 14 jours. Ils n'ont pas relevé d'effets sur leur croissance ou leur survie à la plus forte concentration utilisée (230 µg/L). Cependant, les concentrations utilisées dans les deux études sont incertaines, car elles n'ont pas été vérifiées analytiquement et le milieu d'essai n'était renouvelé qu'une fois par semaine. Pour ces raisons, on ne peut établir de paramètres significatifs pour la croissance et la survie à partir de ces études.
En se fondant sur les valeurs de la CL50 aiguë, Palenske et al. (2010) ont conclu que les larves d'amphibiens étaient les plus sensibles au triclosan pendant les premiers stades de leur développement L'étude a été menée sur le stade larvaire de trois espèces nord-américaines (Acris crepitans blanchardii, Bufo woodhousii et Rana sphenocephala) ainsi que sur quatre stades larvaires du dactylèthre de l'Afrique du Sud (Xenopus laevis). Les CL50 après 96 heures pour ces espèces étaient de 367, de 152 et de 562 µg/L et variaient de 259 à 664 µg/L (pour les quatre stades larvaires de l'amphibien Xenopus laevis), respectivement. Une différence importante entre les CL50 des espèces nord-américaines et entre les CL50 relatives aux premiers stades larvaires par rapport aux stades larvaires ultérieurs de l'amphibien Xenopus laevis a été remarquée. La vitesse de métabolisme et la fréquence cardiaque des larves d'amphibiens ont également fait l'objet d'un suivi et semblent être touchées à différentes concentrations de triclosan sans que cela ne soit clairement proportionnel à la dose.
Matsumura et al. (2005) n'ont indiqué aucun effet important sur le plan de la croissance ni aucune différence importante en ce qui concerne les concentrations des biomarqueurs endocriniens tels que la vitellogénine plasmatique et la testostérone chez les dactylèthres adultes mâles exposés à des concentrations de triclosan variant de 20 à 200 μg/L pendant un essai d'exposition de nature hydrique de 14 jours.
Des études ont également été menées pour évaluer l'effet du triclosan sur la métamorphose causée par l'hormone thyroïdienne chez les grenouilles. Veldhoen et al. (2006) ont étudié les effets du triclosan sur les métamorphoses précoces chez les têtards du ouaouaron (Rana catesbeiana). Avant leur métamorphose, certains têtards ont reçu une injection de T3 (et d'autres non) pour déclencher la métamorphose et ont été exposés à des concentrations mesurées de triclosan variant de 0,12 à 11,2 µg/L pendant 18 jours. Au bout de 18 jours, une réduction du poids corporel a été observée chez les individus exposés à une concentration de 0,12 µg/L avec du T3, mais pas chez ceux exposés à des concentrations plus élevées ou à des concentrations de triclosan uniquement. La longueur museau-cloaque et la longueur de la queue n'ont pas été sensiblement touchées, quelles que soient les expositions au traitement par le triclosan. Le développement des têtards, d'après les différences entre les stades de développement définis par Nieuwkoop et Faber (1994), était précoce à toutes les expositions au T3/triclosan, mais pas aux expositions au triclosan uniquement. Bien que R. catesbeiana ne soit pas utilisé dans les protocoles normalisés d'essais sur la métamorphose des amphibiens, l'espèce est originaire de l'est du Canada. En utilisant la lignée cellulaire de l'amphibien Xenopus laevis, les mêmes auteurs ont signalé que l'exposition à des concentrations faibles de triclosan (de 30 à 300 ng/L) entraînait la modification (c.-à-d. l'augmentation) de l'expression de l'ARNm des récepteurs des hormones thyroïdiennes (TR) α et β. Une augmentation des niveaux des produits de la transcription des TR β pourrait indiquer une métamorphose précoce.
En revanche, Fort et al. (2010, 2011) ont conclu que le triclosan ne modifie pas l'évolution normale de la métamorphose de l'amphibien Xenopus laevis. Dans le cadre d'un essai d'une durée de 21 jours où des têtards pro-métamorphiques (stade de développement 51 défini par Nieuwkoop et Faber) ont été exposés à des concentrations de triclosan de 0,6, 1,5, 7,2 et 32,2 µg/L, Fort et al. (2010) ont remarqué que la croissance larvaire (p. ex. la longueur et le poids du corps entier, la longueur museau-cloaque et la longueur des pattes arrières) était réduite à une concentration de 1,5 µg/L, mais que cela n'était pas le cas à d'autres concentrations du traitement. D'après les stades de développement définis, le développement post-embryonnaire de l'amphibien Xenopus laevis était précoce, bien qu'il n'ait pas suivi une relation reliée à la dose. En effet, une forte induction de l'expression de l'ARNm des TR β s'est produite à des traitements dont les concentrations étaient de 1,5 et 7,2 µg/L seulement. Cette absence de relation dose-réponse n'est pas inhabituelle. Ainsi, dans des études récentes menées avec des produits chimiques connus pour modifier le système endocrinien (recensés dans Welshons et al., 2003), les effets observés ne se sont pas nécessairement manifestés en suivant une relation dose-réponse linéaire et, dans plusieurs cas, ils suivaient une courbe de réponse non monotone. Dans le cadre d'un essai similaire d'une durée de 32 jours, des têtards de Xenopus laevis(avant leur métamorphose) au stade de développement 47 défini par Nieuwkoop et Faber ont été exposés à des concentrations de triclosan de 0,3, 1,3, 5,9 et de 29,6 µg/L (Fort et al., 2011). Des effets sur les paramètres de croissance, tels qu'une augmentation importante de la longueur et du poids moyens du corps entier, ainsi que des effets sur la longueur museau-cloaque ont été observés à des concentrations de 0,3 et de 1,3 µg/L, respectivement. De tels effets ne sont pas nécessairement néfastes du point de vue écologique. Contrairement à l'étude de 21 jours, le développement post-embryonnaire de l'amphibien Xenopus laevis a été retardé chez les groupes traités par rapport aux groupes témoins, mais aucune signification statistique n'a été décelée. Bien que peu importantes, des occurrences d'hypertrophie de la glande thyroïde et de congestion ont été décelées pour toutes les concentrations de traitement, le nombre de cas augmentant en fonction de l'exposition. L'histologie de la thyroïde (p. ex. le décompte et la taille des follicules, le contenu colloïdal par follicule) n'était pas significativement différente de celle du groupe témoin. Cependant, la variabilité entre les individus était importante aux concentrations les plus élevées du traitement pour certains paramètres. Enfin, l'expression de l'ARNm des TR β n'a pas été touchée de manière significative aux concentrations testées dans le cadre de cet essai de 32 jours. Les auteurs de ces deux études ont conclu que le triclosan semblait pouvoir augmenter la croissance des têtards pendant leur développement, sans accélérer la métamorphose médiée par la thyroïde (Fort et al., 2011). Les auteurs ont observé que la croissance accrue était due à des mécanismes non thyroïdiens, tels que la réduction des facteurs de stress bactériens dans la culture. Il convient de noter que, dans cette étude, les têtards n'ont pas reçu d'injection d'hormones thyroïdiennes (comme T3 ou T4) pour induire la métamorphose comme on l'on Veldhoen et al. (2006) dans leur étude.
Marlatt et al. (2013) ont observé une perturbation de la coordination du développement post-embryonnaire des têtards de rainette du Pacifique (Pseudacris regilla) dans un essai de métamorphose des amphibiens (EMA) adapté de 21 jours. L'EMA est une ligne directrice pour les essais normalisés (OCDE, Ligne directrice 231) qui a été élaborée pour X. laevis et qui vise à identifier les substances chimiques qui perturbent les processus biologiques médiés par les hormones thyroïdiennes. Dans cette étude, le protocole d'essai a été modifié et appliqué à une espèce de grenouille pertinente pour l'Amérique du Nord, à savoir Pseudacris regilla. Certains têtards prémétamorphosés ont reçu (d'autres non) des injections de T4 et ont été exposés pendant 21 jours à des concentrations nominales de triclosan de 0,3, de 3 et de 30 µg/L. On a constaté que le triclosan avait des effets importants sur la progression du stade de développement et sur des paramètres morphologiques tels que la longueur du corps, la longueur des membres postérieurs, le rapport museau-cloaque et le poids humide à divers jours de l'expérience, et ce, tant pour les concentrations d'essai avec triclosan uniquement que pour les concentrations d'essai T4/triclosan. En outre, l'expression des gènes sensibles aux hormones thyroïdiennes a été modifiée à toutes les combinaisons de concentrations d'exposition, surtout au début de la période d'exposition (jour 2). Certains de ces effets étaient transitoires quoique nécessaires à la métamorphose selon les auteurs. Selon eux, le triclosan serait responsable de la désynchronisation de la progression des tissus des têtards (accélération). Il convient de noter que la mortalité moyenne atteignait 17 % chez les têtards exposés à T4 ou à une combinaison de T4 et de 0,3 µg/L de triclosan; ce taux est supérieur à la limite de 10 % recommandée dans les lignes directrices pour les essais. Le triclosan ne semblait pas être la cause de la mortalité. Selon les paramètres indiqués dans la ligne directrice pour les essais 231 de l'OCDE en tant qu'indicateurs de l'activité thyroïdienne, on a calculé une CMAT de 0,95 µg/L pour cette étude à partir des effets significatifs du triclosan (en absence de T4; conforme à la ligne directrice pour les essais 231 de l'OCDE) pour ce qui est de la longueur des membres postérieurs/longueur museau-cloaque au jour 7. Le stade de développement n'a pas été affecté par l'exposition au triclosan uniquement au jour 7 ou 21.
Dans l'ensemble, ces études ne présentent pas un effet constant du triclosan sur la métamorphose des amphibiens médiée par la thyroïde. Cependant, elles ont révélé des effets sur le stade de développement, certains paramètres morphologiques et l'expression des gènes. Il semble que le triclosan seul ne modifie pas significativement les processus dédiés par la thyroïde; toutefois, il semble modifier ces processus lorsque la métamorphose est induite par les hormones T4 et T3. Ces effets semblent indiquer que le triclosan pourrait perturber l'activité de l'hormone thyroïdienne naturelle chez les amphibiens. Comme l'ont mentionné Marlatt et al.(2013), la modification du développement peut se traduire par une diminution de l'état physique des amphibiens; il faudra cependant étudier une exposition prolongée au triclosan pour évaluer le développement par le biais d'une métamorphose complète.
4.4.2.1.4 Poissons
Orvos et al. (2002) ont déterminé une toxicité aiguë (CL50) de 260 et de 370 μg/L de triclosan après 96 heures pour la tête-de-boule et le crapet arlequin, respectivement. Quant à la toxicité chronique, ils ont mesuré une concentration sans effet observé (CSEO) et une concentration minimale avec effet observé (CMEO) de 34,1 et de 71,3 μg/L, respectivement, pour la truite arc-en-ciel au cours d'un essai effectué au début du cycle de vie. Une étude sur la toxicité aiguë (Oliveira et al., 2009) a conclu que le triclosan a des effets nocifs sur le poisson zèbre (Danio rerio) adulte et sur les premiers stades de sa vie. Les effets étaient notamment l'embryotoxicité et le retard de l'éclosion. Les auteurs ont attribué le taux de mortalité élevé des embryons à l'intégration du triclosan dans les œufs. La CL50 à 96 heures pour la survie embryonnaire était de 420 µg/L. Des effets embryotoxicologiques, tels que des malformations du dos et une taille réduite, ont été observés après 4 jours d'exposition à 500 µg/L de triclosan.
Dans une étude menée sur la gambusie mâle de l'Ouest (Gambusia affinis), Raut et Angus (2010) ont remarqué une augmentation importante de l'expression de l'ARN messager (ARNm) de la vitellogénine qui est normalement produite uniquement par la femelle avec l'administration d'un traitement composé de 101 µg/L de triclosan. Dans cette étude, qui a laissé entendre que le triclosan peut agir en tant que perturbateur endocrinien chez la gambusie, on a également découvert que le triclosan entraînait la baisse du nombre de spermatozoïdes et l'augmentation de la valeur moyenne de l'indice hépatosomatique à une concentration de 101 µg/L. Les autres concentrations testées étaient 29 et 58 µg/L. La diminution du nombre de spermatozoïdes pourrait avoir une incidence au niveau de la population. Cela est donc considéré comme un paramètre pertinent sur le plan écologique.
