Substances nouvelles : résumé de l'évaluation des risques EAU-313

Le présent document vise à expliquer la décision réglementaire prise en vertu de la partie 6 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, 1999 (LCPE 1999) concernant la fabrication de la souche CB1 de Carnobacterium maltaromaticum par Griffith Laboratories Ltd., en vue de son introduction sur le territoire canadien. Les renseignements pertinents concernant la souche CB1 de C. maltaromaticum ont été fournis conformément au paragraphe 3(1) du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles (organismes) de la LCPE 1999.

Le Bureau de l’évaluation et du contrôle des substances nouvelles de Santé Canada a évalué l’information soumise par Griffith Laboratories Ltd., ainsi que d’autres données scientifiques disponibles en vue de déterminer si la souche CB1 de C. maltaromaticum est toxique1 ou est capable de devenir toxique, selon la définition donnée à l’article 64 de la LCPE 1999.

Décision réglementaire :

En tenant compte des questions de danger et d’exposition et d’après l’évaluation des risques, Santé Canada a conclu que la souche CB1 de C. maltaromaticum n’est pas considérée comme toxique pour l’environnement ou la santé humaine au Canada au sens de l’article 64 de la LCPE 1999. Conséquemment, la fabrication de la souche CB1 de C. maltaromaticum pour son introduction sur le territoire canadien est permise après le 12 octobre 2007.

Cette évaluation ne comprend pas d’évaluation des risques pour la santé humaine dans un environnement professionnel ni de l’exposition et des risques possibles pour la santé humaine associés à l’utilisation de l’organisme dans un produit assujetti à la Loi sur les aliments et drogues ou en tant qu’élément d’un produit assujetti.

Annexe du RRSN(O) : 1 (fabrication d’un micro-organisme destiné à être introduit sur le territoire canadien).
Identification de l’organisme : Souche CB1 de Carnobacterium maltaromaticum
Déclarant : Griffith Laboratories Ltd., 757 av. Pharmacy, Toronto (ON) M1L 3J8
Date de la décision : 12 octobre 2007
Utilisation proposée : Additif alimentaire pour des viandes prêtes à manger emballées sous vide ou en atmosphère modifiée et des viandes transformées, hachées

Historique de la souche :

La souche CB1 de C. maltaromaticum, existant à l’état naturel, a été isolée de porc emballé provenant d’épiceries à Edmonton, Alberta, en 2001 par CanBiocin. La souche déclarée a fait l’objet d’analyses afin de déterminer son activité antimicrobienne contre Listeria monocytogenes et a été déposée auprès de l’ATCC en 2003 comme souche brevetée. Selon le NCBI, C. maltaromaticum est un synonyme de Lactococcus maltaromicus, L. piscicola, L. carnis, C. piscicola, C. maltaromicus et de Carnobacterium piscicola.

L’identification de la souche CB1 a été faite à partir des caractéristiques morphologiques, de tests de fermentation des glucides AP150 CH et AP150 CHL et d’une analyse des séquences nucléotidiques des espaceurs entre les gènes d’ADNr 16S et 23S.

Examen des dangers :

Danger environnemental

Le genre Carnobacterium comprend des bactéries lactiques ubiquistes isolées dans des environnements terrestres et aquatiques froids et tempérés. C. maltaromaticum est l’espèce de Carnobacterium la plus abondante dans l’environnement. C’est un constituant normal des téguments et de la microflore intestinale des poissons [1-7]. C. maltaromaticum a également été isolé dans des poissons très stressés et a été mis en cause dans quelques cas d’infection chronique chez les salmonidés, la barbotte, la carpe, le bar d’Amérique, la truite arc-en-ciel et la barbue de rivière [8-15]. C. maltaromaticum a souvent été décelée chez des truites sexuellement matures et d’âges post-reproductifs dans le Nord-Ouest du Pacifique (É.-U.). Certaines d’entre elles présentaient des signes de pseudo-maladie du rein ou de lactobacillose [9].

