Ébauche d'évaluation préalable Groupe de substances des phtalates

Environnement et Changement climatique Canada
Santé Canada

octobre 2017

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Table des matières

Liste des tableaux

Résumé

En vertu des articles 68 et 74 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, 1999 (LCPE), la ministre de l'Environnement et la ministre de la Santé ont procédé à une évaluation préalable de 14 esters de phtalate (ci-après « phtalates »), connus collectivement sous le nom de « groupe de substances des phtalates ». Les substances de ce groupe ont été jugées prioritaires aux fins d'une évaluation en vertu de l'Initiative de regroupement des substances, dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques (PGPC) du gouvernement du Canada, car elles répondent aux critères de catégorisation de l'article 73 de la LCPE ou ont été jugées prioritaires en raison de préoccupations pour la santé humaine. La présente évaluation préalable fait suite à la publication, en août 2015, de quatre rapports sur l'état des connaissances scientifiques (ECS) et d'un document décrivant l'approche proposée pour l'évaluation des risques cumulatifs présentés par certains phtalates. Le rapport présente des renseignements pertinents pour formuler une conclusion au sujet des substances de ce groupe, en vertu de l'article 64 de la LCPE.

Le tableau ci-dessous présente le numéro de registre du Chemical Abstracts Service(CASNote de bas de page1), les noms figurant dans la Liste intérieure des substances (LIS) et les abréviations utilisées pour désigner les phtalates dans l'évaluation préalable du groupe de substances des phtalates.

Substances faisant partie du groupe de substances des phtalates
No CASNom figurant sur la Liste intérieure des substancesAbréviationSous-groupe
131-11-3Phtalate de diméthyleDMPÀ chaîne courte
84-69-5Phtalate de diisobutyleDIBPÀ chaîne moyenne
5334-09-8Phtalate de cyclohexyle et d'isobutyleCHIBPÀ chaîne moyenne
84-64-0Phtalate de butyle et de cyclohexyleBCHPÀ chaîne moyenne
84-61-7Phtalate de dicyclohexyleDCHPÀ chaîne moyenne
523-31-9Phtalate de dibenzyleDBzPÀ chaîne moyenne
68515-40-2Phtalates de benzyl(C7-9-alkyles) ramifiés et linéairesB79PÀ chaîne moyenne
27987-25-3Phtalate de bis(méthylcyclohexyle)DMCHPÀ chaîne moyenne
71888-89-6Phtalates de dialkyles ramifiés en C6-8, riches en C7DIHepPÀ chaîne moyenne
27215-22-1Phtalate de benzyle et d'isooctyleBIOPÀ chaîne moyenne
16883-83-3Phtalate de benzyle et de 3-isobutyryloxy-1-isopropyl-2,2-diméthylpropyleB84PÀ chaîne moyenne
68515-48-0/28553-12-0Phtalates de dialkyles ramifiés en C8-10, riches en C9; phtalate de diisononyleDINPVoir la note ci-dessousa
26761-40-0/68515-49-1Phtalate de diisodécyle; phtalates de dialkyles ramifiés en C9-11, riches en C10DIDPÀ chaîne longue
3648-20-2Phtalate de diundécyleDUPÀ chaîne longue

a. Aux fins de l'examen des effets sur la santé, le DINP a été inclus dans le sous-groupe des esters de phtalate à chaîne moyenne, et aux fins de l'examen des risques pour l'environnement, il a été inclus dans le sous-groupe des phtalates à chaîne longue (voir Environnement Canada et Santé Canada 2015c pour plus de détails).

Dans le cadre de l’évaluation du groupe de substances des phtalates, ceux-ci ont été divisés en sous-groupes à chaîne courte, à chaîne moyenne et à chaîne longue, selon la longueur du squelette carboné des groupes latéraux ester. Le regroupement de ces sous-groupes s’appuie principalement sur une perspective basée sur le danger pour la santé, à partir de la relation entre la structure et l’activité (relation structure-activité : RSA) et des études sur certains événements dans le mode d’action de l’insuffisance androgénique induite par les phtalates au cours du développement des organes reproducteurs mâles du rat. Du point de vue environnemental, l'établissement des sous-groupes reposait surtout sur les différences dans le coefficient de partage octanol-eau (log Koe) et l'hydrosolubilité, ainsi que sur leurs effets sur la bioaccumulation et l'écotoxicité. Dans chaque sous-groupe, on présume que les phtalates ont des propriétés chimiques semblables, tandis que les propriétés toxicologiques sont en grande partie similaires, mais non de façon exclusive. Le tableau ci-dessus précise également le sous-groupe auquel on a assigné chaque phtalate du groupe.

Lors de l’évaluation préalable, on a examiné quatorze phtalates supplémentaires figurant sur la Liste intérieure des substances, car ils peuvent contribuer au risque cumulatif d’une exposition combinée aux phtalates. Le tableau ci-dessous présente des renseignements au sujet de ces phtalates supplémentaires, étudiés dans la présente évaluation. Treize de ces quatorze phtalates supplémentaires n’ont pas été évalués individuellement et, par conséquent, aucune conclusion au sens de l’article 64 de la LCPE ne peut être formulée sur ceux-ci. La substance restante, le DEHP, avait déjà été évaluée en 1994. Cependant, à cette époque, on ne disposait pas d’assez de renseignements pour établir une conclusion au sujet de ses effets sur l’environnement. Les renseignements disponibles depuis permettent de formuler une conclusion au sujet de son potentiel de nocivité pour l’environnement.

Phtalates supplémentaires considérés dans l'évaluation des risques cumulatifs
No CASNom figurant sur la Liste intérieure des substancesAbréviationSous-groupe
84-66-2Phtalate de diéthyleDEPÀ chaîne courte
131-16-8Phtalate de dipropyleDPrPÀ chaîne moyenne
84-74-2Phtalate de dibutyleDBPÀ chaîne moyenne
85-68-7Phtalate de benzyle et de butyleBBPÀ chaîne moyenne
84-75-3Phtalate de dihexyleDnHPÀ chaîne moyenne
111381-89-6Phtalates d'heptyle/nonyle, ramifiés et linéaires79PÀ chaîne moyenne
27554-26-3Phtalate de diisooctyleDIOPÀ chaîne moyenne
117-81-7Phtalate de bis (2-éthylhexyle)DEHPÀ chaîne moyenne
68648-93-1Acides phtaliques, diesters mixtes de décyle, d'hexyle et d'octyle610PÀ chaîne longue
117-84-0Phtalate de dioctyleDnOPÀ chaîne longue
68515-43-5Phtalates de dialkyles en C9-11, ramifiés et linéairesD911PÀ chaîne longue
111381-91-0Phtalates de nonyle/undécyle, ramifiés et linéairesD911P-2À chaîne longue
85507-79-5Phtalate de diundécycle, ramifié et linéaireDIUPÀ chaîne longue
68515-47-9Phtalates de dialkyles ramifiés en C11-14, riches en C13DTDPÀ chaîne longue

Les résultats d’une enquête menée en vertu de l’article 71 en 2012 ont établi que six des vingt-huit phtalates pris en compte dans la présente évaluation (DINP, DIDP, DUP, DEHP, D911P et DIUP) ont été fabriqués ou importés au Canada en quantités supérieures à 10 millions de kg par année, tandis que sept autres (BCHP, CHIBP, DBzP, DMCHP, BIOP, DnHP et DPrP) l’ont été en quantités inférieures au seuil de déclaration de 100 kg/an. Pour ce qui est des quinze autres phtalates, les quantités fabriquées ou importées se situaient entre 10 000 et 1 000 000 kg/an. Les phtalates sont utilisés dans divers produits commerciaux, industriels et de consommation au Canada, y compris les plastiques, les peintures et les revêtements, les adhésifs et les agents pour les produits d’étanchéité, les pièces automobiles, les produits électroniques et les produits de soins personnels.

On s’attend à ce que l’eau soit le principal milieu récepteur des phtalates, bien qu’ils puissent également être rejetés dans l’air. Lorsqu’ils sont déversés dans l’environnement, les phtalates à chaîne courte devraient se diffuser dans l’eau, l’air et le sol, tandis que les phtalates à chaîne longue se répartiront surtout dans le sol et les sédiments, avec des proportions moindres dans la colonne d’eau. Les substances du sous-groupe à chaîne moyenne présentent une plage de propriétés physico-chimiques. Par conséquent, leur répartition prévue entre les différents milieux variera d’une substance à l’autre.

Les phtalates sont biodégradables et ne devraient pas persister dans l’environnement, bien que les vitesses de dégradation varient selon la taille des molécules de phtalate et leurs propriétés physico-chimiques, la concentration du substrat et les conditions environnementales. La dégradation est plus lente dans les conditions de faibles concentrations d’oxygène, comme celles existantes dans les sédiments et les sols, ce qui peut accroître la période d’exposition des organismes habitant ces milieux. En outre, les renseignements sur les profils d’utilisation et de rejet des phtalates au Canada laissent entendre que l’exposition aux phtalates, dans l’environnement canadien, pourrait être continue. En raison de leur biodégradation rapide, l’exposition aux phtalates devrait être plus grande pour les organismes qui vivent près des sites de rejet.

Dans l’environnement, les phtalates sont biodisponibles mais ne présentent pas un grand potentiel de bioaccumulation et de bioamplification, en raison de leur vitesse de biotransformation élevée dans le biote. La plupart des phtalates à chaîne longue présentent un faible potentiel de danger pour les espèces aquatiques et terrestres, tandis que les phtalates à chaîne courte et moyenne présentent un potentiel de danger modéré à élevé. Alors que la narcose est un important mode d’action toxique des phtalates, particulièrement dans le cas de l’exposition à court terme, il existe des données probantes indiquant que certains phtalates pourraient également susciter des effets néfastes à plus long terme par d’autres modes spécifiques d’action. En particulier, certains phtalates peuvent perturber le fonctionnement normal du système endocrinien des organismes. Même si des données probantes in vivo ont été obtenues pour seulement un faible nombre de phtalates à chaîne moyenne, ces données indiquent des effets sur le système endocrinien des organismes aquatiques et permettent de croire que de nombreux phtalates à chaîne moyenne et certains phtalates à chaîne courte et à chaîne longue possèdent des propriétés qui leur permettraient d’avoir un effet néfaste sur l’activité endocrinienne dans certaines conditions.

Selon les résultats d'une analyse des quotients de risque, dans laquelle on avait comparé l'exposition potentielle estimée de phtalates individuels (concentration prévue dans l'environnement - CPE) avec leur potentiel d'effets néfastes (concentration estimée sans effet - CESE), treize des phtalates du Groupe de substances des phtalates présentent un faible risque d'avoir des effets néfastes sur les espèces aquatiques, compte tenu des niveaux d'exposition actuels dans l'environnement canadien. À leur niveau d'exposition actuel, deux phtalates, le B79P et le DEHP, ont le potentiel de provoquer des effets néfastes sur les populations d'organismes aquatiques au Canada.

Une analyse cumulative des risques utilisant l’approche dite de la « somme des unités toxiques internes » (UTI) et considérant les niveaux d’exposition prévus pour chacun des 28 phtalates examinés dans l’évaluation indique qu’il n’y a pas de préoccupation pour l’environnement en raison des effets cumulatifs basés sur la létalité ou du mode d’action narcotique.

Pour la population générale au Canada, les estimations de l’exposition provenant des données de biosurveillance, lorsqu’elles étaient disponibles, ont été comparées aux estimations de l’exposition par les milieux environnementaux et les aliments. On s’attend à ce que la principale source d’exposition au DMP pour la population générale soit le lait maternel et la nourriture, en plus de l’air intérieur et de la poussière qui agissent comme facteurs contributifs. L’exposition aux produits cosmétiques et d’hygiène, par voie cutanée et par inhalation (aérosols), a également été évaluée pour les adultes et les nourrissons. Les principales sources d’exposition aux phtalates à chaîne moyenne sont l’air intérieur, la poussière, la nourriture et le lait maternel. Comme certains renseignements obtenus indiquent qu’une proportion de ces substances se trouvant dans des biens manufacturés pourrait entrer en contact avec la peau, des scénarios d’exposition ont été établis pour décrire l’exposition cutanée chez l’adulte et l’enfant. Enfin, le DIBP et le DINP peuvent aussi être présents dans les jouets et les articles pour enfants; par conséquent, l’exposition par voie orale due à la mise à la bouche de ces produits a aussi été évaluée. La principale source d’exposition au DIDP et au DUP pour la population générale devrait être la poussière domestique (ingestion orale) ainsi que, pour le DIDP, les aliments et les boissons (ingestion orale). Des scénarios d’exposition ont été établis pour caractériser l’exposition des adultes et des enfants par voie cutanée à ces deux phtalates à chaîne longue.

En ce qui concerne la santé humaine, les données d’études réalisées avec des animaux montrent que les phtalates à chaîne moyenne ont des effets sur le développement, la reproduction et des effets systémiques se rapportant au foie et aux reins. Parmi ceux-ci, l’effet critique sélectionné à des fins de caractérisation des risques du phtalate en cause est celui sur le développement des mâles. En effet, les données disponibles indiquent surtout l’existence d’effets sur le développement du système reproducteur, notamment des indications de féminisation chez les mâles, des malformations du système reproducteur et des effets sur la fertilité qui sont associés à un mode d’action relativement bien étudié et appelé « syndrome des phtalates chez le rat » (SPR). Lors d’études menées sur des animaux, ce syndrome a été associé aux plus faibles niveaux d’exposition étudiés à ce jour pour les substances de ce sous-groupe. La base de données sur les effets des esters de phtalate à chaîne courte et à chaîne longue sur la santé ne montre aucune indication d’effets néfastes sur le développement du système reproducteur chez les mâles. Les niveaux critiques sélectionnés pour la caractérisation des risques liés au DMP étaient principalement des changements légers dans le poids du cerveau suivant une exposition chronique par voie cutanée. La base de données des effets des phtalates à chaîne longue sur la santé indique que l’effet sur le foie est l’effet critique pour la caractérisation des risques.

En comparant les seuils d’effets critiques appropriés à l’exposition estimée aux 10 phtalates à chaîne moyenne du groupe de substances des phtalates à partir de différentes sources (environnement, aliments, contact avec des articles en plastique [PVC, polyuréthane, polyester, etc.], jouets et produits de soins personnels) et aux niveaux de biosurveillance disponibles pour tous les groupes d’âge, des marges d’exposition (ME) jugées adéquates pour dissiper les incertitudes relevées dans les bases de données sur l’exposition et les effets sur la santé ont été obtenues. Qui plus est, ces marges sont jugées suffisantes pour offrir une protection contre les effets éventuels sur la reproduction, non seulement chez les mâles exposés à un âge plus avancé, mais également chez les femelles. De plus, ces marges protègent contre les effets sur d’autres systèmes d’organes. La comparaison entre l’exposition estimée au DMP causée par l’environnement, les aliments et les produits de soins personnels ainsi que les niveaux de biosurveillance pour tous les groupes d’âge avec les seuils d’effets critiques appropriés indique des marges d’exposition jugées adéquates pour lever les incertitudes constatées dans les bases de données sur l’exposition et les effets sur la santé. En comparant les niveaux d’effet critique à l’exposition estimée au DIDP et au DUP provenant de diverses sources, telles que les milieux naturels, les aliments et le contact avec des articles en plastique, et aux niveaux de biosurveillance disponibles, nous avons obtenu des marges jugées adéquates pour lever les incertitudes constatées dans les bases de données sur les niveaux d’exposition et leurs effets sur la santé. Ces marges assurent également la protection contre les effets toxiques potentiels limités du DIDP et du DUP sur le développement et la reproduction non seulement chez les mâles, mais aussi chez les femelles et contre d’autres effets systémiques.