Quelques études publiées (Tamura et al., 2012; Tatarazako et al., 2004; Ishibashi et al., 2004) ont été menées conformément à la ligne directrice pour les essais 212 de l'OCDE « Poisson, essai de toxicité à court terme aux stades de l'embryon et de l'alevin ». Ces études n'ont pas été prises en compte pour l'évaluation des effets du triclosan sur la croissance des poissons et la reproduction, car un rapport de l'OCDE a indiqué que cet essai n'était plus valable scientifiquement du fait que le début de l'alimentation survenait trop tard et que l'essai était considéré comme relativement insensible (OCDE, 2012). Cet essai est également considéré comme un essai subchronique plutôt qu'un véritable essai de toxicité chronique couvrant le cycle de vie des poissons. Cela dit, certaines conclusions demeurent pertinentes. En particulier, Ishibashi et al. (2004) ont indiqué que les indices gonadosomatiques et hépatosomatiques étaient significativement plus élevés chez les medakas japonais (Oryzias latipes) adultes exposés à des concentrations de 20 μg/L et plus. En outre, les concentrations de vitellogénine hépatique ont augmenté significativement chez les mâles exposés à 20 et à 100 μg/L.
Les enquêtes menées par Foran et al. (2000) sur les propriétés œstrogéniques possibles du triclosan sur le medaka japonais (Oryzias latipes) ont révélé que cette substance ne présentait pas d'activité œstrogénique à des concentrations variant de 1 à 100 µg\/L. Cependant, d'après l'évaluation des changements touchant les caractéristiques sexuelles secondaires (légère augmentation de la taille des nageoires dorsale et anale dans le groupe recevant les fortes doses), les auteurs ont indiqué que le triclosan serait faiblement androgénique. Les effets observés pourraient également avoir été induits par un mode d'action anti-œstrogénique.
4.4.2.1.5 Distribution de la sensibilité des espèces
On a établi une distribution de la sensibilité des espèces (DSE) pour déterminer la valeur critique de toxicité (VCT) du triclosan conformément au protocole des recommandations de 2007 du Conseil canadien des ministres de l'Environnement (CCME, 2007). Les recommandations du CCME (2007) indiquent que les paramètres de toxicité obtenus grâce à une évaluation des données statistiques par régression (c.-à-d. les valeurs de la CEx indiquant les seuils de faible toxicité ou sans effet) sont à privilégier par rapport aux paramètres obtenus par l'évaluation des données statistiques par hypothèse (c.-à-d. les valeurs de la CSEO et de la CMEO). En outre, les paramètres qui représentent des seuils sans effet pour une espèce donnée sont à privilégier par rapport aux paramètres représentant les seuils de faible toxicité, lorsqu'ils sont disponibles. Compte tenu de ces deux aspects (c.-à-d. les données de l'évaluation technique et les seuils de toxicité), des paramètres acceptables ont été considérés à l'aide de l'approche suivante : la valeur CEx/CIx la plus appropriée représentant un seuil sans effet supérieur(e) à CE10/CI10 supérieur(e) à CE11-25/CI11-25 supérieur(e) à CMAT supérieur(e) à CSEO supérieur(e) à CMEO supérieur(e) à CE26-49/CI26-49 supérieur(e) à CE50/CI50 non létales (CCME, 2007). Des sommaires de rigueur d'étudeNote de bas de page4 ont été réalisés pour tous les paramètres inclus dans la DSE afin de s'assurer qu'ils provenaient d'études fiables. Seules les données de toxicité chronique ont été choisies pour établir la DSE puisque l'on s'attend à ce qu'il y ait une exposition chronique au triclosan dans les écosystèmes récepteurs. La DSE comprend les paramètres pour trois espèces de poissons, trois d'amphibiens, cinq d'invertébrés, une de macrophytes et sept espèces d'algues; la distribution obtenue est présentée à la figure 4-3. Lorsque plus d'un paramètre était disponible pour une même espèce, on a choisi la plupart des paramètres privilégiés dans les recommandations du CCME de 2007. Lorsque plusieurs paramètres similaires étaient disponibles, on a choisi la valeur la plus faible ou on a calculé la moyenne géométrique de ces paramètres lorsque l'on considérait que ces derniers étaient les mêmes (p. ex. l'effet, la durée).
Plusieurs des données mentionnées ci-dessus n'ont pas été utilisées dans l'établissement de la DSE pour des raisons autres que le fait qu'il ne s'agit pas du paramètre privilégié. Les valeurs de toxicité pour les algues Skeletonema costatum et Dunaliella tertiolecta n'ont pas été considérées pour la DSE, car il s'agit d'espèces marines et les données d'exposition disponibles concernent les espèces d'eau douce. La valeur de toxicité pour Hyalella azteca de Borgmann et al. (2007) n'a pas été utilisée, cet essai ayant été mené avec un mélange de substances. Les valeurs de la CE10 pour l'inhibition de la croissance de Hyalella azteca et de Chironomus dilutus établies par Dussault et al. (2008) n'ont pas été utilisées dans la DSE puisque la létalité (CL10) a été observée à des concentrations inférieures avec ces organismes dans le cadre de l'étude. Cela indique que les amphipodes et les chironomes qui ont survécu à l'exposition au triclosan affichaient une bonne croissance à leur CE10 respective. L'étude sur la tête-de-boule (Schultz et al. 2012) a également été exclue du calcul de la DSE, car elle indiquait une très faible CSEO non bornée (de deux ordres de grandeur inférieure à la CSEO pour d'autres espèces de poissons). Cette CSEO n'est pas considérée comme significative sur le plan toxicologique, les concentrations de triclosan mises à l'essai étant vraisemblablement trop faibles. Dans le cas des amphibiens, les paramètres de dynamique des populations (croissance et développement, par exemple) ont servi au calcul de la DSE. Deux des valeurs en question étaient des CSEO non bornées (valeurs « plus grand que »), mais elles ont été incluses parce qu'elles ne se trouvaient pas à surestimer la toxicité et reposaient sur des concentrations d'essai relativement élevées.
Les paramètres fondés sur les réactions biochimiques (expression génique, par exemple), lorsqu'il s'agissait de données disponibles sur les amphibiens et les mollusques, ne sont pas entrés dans ce calcul de la DSE, parce qu'il était difficile de les rattacher à des effets en dynamique des populations et d'évaluer ces effets. S'ils ont été exclus des calculs, ils ont quand même servi comme indices utiles de caractérisation des effets écologiques du triclosan.
Les valeurs choisies pour la DSE n'ont pas été rajustées en fonction du pH afin de refléter le potentiel d'ionisation du triclosan dans l'environnement (voir la section 4.4.2). En effet, un tel ajustement ne peut se faire que si la relation entre le pH et le degré de toxicité du triclosan est connue ou si on présume qu'elle est linéaire. L'hypothèse de la linéarité est une simplification grossière des processus physico-chimiques qui peuvent se dérouler et, en fait, peut amener une grande incertitude dans les résultats calculés.
Le logiciel SSD Master version 3.0 (CCME, 2013) a été utilisé pour tracer la DSE. Plusieurs fonctions de distribution cumulative (normale, logistique, Gumbell et Weibull) ont été adaptées aux données à l'aide de méthodes de régression. L'ajustement du modèle a été évalué à l'aide de techniques statistiques et graphiques. On a choisi le meilleur modèle en fonction de la qualité de l'ajustement et de la faisabilité du modèle. Les hypothèses du modèle ont été vérifiées graphiquement et à l'aide de tests statistiques. Le modèle de distribution normale correspondant le mieux (statistique Anderson-Darling [A2] = 0.242), et le 5e centile (CD5), c.-à-d. la concentration dangereuse pour 5 % des espèces du schéma de la DES, s'élève à 376 ng/L, dont la limite inférieure et la limite supérieure de confiance étaient de 263 et de 538 ng/L, respectivement. La figure 4-3 montre le tracé de la DSE du triclosan.

Longue description pour la figure 4-3
Distribution de la sensibilité des espèces (DSE) pour le triclosan d'après les données de toxicité chronique sélectionnées pour les organismes aquatiques d'eau douce. Le modèle normal correspondant aux données est présenté dans le graphique avec des intervalles de confiance de 95 %. Les données utilisées dans la DSE figurent au tableau 4-12.Cette figure montre que la sensibilité des organismes au triclosan est répartie selon une courbe en forme de S. Certains invertébrés, certains amphibiens et certaines plantes constituent les organismes les plus sensibles au triclosan. D'autres types d'invertébrés, de plantes et de poissons sont moins sensibles à cette substance. Parmi les 19 points de données, trois se situent en dehors des intervalles de confiance de 95 % de la courbe; ils se trouvent en effet aux deux extrémités de la forme.
Il est indiqué que de nombreuses DSE du triclosan pour les espèces aquatiques ont été élaborées par d'autres auteurs (Capdevielle et al., 2008; Lyndall et al., 2010; Bélanger et al., 2013) qui ont utilisé des approches autres que celle recommandées par le CCME en 2007. Les valeurs du CD5 obtenues dans ces études vont de 534 à 1550 ng/L. Les différences dans les valeurs du CD5 peuvent être attribuées au choix des critères et des espèces ainsi qu'à l'utilisation d'approches différentes pour l'ajustement des données.
4.4.2.1.6 Calcul de la concentration estimée sans effet (CESE) pour les espèces aquatiques
La valeur du 5e centile (CD5) de 376 ng/L calculée à partir de la DSE pour les espèces aquatiques d'eau douce a été retenue en tant que valeur critique de toxicité (VCT) pour le triclosan. Cette valeur est inférieure à la valeur la plus faible du paramètre utilisé pour la DSE (500 ng/L pour Scenedesmus subspicatus).
Puisque la VCT était fondée sur une DSE chronique à effets faibles ou sans effet qui comprenait des paramètres de toxicité pour de nombreuses espèces, un facteur d'évaluation (FE) de 1 a été utilisé pour établir la concentration estimée sans effet (CESE). En conséquence, la valeur de 376 ng/L a été choisie en tant que CESE dans l'analyse des risques posés par le triclosan (voir la section 4.5.1). Il convient de noter que la DSE comprend des paramètres qui peuvent être sensibles aux effets du système endocrinien, y compris les effets sur la croissance et la reproduction des poissons et des amphibiens. En conséquence, la CESE devrait englober les effets endocriniens perturbateurs.
Le but de l'approche adoptée pour établir la CESE du triclosan était d'exprimer la variation de la sensibilité entre les espèces. On considère que la CESE du triclosan reflète fidèlement les niveaux d'effets faibles ou d'effets nuls et qu'elle n'est pas exagérément prudente.
4.4.2.1.7 Méthyl-triclosan
Une étude menée pour évaluer la toxicité du méthyl-triclosan chez Daphnia magna indique que la CSEO après 48 heures pour l'immobilisation est égale ou supérieure à180 µg/L. Dans une autre étude, la valeur de CE50 après 72 heures pour la biomasse et le taux de croissance de l'algue Scenedesmus subspicatus était de 120 et de 170 µg/L, respectivement. Les valeurs CE10 correspondantes étaient de 55 et de 76 µg/L, respectivement (présentation d'étude, 2009). Ces résultats laissent sous-entendre que le méthyl-triclosan est moins toxique pour les organismes aquatiques que le triclosan, mais que sa toxicité intrinsèque est toutefois élevée.
4.4.2.2 Organismes benthiques
La toxicité du triclosan pour les organismes benthiques a été évaluée à l'aide d'un essai mené sur des chironomidés (Chironomus riparius) conformément à la ligne directrice pour les essais 218 de l'OCDE. Après 28 jours, aucun effet nocif n'a été observé sur les taux d'émergence et de développement aux concentrations choisies (présentation d'étude, 2009). D'après ces résultats, la CSEO pour le triclosan est supérieure ou égale à 100 mg/kg de poids sec, soit la concentration la plus élevée mise à l'essai. Les concentrations de triclosan dans les sédiments ont été mesurées dans le groupe témoin, à des niveaux de traitement moyens et plus élevés, et étaient constantes pendant toute la durée de l'essai. Les concentrations de résidus du triclosan dans la colonne d'eau sus-jacente étaient très faibles tout au long de la période d'essai (inférieur(e) à 1 % du triclosan radiomarqué appliqué). De même, des degrés très faibles de radioactivité ont été mesurés dans les échantillons d'eau interstitielle (0,1 % de la radioactivité appliquée). Cela indique que le triclosan était principalement lié aux sédiments, mais que la majeure partie de cette fraction était extractible.
On a observé des différences dans la liaison entre le triclosan et les sédiments. Les résultats de l'étude du métabolisme aérobie aquatique décrits à la section 4.2.4.2 indiquent qu'environ le tiers du triclosan lié aux sédiments à la fin de l'étude (104 jours) n'était pas extractible. Les différences entre l'étude du métabolisme et l'étude de toxicité sur les chironomes peuvent être attribuables à des différences au chapitre des protocoles utilisés dans chaque étude, de la durée des études ou des types de sédiments employés. Les sédiments utilisés dans le cadre de l'étude sur la toxicité étaient principalement constitués de sable de silice, un substrat dont la capacité d'absorption est faible.
