Substances nouvelles : résumés de l'évaluation des risques 13912

Titre officiel : Résumé de l’évaluation des risques pour DSN 13912 : Trichoderma reesei P345A

Le présent document vise à expliquer la décision réglementaire prise en vertu de la Partie 6 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, 1999 (LCPE 1999) concernant la fabrication ou l’importation de Trichoderma reesei P345A par Iogen Corporation dans une installation étanche, à Ottawa.

Les renseignements pertinents concernant T. reesei P345A ont été fournis conformément au paragraphe 29.11(4) du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles (RRSN) de la LCPE 1999.

La Direction des substances nouvelles d’Environnement Canada et le Bureau de l’évaluation et du contrôle des substances nouvelles de Santé Canada ont évalué l’information soumise par Iogen Corporation ainsi que d’autres données scientifiques disponibles en vue de déterminer si T. reesei P345A est toxiqueNote de bas de page 1  ou pourrait devenir toxique au sens de l’article 64 de la LCPE 1999.

Décision réglementaire

En tenant compte des questions de danger et d’exposition et d’après l’évaluation des risques, Environnement Canada et Santé Canada ont déterminé que Trichoderma reesei P345A n’est pas considéré comme toxique1 pour l’environnement ou la santé humaine au Canada au sens de l’article 64 de la LCPE (1999).

La fabrication et l’importation de T. reesei P345A dans une installation étanche pour utilisation dans une installation étanche ou pour exportation uniquement sont autorisées après le 22 juin 2005.

Cette évaluation ne comprend pas d’évaluation des risques pour la santé humaine dans un environnement professionnel ni de l’exposition possible et des risques pour la santé humaine associés à l’utilisation de l’organisme dans un produit assujetti à la Loi sur les aliments et drogues ou en tant qu’élément d’un produit assujetti.

Annexe du RRSN : XVI (un micro-organisme fabriqué ou importé dans une installation étanche et non destine à être introduit à l’extérieur d’une installation étanche ou destiné uniquement à l’exportation)Note de bas de page 2

Identification de l’organism : Trichoderma reesei P345A

Déclarant : Iogen Corporation, 310 ch. Hunt Club est, Ottawa (Ontario) K1V 1C1 Canada

Date de la décision : 22 juin 2005

Utilisation proposée : Production commerciale, dans une installation étanche, d’une enzyme xylanase II thermophile/alcalinophile par la souche génétiquement modifiée Trichoderma reesei P345A.

Historique de la souche/modification génétique

Trichoderma reesei P345A est dérivé d’un mutant auxotrophe de la souche parentale M2C38 par l’introduction du vecteur de transformation linéaire pc/xHTX47a-TV. La cassette de sélection utilisée dans la construction du vecteur de transformation contient un gène de Neurospora crassa servant de marqueur de sélection. La cassette d’expression est composée d’une copie de la version modifiée du gène structural de la xylanase II (xln2), qui produit une nouvelle xylanase thermophile/alcalinophile de T. reesei et qui est régulé par des séquences T. reesei. La souche M2C38 (ATCC 74252) est dérivée de la souche RUTC30 (ATCC 56765) de T. reesei, un dérivé mutagène de la souche fondatrice QM6a (ATCC 13631) qui a été isolée aux Iles Salomon au cours de la Seconde Guerre mondiale à partir de toile de coton (Kuhls et al., 1996).

Examen des dangers

En plus de l’information soumise par le déclarant, on a procédé à un examen du matériel de référence interne et à une recherche exhaustive des ouvrages scientifiques afin de réunir l’information concernant les effets potentiellement nuisibles pour la santé humaine et pour l’environnement attribuables à T. reesei.

Les espèces de Trichoderma sont des champignons saprophytes imparfaits, aérobies et mésophiles, métaboliquement polyvalents, qui sont retrouvées couramment dans le sol (Nevalainen et al., 1994). Les espèces de Trichoderma se différencient principalement par le profil des ramifications des conidiophores et la morphologie des conidies. Les espèces de Trichoderma sont répandues dans la nature, croissent rapidement, sont faciles à cultiver et peuvent produire de grandes quantités de conidies sur une longue période (Manczinger et al., 2002).

En général, la fabrication industrielle à grande échelle de préparations enzymatiques de T. reesei se révèle sans danger dans de nombreuses industries, notamment dans la transformation de l’amidon et des aliments pour animaux, la fabrication d’alcool à partir de grains, le maltage et le brassage, l’extraction des jus de fruits et de légumes, l’industrie des pâtes et papiers ainsi que l’industrie textile (Hjortkjaer et al., 1986). Les espèces de Trichoderma peuvent être tenues pour organismes-hôtes sécuritaires conformément aux critères mentionnés dans les lignes directrices de l’Organisation de coopération et de développement économiques intitulées Recombinant DNA Safety Considerations (OCDE, 1986) ainsi que dans la directive 90/219/EEC du conseil des communautés européennes (CCE) sur l’utilisation des micro-organismes génétiquement modifiés en installation étanche (CCE, 1990).