Les résultats de l’enquête menée en vertu de l’article 71 auprès de l’industrie révèlent que le CHIBP, le BCHP et le BIOP ne sont actuellement pas utilisés en quantités supérieures au seuil de déclaration de 100 kg. Par conséquent, la probabilité d’exposition de la population générale canadienne est considérée comme faible et donc le risque potentiel pour la santé humaine est jugé faible pour ces trois substances.

À la lumière des renseignements disponibles, il s’avère que les substances du sous-groupe des phtalates à chaîne moyenne ont un mode d’action commun, en ce qu’elles provoquent des effets caractéristiques du SPR sur le système reproducteur mâle. Bien que les marges d’exposition (ME) qui sont associées aux dix premiers phtalates à chaîne moyenne visés par la présente évaluation soient actuellement jugées adéquates pour l’exposition à une substance isolée, elles ne tiennent pas compte des risques potentiels découlant de l’exposition simultanée à ces phtalates et à d’autres phtalates similaires. Comme nous le mentionnons plus haut, cinq autres phtalates (BBP, DBP, DEHP, DnHP et DIOP) ont été considérés dans l’évaluation des risques cumulatifs pour la santé humaine, afin de tenir compte des renseignements indiquant que leur mode d’action était probablement similaire à celui des phtalates du sous-groupe à chaîne moyenne, ainsi que des données indiquant que la population générale du Canada pourrait y être exposée.

Une évaluation des risques cumulatifs, basée sur une approche prudente utilisant un indice de danger (ID) de faible niveau, a été réalisée. Elle indique qu’aux niveaux d’expositions actuels, le risque cumulatif potentiel des phtalates à chaîne moyenne pour la population générale du Canada n’est pas préoccupant, notamment chez les sous-populations les plus sensibles (femmes enceintes, femmes en âge de procréer, nourrissons et enfants). Chez les trois sous-populations pour lesquelles les niveaux d’exposition estimés sont les plus élevés, toutes les valeurs de l’indice de danger sont inférieures à 1. Ainsi, il n’est pas nécessaire d’effectuer une évaluation approfondie à un niveau supérieur pour le moment.

Conclusion générale proposée

Compte tenu de toutes les sources de données disponibles présentées dans la présente ébauche d’évaluation préalable, 13 phtalates du groupe de substances des phtalates (DMP, DIBP, CHIBP, BCHP, DCHP, DBzP, DMCHP, DIHepP, BIOP, B84P, DINP, DIDP et DUP) présentent un faible risque d’effet néfaste sur les organismes et pour l’intégrité générale de l’environnement. Cependant, il existe un risque d’effet néfaste pour les organismes, mais non pour l’intégrité générale de l’environnement, en raison d’un phtalate inclus dans le groupe de substances des phtalates, le B79P, et d’un autre phtalate, le DEHP. Ce dernier avait déjà été évalué par Environnement Canada et Santé Canada en 1994 dans le cadre du Programme d’évaluation des substances d’intérêt prioritaire. L’évaluation résultante avait conclu que le DEHP était dangereux pour la santé humaine au Canada. Toutefois, à cause de renseignements insuffisants, on n’avait pu conclure à cette époque que la substance pouvait avoir un effet néfaste sur l’environnement.

Il est proposé de conclure que 13 des 14 substances du groupe de substances des phtalates ne répondent pas aux critères énoncés aux alinéas 64a) ou b) de la LCPE, car ils ne pénètrent pas dans l’environnement en une quantité ou une concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet néfaste sur l’environnement ou sur la diversité biologique, et ne mettent pas en danger l’environnement essentiel pour la vie. Il est proposé de conclure que la substance restante du groupe de substances des phtalates, en l’occurrence le B79P, ainsi que le DEHP répondent aux critères de l’alinéa 64a) de la LCPE, car ils pénètrent ou peuvent pénétrer dans l’environnement en une quantité ou une concentration, ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet néfaste sur l’environnement ou sur la diversité biologique. Cependant, il est proposé de conclure que le B79P et le DEHP ne répondent pas aux critères de l’alinéa 64b) de la LCPE, car ils ne pénètrent pas dans l’environnement en une quantité ou une concentration, ou dans des conditions de nature à constituer un danger pour l’environnement essentiel pour la vie.

Il est proposé de conclure que les 14 phtalates du groupe de substances des phtalates ne répondent pas aux critères de l’alinéa 64c) de la LCPE, car ils ne pénètrent pas dans l’environnement en une quantité ou une concentration, ou dans des conditions de nature à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaine.

Par conséquent, il est proposé de conclure que le B79P et le DEHP répondent à un ou plusieurs des critères énoncés à l’article 64 de la LCPE. Il a été établi que le B79P et le DEHP ne répondaient pas aux critères de persistance et de bioaccumulation énoncés dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation, pris en vertu de la LCPE.

1. Présentation

En vertu des articles 68 et 74 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, 1999 (LCPE), la ministre de l'Environnement et du Changement climatique et la ministre de la Santé ont procédé à une évaluation préalable de 14 esters de phtalate (ci-après « phtalates »), connus collectivement comme le « Groupe de substances des phtalates ». Les substances de ce groupe ont été jugées prioritaires aux fins d'une évaluation en vertu de l'Initiative de regroupement des substances, dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques (PGPC) du gouvernement du Canada, car elles répondent aux critères de catégorisation de l'article 73 de la LCPE ou ont été jugées prioritaires en raison de préoccupations pour la santé humaine (Environnement Canada et Santé Canada 2007).

Certaines substances appartenant à ce groupe ont été jugées préoccupantes par d'autres gouvernements et administrations en raison de leurs effets potentiels sur la reproduction et le développement chez les humains. Certains phtalates peuvent avoir des effets préoccupants communs sur la santé ou l'environnement, de sorte qu'afin de déterminer le potentiel de risque cumulatif découlant de l'exposition combinée à ces substances, nous avons ajouté 14 phtalates supplémentaires. Ces 14 phtalates supplémentaires ne répondaient pas aux critères de catégorisation et n'ont donc pas été considérés comme substances prioritaires aux fins de l'évaluation. Toutefois, des renseignements indiquant que leur mode d'action est probablement similaire à celui des phtalates du groupement, et des données indiquant qu'ils pourraient présenter un risque d'exposition pour la population générale au Canada et pour l'environnement canadien ont motivé l'inclusion de ces substances aux fins de l'évaluation des risques cumulatifs. Quatre des phtalates supplémentaires (DBP, BBP, DEHP et DnOP) avaient déjà été évalués sur une base individuelle dans le cadre de la première ou de la deuxième Liste des substances d'intérêt prioritaire (LSIP1 et LSIP2) (Environnement Canada et Santé Canada 1993, 1994a, 1994b, 2000). Il fut déterminé que le DBP et le BBP ne présentaient pas un risque pour l'environnement ou la santé humaine. On avait constaté que le DnOP ne présentait pas un risque pour l'environnement. Or, au moment de l'évaluation, les renseignements alors disponibles n'ont pas permis de formuler une conclusion relative aux effets sur la santé humaine. Un rapport subséquent, publié par Santé Canada en 2003, a conclu que le DnOP ne présentait pas un risque pour la santé humaine. Quant au DEHP, il fut déterminé qu'il présentait un risque pour la santé humaine au Canada. Or, on ne disposait pas alors des renseignements suffisants pour trancher sur les risques potentiels pour l'environnement.

Les évaluations préalables portent sur les informations essentielles pour déterminer si les substances répondent aux critères énoncés à l'article 64 de la LCPENote de bas de page 2. Pour ce faire, les ministères examinent les renseignements scientifiques et utilisent une approche basée sur le poids de la preuve et la prudence. La présente ébauche d'évaluation préalable repose sur les renseignements sur les propriétés chimiques, le devenir dans l'environnement, les dangers, les utilisations et l'exposition, dont les informations fournies par les parties intéressées. Le volet environnement de l'ébauche d'évaluation préalable repose sur des données pertinentes colligées jusqu'en avril 2016 et le volet santé sur des données colligées jusqu'en juillet 2016. Les données empiriques obtenues d'études clés et certains résultats de modèles ont permis de formuler les conclusions proposées. Quand ils étaient disponibles et pertinents, nous avons tenu compte de renseignements présentés dans des évaluations faites par d'autres autorités responsables. L'ébauche d'évaluation préalable présente les informations cruciales et les considérations critiques qui sous-tendent la conclusion proposée.

La présente évaluation préalable suit la publication, en août 2015, de quatre rapports sur l'état des connaissances scientifiques, ou « rapports ECS » (Environnement Canada et Santé Canada 2015a-d) sur les 14 substances du Groupe de substances des phtalates, et la publication de l'Approche proposée pour l'évaluation des risques cumulatifs suscités par certains phtalates dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques (Environnement Canada et Santé Canada 2015e). On a publié ces documents avant l'évaluation préalable afin de permettre aux parties intéressées de transmettre leurs commentaires et leurs suggestions concernant le projet d'évaluation en fonction des risques cumulatifs. Les commentaires reçus au cours de la période publique de commentaires de 60 jours ont été pris en compte lors de la rédaction de l'ébauche d'évaluation préalable. Cette dernière résume les renseignements présentés dans les quatre rapports ECS et intègre de nouveaux renseignements pertinents. En outre, l'évaluation présente la caractérisation des risques posés par les phtalates faisant partie du groupe, y compris l'analyse des risques cumulatifs potentiels (pour l'environnement et la santé humaine), et formule des conclusions au sens de l'article 64 de la LCPE.

La présente ébauche d'évaluation préalable a été préparée par le personnel du Programme des substances existantes d'Environnement et Changement climatique Canada et Santé Canada et elle intègre les résultats d'autres programmes de ces ministères. Les volets environnement et santé humaine de la présente ébauche d'évaluation préalable ont fait l'objet d'une consultation ou d'un examen écrit par des pairs externes. Des commentaires concernant les aspects techniques pertinents pour l'environnement ont été reçus de Thomas Backhaus (Faust & Backhaus Environmental Co., Germany), Sonja Bissegger (Collège militaire royal du Canada), Valérie Langlois (Collège militaire royal du Canada), Lynn McCarty (L.S. McCarty Scientific Research & Consulting, Canada), Patricia Schmieder (USEPA). Des commentaires visant les aspects techniques pertinents pour la santé humaine ont été reçus de Linda Teuschler (consultante privée - anciennement de l'USEPA), Donna Vorhees (The Science Collaborative), Bernard Gadagbui (Toxicology Excellence for Risk Assessment) et Raymond York (RG York & Associates). Si, d'une part, les commentaires externes ont été pris en considération, d'autre part, Santé Canada et Environnement et Changement climatique Canada assument la responsabilité du contenu final et des résultats de la présente évaluation préalable.

Cette ébauche d'évaluation préalable contient les considérations et renseignements critiques sur lesquels s'appuient les conclusions proposées. On pourra trouver des renseignements supplémentaires dans les rapports ECS et le document d'évaluation des risques cumulatifs mentionnés plus haut.

2. Identité des substances

Les esters de phtalate (désignés aussi par l'appellation de « phtalates ») examinés dans la présente ébauche d'évaluation préalable figurent au tableau 2-1. Sur le plan structural, ces phtalates sont constitués d'un cycle benzénique avec deux groupes latéraux ester en position ortho.

Le Groupe de substances des phtalates se divise en trois sous-groupes : (1) à chaîne courte, (2) à chaîne moyenne et (3) à chaîne longue, selon la longueur du squelette carboné (c.-à-d. la plus longue chaîne rectiligne de carbone) de leurs groupes latéraux ester. Les phtalates à chaîne courte ont un squelette carboné comportant un ou deux atomes de carbone, ceux à chaîne moyenne ont un squelette comportant de trois à sept atomes de carbones, et ceux à chaîne longue ont un squelette de huit atomes de carbone ou plus. La nature des groupes latéraux ester, qui peut être linéaire, ramifiée ou cyclique, détermine à la fois l'identité du phtalate et ses propriétés physiques et toxicologiques.

Du point de vue des dangers pour la santé, la répartition en sous-groupes se fondait d'abord sur une analyse des relations entre la structure et l'activité (RSA). Cette analyse repose sur des études relatives à des événements importants dans le mode d'action des phtalates provoquant l'insuffisance androgénique pendant le développement de l'appareil reproducteur du rat mâle. Les effets des esters phtaliques sur ces événements importants semblent dépendre de la structure et être fortement associés à la longueur et à la nature de leur chaîne alkyle. Du point de vue environnemental, l'établissement des sous-groupes était principalement fondé sur les différences dans le coefficient de partage octanol-eau (log Koe) et l'hydrosolubilité, ainsi que sur leurs répercussions sur la bioaccumulation et l'écotoxicité. Aux fins de l'examen des effets sur la santé, le DINP a été inclus dans le sous-groupe des phtalates à chaîne moyenne, et aux fins de l'examen des effets sur l'environnement, on a estimé qu'il était plus étroitement associé au sous-groupe des phtalates à chaîne longue.

La structure chimique, la masse moléculaire, la solubilité dans l'eau et le coefficient de partage octanol-eau (log Koe) pour les phtalates du Groupe de substances des phtalates figurent à l'annexe A. Des renseignements additionnels figurent également dans les documents d'Environnement Canada et Santé Canada (2015a-e), Environnement et Changement climatique Canada (ECCC 2016) et Santé Canada (2016a,b).

Dans certains cas, la méthode de la lecture croisée qui combine les données des analogues et les résultats des modèles de relations quantitatives structure-activité (RQSA) a été employée pour éclairer les évaluations des effets sur l'environnement et la santé humaine. Veuillez consulter les documents d'Environnement Canada et Santé Canada (2015a-d) et de Santé Canada (2016a,b) pour trouver les résultats des modèles et la description des méthodes utilisées pour la sélection des analogues.

Tableau 2-1. Substances étudiées par l'évaluation préalable du Groupe de substances des phtalates
Sous-groupeGROUPE de substances des phtalates Abréviation
(no CAS)
Phtalates supplémentaires Abréviation
(no CAS)
À chaîne courteDMP (131-11-3)DEP (84-66-2)
À chaîne moyenneDIBP (84-69-5);
CHIBP (5334-09-8);
BCHP (84-64-0);
DCHP (84-61-7);
DBzP (523-31-9);
B79P (68515-40-2);
DMCHP (27987-25-3);
DIHepP (71888-89-6);
BIOP (27215-22-1);
DINP (68515-48-0/28553-12-0)a;
B84P (16883-83-3)
DPrP (131-16-8);
DBP (84-74-2)b;
BBP (85-68-7)c;
DnHP (84-75-3);
79P (111381-89-6);
DIOP (27554-26-3);
DEHP (117-81-7)b
À chaîne longueDIDP (26761-40-0/68515-49-1);
DUP (3648-20-2)
610P (68648-93-1);
DnOP (117-84-0)b;
D911P (68515-43-5);
D911P-2 (111381-91-0);
DIUP (85507-79-5);
DTDP (68515-47-9)

Abréviation : No CAS = numéro de registre du Chemical Abstracts Service.
a. Le DINP était considéré comme un phtalate à chaîne moyenne, aux fins de l'évaluation des effets sur la santé et, aux fins de l'évaluation des effets sur l'environnement, comme un phtalate à longue chaîne.
b. Inclus dans la LSIP1.
c. Inclus dans la LSIP2.