La piscioline 126 et la carnobactériocine BM1 sont des bactériocines produites par la souche CB1 qui inhibent la croissance de L. monocytogenes et d’Enterococcus, mais elles n’exercent aucun effet sur les levures et les bactéries Gram négatif [16]. Carnobacterium spp.pourraient éventuellement être utilisés comme probiotique pour poissons contre les infections systémiques causées par Aeromonas salmonicida, Vibrio anguillarum et Yersinia rucker. Le déclarant a démontré scientifiquement que les bactériocines produites par C. maltaromaticum CB1 sont faciles à digérer et instables dans l’appareil digestif de mammifères et qu’il est donc peu probable qu’elles soient toxiques ou allergènes chez les animaux. Comme les bactériocines sont uniquement produites dans des milieux bien définis et n’agissent que sur des micro-organismes spécifiques, elles ne devraient pas avoir d’effets néfastes sur la biodiversité lorsqu’elles sont libérées dans l’environnement.

Même si C. maltaromaticum est omniprésent dans la nature et couramment utilisé dans l’industrie alimentaire comme additif, les rapports concernant ses effets nocifs sur l’écosystème, notamment son rôle dans le cycle biogéochimique et son effet pathogène sur les insectes, les animaux, les oiseaux et les plantes, sont très rares. Seul un cas d’effet pathogène de C. maltaromaticum sur des invertébrés a été signalé [17].

Danger pour la santé humaine

C. maltaromaticum est très souvent associé à des activités humaines entourant la conservation des aliments. Plusieurs rapports ont été publiés sur la présence de Carnobacterium spp. dans des aliments, y compris des viandes et des produits de viande, des légumes, des fruits, des fromages et des fruits de mer, à des concentrations entre 5,0 x 105 et 1,0 x 109 ufc/g [18].

C. maltaromaticum n’est pas considéré comme pathogène pour les humains. Il reste que le micro-organisme est capable de causer des effets indésirables chez les sujets immunodéprimés. Selon l’Agence de la santé publique du Canada, Carnobacterium est un micro-organisme non pathogène et ne nécessite pas de permis d’importation en vertu du Règlement sur l’importation des agents anthropathogènes [19]. La souche CB1 de C. maltaromaticum a reçu une confirmation GRAS (Generally Recognized as Safe) par la Food and Drug Administration en 2005 [20].

Malgré l’ubiquité de cette bactérie, les rapports de cas d’infection clinique par C. maltaromaticum chez lespersonnes en santé semblent rares. Des dépouillements de la littérature n’ont mis au jour qu’un cas d’infection après une amputation accidentelle/traumatique [21]. Cette infection est survenue dans des conditions extrêmes et ne serait pas considérée comme représentative de la pathogénicité du micro-organisme. Carnobacterium sp. a également été retrouvé comme pathogène opportuniste dans un cas clinique de gangrène [22]. Aucun cas de réaction allergique découlant d’une exposition par voie dermique ou par inhalation à C. maltaromaticum n’a été recensé.

Les amines biogènes telles que l’histamine et la tyramine sont produites naturellement par certaines bactéries lactiques par suite d’une décarboxylation des acides aminés, en particulier dans les aliments emballés sous vide et les viandes réfrigérées. Bien qu’aucune donnée n’ait été fournie sur la quantité de tyramine produite expressément par la souche CB1, des données sur des organismes de substitutes semblent indiquer que certaines souches de C. maltaromaticum produisent jusqu’à 140 μg environ de tyramine/g de milieu/jour lorsqu’elles sont cultivées dans un milieu de culture additionné de 2 % de tyrosine [23]. La tyramine ingérée peut causer diverses réactions physiologiques (p. ex. dilatation des pupilles et du tissu palpébral, larmoiement, salivation et augmentation de la fréquence respiratoire), en particulier chez les personnes susceptibles. L’hypertension est l’effet indésirable le plus souvent signalé. Des études cliniques ont montré que la dose seuil pour l’élévation de la pression artérielle après l’ingestion de tyramine se situe entre 200 mg et 400 mg chez les sujets normaux en santé. La biodisponibilité de la tyramine est réduite lorsqu’elle est ingérée avec des aliments [24]. Ainsi, compte tenu des niveaux habituels de consommation quotidienne de tous les produits de viande transformés, il est peu probable que les quantités de tyramine ingérées soient suffisamment élevées pour provoquer ce genre d’effets.