4.4.2.3 Organismes terrestres
Des données sur les effets qu'a le triclosan sur plusieurs organismes terrestres, y compris les microorganismes, les végétaux, les invertébrés, les oiseaux et les petits mammifères étaient disponibles. Un résumé des données de toxicité sur les fabiles effets chroniques du triclosan sur les organismes terrestres est présenté au tableau 4‑13. Les invertébrés du sol étaient des plus sensibles à toute exposition à cette substance. Ils étaient suivis à cet égard des dicotylédones (tomate, laitue, soya, concombre, etc.) et des monocotylédones (ciboulette, maïs, blé, riz, etc.) (Wang et al., 2015). La CESE a été calculée pour le sol en fonction d'une valeur critique de toxicité (paramètre fiable le plus sensible) divisée par un facteur d'évaluation (voir la sous-section 4.4.2.3.5).
Tableaux 4-13. Toxicité du triclosan pour les organismes terrestres
Organisme | Paramètre (durée) | Effet | Conc. (mg/kg p.s.) | Référence |
---|---|---|---|---|
Microorga-nismes du sol | CSEO (1 h à 28 j) | Respiration, nitrification, phosphatase, glucosidase, chitinase | 1 | Waller et Kookana, 2009 |
Tableau des notes
Abréviations : conc. = concentration; CEx = concentration d'une substance qui est estimée avoir des effets sur x % des organismes mis à l'essai; CLx = concentration d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; DLx = dose d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; CMEO = concentration minimale avec effet observé; DSENO = dose sans effet nocif observé; CSEO = concentration sans effet observé; DMENO = dose minimale sans effet nocif observé.
Organisme | Paramètre (durée) | Effet | Conc. (mg/kg p.s.) | Référence |
---|---|---|---|---|
Ray-grass (Lolium perenne)a | CSEO (21 j) | Poids des racines | 0,162 | Présentation d'étude, 2009b |
Maïs (Zea mays)a | CSEO (21 j) | Longueur des racines; longueur des pousses; poids à l'état frais | 30; 60; 60 | Wang et al,2015c |
Maïs (Zea mays)a | CE10 (21 j) | Longueur des racines; longueur des pousses; poids à l'état frais | 26; 52; 41 | Wang et al.,2015c |
Ciboulette (Allium tuberosum)a | CSEO (21 j) | Longueur des racines; longueur des pousses; poids à l'état frais | 40; 40; 40 | Wang et al.,2015c |
Ciboulette (Allium tuberosum)a | CE10 (21 j) | Longueur des racines; longueur des pousses; poids à l'état frais | 40; 33; 25 | Wang et al.,2015c |
Blé (Triticum aestivum)a | CSEO (21 j) | Poids des pousses | 0,162 | Présentation d'étude, 2009b |
Blé (Triticum aestivum)a | EC10 (21 j) | Survie | 142 | Amorim et al.,2010c |
Riz (Oryza sativa)a | CSEO (20 j) | Longueur des racines; hauteur des pousses | 1; 70 | Liu et al.,2009c |
Riz (Oryza sativa)a | CE10 (20 j) | Longueur des racines; hauteur des pousses | 27; 37 | Liu et al.,2009c |
Soya (Glycine max)d | CSEO (21 j) | Longueur des racines; longueur des pousses; poids à l'état frais | 20; 20; 10 | Wang et al.,2015c |
Soya (Glycine max)d | CE10 (21 j) | Longueur des racines; longueur des pousses; poids à l'état frais | 20; 29; 22 | Wang et al., 2015c |
Moutarde des champs (sénevé) (Brassica rapa)d | CE10 (21 j) | Survie | 3 | Amorim et al.,2010c |
Laitue (Lactuca sativa)d | CSEO (21 j) | Longueur des racines; longueur des pousses; poids à l'état frais | 8 | Wang et al.,2015c |
Laitue (Lactuca sativa)d | CE10 (21 j) | Longueur des racines; longueur des pousses; poids à l'état frais | 4; 14; 6 | Wang et al.,2015c |
Concombre (Cucumis sativus)d | CSEO (21 j) | Longueur des pousses | 0,065 | Présentation d'étude, 2009b |
Concombre (Cucumis sativus)d | CSEO (20 j) | Longueur des racines; hauteur des pousses; | 10; 10 | Liu et al., 2009c |
Concombre (Cucumis sativus)d | CE10 (20 j) | Longueur des racines; longueur des pousses; | 17; 6 | Liu et al.,2009c |
Tomate (Solanum lycopersicum)d | CSEO (21 j) | Poids des racines et des pousses | 0,162 | Présentation d'étude, 2009b |
Tomate (Solanum lycopersicum)d | CSEO (21 j) | Longueur des racines; longueur des pousses; poids à l'état frais | 8; 8; 8 | Wang et al.,2015c |
Tomate (Solanum lycopersicum)d | CE10 (21 j) | Longueur des racines; longueur des pousses; poids à l'état frais | 11; 14; 9 | Wang et al.,2015c |
Tableau des notes
Abréviations : conc. = concentration; CEx = concentration d'une substance qui est estimée avoir des effets sur x % des organismes mis à l'essai; CLx = concentration d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; DLx = dose d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; CMEO = concentration minimale avec effet observé; DSENO = dose sans effet nocif observé; CSEO = concentration sans effet observé; DMENO = dose minimale sans effet nocif observé.
a Monocotylédones.
b Concentration mesurée en moyenne pondérée dans le temps.
c Concentrations nominales.
d Dicotylédones.
Organisme | Paramètre (durée) | Effet | Conc. (mg/kg p.s.) | Référence |
---|---|---|---|---|
Lombric (Eisenia fetida) | CSEO (56 j) | Reproduction; survie | 2; supérieur(e) à 64 | Wang et al., 2015c |
Lombric (Eisenia fetida) | EC10 (56 j) | Reproduction | 1,05 | Wang et al., 2015c |
Lombric (Eisenia fetida) | CSEO (14 j) | Survie | supérieur(e) à 1026 | Reiss et al., 2009 |
Lombric (Eisenia fetida) | CSEO (56 j) | Reproduction | 10 | Lin et al., 2014c |
Lombric (Eiseniafetida) | CMEO (56 j) | Reproduction | 50 | Lin et al., 2014c |
Ver du fumier (Eisenia andrei) | CSEO (14 j) | Survie | 32 | Amorim et al., 2010c |
Ver du fumier (Eisenia andrei) | CE10 (56 j) | Reproduction | 0,6e | Amorim et al., 2010c |
Ver blanc (Enchytraeus albidus) | CSEO (42 j) | Reproduction; survie | 3,2 | Amorim et al., 2010c |
Collembole (Folsomia candida) | CSEO (28 j) | Reproduction; survie | 3,2; supérieur(e) u égal(e) à 320 | Amorim et al., 2010c |
Escargot (Achatina fulica) | CSEO (28 j) | Inhibition de l'ingestion alimentaire; croissance de la biomasse; croissance du diamètre de la coquille | 24 | Wang et al., 2014 |
Escargot (Achatina fulica) | CSEO (28 j) | Survie | 200 | Wang et al., 2014 |
Tableau des notes
Abréviations : conc. = concentration; CEx = concentration d'une substance qui est estimée avoir des effets sur x % des organismes mis à l'essai; CLx = concentration d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; DLx = dose d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; CMEO = concentration minimale avec effet observé; DSENO = dose sans effet nocif observé; CSEO = concentration sans effet observé; DMENO = dose minimale sans effet nocif observé.
c Concentrations nominales.
e CE10 = 0,6 mg/kg, valeur choisie comme valeur critique de toxicité (VCT) dans le calcul de la concentration estimée sans effet (CESE) pour le sol.
Organisme | Paramètre (durée) | Effet | Conc. (mg/kg p.s.) | Référence |
---|---|---|---|---|
Canard colvert (Anas platyrhynchos) | DL50 (14 j) (dose létale aiguë par voie orale) | Survie | supérieur(e) u égal(e) à 2150 | USEPA, 2008f |
Colin de Virginie (Colinus virginianus) | DL50 (14 j) (dose létale aiguë par voie orale) | Survie | 825 | USEPA, 2008f |
Colin de Virginie (Colinus virginianus) | CL50 (8 j) (par voie alimentaire) | Survie | supérieur(e) à 5000 | USEPA, 2008f |
Tableau des notes
Abréviations : conc. = concentration; CEx = concentration d'une substance qui est estimée avoir des effets sur x % des organismes mis à l'essai; CLx = concentration d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; DLx = dose d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; CMEO = concentration minimale avec effet observé; DSENO = dose sans effet nocif observé; CSEO = concentration sans effet observé; DMENO = dose minimale sans effet nocif observé.
Organisme | Paramètre (durée) | Effet | Conc. (mg/kg p.s.) | Référence |
---|---|---|---|---|
Rats (Rattus norvegicus) | DL50 (dose létale aiguë par voie orale) | Survie | supérieur(e) à 5000 | NICNAS, 2009 |
Rats (Rattus norvegicus) | DSENO (90 j) (exposition par voie alimentaire) | Survie, reproduction ou croissance | supérieur(e) à 433 (mâles) supérieur(e) à 555 (femelles) | NICNAS, 2009 |
Souris (Mus musculus) | DSENO (90 j) (exposition par voie alimentaire) | Diminution du gain de poids corporel | 750 | NICNAS, 2009 |
Souris (Mus musculus) | DMENO (90 j) (exposition par voie alimentaire) | Diminution du gain de poids corporel | 900 | NICNAS, 2009 |
Tableau des notes
Abréviations : conc. = concentration; CEx = concentration d'une substance qui est estimée avoir des effets sur x % des organismes mis à l'essai; CLx = concentration d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; DLx = dose d'une substance qui est estimée létale pour x % des organismes mis à l'essai; CMEO = concentration minimale avec effet observé; DSENO = dose sans effet nocif observé; CSEO = concentration sans effet observé; DMENO = dose minimale sans effet nocif observé.
4.4.2.3.1 Microorganismes
L'effet du triclosan sur l'activité microbienne a été étudié par Waller et Kookana (2009) dans deux types de sols (loam sableux et argile sableuse). La respiration et la nitrification induites par le substrat ont diminué à une concentration de 50 mg/kg et de 5 mg/kg, respectivement. Les activités de quatre enzymes - à savoir, la phosphatase acide et alcaline, la β-glucosidase et la chitinase - ont également été mesurées, mais ne semblaient pas touchées par le triclosan, à l'exception de la β-- glucosidase dans le sol sableux. Aucun effet nocif sur les processus microbiens n'a été relevé à la concentration testée la plus faible (1 mg/kg). Dans une étude menée par Liu et al. (2009), la respiration des sols dans un sol de rizières a été inhibée après 22 jours d'incubation à des concentrations de triclosan égales ou supérieures à 10 mg/kg. L'activité de la phosphatase semblait diminuer avec l'augmentation des concentrations de triclosan dans le sol; cependant, les différences n'étaient pas importantes.
4.4.2.3.2 Végétaux
Des études consacrées aux effets du triclosan étaient disponibles pour plusieurs espèces végétales terrestres. Wang et al. (2015) ont observé que les dicotylédones sont généralement plus sensibles à une exposition au triclosan que les monocotylédones, à en juger par des essais ayant porté sur le maïs, la ciboulette, le soya, la tomate et la laitue. Liu et al. (2009) et Amorim et al. (2010) ont fait des observations semblables dans des essais sur le concombre, le riz, la moutarde des champs et le blé. Les faibles niveaux d'effets chroniques (CSEO et CE10) constatés par Wang et al. (2015), Amorim et al. (2010) et Liu et al. (2009) sont résumés au tableau 4-13b. Les effets observés sur le plan de la croissance des racines et des pousses et de la survie des plantes dans ces études indiquent une toxicité modérée de cette substance; les effets variaient de 3 mg/kg (survie du dicotylédone qu'est la moutarde des champs) à 142 mg/kg (pour le monocotylédone du blé commun).
Mentionnons aussi que, dans trois études inédites présentées à Environnement et Changement climatique Canada (présentation d'étude, 2009), on a évalué les effets du triclosan sur les végétaux terrestres en indiquant que cette substance est d'une faible toxicité chez les espèces les plus sensibles. Dans la première étude, six espèces végétales (maïs, ivraie, blé, concombre, soja et tomates) ont été exposées au triclosan dans un sable quartzeux à des concentrations nominales variant de 0,01 à 1 mg/kg poids sec pendant 21 jours. Le concombre a été l'espèce la plus sensible avec une CSEO moyenne pondérée dans le temps de 0,065 mg/kg sol (poids sec) pour ce qui est de la longueur des pousses (présentation d'étude, 2009). Dans la deuxième étude, la germination des graines et la croissance des semis de concombre exposés au triclosan dans un loam sableux à des concentrations variant de 0,01 à 1 mg/kg poids sec ont été étudiées sur une période de 28 jours. Aucun effet nocif n'a été observé à la concentration testée la plus élevée, la CSEO moyenne pondérée dans le temps étant de 0,446 mg/kg poids sec d'après les concentrations mesurées (présentation d'étude, 2009). Dans la troisième étude, dix espèces végétales (maïs, ivraie, blé, concombre, soja, tomates, laitue, radis, vesce et pois) ont été exposées pendant 14 jours (après la levée du groupe témoin à une concentration létale médiane) au triclosan dans un loam sableux à des concentrations nominales variant de 0,2 à 1000 mg/kg, conformément à la Ligne directrice 208 de l'OCDE (Büche et al., 2009). L'espèce la plus sensible était la laitue, la CSEO et la CMEO pour le poids des pousses, fondées sur des concentrations nominales, étant de 50 et de 75 mg/kg, respectivement. La CSEO pour le poids des pousses de toutes les autres espèces testées était de 1000 mg/kg (Amorim et al., 2010).