3. Propriétés physiques et chimiques

Les propriétés chimiques des substances du Groupe de substances des phtalates sont principalement déterminées par le volume molaire des substances et la longueur des chaînes latérales alkyle substituées sur les groupes diester (Cousins et coll. 2003). Les substances de ce groupe sont des liquides huileux aux températures ambiantes types. Le point de fusion de ces substances se situe entre -64 °C et 66 °C, et leur point d'ébullition entre 205 °C et 463 °C. Par conséquent, à basse température, certains phtalates du groupe peuvent être présents à l'état solide dans l'environnement. En règle générale, la solubilité dans l'eau et la pression de vapeur diminuent avec la hausse du volume molaire et la longueur de la chaîne latérale alkyle, tandis que la tendance à s'adsorber sur les matières organiques et les particules augmente. Par exemple, le phtalate à chaîne courte DMP présente une très grande hydrosolubilité (4000 mg/L), une pression de vapeur modérée (0,4 Pa) et de faibles coefficients de partage (log Koe =  1,6, log Kco = 1,9 - 2,5), tandis que le phtalate à chaîne longue DIDP a une très faible hydrosolubilité, une très faible pression de vapeur (1,7 × 10-4 mg/L, 6,7 × 10-5 Pa) et des coefficients de partage dont la valeur varie d'élevée à très élevée (log Koe supérieur(e) à 8, log Kco = 5,5). Pour les phtalates à chaîne moyenne, les valeurs des propriétés chimiques sont intermédiaires entre celles des phtalates à chaîne courte et ceux à chaîne longue. Des renseignements détaillés sur les propriétés chimiques des substances du Groupe de substances des phtalates sont présentés dans les rapports ECS (Environnement Canada et Santé Canada 2015a-d).

4. Sources

Les activités anthropiques sont la principale source de phtalates dans l'environnement. Une enquête a été menée auprès de l'industrie en 2013, en vertu à l'article 71 de la LCPE, afin d'obtenir des renseignements sur les quantités de phtalates du Groupe de substances des phtalates et des phtalates supplémentaires qui étaient présentes en 2012 au Canada (Canada 2013). Les résultats figurent aux tableaux 4-1 et 4-2 (Environnement Canada 2014). Puisque notre enquête était très ciblée, les données déclarées sur les quantités utilisées pourraient ne pas refléter complètement toutes les utilisations au Canada.. 

Tableau 4-1. Quantités déclarées au Canada en 2012 de phtalates du Groupe de substances des phtalates tirées de l'enquête menée en vertu de l'article 71 de la LCPE
PhtalateQuantité totale fabriquée
(kg)a
Importations totales
(kg)a
Exportations totales
(kg)a
DMPinférieur(e) à seuil de déclarationb10 000-100 000inférieur(e) à seuil de déclaration
DIBPinférieur(e) à seuil de déclaration10 000-100 000inférieur(e) à seuil de déclaration
DCHPinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à 10 000inférieur(e) à seuil de déclaration
DIHepPinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à 10 000inférieur(e) à seuil de déclaration
B79Pinférieur(e) à seuil de déclaration100 000 - 1 000 000100 000 - 1 000 000
B84P 100 000 - 1 000 000100 000 - 1 000 000
DINP1 000 000 - 10 000 000supérieur(e) à 10 000 0001 000 000 - 10 000 000
DIDP10 000 - 100 0001 000 000 - 10 000 000100 000 - 1 000 000
DUPsupérieur(e) à 10 000 000100 000 - 1 000 0001 000 000 - 10 000 000
BCHPinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclaration
CHIBPinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclaration
DBzPinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclaration
DMCHPinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclaration
BIOPinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclaration

a. Ces valeurs reflètent les quantités déclarées en réponse à une enquête menée en vertu de l'article 71 de la LCPE (Environnement Canada 2001, 2009, 2014). Consultez l'enquête pour connaître les inclusions et exclusions particulières (annexes 2 et 3).
b. Seuil de déclaration : quantité totale supérieure à 100 kg d'une substance, à une concentration égale ou supérieure à 0,001 % en poids (p/p %) (Canada 2013).

Tableau 4-2. Quantités déclarées au Canada (en 2012) des phtalates supplémentaires tirées de l'enquête menée en vertu de l'article 71 de la LCPE
PhtalateQuantité totale fabriquée
(kg)a
Importations totales
(kg)a
Exportations totales
(kg)a
BBPinférieur(e) à seuil de déclarationb100 000 - 1 000 000100 000 - 1 000 000
DBPinférieur(e) à seuil de déclaration100 000 - 1 000 00010 000 - 100 000
DEHP1 000 000 - 10 000 000100 000 - 1 000 00010 000 - 100 000
DIOPinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à 10 0000
DEPinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à 10 000inférieur(e) à 10 000
79Pinférieur(e) à seuil de déclaration10 000 - 100 000inférieur(e) à seuil de déclaration
610P100 000 - 1 000 000100 000 - 1 000 000100 000 - 1 000 000
DnOPinférieur(e) à seuil de déclaration100 000 - 1 000 000inférieur(e) à seuil de déclaration
D911P-2inférieur(e) à seuil de déclaration10 000 - 100 000inférieur(e) à seuil de déclaration
D911Psupérieur(e) à 10 000 000100 000 - 1 000 0001 000 000 - 10 000 000
DTDPinférieur(e) à seuil de déclaration100 000 - 1 000 000inférieur(e) à seuil de déclaration
DIUP1 000 000 - 10 000 000100 000 - 1 000 000100 000 - 1 000 000
DnHPinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclaration
DPrPinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclarationinférieur(e) à seuil de déclaration

a. Ces valeurs reflètent les quantités déclarées en réponse à l'enquête menée en vertu de l'article 71 de la LCPE (Environnement Canada 2001, 2009, 2014). Consultez l'enquête pour connaître les inclusions et exclusions particulières (annexes 2 et 3).
b. Seuil de déclaration : quantité totale supérieure à 100 kg d'une substance, à une concentration égale ou supérieure à 0,001 % en poids (p/p %) (Canada 2013).

5. Utilisations

Les résultats obtenus lors de l'enquête menée en vertu de l'article 71 en 2012 comportaient des renseignements sur les utilisations de 21 phtalates (Environnement Canada 2014). Aucun renseignement n'était disponible pour les 7 autres substances.

Les diverses utilisations au Canada des substances faisant partie du Groupe de substances des phtalates sont résumées dans les rapports ECS (Environnement Canada et Santé Canada 2015a-d). Dans le cas des phtalates supplémentaires, les utilisations canadiennes sont indiquées aux tableaux 5-1, 5-2 et 5-3. De plus, les utilisations des phtalates à l'étranger sont également présentées dans les documents ECS (Environnement Canada et Santé Canada 2015a-d).

Tableau 5-1. Résumé des utilisations de certains phtalates supplémentaires au Canada tirées de l'enquête menée en vertu de l'article 71 de la LCPEa
Principales utilisationsbDBPBBPDEHPDIOPDEP79P
Adhésifs et produits d'étanchéitéXXXX
Peintures et revêtementsXXX
Électricité et électroniqueXX
Matériaux de constructionXXX
Produits automobiles et de transportXXX
Lubrifiants et graissesX
Encres d'impressionXX
Tissus et textilesXXX
Produits de soins personnelsX
Jouets d'enfants et articles de puériculturecXXX
Matériaux plastiques et caoutchoucsXXXX

- Cette utilisation n'a pas été relevée pour cette substance.
a. Renseignements sur l'utilisation des phtalates dans le commerce au Canada (Environnement Canada 2014).
b. Tous les renseignements ont été obtenus par l'enquête auprès de l'industrie menée en vertu de l'article 71 de la LCPE (Environnement Canada 2014).
c. La présence de DBP, BBP et DEHP dans ces types de produits est habituellement limitée à inférieur(e) u égal(e) à 1000 mg/kg (Règlement sur les phtalates pris en vertu de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation [LCSPC]).

Tableau 5-2. Résumé des utilisations de certains phtalates supplémentaires au Canada tirées de l'enquête menée en vertu de l'article 71 de la LCPEa (suite)
Principales utilisationsb610PDnOPD911P-2D911PDTDPDIUP
Adhésifs et produits d'étanchéitéXX
Peintures et revêtements
Électricité et électroniqueXXXXX
Matériaux de construction
Produits automobiles et de transportXXXX
Lubrifiants et graissesX
Encres d'impression
Tissus et textiles
Produits de soins personnels
Jouets d'enfants et articles de puériculture
Matériaux plastiques et caoutchoucsXXXX

- Cette utilisation n'a pas été relevée pour cette substance.
a. Renseignements sur l'utilisation des phtalates dans le commerce au Canada (Environnement Canada 2014).
b. Tous les renseignements ont été obtenus par l'enquête auprès de l'industrie menée en vertu de l'article 71 de la LCPE (Environnement Canada 2014).

Tableau 5-3. Avis donnés au Canada pour certains phtalates supplémentairesa
 BBPDBPDEHPhDnHPDIOP
Matériaux pour l'emballage alimentairebXXXX
Base de données des produits pharmaceutiquescX
Base de données d'ingrédients de produits de santé naturelsdX
Base de données sur les produits de santé naturels homologués présents comme ingrédient non médicinal dans des produits de santé naturels au CanadaeX
Déclaration des produits pouvant être présents dans les cosmétiques, d'après les déclarations présentées en vertu du Règlement sur les cosmétiques, CanadafX
Produit de formulation dans les produits antiparasitaires homologués au CanadagX

- Aucune déclaration pour cette utilisation n'a été reçue pour cette substance.
a. Les phtalates supplémentaires sélectionnés sont ceux figurant dans l'évaluation des risques cumulatifs pour la santé humaine.
b. Courriels de septembre 2014 de la Direction générale des aliments, Santé Canada au Bureau de la gestion du risque, Santé Canada; sans référence.
c. BDPP 2014.
d. BDIPSN 2014.
e. BDPSNH 2014, courriel de septembre 2014 de la Direction des produits de santé naturels et sans ordonnance (DPSNSO), Santé Canada au Bureau de la gestion du risque, Santé Canada.
f. Courriel de juillet 2015 de la Direction de la Sécurité des produits de consommation (DSPC), Santé Canada, au Bureau d'évaluation du risque des substances existantes (BERSE), Santé Canada.
g. Courriel d'avril 2012 de l'Agence de réglementation la lutte antiparasitaire de Santé Canada, au Bureau de la gestion du risque de Santé Canada; sans référence.
h. Le DEHP figure sur la Liste des ingrédients dont l'usage est interdit dans les cosmétiques au Canada (Santé Canada 2011a) et son utilisation n'a pas été déclarée au Canada (courriel de juillet 2015 envoyé par la DSPC au BERSE, Santé Canada).

6. Rejets dans l'environnement

On ne connaît pas d'importantes sources naturelles de phtalates et les rejets dans l'environnement découlent d'activités anthropiques. Les rejets peuvent se produire pendant la fabrication et le traitement des phtalates, y compris leur transport et leur stockage, ainsi que pendant la production, l'utilisation et l'élimination des produits qui en contiennent (par exemple, le rejet de cosmétiques comportant des phtalates dans les égouts). Pendant les activités de traitement, les phtalates ne sont pas liés chimiquement à des matrices polymères et, avec le temps, ils peuvent migrer à la surface des produits polymères. Cette migration devrait être lente, et elle sera neutralisée par les forces chimiques et physiques qui cherchent à retenir les phtalates à l'intérieur des polymères. Compte tenu de leurs utilisations dans les produits industriels et de consommation, les phtalates devraient être rejetés surtout dans l'air et dans l'eau.

On dispose de peu d'informations sur les rejets de phtalates au Canada. Or, la déclaration de six phtalates (le DMP et cinq des phtalates supplémentaires, à savoir les DEP, DBP, BBP, DEHP et DnOP) à l'Inventaire national des rejets de polluants (INRP) est obligatoire. Ce dernier indique que le milieu récepteur de tous les rejets déclarés était l'air (INRP 2010-2014). Plusieurs réponses à l'enquête menée en vertu de l'article 71 indiquaient que les rejets étaient ou inexistants ou inconnus (Environnement Canada 2014).

Les documents d'Environnement Canada et Santé Canada (2015a-d) traitent plus à fond le potentiel de rejets dans l'environnement.

7. Devenir et comportement dans l'environnement

7.1 Distribution dans l'environnement

Le modèle de fugacité EQC de niveau III (NewEQC 2011) a été utilisé pour prévoir la répartition des phtalates à chaîne courte, moyenne et longue dans l'environnement, par fraction massique. La répartition dans l'environnement tend à être en grande partie tributaire de la capacité des phtalates de se solubiliser dans l'eau, de se volatiliser ou de s'adsorber sur les particules, tandis que les substances plus solubles et plus petites ont tendance à se retrouver dans les milieux atmosphérique et aquatique, et les substances plus grosses avec une solubilité limitée dans l'eau ont tendance à s'adsorber sur les sédiments ou à demeurer dans les sols. Selon les résultats du modèle EQC, les phtalates à chaîne courte se répartissent dans l'eau, le sol et l'air, mais pas dans les sédiments, les phtalates à chaîne moyenne se répartissent plus uniformément entre l'eau et les sédiments, tandis que les phtalates à chaîne longue se répartissent surtout dans les sédiments, une proportion moindre restant dans l'eau. Le modèle prévoit que le sol est un milieu récepteur important pour les phtalates à chaîne moyenne et longue, c'est-à-dire que si ces phtalates sont rejetés dans l'air ou dans le sol, ils demeureront surtout dans le sol. Les résultats du modèle de fugacité de niveau III, indiquant la répartition en pourcentage dans l'eau, le sol et les sédiments d'après les rejets simulés dans chacun de ces milieux, sont résumés dans ECCC (2016).

Étant donné les utilisations connues et les rejets des phtalates (voir les sections 5 et 6), l'eau est considérée comme étant leur principal milieu récepteur dans l'environnement.

7.2 Persistance dans l'environnement

La dégradation des phtalates est bien caractérisée, et l'on sait qu'ils sont dégradés par des processus abiotiques et biotiques. De nombreuses études ont été réalisées sur les phtalates à chaîne courte DMP et DEP, les phtalates à chaîne moyenne DIBP, DCHP, B79P, BBP, DBP, DEHP, et les phtalates à chaîne longue DIDP, DUP et DINP. Bon nombre de ces études ont été utilisées pour caractériser les phtalates moins étudiés, y compris les phtalates à chaîne moyenne BCHP, CHIBP, DBzP, DMCHP, BIOP, B84P, 79P, DIOP, DnHP, DPrP et DIHepP, et les phtalates à chaîne longue 610P, D911P, D911P-2, DTDP, DIUP et DnOP. Les rapports ECS (Environnement Canada et Santé Canada 2015a-d) et ECCC (2016) contiennent des résumés des études de dégradation et de la modélisation RQSA.