Des renseignements sur la sensibilité aux antibiotiques ont été fournis par le déclarant et montrent que C. maltaromaticum CB1 est relativement résistant à la gentamycine comme à la tobramycine, mais est sensible aux antibiotiques suivants : amoxicilline + acide clavulanique, chloramphénicol, érythromycine, rifampicine, tétracycline et vancomycine. Dans l’éventualité peu probable où C. maltaromaticum CB1 causerait une infection chez les humains, il existe actuellement des traitements antibiotiques.

Le déclarant a fourni des détails sur les procédures normalisées de fonctionnement pour garantir le maintien de la pureté de CB1 durant la fabrication, de même que sur les procédures de contrôle de la qualité pour vérifier la présence de pathogènes transmis par les aliments, tels que Salmonella spp., Staphylococcus aureus et Escherichia coli, dans la formulation finale.

D’après les renseignements disponibles, il semble que C. maltaromaticum ne soit pas intrinsèquement dangereux pour les humains et on ne s’attend donc pas à ce que la souche déclarée exerce des effets nocifs importants dans la population générale.

Examen des aspects liés à l'exposition :

Le micro-organisme déclaré sera fabriqué sous le nom de Micocin II par Lyo-San Inc. Environ 175 000 kg de Micocin II seront produits annuellement. On ne recommande aucune procédure spéciale pour la conservation du produit sec contenant C. maltaromaticum CB1, sinon de le conserver pendant une période d’un an à la température ambiante (22 °C).

Le niveau d’exposition humaine durant la production devrait être comparable à la quantité normalement présente de bactéries lactiques durant la fabrication d’aliments et de boissons. Le déclarant a fourni la fiche signalétique (FS) du produit, qui décrit les instructions relatives à sa manipulation afin de limiter l’exposition éventuelle des travailleurs aux poussières ou aérosols durant la fabrication ou l’application de Micocin II. Des mesures standard d’atténuation du risque seront mises en place pour prévenir le rejet accidentel du micro-organisme déclaré par les installations de fabrication.

Persistance et dispersion

La souche déclarée peut être rejetée dans l’environnement suite à la consommation de produits de viandes traités ou à l’élimination de produits inutilisés et peut éventuellement rejoindre les égouts sanitaires ou les décharges de déchets solides. On peut présumer toutefois que la plupart des cellules de C. maltaromaticum CB1 qui pénètrent dans les usines de traitement des eaux usées seront inactivées ou éliminées par les traitements physiques, biologiques ou chimiques en place. C. maltaromaticum CB1 peut survivre, proliférer dans les décharges et être dispersé par le vent, les oiseaux, les insectes, la faune ou par ruissellement avec l’eau de surface. On s’attend cependant à ce que la quantité de CB1 qui pourrait éventuellement être réintroduite dans l’environnement soit comparable à celle découlant de l’élimination d’autres produits qui contiennent des bactéries lactiques utilisées dans la production et la conservation des aliments.

Références :

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  5. Seppola M, Olsen RE, Sandaker E, Kanapathippillai P, Holzapfel W, and Ringo E. 2005. Random amplification of polymorphic DNA (RAPD) typing of carnobacteria isolated from hindgut chamber and large intestine of Atlantic cod (Gadus morhua l). Syst Appl Microbiol. 29: 131-137.
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  7. González CJ, López-Díaz TM, García-López ML, Prieto M, and Otero A. 1999. Bacterial microflora of wild brown trout (Salmo trutta), wild pike (Esox lucius), and aquacultured rainbow trout (Oncorhynchus mykiss). J Food Prot. 62: 1270-1277.
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  20. USFDA. (2005). Agency Response Letter: GRAS Notice No. GRN 000159. United States Food and Drug Administration. Center for Food Safety and Applied Nutrition. Office of Food Additive Safety.http://www.fda.gov/Food/FoodIngredientsPackaging/
    GenerallyRecognizedasSafeGRAS/GRASListings/ucm154394.htm (en anglais seulement)
  21. Chmelar D, Matusek A, Korger J, Durnova E, Steffen M, and Chmelarova E. 2002. Isolation of Carnobacterium  piscicola from human pus-case report. Folia Microbiol (Praha). 47(4): 455-7.
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1 Conformément à l’article 64 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, 1999 (LCPE 1999), est toxique toute substance qui pénètre ou peut pénétrer dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à : a) avoir, immédiatement ou long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique; b) mettre en danger l’environnement essentiel pour la vie; c) constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.

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