Enfin, les effets du triclosan sur la germination des graines et le développement des semis de trois plantes des milieux humides (Sesbania herbacea, Euphorbia prostrata et Bidens frondosa) ont été étudiés par Stevens et al. (2009). Ces végétaux sont aussi répandus dans les habitats terrestres. Les plantes en question ont été exposées au triclosan pendant 28 jours à des concentrations variant de 0,40004 à 1 mg/kg dans des systèmes à écoulement continu avec eau uniquement. Bien que la germination et le poids des pousses n'aient pas été touchés lors des essais effectués avec la concentration la plus élevée, cela a eu une incidence sur la longueur des racines à 0,0006 mg/L dans le cas de deux des espèces soumises aux essais. Liu et al. (2009) ont constaté que, dans les essais sur la croissance des plantes, la croissance des pousses était aussi un paramètre moins sensible que celui de l'élongation des racines. Comme ces plantes ont été analysées dans des systèmes à écoulement continu avec eau seulement, il est possible que les seuils des effets observés soient différents en cas d'enracinement des mêmes végétaux dans le sol.
4.4.2.3.3 Invertébrés
Les invertébrés du sol sont sensibles à l'exposition au triclosan, mais la durée de l'exposition et les caractéristiques du sol (pH, par exemple) ont une incidence sur l'étendue de ces effets. Des études sur les effets à court et à long terme ont porté sur de nombreuses espèces, dont trois vers habitant le sol, à savoir l'Eisenia fetida, l'Eisenia andrei et l'Enchytraeus albidus, ainsi que sur le collembole Folsomia candida et l'escargot Achatina fulica(Reiss et al., 2009; Wang et al., 2014, 2015; Amorim et al., 2010; Lin et al., 2014).
Une exposition de brève durée (14 jours) au triclosan ne cause pas de mortalité chez le lombric E. fetida à des concentrations nominales allant jusqu'à 1 026 mg/kg sol en poids sec (Reiss et al., 2009). Ce sont plutôt des effets néfastes qui ont été observés dans les études d'exposition de longue durée. Wang et al. (2015) ont mesuré une CE10 à 56 jours de 0,6 mg/kg dans le cas de l'Eisenia andrei. On a vérifié chez le ver blanc E. albidus et le collembole F. candida la présence d'effets sur la reproduction et la survie. Amorim et al. (2010) ont vérifié chez le ver blanc E. albidus et le collembole F. candida les effets sur la reproduction et la survie. Aucune courbe dose-réponse ne se dégage nettement pour ces deux espèces, mais on sait aussi clairement que les juvéniles sont touchés dans une large mesure à la concentration la plus forte qui ait été vérifiée (320 mg/kg sol en poids sec), à en juger par un examen à vue des courbes représentant les résultats des essais biologiques de chronicité.
Lin et al. (2014) ont étudié l'effet du triclosan sur la reproduction du lombric E. fetida exposé à un sol alcalino-salin côtier (sol d'argile fine d'après la composition du sol). La CSEO et la CMEO obtenues d'après le nombre de juvéniles et de cocons produits après 56 jours étaient de 10 et de 50 mg/kg. Cela est beaucoup plus élevé que la CE10 de 0,6 mg/kg établie par Amorim et al. (2010) pour E. Andrei. Cette différence de toxicité peut être attribuable à des différences de sensibilité chez les espèces étudiées, mais aussi à des différences de pH pendant l'essai. Le pH du sol utilisé par Amorim et al. (2010) et par Lin et al. (2014) était de 5,8 et de 8,1, respectivement. Ainsi, les vers de terre de l'étude d'Amorim et al.(2010) ont vraisemblablement été exposés exclusivement à la forme neutre du triclosan. Orvos et al., 2002, et Roberts et al., 2014 ont fait valoir que cette forme était le principal facteur de toxicité chez ces deux espèces aquatiques. Un autre facteur pouvant expliquer la différence de toxicité pourrait être la différence de biodisponibilité associée à la liaison du triclosan à la matière organique. Cependant, le pourcentage de matière organique des sols utilisés pour les essais devrait occasionner une biodisponibilité moindre dans le sol employé par Amorim et al. (2010) (4,4 % comparativement à 2,2 % dans le sol dont Lin et al.[2014] se sont servis).
On a étudié les effets du triclosan sur la croissance de la biomasse et du diamètre de la coquille, sur l'inhibition de l'ingestion alimentaire et sur la survie dans le cas de l'escargot A. fulica (Wang et al., 2014). On a conclu à une toxicité modérée de cette substance : on a établi à 24 mg/kg la CSEO à 28 jours pour la croissance et l'inhibition de l'ingestion alimentaire et à 200 mg/kg pour la survie (Wang et al., 2014).
On a également étudié chez l'A. fulica (Wang et al., 2014) et l'E. fetida (Lin et al., 2010, 2014) les réactions biochimiques à des conditions de stress oxydatif ou nocif à des concentrations d'exposition au triclosan variant de 1 à 300 mg/kg. Bien que révélateurs de réactions ou de voies d'exposition à spécificité cellulaire, ces effets sublétaux ont été relevés à des concentrations de triclosan improbables dans les sols (supérieur(e) u égal(e) à 12,5 mg/kg).
4.4.2.3.4 Oiseaux et mammifères
D'après un ensemble de données limité, le triclosan semble être non toxique ou légèrement toxique pour les oiseaux (dose létale médiane [DL50] de supérieur(e) u égal(e) à 2150 et de 825 mg/kg pour le canard colvert et le colin de Virginie, respectivement) et non toxique de manière aiguë par voie orale pour les mammifères (rat, DL50 supérieur(e) à 5000 mg/kg). Les données sur la toxicité subchronique par voie orale indiquent que la DSENO s'élève à 750 mg/kg de poids corporel par jour d'après la diminution du gain de poids corporel observé chez les souris. Des études sur la toxicité par voie orale ont également été réalisées sur des chiens et des babouins, mais les résultats de ces études n'ont pas été examinés dans le cadre de la présente évaluation en raison d'un certain nombre de facteurs (voir la section 3.2.3). En outre, aucun effet nocif sur la fonction thyroïdienne des mammifères n'a été relevé (voir la section 3.1.10).
4.4.2.3.5 Calcul de la concentration estimée sans effet (CESE) pour les espèces terrestres
Le calcul d'une CESE pour le milieu des sols est fondé sur le paramètre le plus sensible déterminé pour les organismes terrestres (reproduction chez le ver de terre E. andrei, CE10 = 0,6 mg/kg) (voir le tableau 4-13). Un autre paramètre (croissance chez le concombre de 0,065 mg/kg) est inférieur à celui établi pour les vers de terre; cependant, l'étude sur les concombres a été réalisée à l'aide de sable quartzeux qui, même s'il a une faible capacité d'adsorption qui, de ce fait, maximise la biodisponibilité du triclosan, n'est pas représentatif des sols agricoles sur lesquels des biosolides contenant du triclosan seraient épandus. Agyin-Birikorang et al. (2010) ont mesuré des coefficients de partage (Kd et Koc) semblables pour le triclosan dans des sols et des sols amendés avec des biosolides, même si ces coefficients étaient plus élevés dans les biosolides uniquement. Les études de toxicité menées avec les sols enrichis de triclosan pourraient donc permettre une simulation adéquate de la biodisponibilité du triclosan dans sols amendés avec des biosolides. Aucun effet toxique du triclosan dans les sols amendés avec des biosolides n'a été observé sur six espèces cultivées, indice d'une faible biodisponibilité de cette substance dans de tels sols (Prosser et al., 2014). Les concentrations relevées dans Prosser et al. (2014) étaient beaucoup moins élevées que les concentrations utilisées dans le cadre d'essais en laboratoire, mais elles étaient fondées sur des niveaux réalistes sur le plan agronomique. Dans l'ensemble, la CE10 de 0,6 mg/kg pour la reproduction des vers de terre choisie en tant que valeur critique de la toxicité est considérée comme étant un paramètre prudent, mais réaliste. Un facteur d'évaluation de 1 a été appliqué puisqu'aucun paramètre d'exposition chronique sans effet n'est utilisé. En outre, le pH utilisé dans cette étude a vraisemblablement maximisé la présence de la forme neutre du triclosan dans le sol, laquelle est la forme de triclosan la plus toxique pour certains organismes aquatiques (fort probablement en raison d'une plus grande bioaccumulation). La CESE calculée pour le sol était de 0,6 mg/kg.
4.4.3 Pertinence des données sur les effets du triclosan
Les études sur les effets permettent de déterminer la possibilité qu'une substance chimique ait des effets néfastes chez les espèces étudiées. Certaines études sur les effets peuvent aussi aider à découvrir les mécanismes sous-jacents qui contribuent à la production des effets observés, c'est-à-dire les modes d'action. Les effets écologiques du triclosan ont été caractérisés à partir de nombreuses données de toxicité chez de nombreuses espèces appartenant à un éventail de taxons. La toxicité du triclosan pour les espèces aquatiques a été davantage caractérisée par de nombreuses études sur les algues, les invertébrés et les vertébrés. Les études sur les effets, en particulier chez les espèces aquatiques, ont été l'une des principales sources de preuves dans l'évaluation des risques posés par le triclosan. Les concentrations estimées sans effet (CESE) pour les espèces aquatiques et terrestres ont été établies grâce aux données sur les effets disponibles.
On observe une cohérence entre l'activité chimique, la fugacité et les valeurs de toxicité mesurées, ce qui indiquerait que le triclosan est une substance chimique puissante agissant selon des modes d'action précis, comme les interactions médiées par les récepteurs. Il existe une certaine incertitude au sujet de l'occurrence et du seuil de perturbation du système endocrinien chez les amphibiens. Néanmoins, ces niveaux d'effets subtils ont probablement été pris en compte dans la CESE pour le milieu aquatique; il est en outre difficile de déterminer si les seuils de puissance actuelle changeraient avec de nouvelles données supplémentaires sur la perturbation endocrinienne. On ne dispose de données sur les effets que pour une seule espèce benthique; par conséquent, elles ne sont pas entièrement représentatives des effets possibles dans les sédiments.
La méthylation du triclosan dans les sols aérobies et les usines de traitement des eaux usées entraîne la formation du méthyl-triclosan. On ne dispose que de données limitées sur les effets du méthyl-triclosan; cette substance semble avoir une forte toxicité intrinsèque pour les organismes aquatiques. Aucune donnée sur la toxicité n'est disponible pour les organismes terrestres. L'exposition simultanée au triclosan et au méthyl-triclosan devrait se produire dans les milieux naturels, mais aucune donnée sur leurs effets combinés n'est disponible.
4.5 Exposition écologique et évaluation des risques
La section 4.1 décrivait les sources de triclosan dans l'environnement canadien ainsi que les concentrations environnementales mesurées de triclosan et le méthyl-triclosan au Canada et dans d'autres pays. Dans l'environnement, le principal milieu récepteur pour le triclosan est l'eau; le triclosan est rejeté dans les écosystèmes aquatiques par les effluents des usines de traitement des eaux usées. Les résultats du modèle plurispécifique (version 1.0; Cahill, 2008) indiquent que le triclosan, une fois dans la colonne d'eau, demeurera en grande partie dans l'eau (de 79 à 91 %) et dans les sédiments (de 9 à 21 %). Le triclosan a été détecté dans des eaux de surface de partout au Canada et dans d'autres pays. Le triclosan peut aussi être présent dans les sols en raison de l'épandage de biosolides sur les terres agricoles. Aucune donnée de surveillance n'était disponible pour les sols; les concentrations environnementales ont donc été modélisées.
L'évaluation des risques environnementaux inclut l'analyse des quotients de risque. Le quotient de risque est un élément de preuve important pour déterminer la possibilité qu'une substance nuise aux écosystèmes. Par quotient de risque, s'entend le rapport entre une concentration environnementale estimée (CEE) et un paramètre de toxicité (concentration estimée sans effet [CESE]) déterminé pour chaque milieu préoccupant.
Dans le cas du triclosan, l'analyse du quotient de risque a été effectuée pour les principaux milieux préoccupants, à savoir l'eau et le sol. Une évaluation qualitative du risque a été effectuée pour les sédiments. Le risque d'exposition au méthyl-triclosan a également été évalué pour les compartiments du milieu aquatique (voir les sections ci-dessous).
L'évaluation des risques présentés par le triclosan et le méthyl-triclosan est exposée ci-dessous selon le milieu.