Au point de vue abiotique, les phtalates subissent une hydrolyse qui tend à être lente, ainsi qu'une photolyse plutôt rapide (Peterson et Staples 2003). C'est la biodégradation - particulièrement dans des conditions aérobies, par des microorganismes, y compris différentes espèces de microalgues vertes (Chang et coll. 2005; Yan et Pan 2004; Yan et coll. 2002), le phytoplancton (Li et coll. 2007) et les champignons (Ganji et coll. 1995; Sivamurthy et coll. 1991; Engelhardt et coll. 1977; Kim et Lee 2005; Lee et coll. 2007; Kim et coll. 2002a, 2003, 2007) - qui contribue le plus à la désintégration de ces substances dans l'environnement. Les vitesses de biodégradation observées varient, notamment selon la taille moléculaire des phtalates et de leurs propriétés physico-chimiques, de la concentration du substrat et des conditions environnementales. Les données obtenues par le modèle RQSA concordent avec les données expérimentales. La biodégradation des esters libère des phtalates de monoalkyle dans l'environnement (McConnell, 2007). La plupart des études indiquent que les phtalates de monoalkyle se dégradent plus rapidement que les esters phtaliques (Peterson et Staples, 2003). On a démontré que les MPE se dégradent rapidement dans les sédiments naturels (Otton et coll. 2008).

Les études ont démontré que les phtalates à chaînes latérales courtes peuvent être rapidement biodégradés et minéralisés, tandis que les phtalates présentant des chaînes latérales plus longues ont tendance à être moins biodégradables (Wang et coll. 2000; Chang et coll. 2004; Zeng et coll. 2004; Lertsirisopon et coll. 2006; Liang et coll. 2008). Les différences en termes de biodégradabilité des phtalates sont attribuées aux effets stériques des chaînes latérales, alors que la liaison des enzymes hydrolytiques peut être entravée, ce qui limite l'hydrolyse. Les différences entre les isomères phtaliques peuvent aussi influer sur la vitesse de dégradation, car les enzymes qui hydrolysent les phtalates sont structuralement spécifiques (Liang et coll., 2008).

Le modèle prédit une longue demi-vie dans l'air pour le DMP, un phtalate à chaîne courte. Ses concentrations mesurées dans le biote de la baie d'Hudson et dans l'air et l'eau de l'Arctique norvégien indiquent qu'il présente un certain potentiel de transport à longue distance (Morin 2003). Les phtalates à chaîne moyenne et longue ne sont pas persistants dans l'air. En outre, la modélisation prédit que leur transport sur de grandes distances est peu probable (voir Environnement Canada et Santé Canada 2015a-d). Cependant, le DEHP, le DBP, le DIBP, le DnBP et le DINP et le phtalate à chaîne courte DEP peuvent être associés à des particules fines dans les zones près des sources d'émissions (Ma et coll. 2014; Ruzicková et coll. 2016). Morin (2003) a également trouvé du DIBP dans le biote de l'Arctique. Le transport des particules fines est considéré comme une explication plausible de la présence observée de DMP et de DIBP dans les régions éloignées.

Les phtalates ont été détectés dans l'eau douce dans le monde entier, et ils ont tendance à s'adsorber sur les sédiments (Chang et coll. 2005). La plupart des phtalates sont rapidement biodégradés dans les eaux de surface (Furtmann 1994). Dans les sédiments, les microorganismes aérobies et anaérobies peuvent dégrader les phtalates (Hashizume et coll. 2002; Chang et coll. 2004; Kim et coll. 2008). Or, en raison de leur fort degré de sorption attribuable à leur hydrophobicité, les phtalates peuvent présenter de longues demi-vies dans les sédiments, et ce, malgré leur biodégradabilité inhérente (Kickham et coll. 2012). Dans les études de biodégradation en milieu aérobie, réalisées selon les lignes directrices de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prescrivant l'utilisation des systèmes de traitement des eaux usées comme substrats, on a trouvé que les phtalates étaient intrinsèquement et rapidement biodégradables (Environnement Canada et Santé Canada 2015a-d). La variabilité apparente entre les résultats des essais s'explique par les différences des protocoles expérimentaux, des concentrations de la substance d'essai et du substrat.

Dans le sol, les vitesses de biodégradation sont généralement très similaires à celles observées dans l'eau (Peterson et Staples 2003). Les conditions environnementales, dont la température, l'humidité du sol et les concentrations d'oxygène, ainsi que les concentrations initiales de la substance et le type de sol, ont toutes un effet sur la vitesse de biodégradation (Peterson et Staples 2003; Madsen et coll. 1999; Scheunert et coll. 1987). Par exemple, la demi-vie du DEHP dans différents types de sol allait de 2 jours dans un sol loameux à 69,3 jours dans le sable (Rüdel et coll. 1993; Shanker et coll. 1985; Roslev et coll. 1998; Peterson et Staples 2003), pour atteindre 77 jours dans le sol bio-assaini d'un site industriel brésilien (Ferreira et Morita 2012).

7.3 Potentiel de bioaccumulation

Les rapports ECS (Environnement Canada et Santé Canada 2015a-d) présentent les données sur la bioaccumulation des substances du Groupe de substances des phtalates et de certains phtalates supplémentaires qui ont servi à la lecture croisée (BBP et DEHP). Les données sur la bioaccumulation des autres phtalates supplémentaires, ou celles obtenues après la publication des rapports ECS, sont en accord avec les informations présentées dans les rapports ECS et elles sont résumées dans ECCC (2016).

Les phtalates sont biodisponibles dans l'environnement et certains phtalates ont été mesurés dans le biote. Les données de bioaccumulation expérimentales et modélisées ainsi que les mesures des métabolites des phtalates dans les organismes aquatiques suggèrent que les phtalates sont effectivement métabolisés, et n'ont donc pas tendance à se bioaccumuler de manière importante. Les facteurs de bioconcentration (FBC) et les facteurs de bioaccumulation (FBA) mesurés pour les espèces aquatiques vont d'une valeur aussi faible que 1 jusqu'à 3000 L/kg, la majeure partie des valeurs déclarées étant inférieures à 1000 L/kg. Les vitesses de biotransformation étaient dans la plage de inférieur(e) à 1 à 3,5 j-1. Des données pour les sédiments et les organismes qui vivent dans le sol étaient également disponibles pour certains phtalates, et elles indiquent que la bioaccumulation dans ces milieux n'est pas significative. Les études sur le terrain confirment que les phtalates ne subissent pas de bioamplification dans la chaîne alimentaire (données résumées dans Environnement Canada et Santé Canada 2015a-d).

8. Potentiel d'effets néfastes sur l'environnement

8.1 Évaluation des effets sur l'environnement

Des résumés détaillés des études disponibles sur les effets des substances du groupe des phtalates ainsi que sur un certain nombre d'autres phtalates et les calculs connexes de résidus corporels critiques ont été présentés dans les Rapports sur l'état des connaissances scientifiques (ECS - Environnement Canada et Santé Canada, 2015a-d). Les résultats d'autres études, y compris de nouveaux travaux, ont été compilés dans ECCC (2016). Dans Santé Canada (2015), on rend compte des résultats d'études toxicologiques sur des rongeurs, utilisés comme substituts de mammifères piscivores comme le vison et la loutre, tout comme la section des effets sur la santé humaine de cette évaluation préalable. Les sections suivantes contiennent une analyse des effets écologiques globaux de l'ensemble des données sur les phtalates, des observations sur leurs modes d'action et leurs principales incidences écologiques. L'analyse porte principalement sur les organismes aquatiques, l'eau étant réputée être le principal milieu environnemental récepteur des phtalates. Les données relatives à l'eau douce et aux organismes de mer sont examinées ensemble, aucune distinction n'étant établie à leur égard, car rien n'indique qu'un milieu aqueux donné (eau douce ou de mer) aurait une plus grande sensibilité aux phtalates.

À un niveau d'exposition aiguë, il a été établi que les phtalates agissent par l'entremise de la toxicité des diesters, soit un mode d'action (MA) non spécifique s'apparentant à la narcose de base (apolaire) et à la narcose polaire, mais se traduisant cependant par une toxicité légèrement plus élevée (Veith et Broderius, 1987; Veith et Broderius, 1990; Adams et coll. 1995). Le corpus de données indique que dans des conditions d'exposition de plus longue durée, de nombreux phtalates ont aussi des modes d'action spécifiques. Ces modes d'action sont bien documentés dans des études sur les effets de phtalates à chaîne moyenne sur les mammifères, notamment en ce qui a trait aux effets androgéno-dépendants, qui ont une incidence sur le développement de l'appareil reproducteur mâle (étudié dans Santé Canada, 2015). Les études d'exposition des organismes aquatiques aux phtalates à chaîne plus courte (soit les phtalates à chaîne courte et certains phtalates à chaîne moyenne) indiquent une variété d'effets apicaux et non apicaux. Les effets non apicaux ont été associés aux voies cellulaires médiées par l'œstrogène et la thyroïde. Toutefois, les réactions androgéno-dépendantes n'ont pas été étudiées de manière approfondie chez les organismes autres que les mammifères. Les chercheurs ont établi l'existence de réactions non apicales mettant en cause le développement, la reproduction et le stress cellulaire pour certains phtalates à chaînes courte et moyenne, ainsi que pour le DnOP, un phtalate à chaîne longue (Mathieu-Denoncourt et coll. 2015). Il convient de remarquer qu'en ce qui concerne certains phtalates qui ont fait l'objet d'étude exhaustive (par exemple, BBP, DBP, DEHP), on observe souvent une variabilité ou un manque de constance dans les études et les résultats de modélisation des effets ou des réactions observés, comme les changements dans les taux de vitellogénine (VTG) ou l'estimation modélisée des affinités de liaison du milieu récepteur. Même si cela peut sans doute s'expliquer par les différences de conception des analyses et des études, cela rend difficile la tâche d'élucider le mode d'action précis qui sous-tend les effets observés.

8.1.1 Toxicité pour les organismes aquatiques

L'hydrosolubilité dans l'eau et le log Koe sont des paramètres importants qui ont une incidence sur la biodisponibilité d'une substance dans les milieux environnementaux, ayant ce faisant une incidence sur la toxicité. Les substances très peu hydrosolubles ont moins de probabilité de présenter une biodisponibilité dans l'environnement par absorption d'eau directe, et ainsi l'alimentation sera la plus grande voie d'exposition. Le log Koe peut être un facteur important pour prédire la toxicité aiguë de nombreux MA, par exemple la narcose non polaire, la narcose polaire, la narcose d'ester, mais non pour les autres genres d'effets, caractérisés par des mécanismes de réaction, y compris les MA électrophiles. Fait intéressant, il a été établi qu'il existait une corrélation entre le log Koe et un MA qui varie selon le récepteur, soit selon les affinités de liaison du récepteur des œstrogènes (RE). Hornung et coll. (2014) ont trouvé pour une série de produits chimiques industriels comme les phtalates, que les affinités de liaison du RE de la truite arc-en-ciel augmentait proportionnellement aux valeurs du log Koe, pour l'intervalle de 1,6 à 4,6 (DMP au DBP et BBP), alors que dans le cas du DnHP, elles demeuraient pratiquement constantes en présence d'une plus grande lipophilie, jusqu'à un log Koe de 6,6. Les phtalates qui ont un log Koe plus élevé (par ex. DEHP, DnOP) ne se lient pas au récepteur d'œstrogène. En ce qui a trait aux phtalates à chaîne longue qui se caractérisent par une très faible solubilité dans l'eau et des valeurs log Koe élevées, la toxicité des diesters semble être le principal mode d'action. Il a été suggéré que les phtalates dotés de chaînes d'alkyl de six carbones ou plus ne sont pas intrinsèquement toxiques pour les organismes aquatiques, car le métabolisme rapide et la faible solubilité dans l'eau empêchent d'atteindre la charge toxicologique corporelle critique (Bradlee et Thomas, 2003). Et de fait, en ce qui concerne de nombreux phtalates ayant une chaîne principale de huit carbones ou plus, aucun effet aigu n'a été observé dans des conditions sous la limite de solubilité, tandis que les résidus calculés dans les tissus étaient faibles et ne dépassaient pas les limites fixées pour un effet létal (voir le tableau 8-3). Toutefois, on a observé une forte toxicité chez les phtalates à chaîne moyenne faiblement solubles et qui comportent une chaîne principale de six ou sept carbones, comme le DEHP et le B79P (résumé de résultats dans Environnement Canada et Santé Canada, 2015b; ECCC, 2016).

Nous avons analysé les données sur les effets de chaque phtalate sur les organismes aquatiques. Le tableau schématique 8-indique la disponibilité des données pour chaque substance obtenues lors d'essais normalisés in vivo, et d'études in vivo ou in vitro de la caractérisation des effets par les voies œstrogéniques, androgéniques et thyroïdiennes. Pour définir le potentiel de liaison des phtalates sur les récepteurs, nous avons utilisé des outils in silico, le programme TIMES (2014) et le programme ER Expert System (ERES) (version 3) [Schmieder et coll. 2014; communication personnelle, examen externe par des pairs commandé par l'EPA des É.-U., l'Office of Research and Development, le National Health and Environmental Effets Research Laboratory, Mid-Continent Ecology Division, avril 2016 (prédictions de liaisons 4-20-16 ERES sur feuille de calcul Excel); sans référence]. Le potentiel de liaison des phtalates a été déterminé lors d'essais in silico sur le récepteur des œstrogènes (RE) de la truite arc-en-ciel (à l'aide de l'application ERES, version 3) et, chez les rongeurs, leur récepteur d'œstrogènes (y compris les composés parents et leurs métabolites), ainsi que leur des androgènes (TIMES, 2014). Selon le modèle TIMES (2014), les métabolites de certains phtalates à chaîne longue ont présenté une affinité de liaison avec le RE, tandis qu'il a été prédit que leurs composés parents n'auraient pas d'affinité de liaison avec le RE.

Les chercheurs ont trouvé de grandes lacunes dans les données quant aux effets écologiques des phtalates. Toutefois, certains phtalates comme le DEHP, le BBP et le DBP ont été assez bien étudiés. On notera tout particulièrement l'absence d'études de caractérisation sur de la valeur du potentiel d'action parmi tous les sous-groupes de phtalates. Les quelques études qui ont abordé les effets de phtalates sur un même système biologique ne concernent qu'un petit sous-ensemble de phtalates et, puisqu'elles ont caractérisé différents paramètres toxicologiques, il est impossible de les comparer directement. Mankidy et coll. (2013) ont observé que le DEHP était plus puissant que le BBP, compte tenu de sa puissance comme agoniste du récepteur d'aryl d'hydrocarbone (AhR), tandis que Zhou et coll. (2011a) ont pu ordonner les phtalates selon leur puissance : DBP supérieur(e) à DEP supérieur(e) à DMP supérieur(e) à DnOP supérieur(e) à DEHP, à partir de la métamorphose observée chez l'ormeau (mollusque). Une autre lacune relevée dans un grand nombre d'études tient à la tendance à réaliser ces études avec des concentrations d'exposition élevées ou qui dépassent les limites de solubilité dans l'eau, ce qui complique l'interprétation des résultats, les résultats ayant de ce fait peu de pertinence quant aux conditions environnementales. On a constaté que dans les quelques études in vivo réalisées avec des concentrations d'exposition très faibles (entre 10-4 et 10-3 mg/L), comme celles concernant le DEHP (Oehlmann et coll., 2009; Carnevali et coll., 2010; Corradetti et coll., 2013), des effets néfastes sont toujours observés. La principale lacune en matière de données tient à l'absence d'études sur les effets des phtalates sur un milieu aquatique réalisées avec des concentrations d'exposition pertinentes pour le milieu et dans les limites de solubilité dans l'eau qui caractérisent les modes d'action, surtout en ce qui concerne les effets médiés par les voies androgènes, et qui seraient susceptibles d'avoir des effets à l'échelle d'une population.