Il a été démontré que T. reesei est non pathogène et non toxique pour les animaux de laboratoire en bonne santé (Hjortkjaer et al., 1986). Rien n’indique que T. reesei soit un pathogène absolu des végétaux ou des animaux, y compris les humains. Toutefois, cette espèce peut se comporter comme un pathogène opportuniste chez les animaux immunodéprimés dans des conditions expérimentales extrêmes (Hjortkjaer et al., 1986). Certaines espèces de Trichoderma ont été signalées comme de rares et nouveaux pathogènes fongiques (Fleming et al., 2002). La souche parentale M2C38, qui est utilisée depuis 1991, n’a jamais été associée à une infection chez les humains.

Bien que certaines espèces du genre Trichoderma puissent être utilisées comme agents de lutte biologique dans l’agriculture puisqu’elles peuvent produire des composés antifongiques contre plusieurs champignons phytopathogènes, T. reesei P345A n’est pas un tel agent. Certaines espèces de Trichoderma peuvent également produire des toxines dans certaines conditions; cependant, l’expérience pratique d’utilisation de T. reesei indique qu’il est peu probable que cette espèce soit toxinogène (Hjortkjaer et al., 1986). Des tests effectués sur des préparations enzymatiques commerciales confirment qu’aucune substance antibiotique ou inhibitrice n’est produite pendant la croissance des souches industrielles de T. reesei (Hjortkjaer et al., 1986).

Dans un contexte industriel, des réactions allergiques aux carbohydrases ont déjà été signalées. Les xylanases, comme les autres carbohydrases, peuvent également se comporter comme des allergènes. Des études de toxicité ont démontré qu'une administration orale de xylanases natives d’Aspergillus et de Thermomyces n'engendre aucun effet nocif chez les rats et les souris (Pederson and Broadmeadow, 2000). Les xylanases natives n’ont montré aucun effet mutagène lors de test de mutation inverse chez Salmonella typhimurium. De plus, elles n’ont pas causé d’aberration chromosomique dans les cultures de lymphocytes humains (Pederson and Broadmeadow, 2000).

Des réactions allergiques à la souche T. reesei M2C38 ont déjà été signalées chez des travailleurs, mais l’utilisation d’un équipement de protection individuel approprié, comme des ventilateurs personnels, élimine en grande partie le problème. Le déclarant a indiqué que l’enzyme déclarée ne contient aucune trace de composés antifongiques ou de métaux lourds.

Aucun rapport n’indique que N. crassa, la source fongique du gène de sélection utilisé dans la construction du vecteur de transformation, soit un pathogène absolu. Le produit génique de N. crassa facilite la sélection de la souche T. reesei P345A d’un mélange d’autres microorganismes et il est peu probable qu’il présente un danger pour l’environnement étant donné qu’il a de nombreux équivalents fonctionnels chez la plupart des organismes vivants.

Trichoderma reesei et N. crassa sont tous deux classifiés comme organismes de niveau de biosécurité 1 par l’American Type Culture Collection. De plus, T. reesei a été désigné comme organisme du groupe de risque 1 par le Bureau de la sécurité des laboratoires de l’Agence de santé publique du Canada.

Les fragments d’ADN utilisés dans la construction du vecteur de transformation sont bien caractérisés et ne contiennent aucun grand fragment non défini. Des données fournies par le déclarant montrent qu’au moins une partie du gène de résistance à l’ampicilline produisant une β-lactamase s’est intégrée dans le un chromosome de la souche P345A. Par contre, le gène de résistance à l’ampicilline utilisé dans la construction du vecteur de transformation est régulé par un promoteur bactérien qui n’est pas fonctionnel chez T. reesei. De plus, il a été démontré que l’ADN vecteur est intégré de façon stable au chromosome sans perte ni réarrangement de séquence, et ce, même après plusieurs générations sur des milieux non sélectifs. Par conséquent, la possibilité de transfert latéral de gène de cet organisme aux humains, aux animaux ou à d’autres micro-organismes dans l’environnement est extrêmement faible.

La modification génétique de l’enzyme native résulte en une meilleure thermostabilité et en un pH optimal supérieur de la nouvelle xylanase. Les modifications génétiques utilisées pour obtenir T. reesei P345A ne soulèvent pas de préoccupations quant à la modification de sa virulence ou de sa pathogénicité pour les humains, les animaux et les végétaux ou quant à ses dangers pour l’environnement. Le phénotype résultant de la modification est bien caractérisé et n’est pas susceptible d’influencer le comportement normal de T. reesei.

Examen des aspects liés à l’exposition

Les espèces de Trichoderma, dont T. reesei, sont des champignons saprophytes courants dans le sol, sont retrouvées dans les sols de toutes les régions climatiques et sont particulièrement répandues dans la litière des forêts mixtes et humides de feuillus (Nevalainen et al., 1994).