4.5.1 Eau
4.5.1.1 Analyse des risques fondée sur les concentrations mesurées de triclosan dans les eaux de surface
Comme les concentrations mesurées de triclosan dans les eaux de surface sont disponibles pour de nombreux plans d'eau de zones densément et faiblement peuplées du Canada, et comme ces concentrations intègrent des processus simultanés liés au devenir de cette substance qui ont lieu dans les eaux de surface, on considère que ces données donnent une représentation réaliste des concentrations de triclosan au Canada (tableau 4-3). On considère toutefois que ces mesures ne donnent souvent qu'un aperçu des concentrations dans le temps et l'espace. Par exemple, Price et al. (2010) ont révélé que les concentrations de triclosan mesurées pendant un mois à un site dans un cours d'eau d'Angleterre variaient de 21 à 195 ng/L. Cela était principalement attribuable aux variations des rejets dans le cours d'eau. Les données disponibles pour le Canada sont fondées sur des épisodes d'échantillonnage à différents sites sur un même plan d'eau (sauf pour les petits plans d'eau) et à différents moments au cours de chaque année d'échantillonnage. On considère donc que ces données sont représentatives des concentrations de triclosan au Canada. Plusieurs des lieux d'échantillonnage sont étroitement liés à des usines d'épuration des eaux usées (UEEU).
Les données disponibles datent de 2002 à 2014, et les concentrations rapportées couvrent près de quatre ordres de grandeur, de valeurs inférieures à la plus faible LDM (0,10 ng/L) à 874 ng/L; les concentrations médianes pour chaque site vont quant à elles de valeurs inférieures à la LDM à 139 ng/L. La plupart des plans d'eau affichent des concentrations maximales de triclosan relativement faibles. Cinq plans d'eau avaient des concentrations maximales au-dessus de la CESE de 376 ng/L (tableau 4-3). Des données récentes (2010 à 2013) pour trois de ces cinq plans d'eau indiquent que la concentration maximale de triclosan dans deux d'entre eux est maintenant inférieure à la CESE. L'autre plan d'eau affiche une concentration maximale (874 ng/L) dépassant largement la CESE. Aucune donnée récente n'est disponible pour les quatrième et cinquième plans d'eau. Les données disponibles pour ces deux plans d'eau commencent en 2005 et révèlent des concentrations maximales de 433 ng/L et de 599 ng/L. Les plans d'eau où de fortes concentrations de triclosan ont été mesurées reçoivent des effluents d'usines de traitement des eaux usées qui assurent un traitement secondaire ou qui sont munies de lagunes.
Les données présentées au tableau 4-3 sont considérées comme représentatives des conditions canadiennes sans autres valeurs aberrantes identifiées. Il est probable que, dans ces lieux où les concentrations mesurées de triclosan sont élevées, les effluents des usines seront peu dillués par les eaux réceptrices à certains moments de l'année et/ou en cas d'apport important de cette substance. Comme l'ont indiqué Anger et al. (2013), l'exposition au triclosan est liée de façon dynamique à l'importance du plan d'eau récepteur et au degré d'impact des eaux usées, à savoir qu'un petit plan d'eau recevant des eaux usées aura tendance à permettre une exposition à long terme à de fortes concentrations de la substance. Cette variabilité par rapport à la taille et au débit des eaux réceptrices a été observée dans le cas des usines soumises à l'échantillonnage au tableau 4-3.
Si on suppose que les données disponibles sur les concentrations de triclosan dans les eaux de surface sont représentatives de tout le pays pour un certain nombre de lieux où domine cette substance (à proximité des régions peuplées sur le territoire national), on doit s'attendre à ce que les valeurs CEE soient supérieures aux valeurs CESE pour le triclosan.
4.5.1.2 Analyse des risques fondée sur les quantités utilisées à des fins industrielles
Dans une enquête effectuée en vertu de l'article 71 de la LCPE, on a demandé de l'information sur la fabrication, l'importation et l'utilisation du triclosan pour l'année 2011 ainsi que sur les rejets de cette substance (voir la section 2.3.5). Les résultats de cette enquête indiquent qu'il n'y a pas eu de fabrication de triclosan au Canada en 2011. Vingt-neuf entreprises ont déclaré avoir importé de 10 000 à 100 000 kg de triclosan en tant que substance pure ou composant de certains produits. Un certain nombre d'entreprises ont dit avoir utilisé du triclosan pour la fabrication de produits comme des savons bactéricides, des dentifrices ou des nettoyants. L'utilisation du triclosan pour fabriquer des produits pourrait entraîner des rejets de cette substance dans les effluents industriels acheminés aux usines de traitement des eaux usées à la suite du rinçage des résidus dans les réservoirs et du nettoyage des lieux de déversements. Selon l'efficacité des usines de traitement des eaux usées à éliminer le triclosan et de la dilution des effluents dans les eaux réceptrices, les installations de fabrication pourraient représenter des sources de rejet de triclosan dans l'environnement.
Pour déterminer si ces sources peuvent être préoccupantes pour l'environnement, on a apparié les emplacements d'usines de traitement des eaux usées pour lesquelles on dispose de données sur les concentrations de triclosan mesurées dans les influents (voir le tableau 4-1) avec les emplacements d'installations qui ont déclaré les plus importantes utilisations de triclosan (supérieur à;400 kg) pour la fabrication de produits en 2011. De ces installations, trois pouvaient être appariées avec une usine de traitement des eaux usées pour laquelle des données mesurées sont disponibles. Ces trois installations de fabrication ont utilisé ensemble environ 40 % de la quantité totale de triclosan déclarée pour la fabrication de produits. L'analyse a indiqué que l'usine de traitement des eaux usées dont les influents affichent la plus forte concentration de triclosan (20 750 ng/L en 2011-2013; tableau 4-1) reçoit les eaux usées d'un fabricant de savon. Dans ce cas, la concentration de triclosan dans l'effluent était assez faible (12 ng/L; tableau 4-1) en raison de l'efficacité élevée du procédé. Deux autres usines de traitement des eaux usées recevant les eaux usées industrielles d'installations ayant utilisé du triclosan en 2011 affichaient des concentrations de 1260 et 1430 ng/L dans leurs influents et de 190 et 240 ng/L dans leurs effluents, respectivement. Ces effluents étant dilués davantage une fois rejetés dans les eaux de surface. Comme ces concentrations dans les effluents datent de 2004, on ignore si ces installations utilisaient du triclosan à ce moment-là et si les quantités utilisées étaient similaires à celles rapportées pour 2011; cependant, ces valeurs ne sont pas particulièrement différentes des concentrations observées dans les effluents d'autres usines de traitement des eaux usées (tableau 4-1). Selon ces données, les rejets de triclosan par les installations de fabrication ne devraient pas soulever de préoccupations sur le plan écologique.
4.5.1.3 Analyse des risques liés au méthyl-triclosan
Le risque potentiel posé par le méthyl-triclosan dans les écosystèmes aquatiques a également été évalué du fait que cette substance est rejetée dans les effluents des usines de traitement des eaux usées et qu'il existe des preuves de sa présence dans certains plans d'eau canadiens. Pour cette substance, le scénario le plus défavorable reviendrait à supposer une transformation totale du triclosan en méthyl-triclosan. Bien qu'elle n'ait pas été quantifiée, la portion du triclosan réellement biotransformée en méthyl-triclosan devrait être beaucoup plus faible que cela, comme le laissent sous-entendre les résultats des études effectuées sur le devenir du triclosan dans les usines de traitement des eaux usées. Un scénario plus réaliste consisterait à prendre en compte toutes les voies de comportement, c'est-à-dire à se fonder sur les données de surveillance relatives à l'eau pour déterminer la CEE. Les données de surveillance relatives au méthyl-triclosan au Canada n'étaient disponibles que pour le port de Hamilton, le lac Ontario et le ruisseau Wascana (Saskatchewan). La valeur la plus élevée était de 17 ng/L pour le ruisseau Wascana. En conséquence, la CEE choisie pour le méthyl-triclosan présent dans l'eau était de 17 ng/L. Cette situation est considérée comme étant le scénario le plus défavorable puisque le ruisseau Wascana est reconnu pour sa faible capacité à diluer l'effluent de l'usine de traitement des eaux usées qu'il reçoit.
Les résultats tirés uniquement de deux études sur la toxicité aquatique sont disponibles concernant le méthyl-triclosan (essais de toxicité aiguë effectués avec des daphnies et des algues). Le paramètre le plus faible de ces études a été choisi comme VCT, soit une CE10 après 72 heures de 55 µg/L pour la biomasse de l'algue Scenedesmus subspicatus (présentation d'étude, 2009).
Un facteur d'évaluation de 100 a été choisi pour calculer la CESE à partir de cette valeur, compte tenu de l'ensemble de données très limité d'où elle a été extraite. En divisant la CEE de 17 ng/L par la CESE de 550 ng/L, on obtient un quotient de risque de 0,03, ce qui signifie qu'il est peu probable que le méthyl-triclosan présente des risques pour les organismes aquatiques. Toutefois, cela ne tient pas compte de la toxicité chronique que le méthyl-triclosan découlant de sa bioaccumulation. En effet, des FBA atteignant 5200 ont été mesurés pour les organismes aquatiques (tableau 4-11). On sait également qu'une exposition simultanée au méthyl-triclosan et au triclosan peut survenir dans certains écosystèmes aquatiques. L'impact global est incertain étant donné le peu de surveillance et de données sur les effets du méthyl-triclosan. Le risque associé à cette exposition simultanée est probablement quelque peu supérieur à celui posé par le triclosan seul. Comme la CEE pour le triclosan est beaucoup plus élevée, le scénario réaliste le plus défavorable présenté à la section 4.5.1.2 pour le triclosan englobe probablement le risque lié à l'exposition combinée potentielle au méthyl-triclosan et au triclosan.
4.5.2 Sédiments
Les données disponibles sur la toxicité du triclosan pour les organismes benthiques sont limitées à une seule étude menée sur des chironomes (Chironomus riparius). La CSEO indiquée dans cette étude a été établie à supérieur(e) u égal(e) à 100 mg/kg de poids sec (présentation d'étude, 2009). Les données disponibles ne sont pas entièrement représentatives du milieu sédimentaire, car d'autres organismes benthiques pourraient être plus sensibles au triclosan.
Les concentrations de triclosan et de méthyl-triclosan ont été mesurées dans des échantillons prélevés à la surface des sédiments, dans des sédiments en suspension et dans des carottes de sédiments à différents endroits au Canada en 2012 et en 2013 (voir le tableau 4-4). Les plus fortes concentrations de triclosan ont été trouvées dans des échantillons de sédiments en suspension prélevés dans le fleuve Saint-Laurent à différentes distances d'une usine de traitement des eaux usées. À 4 km, les concentrations de triclosan mesurées dans deux échantillons étaient de 990 et 2000 ng/g (0,99 et 2 mg/kg). À des distances pouvant atteindre 15 km de l'usine de traitement des eaux usées, les concentrations mesurées ne dépassaient pas 150 ng/g (0,15 mg/kg). Il convient de noter que les sédiments en suspension ne constituent pas la principale voie d'exposition pour les organismes vivant dans les sédiments. Les concentrations relevées dans les sédiments de surface ont atteint 47 ng/g (0,047 mg/kg), alors qu'elles ont totalisé jusqu'à 9 ng/g (0,009 mg/kg) dans les carottes de sédiments. Ces concentrations mesurées sont bien inférieures à la CSEO déterminée pour Chironomus riparius, une espèce vivant dans les sédiments.
Le méthyl-triclosan a été observé dans des échantillons de sédiments à des concentrations de beaucoup inférieures aux concentrations de triclosan; les concentrations les plus élevées mesurées à la surface des sédiments, dans les sédiments en suspension et dans les carottes de sédiments étaient respectivement de 22, 24 et 15 ng/g (voir le tableau 4-4). En raison du manque de données appropriées sur la toxicité du méthyl-triclosan pour les organismes benthiques, aucune analyse plus approfondie n'a eu lieu.