Tableau 8-1. Donnéesa empiriques disponibles sur les effets des phtalates sur les organismes aquatiques
Substance
(No CAS)
Essais standard sur les effets apicauxVoies œstrogéniquesVoies androgéniquesVoies thyroïdiennes
DMPOO/N--
DEPOOO-
DPrPOO--
DIBP----
DBPOOOO
CHIBP----
BCHP----
BBPOOOO
DCHPOO-O
DnHP-O--
DBzP----
B79PO---
DMCHP----
DIHepP---N
79P----
BIOP----
DIOP----
DEHPOO/NO-
DINP-NO-
B84P----
610P----
DnOPOO/N-O
D911P----
D911P-2----
DIDP--O-
DIUP----
DTDP----
DUP----

Abréviations : O = données disponibles qui rendent compte d'effets, N = données disponibles qui ne rendent compte d'aucun effet, O/N = données contradictoires, «  ̶  » = aucune donnée obtenue.
a. Certaines études sur des phtalates ont porté sur l'exposition à des concentrations élevées, mais au-delà de la limite de solubilité dans l'eau du phtalate en cause.

Tableau 8-2. Prédictions in silico des capacités de liaison des phtalates au récepteur des œstrogènes (RE) et au récepteur des androgènes (RA)
Substance
(No CAS)
Liaison du RE chez la truite arc-en-ciel (composé parent)
(ER Expert System v3)
Liaison du RE chez la truite arc-en-ciel (métabolite)
(ER Expert System v3)
Liaison du RE chez les rongeurs (composé parent)
(TIMES, 2014)
Liaison du RE chez les rongeurs (métabolite)
(TIMES 2014)
Liaison du RA chez les rongeurs (composé parent)
(TIMES 2014)
DMPONo metabolites predictedNNN
DEPONONN
DPrPONNNO
DIBPONNNO
DBPONONO
CHIBPONS.O.S.O.S.O.
BCHPONOOS.O.
BBPONONO
DCHPONOOS.O.
DnHPONONN
DBzPONONN
B79PS.O.NONN
DMCHPS.O.NOS.O.S.O.
DIHepPS.O.NOON
79PNNNNN
BIOPS.O.NS.O.S.O.S.O.
DIOPNNOON
DEHPNNOON
DINPNNNOO
B84PS.O.NS.O.S.O.S.O.
610PNNNNS.O.
DnOPNNNNN
D911PNNNOS.O.
D911P-2NNNOS.O.
DIDPNNNNS.O.
DIUPNNNOS.O.
DTDPNNNNS.O.
DUPNNNOS.O.

Abréviations : O = agent de liaison au récepteur; N = pas un agent de liaison au récepteur; S.O. = résultat non disponible, ou bien la substance se situait hors du domaine de modélisation.

La section ci-dessous contient un résumé de quelques-uns des effets relevés pour ce qui est des phtalates à chaîne courte, moyenne et longue, tels qu'ont permis de les décrire des études normalisées et celles décrivant des MA précis. Il s'agit ici de mettre en lumière les niveaux des effets parmi tous les sous-groupes de phtalates, comme ils ont été observés dans les essais normalisés et non normalisés. Dans Environnement Canada et de Santé Canada (2015a-d), on présente un résumé approfondi de l'information disponible sur les effets écologiques), tandis que d'autres études et de nouvelles études sont mentionnées dans ECCC (2016).

Les phtalates solubles à chaîne courte présentent une faible toxicité aiguë et chronique chez les poissons, les invertébrés et les algues, selon les analyses toxicologiques normalisées effectuées. Pour ce qui est du DMP et du DEP, les valeurs de concentration létale aiguë moyenne (concentration létale à 50 % - CL50) se situaient entre 10 et 120 mg/L (résumées dans ECCC 2016). De même, les valeurs CL50et la concentration efficace à 50 % (CE50) pour des effets comme l'immobilité et un changement de la biomasse, chez la mysis effilée, la daphnie et les algues, ainsi que des malformations chez les têtards qui ont été relevés dans le cas d'une exposition qui dépassait généralement 10 mg/L (résultats résumés dans Environnement Canada et de Santé Canada 2015a; d'ECCC, 2016; Mathieu-Denoncourt et coll. 2016). Par contraste, des études sur l'ormeau portent à croire que cette espèce est particulièrement vulnérable à l'exposition au DMP et au DEP, des effets négatifs ayant été relevés par d'autres modes d'action que la narcose. En ce qui concerne le DMP, des effets sur l'établissement des larves ont été observés à un niveau d'exposition de 0,05 mg/L (Yang et coll., 2009), tandis qu'une concentration sans effet observé (CSEO) sur la métamorphose a été trouvée à 0,02 mg/L, ainsi qu'une réduction de 50 % de la métamorphose à une concentration de 0,2 mg/L (Liu et coll., 2009). Pour ce qui est des incidences sur la reproduction, il a été établi que le sperme d'ormeau traité au DMP présentait une diminution de l'efficacité de la fertilisation, de la morphogenèse et de l'aptitude à pondre selon la dose et pour des concentrations d'exposition qui variaient entre 0,01 mg/L et 0,1 mg/L (Zhou et coll., 2011b). À un niveau d'exposition de 0,2 mg/L, les chercheurs ont établi que le DEP entraînait une réduction des taux de métamorphose, tandis qu'une concentration de 2 mg/L induisait une recrudescence des taux d'anormalité des embryons d'ormeau et une réduction des taux de ponte (Zhou et coll., 2011a).

En ce qui concerne les phtalates à chaîne moyenne, une toxicité moyenne à élevée a été observée dans un grand nombre d'études ayant porté sur les organismes aquatiques (résultats résumés dans Environnement Canada et de Santé Canada, 2015b; et d'ECCC, 2016). Les résultats indiquent que les phtalates pourvus d'une chaîne principale latérale de 6 carbones ou moins (par ex. DBP, BBP, DCHP, DEHP et B79P) sont très dangereux pour les poissons, les invertébrés et les algues, la CL50 et des effets comme des comportements anormaux chez le poisson, des effets sur la reproduction des daphnies et des incidences sur la biomasse des algues ayant été observés à un niveau d'exposition inférieur à 1 mg/L. Des effets secondaires en lien avec des modes d'action œstrogéniques, thyroïdiens et anti-androgéniques sont également bien documentés pour ce qui est de ces substances, bien que des réactions contradictoires aient été relevées pour ce qui concerne la modification des niveaux de vitellogénine dans les études sur le BBP et le DEHP. On a établi que le BBP entraînait un déplacement de l'œstradiol en provenance du récepteur des œstrogènes après un passage hépatique, une inhibition de la liaison des RE, ce qui pouvait provoquer soit une modification de la production de la vitellogénine chez la truite arc-en-ciel après l'injection de la substance dans la zone intra-péritonéale (Christiansen et coll., 2000); soit aucune incidence sur le taux de vitellogénine dans les études sur la tête-de-boule (présentation d'une étude, 2014d; Harries et coll., 2000); soit une incidence sur l'histologie gonadique (présentation d'une étude, 2014d); soit une réduction de la spermatogonie chez la tête-de-boule (BESC 2009; BESC c2007-2015a). Le BBP a également présenté une augmentation légère, mais néanmoins appréciable, de l'expression génétique de l'ARN messager du récepteur des androgènes au cours du développement des embryons de poisson (Mankidy et coll., 2013).

La plupart des études toxicologiques du DCHP sur le poisson, les amphibiens, les invertébrés et les algues ont été réalisées avec des niveaux d'exposition qui dépassaient la limite de solubilité des substances dans l'eau (BESC c2007-2014 b; Mathieu-Denoncourt et coll., 2015; Mathieu-Denoncourt et coll., 2016). Deux études sur les daphnies à l'intérieur de la limite de solubilité dans l'eau du DCHP ont fait état d'effets à un faible niveau d'exposition, mais uniquement sous une exposition chronique (CE50 de 21 jours et CSEO entraînant une perte de mobilité à une concentration de 0,68 et de 0,18 mg/L, respectivement (BESC c2007-2014 b). Pour le DBP, une CL50 après 96 heures à moins de 1 mg/L et jusqu'à 7,3 mg/L a été trouvée (Buccafusco et coll., 1981; Mayer et Ellersieck, 1986; CMA, 1984; Hudson et coll., 1981; Adams et coll., 1995). Le DBP n'a pas provoqué l'apparition de la vitellogénine chez la truite arc-en-ciel ou le poisson-zèbre à une concentration atteignant 1 mg/L (Van den Belt et coll., 2003). Un niveau d'exposition au DBP entre 0,005 et 0,5 mg/L dans diverses études a entraîné une augmentation de la mortalité et de a tératogénicité chez les larves (Ortiz-Zarragitia et coll., 2006), une activité accrue des enzymes antioxydants et des enzymes reliés au système immunitaire (Xu et coll. 2013), et une modification du niveau de la 11-kétotestostérone plasmique et de la spiggine (Aoki, 2010; Aoki et coll., 2011). Pour ce qui est du DEHP, Carnevali et coll. (2010) ont constaté une diminution importante de la fécondité chez les poissons-zèbres femelles exposées à des concentrations nominales allant de 2 × 10-5 à 0,40 mg/L. Corradetti et coll. (2013) ont aussi établi qu'un niveau d'exposition au DEHP de l'ordre de 2 × 10-4 mg/L nuisait à la reproduction du poisson zèbre, du fait d'un certain nombre de changements induits, y compris une production moindre d'embryons. Des modifications histologiques dans les spermatozoïdes et les gonades du poisson (indication de caractéristiques intersexuées) et un retard dans le développement des ovocytes après une exposition au DEHP ont également été relevés (Ye et coll., 2013; Kim et coll., 2002b; Norman et coll., 2007). Même si les études des effets du phtalate B79P sur le poisson et les algues ont été réalisées à une concentration au-dessus de la limite de solubilité de la substance dans l'eau, deux études sur les daphnies indiquent que le B79P est très toxique. Il a été établi qu'une CE50 aiguë de 0,3 mg/L et une CSEO chronique de 0,039 mg/L étaient nécessaires pour avoir un effet sur la reproduction (BESC c2007-2014c). Il convient d'observer que ces résultats finaux corroborent les données modélisées visant les espèces aquatiques, de l'ordre de 0,0045 mg/L pour le poisson, jusqu'à 0,05 mg/L pour les daphnies (résultats résumés dans Environnement Canada et de Santé Canada, 2015b). La modélisation de la relation quantitative structure-activité (RQSA) indique que le B79P présente aussi des possibilités de liaison avec le RE (voir le tableau 8-1).

Aucune preuve de toxicité n'a été relevée dans les essais standard visant les phtalates à chaîne moyenne plus longue, le DIHepP et le B84P, ainsi que les phtalates à chaîne longue, jusqu'aux limites de solubilité dans l'eau de ces substances (résultats résumés dans Environnement Canada et Santé Canada, 2015b-d). Toutefois, pour ce qui est des du DIDP et du DINP, les résultats des essais in vitro en laboratoire indiquent initialement que ces deux phtalates pourraient avoir une influence sur l'activité endocrinienne normale chez des mammifères, par l'altération de la production d'hormones stéroïdes en présence d'une substance endocrinienne active. (Mlynarcíková et coll., 2007; Chen et coll., 2014). Dans le cadre d'une étude ayant porté sur l'alimentation de plusieurs générations de médakas du Japon, les chercheurs ont relevé des effets sur le métabolisme hépatique microsomal de la testostérone, induits par le DINP et le DIDP. Toutefois, on n'a trouvé aucun effet négatif constant sur les plans de la mortalité des embryons, des activités de ponte fructueuses ou du taux de survie (Patyna et coll., 2006). De même, les chercheurs n'ont pu établir la présence de malformation et d'altérations dans les expressions génétiques relatives à l'axe androgénique, pour ce qui est des têtards du genre Xenopus exposés au DINP (de Solla et Langlois, 2014). Les résultats d'essais in silico à l'aide du modèle ERESI (Estrogen Receptor Estimation System) sur les RE de la truite portent à croire qu'il n'existe aucune affinité de liaison aux RE pour ce qui est des composés parents des phtalates à chaine longue (voir le tableau 8-2) (Schmieder et coll., 2014; communication personnelle, examen externe par des pairs commandée par l'EPA des États-Unis, Office of Research and Development, National Health and Environmental Effets Research Laboratory Mid-Continent Ecology Division, avril 2016; sans référence).

Les données disponibles sur les effets en milieu aquatique des phtalates à chaîne moyenne et longue ayant une solubilité dans l'eau très faible et des valeurs log Koe élevées, soit les phtalates DIHepP, DINP, D911P, D911P-2, DIDP, DIUP, DTDP, DUP, B84P et DIOP, étaient au-dessus des limites de solubilité dans l'eau. Il convient de remarquer qu'en ce qui concerne ces substances, l'exposition alimentaire est probablement la voie d'assimilation la plus pertinente dans l'environnement. Il s'ensuit que pour les phtalates DIHepP, B84P, DINP, DIDP et DUP, le calcul des résidus dans les tissus (RT) a été établi à l'aide de facteurs de bioaccumulation (FBA), de valeurs de masse moléculaire et de caractéristiques de solubilité dans l'eau propres à chaque substance. Les RT correspondent à la teneur globale de phtalate dans le corps après une exposition à la limite de la solubilité dans l'eau de la substance, compte tenu de ses propriétés toxicocinétiques et selon l'approximation établie par le FBA. Les valeurs de RT calculées pour les phtalates à chaîne moyenne se situaient entre 5,4 × 10-3 mmol/kg (1,96 mg/kg) pour le DIHepP et 0,13 mmol/kg (59,1 mg/kg) pour le B84P, tandis qu'en ce qui concerne les phtalates à chaîne longue, nommément pour le DINP, à 2,6 × 10-4 mmol/kg (0,12 mg/kg), le DIDP, à 1,5 × 10-5 mmol/kg (0,007 mg/kg), et le DUP, à 5,8 × 10-8 mmol/kg (0,000028 mg/kg). Les résidus corporels critiques (RCC) associés à une narcose létale de base critique chez les petits organismes aquatiques se situent généralement entre 2 et 8 mmol/kg, tandis que les RCC provenant d'une exposition chronique se situent entre 0,2 et 0,8 mmol/kg (McCarty et Mackay, 1993). Les concentrations internes calculées pour le sous-ensemble de phtalates à chaînes moyenne et longue indiquent que ces phtalates présentent une faible probabilité d'atteindre une teneur suffisante pour causer des effets toxicologiques et létaux aigus ou chroniques chez les organismes aquatiques, puisque le seuil des RCC n'est pas dépassé. Il convient de noter que des limites de RCC n'ont pas été établies pour d'autres modes d'action, comme la toxicité des diesters. La présence d'une narcose de base est donc supposée en ce qui concerne les phtalates pour lesquels des RT ont été calculés. Il est du reste reconnu que des limites de RCC quelque peu inférieures peuvent être associées à d'autres MA, ce qui fait que la désignation du mode d'action d'une narcose de base pourrait ne pas tenir compte du caractère possiblement toxique de la substance, surtout dans un contexte d'exposition chronique. Néanmoins, on peut s'attendre à un chevauchement des RCC induisant une narcose et la toxicité des diesters. Il s'ensuit que les RCC induisant une narcose sont considérés comme une mesure pertinente à utiliser à l'égard des phtalates.