T. reesei P345A est fabriqué uniquement comme intermédiaire dans la production d’une xylanase II modifiée dans une installation étanche. Le déclarant a indiqué que le procédé de fabrication répond aux normes du niveau d’étanchéité des Good Large Scale Practices (GLSP) telles que décrites à l’annexe K du document des National Intitutes of Health des États-Unis intitulé Guidelines for Research Involving Recombinant DNA Molecules (NIH, 2002). La souche déclarée n’est pas destinée à être disséminée à l’extérieur de l’installation étanche. Par conséquent, a probabilité d’exposition de l’environnement et de la population en général est faible.

Le déclarant décrit les procédures visant à restreindre l’exposition potentielle des travailleurs. Celles-ci comprennent, entre autres, le port d’un équipement de protection (des masques respiratoires avec filtres à particules, des visières ou des lunettes de sécurité avec protecteurs latéraux, des gants de caoutchouc, des sarraus ou des combinaisons) approuvé par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) pour les travailleurs exposés de façon chronique aux poussières ou aérosols d’enzymes au cours d’opérations comme les repiquages ou la préparation des bouillons de fermentation.

Des précautions sont en place et utilisées par le déclarant afin d’assurer que les gaz d’échappement et les aérosols émanant du fermenteur sont décontaminés par rayonnement UV pour détruire tous les organismes et au moyen d’un système de cyclone avec épurateur qui élimine les produits volatils et les odeurs. Le fermenteur est équipé d’un système d’alarme activé en cas de pression élevée, de débordement de mousse ou d’un bas niveau. Le fermenteur est aussi entouré d’une digue en cas de déversement important. Comme T. reesei P345A n’est pas dangereux en soi, une dissémination accidentelle à partir de l’installation de fabrication ne devrait pas présenter de risque grave pour l’environnement et la santé humaine.

Lorsque la production d’un lot d’enzyme est terminée, l’amas de cellules utilisées est inactivé chimiquement à l’aide d’un composé d’ammonium quaternaire, puis expédié dans un site d’enfouissement ou de compostage enregistré en conformité avec la réglementation provinciale. La désinfection chimique à l’aide de ce composé entraîne une réduction de la biomasse de 99.999%. Des études en laboratoire sur la survie de T. reesei indiquent qu’il peut survivre dans des conditions climatiques froides (Providenti et al., 2004). Étant donné que T. reesei P345A n’est ni pathogène ni toxique, on prévoit que la probabilité de dommages importants pour l’environnement ou la santé humaine découlant de cette voie d’exposition sera minime.

Références

CCE. 1990. Directive 90/219/EEC du conseil, relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés. Journal officiel n° L 117 du 08/05/1990 p. 0001 - 0014.

Fleming, R. V., Walsh, T.J. and Anaissie, E.J. 2002. Emerging and less common fungal pathogens. Infectious Clinic Diseases of North America. 16(4): 915-933.

Hjortkjaer, R.K., Bille-Hansen, V., Hazelden, K.P., McConville, M., McGregor, D.B., Cuthbert, J.A., Greenough, R.J., Chapman, E., Gardner, J.R. and Ashby, R. 1986. Safety evaluation of Celluclast®, an acid cellulase derived from Trichoderma reesei. Journal of Food and Chemical Toxicology. 24(1): 55-63.

Kuhls, K., Lieckfeld, E., Samuels, G.J., Kovacs, W., Petrini, O., Gams, W., Borner, T. and Kubicek, C.P. 1996. Molecular Evidence that the asexual industrial fungus Trichoderma reesei is a clonal derivative of the ascomycete Hypocrea jecorina. Proc. Nat. Acad. Sci. USA. 93: 7755-7760.

Manczinger, L., Antal, Z. and Kredics, L. 2002. Ecophysiology and breeding of mycoparasitic Trichoderma strains (a review). Acta Microbiologica et Immunologica Hungarica. 49(1): 1-14.

NIH. 2002. Guidelines for Research Involving Recombinant DNA Molecules -Appendix K (en anglais seulement), Department of Health and Human Services, National Institutes of Health.

Nevalainen, H., Suominen, P. and Taimisto, K. 1994. Minireview on the safety of Trichoderma reesei. Journal of Biotechnology. 37: 193-200.

Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). 1986. Recombinant DNA Safety Considerations: Safety Considerations for Industrial, Agricultural and Environmental Applications of Organisms Derived by Recombinant DNA Techniques (eng anglais seulement) [PDF]

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Providenti, M.A., Mautner, I.S., Chaudhry, O., Bombardier, M., Scroggins, R., Gregorich, E. and Smith, M.L. 2004. Determining the environmental fate of a filamentous fungi, Trichoderma reesei, in laboratory-contained intact soil-core microcosms using competitive PCR and viability plating. Canadian Journal of Microbiology. 50: 623-631.

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