4.5.3 Sols
4.5.3.1 Analyse des risques liés au triclosan
Les principaux rejets de triclosan dans les sols sont attribuables à l'épandage de biosolides provenant des usines de traitement des eaux usées. Au Canada, environ 40 % de ce type de biosolides sont épandus sur différents types de terres (c.-à-d. agricoles, forestières ou réservées à cette fin) (Apedaile, 2001). Il est impossible d'établir une CEE fondée sur des données de surveillance, p. ex. les concentrations de triclosan dans le sol, du fait qu'aucune donnée de ce genre n'a été trouvée pour le Canada. Cependant, de nombreuses données de surveillance étaient disponibles pour le triclosan présent dans les boues et les biosolides des usines de traitement des eaux usées; ces données peuvent être utilisées pour calculer une CEE pour les sols. Tel que mentionné dans la section 4.1.2.1, les concentrations de triclosan dans les boues et les biosolides de diverses usines de traitement des eaux usées du pays varient de moins de 1 à 46,4 μg/g de poids sec. Au Canada, les conditions les plus défavorables pour l'épandage de biosolides sur des terres agricoles correspondent à un taux d'épandage maximal de 8300 kg/ha de poids sec/an (d'après la limite réglementaire provinciale la plus rigoureuse; ces limites ne sont disponibles que pour quatre provinces) avec une profondeur d'incorporation de 0,2 m (profondeur de travail du sol) et une densité de sol de 0,0017 kg/cm3 (Environnement Canada, 2006). L'équation suivante a été utilisée pour calculer la CEE dans le sol :
CEE = ([triclosan]boues × taux d'épandage) ÷ (profondeur × densité)
Si l'on prend le 95e centile des concentrations de triclosan trouvées dans les biosolides (28 μg/g de poids sec; tableau 4-2) comme une concentration réaliste la plus défavorable et la dose d'application maximale décrite ci-dessus pour l'épandage des biosolides, on obtient une CEE de 68 μg/kg de poids sec. En supposant une application annuelle de biosolides pendant 10 ans, la concentration cumulative de triclosan dans le sol serait de 684 μg/kg de poids sec. La valeur de cette CEE est fondée sur l'hypothèse très prudente selon laquelle le triclosan ne continuera pas de se dégrader une fois mélangé dans le sol et ne sera pas entraîné par lixiviation ou par ruissellement. Afin d'estimer des valeurs de CEE plus réalistes, on a utilisé le modèle de niveau 4 des sols amendés avec des biosolides (BASL4) (BASL4, 2011). Ce modèle est fondé sur la fugacité et utilise les principes du partage à l'équilibre pour prévoir le devenir général d'un produit chimique dans le sol. Dans ce modèle, le produit chimique peut être éliminé du sol par des processus de volatilisation, de dégradation, de lixiviation, de ruissellement et d'érosion.
Deux scénarios ont été modélisés avec le modèle BASL4 afin de simuler les limites inférieure et supérieure d'une fourchette de CEE possibles dans le sol en se fondant sur deux demi-vies du triclosan, sur deux taux d'épandage de biosolides provenant d'installations de traitement des eaux usées et sur le 95e centile des concentrations de triclosan trouvées dans les biosolides (28 μg/g de poids sec). Dans le premier scénario (limite inférieure), une demi-vie de 18 jours a été utilisée d'après les résultats d'expériences de biodégradation en laboratoire (tableau 4-6) et un taux d'épandage de 5000 kg de poids sec par hectare et par an a été utilisé selon les limites réglementaires provinciales moyennes (de telles limites sont en vigueur dans quatre provinces). Le modèle BASL4 exige l'utilisation d'une demi-vie de dégradation dans le sol qui peut représenter la biodégradation, la photolyse, l'hydrolyse et l'oxydation. Dans le cas du triclosan, la biodégradation devrait être le processus majeur de dégradation dans le sol (voir la section 4.2.5). Dans le second scénario (limite supérieure), une demi-vie de 200 jours a été choisie arbitrairement en tant qu'estimation de la demi-vie de biodégradation sur le terrain. Lozano et al. (2010) ont signalé une demi-vie de dissipation de 107 jours relative à un terrain ayant reçu un épandage de biosolides. Chen et al. (2014) ont rapporté des demi-vies de dissipation de premier ordre de 258 et de 106 jours pour deux champs sur lesquels on avait un épandage ou des épandages répétés de biosolides, respectivement. Puisque ces demi-vies probables comprennent les contributions de processus tels que le lessivage et la volatilisation en plus des processus de dégradation, la valeur de 200 jours a été choisie avec prudence pour tenir compte de la dégradation uniquement, comme l'exige le modèle BASL4. Néanmoins, un taux d'épandage de 8300 kg de poids sec par hectare et par an a été utilisé dans ce second scénario, selon la limite réglementaire provinciale la plus élevée. On a simulé une période de 10 ans avec un épandage annuel au cours des trois premières années. On a également modélisé des épandages annuels sur dix ans; les résultats obtenus étaient similaires du fait que le triclosan ne s'accumule pas dans le sol.
Les résultats obtenus pour le scénario simulant la limite inférieure montrent que les concentrations de triclosan les plus élevées dans le sol seraient atteintes au moment de l'incorporation au sol, tout juste après l'épandage des biosolides -- c.-à-d. les jours 2, 367 et 732 (118 μg/kg en moyenne). Cette moyenne est supérieure à la valeur de 68 μg/kg obtenue précédemment, si l'on présume que la dissipation n'a pas lieu, probablement parce que l'équation utilisée pour calculer ces valeurs suppose un mélange instantané dans la couche du sol. La concentration moyenne de triclosan dans le sol entre les épandages de biosolides est estimée à 11 μg/kg. Il n'y a aucune accumulation de concentrations dans le sol à la suite des épandages cumulatifs en raison du taux relativement rapide de perte de triclosan par le sol. Les résultats obtenus pour le scénario simulant la limite supérieure montrent que les concentrations les plus élevées dans le sol seraient de nouveau atteintes au moment de l'incorporation au sol, tout juste après l'épandage des biosolides (moyenne 222 μg/kg). La concentration moyenne de triclosan dans le sol entre les épandages de biosolides est estimée à 110 μg/kg.
À des fins de comparaison, Fuchsman et al. (2010) ont mené une évaluation des risques pour les sites terrestres concernant le triclosan et ont modélisé les concentrations dans le sol à l'aide de deux demi-vies (2 semaines, en se fondant sur des études en laboratoire, et 16 semaines, en se fondant sur des études de dissipation dans le sol) et de deux fréquences d'épandage (1 à 3 fois par an; taux d'épandage moyen de 19 000 kg par hectare par an). L'exercice de modélisation a révélé qu'il n'y a pas d'accumulation de triclosan dans le sol, à l'exception d'un des quatre scénarios testés (un épandage et une demi-vie de 16 semaines) dans lequel la concentration de triclosan se stabilise au fil des ans à environ 110 % de la concentration initiale dans le sol.
Les mesures du triclosan dans les sols qui ont été amendés avec des biosolides sont disponibles dans la littérature scientifique. Wu et al. (2010b) ont mesuré le triclosan dans des sols qui ont été amendés avec des biosolides dans l’Ohio. Le sol dans lequel la concentration la plus élevée de triclosan a été mesurée (11 μg/kg de poids sec en novembre 2008) est un sol argileux qui avait, par le passé, reçu deux épandages de biosolides (0,76 μg/g de poids sec dans les biosolides), l’un en décembre 2006 et l’autre en novembre 2008. À des fins de comparaison avec les chiffres fournis précédemment pour le Canada, les taux d’épandage correspondant à ces deux dates étaient de 11 600 et de 9900 kg de poids sec par hectare respectivement. Dans une autre étude menée en Virginie, Lozano et al. (2010) ont mesuré les concentrations de triclosan dans les sols qui ont été amendés une fois avec des biosolides (moyenne de 15,6 μg/g de poids sec dans les biosolides). Elle varie entre 4,1 et 4,5 μg/kg de poids sec et entre 24 et 67 μg/kg de poids sec, après 16 mois et après moins d’une année suivant l’épandage, respectivement. Dans les champs où plusieurs épandages de triclosan ont eu lieu, une légère accumulation des concentrations a été observée au fil des ans, mais ces concentrations observées étaient beaucoup plus faibles que les prévisions faites par les auteurs à l’aide d’une équation similaire à celle mentionnée précédemment. Dans une autre étude menée par Lozano et al. (2012) dans le Maryland, les concentrations de triclosan dans un sol qui avait été amendé une fois avec des biosolides (concentration moyenne de triclosan de 19,1 µg/g de poids sec dans les biosolides et taux d’épandage de 72 000 kg en poids humide/ha) a culminé à 64 μg/kg de poids sec deux mois après l’épandage. Dans le Mid West américain, Kinney et al. (2008) ont constaté des concentrations de triclosan de 160 et de 96 μg/kg de poids sec dans les échantillons de sol qui ont été prélevés 31 jours et 156 jours après l’épandage de biosolides, respectivement. L’épandage de biosolides a eu lieu une fois, à un taux de 18 000 kg poids sec par hectare et sa concentration de triclosan était de 10,5 μg/g de poids sec. Enfin, Sánchez-Brunete et al. (2010) ont mesuré des concentrations de triclosan de 4,7 et de 1,7 μg/kg de poids sec dans le sol agricole échantillonné 1 jour et 6 mois après l’épandage de biosolides (12 000 kg de poids sec par hectare; la concentration de triclosan dans les biosolides n’est pas mentionnée), respectivement. Les mêmes auteurs ont mesuré des concentrations de méthyl-triclosan de 1,7 et de 3,8 μg/kg de poids sec dans les mêmes échantillons de sol. Dans l’ensemble, lorsque l’on compare ces données avec les résultats des études de biodégradation du sol, elles laissent supposer que la persistance du triclosan dans le sol est plus importante lorsque ce dernier est apporté par des biosolides, probablement parce que le triclosan est présent sous la forme de résidus liés. À ce titre, sa biodisponibilité pour les organismes vivant dans le sol est probablement inférieure à celle observée dans des conditions de laboratoire.
L'utilisation des eaux usées pour irriguer les champs agricoles, ainsi que d'autres types de terrains (p. ex.les terrains de golf), peut également contribuer à l'introduction du triclosan dans l'environnement terrestre. Cette pratique est utilisée dans le monde entier, y compris au Canada (Hogg et al., 2007). Cependant, aucune donnée n'est disponible pour quantifier l'importance relative de cette source par rapport à l'épandage de biosolides.
La CESE pour le milieu des sols de 0,6 mg/kg est fondée sur la valeur de la toxicité critique en tant que paramètre le plus sensible déterminé pour les organismes terrestres (reproduction chez le ver de terre E. andrei, CE10 = 0,6 mg/kg; Amorim et al., 2010) (voir le tableau 4-13), divisée par un facteur d'évaluation de 1 (voir la sous-section 4.4.2.3).
Les quotients de risque fondés sur les concentrations de pointe moyennes dans le sol obtenues pour les scénarios simulant les limites inférieure et supérieure et qui sont modélisés avec le modèle BASL4 sont les suivants : 118 μg/kg / 600 μg/kg = 0,20 et 222 μg/kg / 600 μg/kg = 0,37, respectivement. D'après ces résultats, le risque pour les organismes du sol que peut poser l'épandage de biosolides contenant du triclosan est faible.
Le risque potentiel d'exposition au triclosan pour la faune terrestre n'a pas été évalué de façon quantitative puisque les résultats d'études sur la toxicité avec doses orales répétées chez les mammifères présentaient des effets faibles (p. ex. DSENO et DMENO de 750 et de 900 mg/kg p.c. par jour chez la souris, respectivement) (tableau 4-13). Les essais d'exposition aiguë ont également démontré une faible toxicité pour les mammifères (DL50 supérieur à 5000 mg/kg p.c. par jour chez le rat) (tableau 4-13).
De plus, les valeurs du FBA chez les organismes terrestres, tels que les vers de terre et les musaraignes (des FBA modélisés d'environ 95 et 4500 d'après le modèle BASL4) (voir la section 4.3.2), associées à un certain métabolisme du triclosan qui serait présent à la suite de l'ingestion de proies atténueraient les niveaux d'exposition chez les prédateurs de niveau trophique supérieur.
4.5.3.1 Analyse des risques liés au méthyl-triclosan
Le méthyl-triclosan est un dérivé important du triclosan que l'on trouve dans les sols présentant des conditions aérobies. Aucune analyse du quotient de risque pour les organismes terrestres n'a été effectuée en raison du manque de données sur les effets du méthyl-triclosan dans le sol.
4.5.4 Caractérisation des risques écologiques
Les propriétés du triclosan pertinentes pour l'évaluation des risques écologiques sont décrites dans le présent rapport d'évaluation. Les sources de preuves qui caractérisent les risques écologiques posés par le triclosan au Canada sont résumées ci-dessous.
Au Canada, le triclosan est utilisé dans de nombreux produits de consommation qui aboutiront dans les eaux usées. Une partie du triclosan sera éliminée des eaux usées avant d'être rejetée dans les eaux de surface comme un effluent. Au cours du procédé de traitement des eaux usées, une fraction du triclosan se répartit dans les boues. Les biosolides provenant d'usines de traitement des eaux usées peuvent être épandus sur des terres et, de ce fait, rejeter du triclosan dans l'environnement terrestre. Une partie du triclosan peut également être méthylée au cours du traitement des eaux usées et être ainsi transformée en méthyl-triclosan. Du méthyl-triclosan se forme aussi dans les sols sur lesquels des biosolides sont épandus.