8.1.1.1 Concentration estimée sans effet dans le milieu aquatique

Lorsque les données expérimentales n'étaient pas disponibles, des données de modélisation et des données sur des substances analogues ont servi à la sélection des valeurs critiques de toxicité des phtalates à chaînes courte et moyenne (résultats résumés Environnement Canada et Santé Canada, 2015a, b). Après division par le facteur d'évaluation pertinent, nous avons établi que la concentration estimée sans effet (CESE) se situait entre 0,00007 mg/L (DEHP) et 0,19 mg/L (DIBP). Le tableau 8-3 ci-dessous présente les valeurs critiques de toxicité (VCT) retenues pour chaque phtalate, les facteurs d'évaluation (FE) et les CESE calculées (VCT/FE). Les valeurs de RT jusqu'aux RCC ont fait l'objet de comparaisons s'il n'était pas possible d'en déduire des CESE. Les CESE pour les autres phtalates qui ne sont pas évalués, se situaient entre 0,003 mg/L et 0,33 mg/L et figurent dans ECCC (2016).

Tableau 8-3. Valeurs de la toxicité critique et de la CESE des phtalates en milieu aquatique
Substance
(No CAS)
VCT
(mg/L)
Espèces;
Niveau de l'effet
RéférenceFEaCESE (mg/L)
[converti en mmol/Lb]
DMP
(131-11-3)
0,01Ormeau;
1 h CMEO
(taux de fertilisation et succès de la ponte)
Zhou et coll, 2011b100,001
[5,1 x 10-6]
DIBP
(84-69-5)
0,56Daphnie
21d CSEO
BESC c2007-2014a30,19
[6,8 x 10-4]
CHIBP
(5334-09-8)
0,018cTête-de-boule
CMEO sur 126 j
(aug. de la spermatogénie)
Présentation d'étude. 2014b;
CE 2009
30,006
[2,0 x 10-5]
BCHP
(84-64-0)
0,018cTête-de-boule
CMEO sur 126 j
(aug. de la spermatogénie)
Présentation d'étude. 2014b;
EC 2009
30,006
[2,0 x 10-5]
DCHP
(84-61-7)
0,181Daphnie
21d CSEO
(perte de mobilité)
BESC c2007-2014b30,06
[1.8 x 10-4]
DBzP
(523-31-9)
0,08Tête-de-boule
CL50 96 h
Geiger et coll, 1985300.003
[8,6 × 10-6]
B79P
(68515-40-2)
0,039Daphnie
22d CSEO (reproduction)
BESC c2007-2014c100,004
[1,1 × 10-5]
DMCHP
(27987-25-3)
0,181Algue verte
72h CE50
(accroissement de la biomasse)
BESC c2007-2014b30,06
[1,7 × 10-4]
DIHepP
(71888-89-6)
Aucun effet observé sous les limites de solubilitéCESE non calculée;
RT dans le poisson établi à 5.39 × 10-3 mmol/kg
BIOP
(27215-22-1)
0,032Algue verte
96h CE60
ECOSAR v1,0100.0032
[8.7 × 10-6]
DEHP
(117-81-7)
0.0002dPoisson zèbre;
21d CE90
(production d'embryons réduite)
Corradetti et coll, 201330.00007
[1.7 × 10-7]
DINP
(68515-48-0 / 28553-12-0)
Aucun effet observé sous les limites de solubilitéCESE non calculée;
RT dans le poisson établi à 2,6 × 10-4 mmol/kg
B84P
(16883-83-3)
Aucun effet observé sous les limites de solubilitéCESE non calculée;
RT dans le poisson établi à 0,1 mmol/kg
DIDP
(26761-40-0 / 68515-49-1)
Aucun effet observé sous les limites de solubilitéCESE non calculée;
RT dans le poisson établi à 1,5 × 10-5 mmol/kg
DUP
(3648-20-2)
Aucun effet observé sous les limites de solubilitéCESE non calculée;
RT dans le poisson établi à 5,8 × 10-8 mmol/kg

Abréviations : FE = facteur d'évaluation; RT = résidus dans les tissus; VCT = valeur critique de toxicité; j, jour; CE = concentration entraînant un effet; h = heure; CMEO, concentration minimale entraînant un effet néfaste observé; CESE = concentration estimée sans effet; CSEO = concentration sans effet observé; ‒, sans objet.
a. Un facteur d'évaluation pondéré de 3 à 30 a été appliqué aux valeurs critiques de toxicité, compte tenu de la période d'exposition (aiguë ou chronique), du degré de fiabilité global de l'ensemble de données disponibles (compte tenu de facteurs comme la variété et la vulnérabilité des espèces étudiées, la qualité et la quantité des résultats finaux), et de l'extrapolation pour d'autres espèces et sous-espèces, des effets à court et à long terme, et des effets importants et peu importants.
b. Pour faciliter la comparaison des valeurs de CESE et des RT calculés, les valeurs en mg/L ont été converties en mmol/L (division de la CESE de la substance par sa masse moléculaire).
c. Cette VCT se fonde sur les données concernant le BBP; pour la justification de la lecture croisée, voir Environnement Canada et Santé Canada, (2015b).
d. Carnevali et coll. (2010) ont signalé une valeur de toxicité plus faible du DEHP, relativement à la fécondité réduite chez le poisson-zèbre, mais ce résultat n'a pas été retenu comme VCT étant donné l'absence d'analyse statistique pertinente.

8.1.2 Toxicité pour les organismes vivant dans les sédiments

Il y a très peu de données sur la toxicité des phtalates dans les sédiments. Les données sur le phtalate à chaîne courte DEP indiquent une faible toxicité. Les données sur les phtalates à chaîne moyenne DBP et DEHP font état d'une faible toxicité (Call et coll., 2001b; Brown et coll., 1996). Des chercheurs ont toutefois trouvé que le BBP était très toxique pour les organismes vivant dans les sédiments (dans des études d'exposition dans l'eau (Call et coll., 2001a). Dans le cas des phtalates à chaîne moyenne dont il est possible de calculer la CESE dans les sédiments, la valeur de référence se situait entre 0,76 mg/kg p.s. et 97,8 mg/kg p.s., pour le B79P et le DMCHP, respectivement. Ces valeurs se situaient bien en deçà des valeurs établies de saturation maximale dans les sédiments (la saturation maximale étant alors calculée au moyen de la limite de solubilité dans l'eau de la substance, et un coefficient de partage carbone organique-eau [Koc], et d'une valeur par défaut de 0,04 de concentration moyenne en CO pour des sédiments canadiens). Des calculs ont été réalisés pour déterminer les résidus dans les tissus, dans le cas des phtalates à chaîne moyenne, dans une situation où les données sur les effets se situaient au-delà de la limite de solubilité dans l'eau ou n'étaient pas disponibles. La valeur la plus élevée de résidus dans les tissus des organismes vivant dans les sédiments était de 0,05 mmol/kg pour le DIHepP, ce qui indique que la concentration intrinsèque des phtalates à chaîne moyenne a peu de chance d'atteindre une teneur susceptible d'entraîner des effets létaux aigus ou chroniques. Dans les études de la toxicité des phtalates à chaîne longue dans les sédiments, aucun effet néfaste n'a été observé à la plus grande concentration mise à l'essai, et ce, même pour une concentration qui dépassait la limite de saturation maximale de la substance dans les conditions d'étude. Ainsi, pour ce qui est du DIDP, aucun effet négatif n'a été observé à la concentration la plus élevée dans les essais sur les sédiments. Les résidus dans les tissus calculés pour le DIDP se situaient à 0,008 mmol/kg, ce qui est sous le seuil susceptible de provoquer une toxicité aiguë ou chronique par narcose.

8.1.3 Toxicité chez les organismes vivant dans le sol

Il existe peu d'études sur la toxicité dans le sol des phtalates à chaîne courte (par exemple, le DMP) et des phtalates à chaîne moyenne (par exemple, le BBP), ce qui indique que ces phtalates ne présentent pas une grande toxicité pour les organismes vivant dans le sol (résultats résumés dans Environnement Canada et Santé Canada, 2015a, b). En ce qui concerne les phtalates à chaîne longue, les analyses des RCC de DINP et de DIDP indiquaient que, jusqu'au point de saturation du sol, il est peu probable que la concentration intrinsèque de ces substances atteigne une teneur susceptible d'entraîner des effets néfastes (résultats résumés dans Environnement Canada et Santé Canada, 2015c, d).

8.1.4 Toxicité pour la faune

L'exposition de la faune aux phtalates à chaîne courte par l'inhalation a été évaluée, car ces substances présentent une période de persistance dans l'atmosphère relativement longue (résultats résumés dans Environnement Canada et Santé Canada, 2015e). Une étude d'inhalation chez des rats exposés au DEP (SCCNFP, 2002) a permis de calculer une CESE de 49 mg/m3.

La toxicité des phtalates pour la faune, par l'exposition dans la chaîne alimentaire n'a pas fait l'objet d'une évaluation quantitative. Nous n'avons retrouvé aucune étude sur l'empoisonnement secondaire de la faune dans les publications spécialisées. Par ailleurs, comme nous le mentionnions plus haut dans le présent rapport, les phtalates subissent une biotransformation rapide chez les vertébrés et ces substances présentent de faibles possibilités de bioaccumulation et de biomagnification. Il s'ensuit que l'exposition par la chaîne alimentaire ne devrait pas constituer un problème

8.2 Évaluation de l'exposition de l'environnement

Certains phtalates ont fait l'objet de mesures dans les milieux comme l'air, l'eau, les sédiments et les sols, ainsi que le biote au Canada et ailleurs dans le monde. Les concentrations mesurées pour le Groupe de substances des phtalates sont présentées dans les rapports ECS (Environnement Canada et Santé Canada, 2015a-d). Les concentrations mesurées pour d'autres phtalates dans les milieux environnementaux canadiens sont résumées dans ECCC (2016).

L'information sur les concentrations de phtalates dans les eaux usées du Canada a été recueillie lors d'une campagne de prélèvements réalisée entre 2014 et 2016 en vertu du Programme de suivi et de surveillance d'ECCC. On a prélevé aux fins d'analyse des échantillons d'affluents et d'effluents dans des systèmes de traitement des eaux usées appartenant à cinq installations industrielles qui fabriquent ou utilisent des phtalates, ainsi que des échantillons d'affluent et d'effluent des systèmes de traitement des eaux usées (STEU)Note de bas de page 3 hors site, mais vers lesquels des installations industrielles dirigent leurs effluents. En plus de ces cinq sites industriels et des STEU connexes, les affluents et les effluents de onze autres STEU ont été échantillonnés et analysés (communication personnelle; données de surveillance environnementale non publiées, reçues en 2015 par la Division des évaluations écologiques d'ECCC, de la Division de la recherche sur les contaminants aquatiques d'ECCC, sans référence). Les seuils de détection de certains phtalates se situaient entre 0,0001 μg/L et 20,7 μg/L. Deux phtalates, le DIOP et le CHIBP, n'ont été détectés dans aucun des échantillons d'effluent. L'élimination des phtalates par le traitement sur place présentait une efficacité de plus 50 %, la moitié des installations étant efficaces à supérieur(e) à 90 %, et la moins efficace l'ayant été à inférieur(e) à 6 %. La plupart des opérations d'élimination par le traitement hors site furent efficaces à plus de 50 %, moins d'un dixième des installations ayant été efficaces à supérieur(e) à 90 %, la moins efficace l'ayant été à inférieur(e) à 8 %.

La concentration de différents phtalates observés dans l'effluent de 16 STEU a servi au calcul de la concentration prévue dans l'environnement (CPE) dans l'eau réceptrice près du point de rejet du STEU. Le calcul de la CPE a fait appel à l'équation que voici :

CPE = Ceff / FD

où :

CPE est la concentration aquatique dans le plan d'eau récepteur en μg/L
Ceff est la concentration de phtalate dans l'effluent du STEU en μg/L
FD est le facteur de dilution des eaux réceptrices (rapport du débit des effluents de la STEU sur le débit des eaux réceptrices), il est sans dimension..

Dans le cadre de l'approche en fonction du quotient de risqueNote de bas de page 4, le calcul du facteur de dilution (FD) est fondé sur le 10e centile le plus bas du débit du plan d'eau récepteur. Ce 10e centile représente le débit le plus faible au cours d'une période de 30 jours, soit la durée typique d'une étude de toxicologie. Nous supposerons que ces trente jours de débit faible sont consécutifs et devraient survenir en été. La concentration résultante dans le milieu est ensuite directement comparée à la concentration entraînant des effets. De plus, pour estimer la concentration de phtalates près du point de rejet (près du terrain), le FD a été limité à 10.

Le FD utilisé dans l'approche cumulative a été calculé à l'aide du 50e centile du débit du plan d'eau récepteur, afin de tenir compte de la longue période nécessaire à l'accumulation des phtalates dans les tissus d'un organisme. En effet, cette mesure semble mieux illustrer la concentration moyenne dans l'environnement qui serait susceptible de donner lieu à une accumulation de substance dans les tissus. L'emploi de cette période moyenne plus longue est également jugé plus pertinent pour rendre compte des effets cumulatifs, car les concentrations les plus élevées de phtalates (une variable utilisée dans l'approche cumulative) surviennent dans des moments et des lieux différents. On ne prévoit pas de rejets rapides de grandes quantités de phtalates. Pour ce qui est de l'approche cumulative, nous n'avons pas fixé de limite au FD, puisque cette approche n'est pas circonscrite à la zone du rejet (champ proche).

La CPE pour les utilisateurs et les fabricants industriels de phtalates qui n'ont pas été visés par la campagne d'échantillonnage a été calculée à l'aide de facteurs d'émission obtenus à d'autres sites industriels semblables et pour lesquels on disposait de données de surveillance. Nous avons aussi estimé le taux d'élimination des substances par les STEU sur place ou hors site qui n'avaient pas été échantillonnés, et ce, à partir des données de surveillance d'autres STEU dont le procédé de traitement des eaux est similaire. Dans ces cas précis, la CPE a été calculée à l'aide de l'équation que voici :

CPE = (Q × C × E × (1 - El)) / (N × D × FD)

où :

CPE est la concentration prévue dans l'environnement aquatique du plan d'eau récepteur en μg/L,
Q est la quantité annuelle totale d'une substance fabriquée ou utilisée sur un site industriel en kg/an/site,
C est le facteur de conversion des kg en μg, soit 1 × 109 μg/kg,
E est la fraction du facteur d'émission,
El est la fraction du taux d'élimination d'un STEU,
N est le nombre de journées où se produit un rejet par année, en jour/an
D est le débit de l'effluent en L/j,
FD est le facteur de dilution des eaux réceptrices (rapport du débit des effluents du STEU sur le débit des eaux réceptrices), il est sans dimension.

Dans le cadre de l'approche utilisant le quotient de risque, nous avons utilisé le 10e centile du débit du plan d'eau récepteur pour calculer le facteur de dilution (FD). Ce dernier a été limité à 10 pour estimer la concentration de phtalates près du point de rejet (champ proche). Vu la période plus grande requise pour que les phtalates s'accumulent dans les tissus d'un organisme, le  pour l'approche cumulative4 a été calculé en retenant le 50e centile du débit du plan d'eau récepteur. En outre, le  n'a été assujetti à aucune limite, puisque l'approche cumulative n'est pas circonscrite à la zone du rejet (champ proche).

Le tableau 8-4 énumère les plages de valeurs de  en champ proche établies à partir des données de surveillance et de la modélisation mentionnées ci-dessus. Cette méthode a permis d'établir environ 600 CPE. Parmi la quantité de substances fabriquées ou utilisées qui ont figuré dans l'enquête réalisée en 2012 en vertu de l'article 71, 95 % ont été pris en compte dans les données de surveillance et de modélisation recueillies. Le 5 % restant concerne une utilisation de faible volume et des usages qui ne devraient pas entraîner de grands rejets dans le milieu aquatique. Les trois substances qui avaient la CPE la plus élevée étaient le B79P (3,8 μg/L), le DINP (3,4 μg/L) et le DCHP (3,2 μg/L).

Tableau 8-4. Concentrations de phtalates prévues dans l'environnement en champ proche
Substance
(no CAS)
Plages de valeurs de la CPE
(μg/L)
Limites inférieure et supérieure de détection
(μg/L)
Fréquence de détection dans les affluents de STEUbFréquence de détection dans les effluents de STEUb
DMP
(131-11-3)
ND - 0,201,0 × 10-3 - 0,3654 / 9321 / 93
DEP
(84-66-2)
ND - 2,90,42 - 3,187 / 9024 / 90
DPrP
(131-16-8)
1,0 × 10-3 - 0,054,0 × 10-3 - 0,0962 / 9030 / 90
DIBP
(84-69-5)
ND - 0,210,07 - 1,669 / 9016 / 90
DBP
(84-74-2)
ND - 0,750,51 - 3,419 / 9010 / 90
CHIBP
(5334-09-8)
NANA0 / 00 / 0
BCHP
(84-64-0)
ND - 0,153,0 × 10-3 - 0,0265 / 9040 / 90
BBP
(85-68-7)
ND - 2,00,29 - 3,464 / 9039 / 90
DCHP
(84-61-7)
ND - 3,24,0 × 10-3 - 5,526 / 905 / 90
DnHP
(84-75-3)
ND - 0,011,0 × 10-3 - 7,0 × 10-327 / 9026 / 90
DBzP
(523-31-9)
ND - 0,021,0 × 10-3 - 0,0178 / 9038 / 90
B79P
(68515-40-2)
ND - 3,81,0 × 10-3 - 1975 / 9050 / 90
DMCHP
(27987-25-3)
ND - 0,021,0 × 10-4 - 0,0158 / 9036 / 90
DIHepP
(71888-89-6)
ND - 0,409,0 × 10-3 - 0,2087 / 9039 / 90
79P
(111381-89-6)
ND - 3,0 × 10-3aNA0 / 00 / 0
BIOP
(27215-22-1)
ND - 0,011,0 × 10-3 - 6,0 × 10-386 / 9039 / 90
DIOP
(27554-26-3)
ND - 0,360,01 - 135 / 900 / 90
DEHP
(117-81-7)
3,0 × 10-3a - 1,6a1,3 - 1383 / 9015 / 90
DINP
68515-48-0 / 28553-12-0)
ND - 3,4a0,33 - 2,890 / 9028 / 90
B84P
(16883-83-3)
ND - 0,100,02 - 0,1168 / 9025 / 90
610P
(68648-93-1)
0,11a - 0,50aNA0 / 00 / 0
DnOP
(117-84-0)
ND - 0,410,02 - 0,3985 / 9030 / 90
D911P
(68515-43-5)
0,16a - 1,1aNA0 / 00 / 0
D911P-2
(111381-91-0)
2,0 × 10-3aNA0 / 00 / 0
DIDP
(26761-40-0 / 68515-49-1)
ND - 1,30,14 - 0,4890 / 9064 / 90
DIUP
(85507-79-5)
ND - 0,04a3,0 × 10-3 - 0,1287 / 9020 / 90
DTDP
(68515-47-9)
ND - 4,0 × 10-31,0 × 10-4 - 1,0 × 10-376 / 9050 / 90
DUP
(3648-20-2)
1,3 × 10-4 - 0,091,0 × 10-3 - 0,1086 / 9022 / 90

Abréviations : ND = non détecté; NA = non analysé; CPE = concentration prévue dans l'environnement; STEU = système de traitement des eaux usées.
a. CPE modélisée, à partir de facteurs d'émission industriels et selon les quantités déclarées en vertu de l'article 71.
b. Number of samples in which the phthalate was detected, divided by the total number of samples.

Une analyse des lieux où on exerçait une surveillance industrielle et municipale porte à croire que la charge de phtalate en provenance des fabricants ou d'utilisateurs industriels connus correspondait à moins de 10 % de la charge totale de phtalate dans les affluents de STEU hors site. Dans deux cas seulement (DUP et B79P), on a pu relier la présence de phtalate dans un affluent de STEU à un utilisateur ou à un fabricant industriel. Cela laisse entendre qu'une bonne partie des phtalates dont la présence a été relevée dans des STEU hors site peut provenir d'autres sources, comme les eaux usées résidentielles ou commerciales, des sources industrielles non répertoriées en vertu des exigences de déclaration au cours d'une enquête réalisée conformément à l'article 71, ou du lixiviat d'une décharge.

Parmi les seize STEU hors site visés par la campagne d'échantillonnage, trois reçoivent et traitent du lixiviat provenant de décharges proches. Pour chaque phtalate dans chacun des STEU, on a une estimation de la charge d'affluent individuel. À l'exception d'un phtalate (DUP), pour lequel une source industrielle a été identifiée, il fut établi que la charge moyenne de phtalates par un STEU recevant du lixiviat de décharge était de 2 à 9 fois plus élevée que la charge moyenne individuelle de phtalates d'un STEU qui ne recevait pas de lixiviat. Ce constat porte à croire que le lixiviat de décharge pourrait constituer une source non négligeable d'apport en phtalates dans les affluents de STEU. Par ailleurs, puisque la quantité totale de phtalates qui aboutit dans une décharge à partir de produits en fin de vie, d'articles fabriqués ou d'autres matériaux demeure inconnue et puisque la concentration de phtalates dans le lixiviat de décharge n'a pas été mesurée, il est actuellement impossible de confirmer ou de quantifier la contribution du lixiviat de décharge comme source de phtalates dans les STEU.

8.3 Caractérisation des risques pour l'environnement

8.3.1 Considérations générales

Le rejet de phtalates survient dans le cadre de diverses activités industrielles et de manière constante par l'utilisation de produits et d'articles de consommation grand public qui contiennent des phtalates, le rejet dans l'environnement se produisant principalement dans l'eau, par l'entremise des systèmes de traitement des eaux usées hors des sites de leur production. Les phtalates ne sont pas liés chimiquement à une matrice de polymère et peuvent donc migrer lentement jusqu'à la surface de polymère et possiblement pénétrer dans l'environnement. Les phtalates subiront une biodégradation rapide et ces substances ne devraient pas persister dans l'environnement. En milieu anaérobique, la dégradation peut être un peu plus lente, ce qui prolongera la durée d'exposition des organismes à ces substances. À la lumière de l'information sur les rejets et la distribution prévue dans l'environnement, les organismes aquatiques et endogés à proximité du lieu de rejet pourraient être les plus exposés. La concentration de phtalate devrait diminuer en fonction l'éloignement du point de rejet. Morin (2003) a toutefois trouvé un risque de transport atmosphérique sur de grandes distances du phtalate à chaîne courte DMP. Ruzicková et coll. (2016) ont également trouvé des preuves d'un transport de phtalates sur des particules fines dans l'atmosphère.

On estime que le milieu aquatique est le principal milieu récepteur de l'environnement pour l'ensemble des phtalates. Les rejets dans le milieu aquatique sont constants et on a même retrouvé dans l'eau des phtalates à chaîne longue qui sont fortement hydrophobes). La répartition des phtalates dans les milieux environnementaux dépend principalement du milieu dans lequel ils sont initialement rejetés, de leur hydrosolubilité et de leur coefficient de partage. On s'attend à ce que les phtalates à chaîne courte et certains phtalates à chaîne moyenne persisteront dans l'eau, et que les phtalates à chaîne longue et certains autres phtalates à chaîne moyenne se partitionneront dans les sédiments et d'absorberont sur des particules. Les données disponibles sur la toxicologie pour les organismes vivant dans le sol et les sédiments indiquent qu'il ne devrait probablement pas y avoir d'effets à une concentration qui aurait une incidence sur l'environnement. En ce qui concerne les phtalates à chaîne longue et certains des phtalates à chaîne moyenne plus grande (DIHepP, B84P), aucune toxicité n'a été observée sous les seuils de solubilité dans l'eau ou de saturation du sol ou des sédiments, ou des deux. Cette évaluation portera donc principalement sur les organismes aquatiques chez lesquels des effets néfastes induits par une exposition aux phtalates ont été observés. Les effets aigus des phtalates à chaînes courte et moyenne sur les organismes aquatiques peuvent être grave (CL50 de 0,08 mg/L) à modérés (CL50 de 10 mg/L).

8.3.2 Évaluation des risques cumulatifs pour les phtalates du Groupe des substances et les phtalates supplémentaires

Lorsque des produits chimiques similaires ont des effets combinés sur les organismes, par un mode d'action commun, il est pertinent d'évaluer les risques découlant d'une exposition cumulative, plutôt que de considérer séparément les risques liés à chaque substance. Pour déterminer s'il y a lieu de réaliser une évaluation des risques cumulatifs (ERC), le facteur le plus important à retenir est la présence simultanée de substances dans un milieu environnemental ou plusieurs milieux environnementaux. Dans le cas des phtalates, plusieurs sources de données suggèrent la présence possible de la présence de différents phtalates dans l'environnement, découlant notamment de leur utilisation, leur rejet, leurs processus de dégradation, et leur présence dans l'effluent d'un STEU. Le choix de la méthode d'ERC dépend de l'existence d'un mode d'action (MA) commun aux substances. Il existe suffisamment de preuves que l'exposition de courte durée à chacun des phtalates se traduit par une narcose et qu'ainsi on peut examiner ces substances ensemble dans le cadre d'une ERC par ajout de concentration (AC).

Le choix de la méthode d'ERC dépend du genre de données disponibles pour permettre la caractérisation de l'effet et de la concentration d'exposition de chaque substance. La méthode de la somme des unités toxiques internes a été retenue parmi les diverses méthodes d'AC offertes. Cette approche repose sur la somme des unités toxiques internes dans l'organisme (c'est-à-dire la concentration d'une substance dans les tissus), plutôt que sur les concentrations des substances dans un milieu externe (comme l'eau). Cette façon de procéder se nomme également approche fondée sur les résidus corporels critiques (RCC).

Le somme des unités toxiques internes (UTIm) pour un groupe de substances s'effectue à l'aide de la formule ci-dessous. Pour cette ERC, on estime l'unité toxique interne de chaque substance comme le produit de sa concentration prévue dans l'eau, CPE, par son facteur de bioaccumulation, FBA, divisé par le produit des résidus corporels critiques, RCC, associés au caractère létal chronique chez les organismes aquatiques (0,2 mmol/kg pour la narcose; McCarty et Mackay 1993) par la masse moléculaire de la substance, MM, le tout multiplié par un facteur d'évaluation, FE. Nous avons retenu un facteur d'évaluation de 5, car les RCC se fondent sur le caractère létal de la substance. Il s'ensuit que le facteur d'évaluation doit permettre d'extrapoler des effets létaux moyens pour rendre compte d'effets sublétaux faibles ou inexistants. Un facteur plus grand n'était pas jugé nécessaire, puisque les RCC s'appliquent de prime abord une exposition chronique à une substance (de longue durée).

ITUm equation

Veuillez consulter Environnement Canada et Santé Canada (2015e) pour trouver plus de précisions sur les méthodes d'évaluation des risques cumulatifs, y compris la méthode de la Somme des unités toxiques internes (UTI).

Le calcul de l'ERC englobe les 28 phtalates, soit les 14 substances du groupe des substances de phtalates et les 14 autres phtalates. Même si aucun effet n'a généralement été observé pour ce qui est des phtalates à chaîne longue, analysés individuellement en fonction de leur limite de solubilité dans l'eau, il s'agit de substances les plus vendues dans le commerce au Canada et les données de surveillance indiquent que certains de ces produits sont présents en grande concentration dans les effluents des eaux usées. L'approche retenue (méthode UTI) fait en sorte qu'il est possible que ces substances continuent de contribuer aux effets cumulatifs létaux dus à la narcose. Mayer et Reichenberg (2006) soutiennent cette approche et ils ont établi que les substances très hydrophobes qui n'induisent pas directement d'effets de narcose pourraient néanmoins contribuer à la toxicité de mélanges chimiques complexes.

Pour le calcul des UTI, nous avons retenu la CPE la plus élevée déterminée pour chaque phtalate, ce qui permet de formuler l'hypothèse prudente voulant que les plus grandes concentrations de tous les phtalates puissent être présentes simultanément en un lieu. La valeur de  utilisée (au dénominateur) était de 0,2 mmol/kg en ce qui concerne une exposition létale chronique (McCarty et Mackay, 1993). Les résultats des calculs d'UTI figurent au tableau B-1 de l'annexe B. Avant la prise en compte d'un facteur d'évaluation, la somme des unités toxiques internes pour les 28 phtalates est de 0,033. L'unité toxique la plus élevée du mélange est celle du BBP (0,02). Dix phtalates - les BBP, D911P, DCHP, B79P, DIOP, DINP, DEHP, DBP, DEP et DIHepP - contribuent pour environ 95 % aux risques cumulatifs de narcose (figure B-1 de l'annexe B).

Si on applique un  à la somme des UTI, le mélange final a un UTI is 0,2 (0,033 x 5). Ce résultat indique l'existence d'un faible risque d'effets induits par le mélange. Un examen de l'apport des divers phtalates à la toxicité du mélange indique qu'une substance en particulier, le BBP, contribue largement à la toxicité globale (voir l'annexe B1).

8.3.3 Calcul du quotient des risques individuels et prise en compte des effets sur le système endocrinien

Les rapports ECS (Environnement Canada et Santé Canada, 2015a-d) contiennent des analyses du quotient de risque (QR) dans le milieu aquatique pour les phtalates à chaîne courte et certains phtalates à chaîne moyenne. En ce qui concerne les autres phtalates à chaîne moyenne et à chaîne longue, leur faible hydrosolubilité et leur fort caractère hydrophobe laissent à penser que l'exposition des organismes par voie alimentaire sera prédominante, plutôt que l'exposition au milieu ambiant. C'est pourquoi on a calculé les résidus dans les tissus sur la base des facteurs de bioaccumulation et de la solubilité dans l'eau, que l'on a comparés avec les résidus corporels critiques (RCC) causant une narcose, afin d'estimer la possibilité que la concentration d'une substance atteigne une valeur suffisamment élevée pour produire des effets associés à la narcose de référence. Pour aucune des substances du Groupe de substances des phtalates, on n'a obtenu des QR ou des RCC individuels pointant vers un risque de dommage aux organismes aquatiques, causé par la narcose. À noter que les RCC établis étaient prudents, car le calcul se fondait sur la limite maximale de solubilité dans l'eau de chaque substance, et une biodisponibilité totale était présumée; les RCC seraient encore plus bas, si l'on avait utilisé la concentration réelle dans l'environnement plutôt que les limites de solubilité dans l'eau.