Lorsqu'il se trouve dans les eaux de surface, le triclosan est présent sous forme neutre ou ionisée, selon le pH ambiant. La forme ionisée subit rapidement une photodégradation (en quelques heures) si elle est exposée à la lumière du soleil. Les dérivés potentiels de cette réaction comprennent le dichlorophénol (2,4-DCP) et des dioxines faiblement chlorées (2,7/2,8-DCDD).
Le triclosan ne devrait pas persister dans l'eau et les sédiments à long terme si on met un terme aux rejets de cette substance chimique. Cependant, il est probable que son entrée incessante dans les eaux de surface par l'intermédiaire des effluents des usines de traitement des eaux usées entraîne sa présence permanente dans les écosystèmes aquatiques récepteurs. Le triclosan ne sera pas transporté sur de longues distances en raison de sa demi-vie relativement courte dans les écosystèmes aquatiques. En conséquence, on peut s'attendre à ce qu'il y ait exposition à long terme au triclosan dans l'eau et les sédiments, surtout dans l'environnement immédiat des sources d'émission.
Les preuves de bioaccumulation du triclosan dans l'eau varient selon les conditions d'exposition et les organismes exposés. La bioaccumulation du triclosan dans les organismes est en partie tributaire de l'état d'ionisation de cette substance. La forme neutre du triclosan affiche un plus grand potentiel de bioaccumulation que la forme ionisée. Chez les poissons, le triclosan est rapidement absorbé à partir de la phase aqueuse. Les propriétés physiques et chimiques du triclosan laissent sous-entendre que le régime alimentaire contribuerait peu à la charge corporelle totale en triclosan chez les poissons. Même si sa bioconcentration est rapide, le triclosan se métabolise également rapidement. Le triclosan s'accumule aussi dans les algues et les invertébrés avec des FBC/FBA allant de 500 à 2100. Des FBC allant de 16 à 8700 ont été rapportés pour les poissons et sont fonction du pH du milieu d'exposition et des tissus internes. Selon le ratio de la fugacité chez les poissons, le triclosan s'accumulerait suffisamment chez ceux-ci pour provoquer des effets chroniques nocifs.
On sait que le triclosan agit selon des modes d'action précis. Le triclosan découplerait la phosphorylation oxydative. Comme la structure moléculaire du triclosan ressemble à celle de plusieurs œstrogènes non stéroïdiens, celui-ci pourrait agir en tant qu'agent perturbateur du système endocrinien. Des études démontrent que le triclosan peut perturber les hormones thyroïdiennes chez les amphibiens. Le triclosan bloque aussi la synthèse des acides gras chez les bactéries. Les végétaux présentent des voies de synthèse des acides gras semblables à celles des bactéries, ce qui peut expliquer leur forte sensibilité au triclosan.
Le triclosan est intrinsèquement fortement toxique pour les organismes aquatiques. Parmi ses effets indésirables observés à des concentrations d'exposition très faibles, mentionnons une réduction de la croissance, de la reproduction et de la survie. Le triclosan peut également perturber l'action de certaines hormones chez les amphibiens, les poissons et les mammifères. Les algues constituent le groupe d'organismes les plus sensibles, suivies par les invertébrés et les vertébrés.
On a utilisé une distribution de la sensibilité des espèces (DSE) fondée sur des paramètres d'exposition chronique sans effet ou à faible effet établis pour 19 espèces aquatiques pour déterminer une concentration estimée sans effet (CESE) de 376 ng/L pour le triclosan. Cette DSE comprend également des paramètres qui peuvent être sensibles aux effets endocriniens, comme la croissance, le développement post-embryonnaire et la reproduction chez les poissons et les amphibiens. Comme cette CESE est fondée sur des paramètres sensibles qui ont été mesurés en situation d'exposition chronique, ce qui a probablement permis la bioaccumulation du triclosan et l'apparition ultérieure d'effets néfastes, elle n'est pas considérée comme étant trop prudente.
L'utilisation généralisée du triclosan dans des produits utilisés par les consommateurs se traduit par l'omniprésence de cette substance dans les plans d'eau situés dans les régions peuplées du Canada. Dans les données disponibles de surveillance des eaux de surface, un grand nombre des concentrations mesurées de triclosan sont inférieures au seuil d'effets toxiques (CESE de 376 ng/L), mais on recense quelques cas où ce niveau est dépassé. Cette analyse indique que les concentrations mesurées de triclosan dans les eaux de surface au Canada peuvent atteindre des niveaux où des effets néfastes sont possibles sur les écosystèmes aquatiques.
Une partie du triclosan aboutit dans les sédiments une fois que cette substance est rejetée dans le milieu aquatique. Le triclosan devrait se dégrader relativement rapidement dans des conditions aérobies, mais se dégradera lentement dans les sédiments anaérobies enfouis. Compte tenu de la présence constante du triclosan dans la colonne d'eau attribuable aux rejets continuels dans les eaux de surface et de sa fixation rapide dans les sédiments, les organismes benthiques y sont vraisemblablement exposés à long terme. La biodisponibilité du triclosan dans les sédiments peut en partie être atténuée par sa répartition dans les phases solides. D'après les données très limitées disponibles sur la toxicité benthique et les concentrations de triclosan dans les sédiments, les effets nocifs du triclosan sur les organismes benthiques seraient peu préoccupants.
En général, on observe un niveau de toxicité du triclosan similaire chez les algues marines et les invertébrés par rapport à la toxicité chronique chez les organismes d’eau douce. Toutefois, le triclosan ne devrait pas avoir d’effets néfastes sur les organismes marins en raison de la faible exposition dans les écosystèmes marins. Les concentrations d’exposition de triclosan devraient être inférieures à celles qui sont observées dans les écosystèmes d’eau douce en raison de la forte dilution prévue à bien des endroits visés. En conséquence, aucune évaluation supplémentaire des risques propres aux écosystèmes marins n’a été effectuée.
La principale voie d'entrée du triclosan dans le sol est l'épandage de biosolides provenant d'usines de traitement des eaux usées sur les terres agricoles. Des preuves obtenues en laboratoire démontrent que le triclosan ne persiste pas dans les sols aérobies (demi-vie variant entre 3 et 58 jours). Toutefois, lorsqu'il est appliqué en tant que composants de biosolides, les demi-vies de dissipation dans le champ sont 50 à 258 jours. Les rejets de triclosan dans les écosystèmes terrestres ne sont pas continus comme ceux survenant dans les écosystèmes aquatiques, mais plutôt épisodiques. Même si l'on s'attend à ce que le triclosan ne s'accumule pas dans les sols, il est susceptible d'être présent dans ce milieu suffisamment longtemps pour soumettre les organismes du sol à une exposition chronique. La contamination des petits plans d'eau par ruissellement après l'épandage de biosolides sur des terres pourrait être préoccupante. En effet, comme on l'indique plus haut dans le présent rapport, des concentrations de triclosan atteignant 258 ng/L ont été mesurées dans les eaux de ruissellement un jour après l'épandage de biosolides; or, ces concentrations sont proches de la CESE de 376 ng/L établie pour les milieux aquatiques.
Le triclosan ne s'accumule pas beaucoup dans les organismes du sol d'après les FBC/FBA de 2,5 et de 27 mesurés chez les vers de terre et le soja. Les FBA modélisés pour les vers de terre et les musaraignes s'établissaient à environ 95 et 4500 (en ne supposant aucun métabolisme), respectivement. La toxicité du triclosan pour les organismes du sol varie selon les espèces; les effets observés incluent une diminution de la croissance et de la reproduction, que l'exposition soit à des concentrations faibles ou élevées. Le triclosan est légèrement toxique pour les oiseaux et affiche une faible toxicité pour les mammifères par ingestion aiguë et subchronique. Des quotients de risque inférieur(e) ou égal(e) à 0,37 ont été calculés pour les organismes terrestres aux concentrations de triclosan mesurées dans les biosolides au Canada et selon les demi-vies mesurées dans le sol ainsi que les données sur les effets pour l'organisme le plus sensible (ver de terre). Compte tenu des niveaux de toxicité (DSENO de 750 mg/kg de poids corporel par jour chez la souris) établis, aucun effet n'est susceptible de se produire chez les animaux sauvages. Dans l'ensemble, il existe un faible risque que triclosan ait des effets nocifs chez les organismes terrestres.
Les dérivés du triclosan ont été caractérisés. Le triclosan est un précurseur de dioxines faiblement chlorées, à savoir la 2,7/2,8-DCDD. Compte tenu de leur état transitoire probable dans les milieux aérobies et de leur faible toxicité intrinsèque, les 2,7/2,8‑DCDD ne devraient pas causer de préoccupations environnementales. D'autres dioxines polychlorées persistantes, p. ex. la 1,2,8-TriCDD, la 2,3,7-TriCDD et la 1,2,3,8‑TCDD, sont présentes dans les sédiments à la suite de la phototransformation de dérivés chlorés du triclosan formés au moment de la désinfection des eaux usées et pourraient être préoccupantes compte tenu de leur toxicité intrinsèque (Buth et al., 2010).
Le méthyl-triclosan est un autre dérivé du triclosan qui se forme dans les systèmes eau-sédiments et dans le sol. Le méthyl-triclosan semble être persistant dans les boues provenant des usines de traitement des eaux usées, probablement sous la forme de résidus liés, en raison de la teneur élevée en carbone organique des boues. Il semble être également persistant dans les sédiments anaérobies. Les données limitées sur les effets qu'a le méthyl-triclosan sur les organismes aquatiques indiquent que cette substance est hautement toxique. Il est également fortement bioaccumulable, avec un FBA supérieur à 5000 chez les poissons (Balmer et al., 2004). Dans le cadre d'une étude sur le terrain où les concentrations de triclosan et de méthyl-triclosan ont été mesurées dans les muscles de poissons, on a observé des concentrations de méthyl‑triclosan 90 fois supérieures à celles de triclosan (Boehmer et al., 2004). Le méthyl-triclosan est probablement présent dans les eaux de surface de grandes zones où le triclosan est présent, car il se forme dans les usines de traitement des eaux usées. Le méthyl-triclosan peut être transféré aux sols par l'épandage de biosolides sur les terres. Les concentrations de triclosan et de méthyl-triclosan ont été mesurées dans deux études sur le terrain; les concentrations de ces deux substances allaient de valeurs inférieures à la limite de détection à 112 ng/L et de 3 à 17 ng/L, respectivement, dans le ruisseau Wascana en Saskatchewan (Waiser et al., 2011). L'analyse du quotient de risque pour les écosystèmes aquatiques laisse sous-entendre que le méthyl-triclosan n'atteint pas des concentrations qui seraient nocives pour les organismes aquatiques, mais qu'il contribuerait quelque peu à la toxicité totale du triclosan et ses dérivés. Aucune analyse du quotient de risque n'a pu être effectuée pour les écosystèmes terrestres en raison de l'insuffisance des données sur les effets qu'a le méthyl-triclosan sur les organismes terrestres.
4.6 Examen des sources de preuves et des incertitudes
Les renseignements techniques concernant diverses sources de données sur les risques écologiques posés par le triclosan ont été examinés afin que l'on puisse formuler une conclusion, comme l'exige la LCPE. On a appliqué la méthode du poids de la preuve ainsi que le principe de précaution (le cas échéant) lorsque plusieurs sources de données étaient utilisées dans le processus décisionnel des divers volets de l'évaluation des risques. Les incertitudes relatives aux sources de preuves ont été indiquées et leurs impacts sur l'évaluation ont été considérés. Souvent, les incertitudes sont le résultat de lacunes dans les données caractéristiques d'ensembles de données limités ou incomplets ou d'une insuffisance de données; des hypothèses fondées sur des principes scientifiques doivent être avancées pour combler les lacunes dans les données. Cela peut alors mener à une surestimation ou à une sous-estimation des risques ou faire en sorte que les effets demeurent inconnus.
Le devenir du triclosan dans l'environnement, son potentiel de bioaccumulation, ses effets écologiques, les concentrations présentes dans l'environnement et les analyses des quotients de risque pour les composants clés de l'environnement sont décrits dans le rapport d'évaluation pour caractériser les effets négatifs que peut avoir le triclosan dans l'environnement canadien. L'examen intégré des sources de preuves a permis l'élaboration de la conclusion de l'évaluation des risques conformément aux exigences de la LCPE (voir les sections 4.7 et 5.1).
On s'est servi de critères qualitatifs pour évaluer les effets des incertitudes soulevées à propos de l'évaluation des risques posés par le triclosan. Cette analyse qualitative a servi à déterminer le degré de confiance global accordé au processus décisionnel qui a mené à la formulation de la conclusion de l'évaluation. Le niveau d'incertitude a été établi en fonction de l'abondance et de la qualité des données et de leur pertinence. L'analyse comprenait aussi un examen de la pertinence de chaque source de preuves et une évaluation qualitative du poids de chaque source de preuves afin que l'on puisse établir leur incidence sur la conclusion générale. La fourchette qualificative utilisée dans l'analyse allait de faible à élevée.
Les sources de preuves utilisées pour l'évaluation du triclosan, les incertitudes connexes et leur analyse en fonction de critères qualitatifs sont présentées au tableau 4-14.
Thème | Sources de preuves | Degré d'incertitude | Pertinence pour l'évaluationa | Poids attribuéb |
---|---|---|---|---|
Devenir dans l'environnement | Demi-vie primaire dans l'eau | Modéré | Modérée | Modéré |
Devenir dans l'environnement | Demi-vie primaire dans les sédiments | Modéré | Modérée | Modéré |
Devenir dans l'environnement | Demi-vie primaire dans le sol | Faible | Modérée | De modéré à élevé |
Devenir dans l'environnement | Impact des dérivés - méthyl-triclosan | De modéré à élevé | Modérée | De faible à modéré |
Devenir dans l'environnement | Impact des dérivés - PCDD | De modéré à élevé | Modérée | De faible à modéré |
Bioaccumulation | Bioconcentration dans les organismes aquatiques | Modéré | Élevée | De modéré à élevé |
Bioaccumulation | Analyse des résidus corporels critiques chez les organismes aquatiques | Modéré | Élevée | De modéré à élevé |
Bioaccumulation | Bioaccumulation dans les organismes terrestres | Modéré | Modérée | Modéré |
Toxicité | Mode d'action toxique/de liaison des récepteurs/d'activité chimique | Faible | Élevée | Élevé |
Toxicité | CESE - milieu aquatique | Faible | Élevée | Élevé |
Toxicité | CESE - sols | Modéré | Élevée | De modéré à élevé |
Toxicité | Toxicité chez les mammifères et les oiseaux | Faible | De faible à modérée | Modéré |
Exposition environnementale | Exposition dans l'eau | Faible | Élevée | Élevé |
Exposition environnementale | Exposition dans les sols | De modéré à élevé | De modérée à élevée | Modéré |
Analyse du quotient de risque | QR - milieu aquatique | Faible | Élevée | Élevé |
Analyse du quotient de risque | QR - sols | De modéré à élevé | Élevée | Modéré |
Tableau des notes
Abréviations : PCDD, dibenzodioxines polychlorées; CESE, concentration estimée sans effet; QR, quotient de risque.
a Pertinence renvoie à l'incidence de la preuve dans l'analyse sur les plans scientifique et réglementaire.
b Poids attribué à chaque source de preuves; directement relié à sa pertinence pour l'évaluation et à l'incertitude s'y rapportant.
Les thèmes décrits dans le tableau 4-14 sont inter-reliés pour ce qui est de leur contribution au risque dans son ensemble, les caractéristiques associées à un thème contribuant à d'autres thèmes ou ayant une incidence sur ceux-ci. Certaines de ces relations, notamment la nature du rejet, le temps de séjour et le devenir de la substance, peuvent avoir une incidence sur les degrés d'exposition; les dérivés, les produits de dégradation ou les métabolites affichant des profils de toxicité qui peuvent s'ajouter à l'exposition au triclosan par une exposition simultanée ou un mode d'action semblable; la bioaccumulation qui peut contribuer à la toxicité globale lorsque les seuils de toxicité interne sont dépassés; les modes d'action particuliers qui peuvent déclencher des réactions de toxicité chez de nombreuses espèces à de faibles concentrations d'exposition. La pertinence de ces thèmes pour le triclosan est expliquée dans les sections 4.2.6 (Devenir), 4.3.3 (Bioaccumulation) et 4.4 (Effets écologiques) et est résumée à la section 4.5.4 (Caractérisation des risques écologiques).
Même si le triclosan est peu susceptible de persister dans l'environnement, l'ensemble de données relativement robuste sur la dégradation de cette substance indique qu'il devrait y avoir exposition chronique à celle-ci dans l'eau, le triclosan étant rejeté de façon continue par des produits utilisés par les consommateurs qui aboutissent dans les égouts. Les concentrations de triclosan mesurées dans l'eau et dans des échantillons de sédiments d'un peu partout au Canada témoignent de l'omniprésence et de la dispersion de ce produit chimique. On sait que la demi-vie du triclosan dans les sols est plus longue et que, même si l'exposition dans ce milieu résulte de rejets intermittents plutôt que continus, les organismes terrestres devraient également y être exposés de façon chronique.
Le triclosan se transforme en méthyl-triclosan et en dioxines faiblement chlorées dans l'environnement. On dispose de données limitées caractérisant ces composés, y compris sur les possibilités d'exposition dans l'environnement canadien. Le méthyl‑triclosan semble être très toxique pour les espèces aquatiques et affiche un temps de séjour dans l'environnement supérieur à celui du triclosan. Tout comme le triclosan, on s'attend à ce qu'il y ait une exposition chronique au méthyl-triclosan dans le milieu aquatique; en fait, les organismes devraient être exposés à la fois au triclosan et au méthyl-triclosan. L'impact global demeure incertain, mais le risque associé à cette exposition simultanée est probablement légèrement supérieur à celui posé par le triclosan seul. Les dioxines faiblement chlorées dérivées du triclosan sont généralement caractérisées par une faible toxicité et ont tendance à afficher une courte durée de vie dans l'environnement.
Le triclosan est une substance chimique biodisponible qui est assimilée facilement par les organismes. Il est très toxique pour les organismes aquatiques, comme le démontrent de nombreuses études fiables menées sur de nombreuses espèces. On dispose aussi de preuves convaincantes, fondées sur des études de toxicité, des études de la cinétique chez les poissons et de la modélisation QSAR, indiquant que le triclosan est une substance chimique très réactive ayant des modes d'action précis. Ces facteurs sont très pertinents pour l'évaluation des risques posés par le triclosan et démontrent que cette substance a des effets nocifs à de faibles concentrations d'exposition. Malgré sa capacité à se biotransformer rapidement chez le poisson, le triclosan s'accumulerait suffisamment pour créer des charges corporelles qui dépassent les seuils de toxicité selon les calculs robustes effectués pour établir sa capacité de fugacité. Cela est également très pertinent pour ce qui est de l'impact global qu'a le triclosan dans les écosystèmes aquatiques, car en cas d'exposition chronique, même de faible à modérée, la bioconcentration d'une substance chimique réactive comme le triclosan aura des effets nocifs sur les organismes aquatiques.
Le triclosan affiche une toxicité élevée dans les études chroniques menées sur des organismes du sol, bien que des données ne soient disponibles que pour quelques espèces et que les résultats soient variables. Il existe une incertitude quant à savoir si le triclosan s'accumule dans les organismes terrestres au-delà des seuils de toxicité internes; les calculs de la capacité de fugacité et des concentrations de résidus critiques dans l'organisme ne peuvent actuellement être vérifiés. Les facteurs de bioaccumulation (FBA) et de bioconcentration (FBC) mesurés et modélisés vont de faible à modéré, sauf pour le cas d'un FBA modélisé chez les mammifères dans lequel le métabolisme n'a pas été considéré, entraînant vraisemblablement une surestimation.
Les concentrations estimées sans effet (CESE) établies pour l'environnement aquatique et les sols servent de sources de preuves très importantes dans l'évaluation des risques posés par le triclosan. Dans le cas de l'environnement aquatique, le cinquième centile de la distribution de la sensibilité des espèces, qui correspond à la concentration qui affecte 5 % des espèces, a été utilisé comme la valeur critique de toxicité dans l'établissement de la CESE. Cette approche tient compte de la variation de la sensibilité entre les espèces et est fondée sur un vaste éventail de données. Considérant cela et reconnaissant que la CESE est fondée sur des paramètres indiquant l'absence d'effets, l'approche n'est pas exagérément prudente. Avec un ensemble de données plus limité pour les organismes du sol, le paramètre le plus sensible a été choisi comme valeur critique de toxicité pour déterminer la CESE des sols. Enfin, il existe des preuves qui démontrent que le triclosan est modérément toxique pour les oiseaux et les mammifères. Les données sur les effets concernant ces organismes sont limitées, mais les résultats robustes. Comme on prévoit que les oiseaux et les mammifères seront faiblement exposés au triclosan dans l'environnement, cette source de preuves est dans l'ensemble moins pertinente pour l'évaluation des risques posés par le triclosan.
Il existe de nombreuses mesures du triclosan fiables et cohérentes pour les plans d'eau et les eaux usées des usines de traitement des eaux usées à travers le Canada. Comme le triclosan est présent dans des biosolides provenant des usines de traitement des eaux usées, l'épandage de biosolides pour amender les sols peut faire en sorte que les organismes du sol y seront exposés. Les concentrations de triclosan dans les sols au Canada ont été modélisées en raison du manque de données de surveillance. Il existe des incertitudes concernant la modélisation ainsi que les pratiques d'amendement du sol au Canada.
Les analyses des quotients de risque pour les écosystèmes aquatiques et terrestres sont d'une grande importance dans l'évaluation des risques inhérents au triclosan. En ce qui concerne le milieu aquatique, une grande confiance est accordée à l'analyse du quotient de risque du fait que les niveaux d'exposition au triclosan dans l'eau et la CESE relative aux organismes aquatiques affichent un faible degré d'incertitude. Cette analyse indique que les niveaux d'exposition au triclosan plus élevés qui ont été établis pour les écosystèmes aquatiques au Canada dépassent légèrement la CESE; toutefois, étant donné la forte puissance du triclosan, il convient de faire preuve de précaution lorsque vient le temps d'interpréter les résultats de l'analyse du quotient de risque dans le milieu aquatique concernant la possibilité que le triclosan cause des dommages à l'environnement. Du côté des écosystèmes terrestres, plusieurs hypothèses ont été utilisées pour effectuer l'analyse du quotient de risque en raison des limites affichées par les données sur l'exposition et l'information sur les pratiques d'amendement des sols. L'impact de ces hypothèses prudentes, mais réalistes, est incertain, mais elles peuvent à terme contribuer à une surestimation du risque pesant sur les écosystèmes terrestres.
Dans l'ensemble, l'exposition dans le milieu aquatique est d'une grande importance dans l'évaluation des risques associés au triclosan. En conséquence, un poids plus élevé a été attribué aux sources de preuves qui décrivent les rejets continus de triclosan dans le milieu aquatique au Canada (tableau 4-14). Étant donné que le triclosan est un produit chimique très puissant qui agit par l'intermédiaire de modes d'action précis, de faibles niveaux d'exposition et de bioconcentration auront des effets néfastes sur les organismes. Le degré d'incertitude associé aux principales sources de preuves est considéré comme faible et a donc peu d'incidence sur la caractérisation du risque que présente le triclosan.
4.7 Conclusion sur le risque pour l'environnement
Le triclosan est une substance chimique synthétique dont la présence a été relevée dans de nombreux plans d'eau du Canada à des concentrations de l'ordre du ng/L. Même si cette substance tend à se dégrader relativement rapidement dans l'environnement, elle sera toujours présente dans les écosystèmes aquatiques à proximité des points de rejet au pays du fait qu'elle se trouve dans divers produits qui aboutissent dans les égouts. Le triclosan est une substance chimique très puissante qui peut avoir des effets sur les organismes même à de faibles concentrations d'exposition dans l'environnement de l'ordre du ng/L. Ces effets comprennent la réduction des taux de croissance, de reproduction et de survie, comme on a pu le constater dans des études menées sur des invertébrés et des vertébrés ainsi que des organismes terrestres, y compris des végétaux. Le triclosan est reconnu pour ses propriétés antimicrobiennes. Il est prouvé que le triclosan peut induire des effets en lien avec des perturbations endocriniennes à des concentrations pertinentes sur le plan environnemental. On sait également que le triclosan s'accumule dans les organismes aquatiques à des concentrations qui peuvent causer des effets nocifs.
Bien que l'on reconnaisse certaines incertitudes dans l'évaluation de l'exposition au triclosan, une approche de précaution est de mise compte tenu de la puissance de ce biocide et de son omniprésence dans l'environnement canadien. En outre, l'exposition simultanée à son dérivé, le méthyl-triclosan, ainsi qu'à des substances chimiques comme le triclocarban qui ont des modes d'action et des profils d'utilisation semblables, pourrait également contribuer à l'occurrence d'effets néfastes.
Compte tenu de la puissance du triclosan et des concentrations d'exposition actuelles observées dans l'environnement canadien, il existe bel et bien une possibilité que l'exposition au triclosan dans les écosystèmes aquatiques ait des effets dommageables.
On considère qu'il y a suffisamment de données robustes dans les principales sources de preuves qui étayent la conclusion. Si l'on considère les sources d'incertitude et le degré de confiance général accordé aux données disponibles, on ne prévoit pas à que la conclusion ci-dessus serait grandement modifiée si des données supplémentaires étaient fournies pour les principales sources de preuves. Des données supplémentaires permettant d'approfondir les connaissances sur d'autres modes d'action toxique ou d'effets médiés par des récepteurs du triclosan et de son dérivé, le méthyl-triclosan, seraient utiles pour que l'on comprenne mieux le potentiel de perturbation endocrinienne de cette substance.
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