L'approche des UTI utilisée dans le cadre de cette évaluation fait appel aux RCC létaux établis à partir des données sur les produits chimiques induisant une narcose. Toutefois, des effets issus de modes d'action précis, comme une activité endocrinienne, pourraient se manifester à un niveau d'exposition inférieur à celui provoquant la narcose. Compte tenu du manque de données, une approche cumulative fondée sur l'activité endocrinienne n'est pas actuellement envisageable. Lorsque les données étaient disponibles (tableau 8-5), en plus d'évaluer les risques cumulatifs, les chercheurs ont aussi calculé un quotient des risques (QR) à l'aide des VCT fondés sur les effets endocriniens. Bien que les rapports ECS présentent les QR pour le groupe des phtalates, nous les avons calculés de nouveau pour les besoins de cette évaluation en retenant les plus récentes valeurs de CESE et de CPE, qui figurent aux tableaux 8-3 et 8-4. Ces résultats sont présentés au tableau 8-5 et ils indiquent l'existence d'un risque pour les organismes aquatiques occasionné par les phtalates B79P et DEHP. En ce qui a trait aux autres phtalates non évalués, les quotients de risque se situaient entre 1,2 × 10-3 et 0,58, comme l'indique ECCC (2016).

Le QR calculé pour les effets endocriniens du DEHP indique la possibilité d'un risque pour les organismes aquatiques. Corroboré par la modélisation QRSA, mais compte tenu d'éléments de preuve limités, le QR du B79P à l'égard des daphnies porte à croire que cette substance est très dangereuse et peut poser un risque pour les organismes aquatiques.

Tableau 8-5. Quotients de risque (QR) pour le Groupe de substances des phtalates et le DEHP
Substance
(no CAS)
CPE
(μg/L)
CESE
(μg/L)
QR
(CPE/CESE)
DMP
(131-11-3)
0,201,00,20
DIBP
(84-69-5)
0,211900,001
CHIBP
(5334-09-8)
Non analysé6NC
BCHP
(84-64-0)
0,1560,025
DCHP
(84-61-7)
3,2600,05
DBzP
(523-31-9)
0,023,05,5 × 10-3
B79P
(68515-40-2)
3,84,00,95
DMCHP
(27987-25-3)
0,02602,6 × 10-4
DIHepP
(71888-89-6)
0,40CESE non calculée;
RT pour les poissons établi à 5,39 × 10-3mmol/kg
NC
BIOP
(27215-22-1)
0,013,23,5 × 10-3
DEHP
(117-81-7)
1,630,0723,3
DINP
68515-48-0 / 28553-12-0)
3,4CESE non calculée;
RT pour les poissons établi à 2,6 × 10-4 mmol/kg
NC
B84P
(16883-83-3)
0,10CESE non calculée;
RT pour les poissons établi à 0,10 mmol/kg
NC
DIDP
(26761-40-0 / 68515-49-1)
1,3CESE non calculée;
RT pour les poissons établi à 1,5 × 10-5 mmol/kg
NC
DUP
(3648-20-2)
0,09CESE non calculée;
RT pour les poissons établi à 5,8 × 10-8 mmol/kg
NC

Abréviations : NC = non calculé (aucun effet néfaste n'ayant été observé sous les limites de solubilité dans l'eau); CPE = concentration prévue dans l'environnement (avec un facteur de dilution de 10 et un débit au 10e centile); CESE = concentration estimée sans effet.

8.3.4 Examen des éléments de preuve et conclusion

Les phtalates examinés au cours de cette évaluation préalable ne sont pas persistants, bien que tous se biodégradent plus lentement si la concentration d'oxygène est faible et même si des phtalates à chaîne courte comme le DMP peuvent perdurer plus de deux jours dans l'air et se retrouver à une grande distance de leur point de rejet. Les phtalates entrent dans la fabrication d'une variété de produits de consommation, commerciaux et industriels, ce qui crée les conditions pour un rejet à grande échelle dans l'environnement canadien. Certains phtalates et tout particulièrement le DINP et les phtalates à chaîne longue DIDP et DUP sont fabriqués ou importés en grande quantité. Le rejet constant de phtalates dans l'environnement peut entraîner l'exposition permanente à ces produits de certains organismes vivant dans le milieu récepteur en champ proche. Les phtalates sont surtout rejetés dans l'air et l'eau. Même s'il est prévisible que tous les phtalates atteindront l'eau, seuls les phtalates à chaîne courte comme le DMP devraient se répandre en quantités appréciables dans l'air. Il s'ensuit que l'eau est le principal milieu récepteur préoccupant des phtalates visés par le présent document.

Les phtalates sont biodisponibles mais, en raison de leur fort taux de biotransformation dans le biotope, ils ne présentent pas beaucoup de risque de bioaccumulation. Les phtalates à chaîne longue présentent une faible toxicité chez les organismes aquatiques, tandis que les phtalates à chaînes courte et moyenne affichent une toxicité modérée à élevée. Les phtalates subissent une métabolisation efficace, des métabolites moins toxiques étant formés et pouvant faire l'objet d'une excrétion immédiate. La narcose est un mode d'action toxicologique important des phtalates, mais d'importants éléments de preuve indiquent que certains phtalates peuvent aussi avoir un mode d'action qui induit d'autres effets. Plus particulièrement, certains phtalates peuvent avoir la possibilité de perturber le fonctionnement normal des systèmes endocriniens chez certains organismes, comme le développement gonadique. Si, d'une part, des données in vivo ne démontrent clairement la production d'effets sur le système endocrinien que pour un nombre limité de phtalates, le DEHP notamment, d'autre part, une analyse des données in vivo, in vitro et in silico suggère que de nombreux phtalates présentent des propriétés leur permettant d'avoir un effet négatif sur l'activité endocrinienne dans certaines conditions. On dispose d'une quantité appréciable de données in vivo relatives aux effets des phtalates à chaîne moyenne sur le système endocrinien et le développement de l'appareil reproducteur mâle chez les mammifères. Puisque les voies d'assimilation sont très bien conservées chez les vertébrés, on peut s'attendre que, pour un grand nombre de phtalates à chaîne moyenne sur lesquels on dispose de peu de données, des essais révéleraient des effets sur le système endocrinien d'espèces aquatiques comme les poissons.

Une analyse des quotients de risque a établi qu'un phtalate qui fait partie du Groupe de substances des phtalates, le B79P, et un autre phtalate, le DEHP, pourraient être nuisibles aux organismes aquatiques du Canada. L'analyse des quotients de risque pour les autres phtalates indique un risque possible, de faible à modéré, pour les organismes aquatiques au Canada.

Les principaux éléments de preuve considérés dans la présente ébauche d'évaluation comprenaient les caractéristiques dangereuses des phtalates, dans la mesure où des effets ont été observés chez les organismes aquatiques, comme des effets létaux et la perturbation du cycle de reproduction et du développement pouvant survenir à un faible degré d'exposition, advenant un rejet constant et la présence continue des substances dans l'environnement, comme peuvent l'établir les analyses d'exposition et le calcul de quotients de risque connexes. À la lumière de ces éléments de preuve et à titre de précaution, les chercheurs estiment que deux phtalates, le DEHP et le B79P, peuvent nuire l'environnement au Canada et que ces produits devraient satisfaire aux critères énoncés au paragraphe 64(a) de la LCPE. En 1994, Environnement Canada et Santé Canada ont évalué le DEHP dans le cadre du Programme d'évaluation des substances d'intérêt prioritaire (PESIP). Les deux ministères avaient conclu que le DEHP posait un risque à la santé humaine au Canada, mais ils n'ont pu conclure à l'existence d'un risque pour l'environnement, compte tenu du manque d'information. Or, une quantité suffisante de données a été recueillie au cours de la présente évaluation qui permet maintenant de conclure que le DEHP peut nuire à l'environnement au Canada.

Outre le DEHP et le B79P, certains phtalates à chaînes courte et moyenne - les DMP, DEP, DPrP, DIBP, BCHP, DCHP, DBzP, DMCHP, BIOP, DBP, BBP, DnHP et DINP -, ainsi que le phtalate à chaîne longue DnOP, peuvent être très dangereux en raison de leurs effets possibles sur le système endocrinien. Toutefois, étant donné leur niveau d'exposition actuel, ils ne devraient pas poser de risque. Les autres phtalates du groupe, composés principalement de phtalates à chaîne longue, sont considérés comme peu susceptibles de nuire à l'environnement au Canada. Les 13 autres phtalates n'ont été examinés que pour les besoins de l'évaluation des risques cumulatifs et n'ont pas fait l'objet d'une évaluation individuelle. D'où il s'ensuit qu'aucune conclusion n'a été établie concernant les dommages que chacun de ces autres phtalates pourrait causer à l'environnement.

8.3.5 Incertitudes dans l'évaluation des risques pour l'environnement

Le tableau 8-6 présente les principales incertitudes et une analyse qualitative du poids de la preuve. Cette analyse qualitative a servi à déterminer le degré de confiance global accordé au processus décisionnel qui a mené à la formulation de la conclusion proposée de l'évaluation. Le degré d'incertitude a été évalué en fonction de l'abondance et de la qualité des données et de leur pertinence. L'analyse comportait aussi un examen de la pertinence de chaque élément probant et une évaluation qualitative du poids de chacun d'eux afin de pouvoir établir leur incidence sur la conclusion générale. La fourchette qualificative utilisée dans l'analyse variait de « faible » à « élevé ».

La nature et l'ampleur du potentiel toxique des phtalates examinés dans cette évaluation et susceptibles d'entraîner des effets sur le système endocrinien des organismes aquatiques demeurent hautement incertaines. Pour quelques phtalates, les effets sur le système endocrinien ont été étudiés de manière approfondie, mais de graves lacunes subsistent quant aux données concernant la majorité de ces substances. En outre, les études présentent des variabilités méthodologiques et ont parfois produit des résultats contradictoires. Certains phtalates à chaîne plus longue (supérieur(e) à C7) peuvent avoir une faible activité dans le système endocrinien ou encore accroître l'activité d'autres substances actives au plan endocrinien, mais les éléments de preuve dont nous disposons ne semblent pas indiquer qu'il s'agit là d'un effet important pour ce groupe de phtalates. Par conséquent, même si une analyse des données pour établir l'existence d'activités reliées au système endocrinien (voir les tableaux 8-1 et 8-2) porte à croire qu'un grand nombre de phtalates pourraient avoir une incidence sur l'activité endocrinienne, les résultats à ce jour ne permettent pas de tirer une conclusion au sens de l'article 64 de la LCPE à l'égard de tous les phtalates évalués. Toutefois, les phtalates pour lesquels les données démontrent une activité endocrinienne feront l'objet d'une évaluation plus poussée advenant une évolution des conditions d'exposition (par exemple, si des quantités plus importantes étaient utilisées) ou si d'autres données toxicologiques étaient communiquées.

L'absence de données in vivo relativement aux effets toxiques en milieu aquatique sur le système endocrinien est une autre incertitude importante de l'évaluation. Ces données font défaut pour un grand nombre des phtalates étudiés dans le cadre de cette évaluation. Elles seraient particulièrement utiles dans le cas des phtalates à chaîne moyenne, les substances de ce sous-groupe qui présentent la plus forte toxicité en milieu aquatique et devraient être plus réactives que les phtalates à chaîne courte ou longue. Du reste, en ce qui concerne les phtalates dont les effets sur le système endocrinien ont été analysés, on dispose de peu d'analyses pour faibles concentrations qui correspondent aux conditions pertinentes dans l'environnement. La recherche se poursuit mais, à l'heure actuelle, on ne sait pas si ces substances auraient des effets néfastes aux concentrations observées dans l'environnement.

Il y a très peu de données empiriques relatives aux effets des phtalates sur les organismes vivant dans le sol et les sédiments. Il existe également peu de mesures sur les phtalates dans le sol et les sédiments. Même si les données disponibles laissent à penser qu'il n'y ait pas lieu de se préoccuper de ces milieux environnementaux, un ensemble de données plus riche aiderait à caractériser avec plus de clarté les effets des substances sur ces milieux.

Il subsiste par ailleurs une incertitude quant à la provenance des phtalates observés dans le milieu aquatique. Pour le DEHP, la modélisation suggère que le rejet en milieu aquatique serait d'origine industrielle (fabricants d'articles en plastique, entre autres). Qui plus est, étant donné les concentrations de phtalates mesurées dans les STEU qui reçoivent des eaux usées domestiques et industrielles, dans de nombreux cas, les activités industrielles pourraient ne pas être la principale source des phtalates. Les principales sources seraient plutôt reliées aux produits de consommation et commerciaux ou au lixiviat de décharge mais, pour l'heure, on ne peut déterminer avec précision le point d'origine de ces apports.

Tableau 8-6. Résumé des éléments de preuve et des degrés d'incertitude
Élément de preuveDegré d'incertitudeaPertinence pour l'évaluationbCaractère probant des donnéesc
Utilisation généralisée dans les produits, ce qui implique la possibilité de rejets et de taux d'exposition constants.ModéréModéréeModéré
Prise en compte du milieu environnemental pertinent de distribution.FaibleModéréeModéré
Persistance globale de la substance prise en compte. Généralement non persistant, bien que le DMP puisse subsister plus de deux jours dans l'atmosphère.FaibleÉlevéÉlevé
Les phtalates à chaîne courte comme le DMP se répandent dans l'air et peuvent y perdurer. Des données limitées de test d'inhalation sur des rongeurs suggèrent une faible toxicité.ModéréFaibleFaible
La plupart des substances présentent peu de possibilités de bioaccumulation, même si certains phtalates à chaîne moyenne qui demeurent biodisponibles affichent des possibilités modérées.FaibleÉlevéÉlevé
Les phtalates à chaîne courte et à chaîne longue présentent une faible toxicité induisant la narcose. Les phtalates à chaîne moyenne ont une toxicité modérée à élevée.FaibleÉlevéÉlevé
Les analyses de RCC pour les phtalates à chaîne longue et certains phtalates à chaîne moyenne indiquent une teneur en résidus dans les tissus peu susceptible d'entraîner des effets néfastes par narcose.FaibleÉlevéÉlevé
Il y a des preuves d'une métabolisation rapide et efficace chez les organismes, ainsi que de la formation de métabolites moins toxiques.FaibleÉlevéÉlevé
Il existe de solides éléments de preuve d'effets néfastes de certaines substances sur le système endocrinien (comme le DEHP). L'analyse des données in vitro, in vivo et in silico suggère qu'un grand nombre de substances pourraient avoir une incidence sur le système endocrinien.ModéréÉlevéÉlevé
Empoisonnement secondaire : éventualité non envisagée, car les phtalates présentent peu de caractéristiques de persistance et de bioaccumulation.ÉlevéModéréeFaible
Le calcul des quotients de risque indique la présence de risque des substances DEHP et B79P pour les organismes aquatiques.FaibleÉlevéÉlevé
Le calcul du quotient de risque de la substance DMP indique la possibilité de risque pour les organismes aquatiques.ModéréModéréeModéré
L'analyse des risques cumulatifs indique une faible possibilité de risques cumulatifs associée au mode d'action de la narcose (somme des UTI = 0,2). Une incertitude subsiste quant au facteur d'évaluation utilisé, car ce facteur n'est pas calculé précisément pour les besoins d'une ERC à l'aide des UTI.ModéréÉlevéÉlevé

a. Le degré d'incertitude est déterminé en tenant compte de la qualité des données, de leur variabilité, des lacunes dans les données et du degré de pertinence des données.
b. La pertinence fait référence à l'incidence de la preuve dans le cadre de l'évaluation aux plans scientifique et réglementaire.
c. Le caractère probant est attribué à chaque élément de preuve en fonction directe de sa pertinence dans l'évaluation ainsi que de facteurs, telles la pertinence et la qualité des données.

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