Fleuve Saint-Laurent : des changements dans les milieux humides

Au lac Saint-Pierre, se concentre la plus grande étendue de marais et marécages de tout le Saint-Laurent. La diversité des milieux humides que l'on y trouve est remarquable. Cette région a d'ailleurs été désignée site Ramsar en 1998 selon la Convention sur les zones humides d'importance internationale, et Réserve de la biosphere en 2001.

Carte illustrant le Canada et les États-Unis en mortaise avec un agrandissement sur le tronçon fluvial du Saint-Laurent entre Montréal et Trois-Rivières, incluant les Îles de Boucherville

Tronçon fluvial du Saint-Laurent

Carte illustrant le Canada et les États-Unis en mortaise avec un agrandissement sur le tronçon fluvial du Saint-Laurent entre Montréal et Trois-Rivières, incluant les Îles de Boucerville.

Le saviez-vous ? Parce qu’ils accomplissent des fonctions écologiques essentielles, les milieux humides du Saint-Laurent sont précieux. Ce sont de véritables stations d’épuration naturelles. Abritant une biodiversité remarquable, ils constituent des réserves alimentaires pour la faune  et des zones tampons contre l’érosion des rives.

L’agriculture empiète toujours sur les milieux humides du lac Saint-Pierre

Les milieux humides du lac Saint-Pierre sont exposés aux pressions agricoles. Selon les travaux de scientifiques d’Environnement et Changement climatique Canada, on estime que 76 p.100 du périmètre de ces milieux humides ne possède plus de zone tampon naturelle, soit une ceinture verte de 50 mètres de largeur pouvant les protéger.

Carte illustrant l'embouchure de la rivière Yamaska au lac Saint-Pierre où des lignes rouges indique l'absence de zone tampon autour des milieux humides et où des lignes vertes indiquent leur présence

Absence (rouge) et présence (vert) de zone tampon dans les milieux humides à l'embouchure de la rivière Yamaska au lac Saint-Pierre en 2010

L’absence de zone tampon rend les milieux humides vulnérables à l’empiètement de l’agriculture. À preuve, 826 hectares de milieux humides, soit l’équivalent de 600 terrains de soccer, sont disparus au profit de l’agriculture depuis 1990 au lac Saint-Pierre.

Carte illustrant l'embouchure de la rivière Yamaska au lac Saint-Pierre où des zones de couleur jaune indiquent la disparition de milieux humides au profit de l'agriculture entre 1990 et 2010

Milieux humides disparus au profit de l'agriculture entre 1990 et 2010 à l'embouchure de la rivière Yamaska au lac Saint-Pierre

Carte illustrant l'embouchure de la rivière Yamaska au lac Saint-Pierre où des zones de couleur jaune indiquent la disparition de milieux humides au profit de l'agriculture entre 1990 et 2010.

La perte de milieux humides dans le Saint-Laurent n’est pas un phénomène récent

Au début de la colonisation, la grande région de Montréal comptait cinq fois plus de ces écosystèmes. Leur disparition s’est toutefois accélérée près des centres urbains durant les années 1940, et ce, jusqu’aux années 1970.

Selon Martin Jean, spécialiste du suivi des milieux humides du Saint-Laurent à Environnement et Changement climatique Canada, « la dynamique de ces milieux est complexe; ils disparaissent à certains endroits et apparaissent normalement ailleurs. Bien que leur superficie soit relativement stable depuis une quarantaine d’années, les milieux humides subissent des changements internes importants. »

Le saviez-vous ?L’hydrosère est le profil de l’étagement des milieux humides le long du gradient d’humidité, partant de l’eau jusqu’aux milieux secs. Il comprend une diversité de milieux humides allant de l’herbier aquatique en eau peu profonde jusqu’au marécage arboré.

Hydrosère montrant les types de milieux humides allant du plus humide au plus sec tels que l'herbier aquatique, le bas marais, le haut marais, le marécage arbustif et le marécage arboré

Hydrosère

Hydrosère montrant les types de milieux humides allant du plus humide au plus sec tels que l'herbier aquatique, le bas marais, le haut marais, le marécage arbustif et le marécage arboré.

Les bas marais se transforment en hauts marais

Le parc national des Iles-de-Boucherville, situé près de Montréal, bénéficie d’un statut de protection depuis 1984. Cette initiative a contribué à conserver la diversité et la richesse des milieux humides en les protégeant des pressions anthropiques. Les zones tampons sont présentes sur les trois quarts de leur périmètre.  

Carte des îles de Boucherville illustrant les types de milieux humides en 1970, soit les milieux en eau peu profonde en bleu, les bas marais en rose et les hauts marais en jaune. Les hauts marais sont peu présents en comparaison aux bas marais et aux milieu en eau peu profonde

1970

 

Carte des Îles de Boucherville illustrant les types de milieux humides en 2010, soit les milieux en eau peu profonde en bleu, les bas marais en rose et les hauts marais en jaune. Les hauts marais sont très présents en comparaison au bas marais et aux milieux en eau peu profonde

2010

Types de milieux humides dans les battures Thaïlandiers au Iles de Boucherville en 1970 et 2010

Les scientifiques observent toutefois le changement d’un type de milieux humides par un autre. Par exemple, l’assèchement de certains milieux humides a eu pour effet de transformer les bas marais (rose) en hauts marais (jaune). Ces derniers dominaient au parc des Îles-de-Boucherville en 2010.

Les hauts marais abritent les canards, les rats musqués, les anoures et invertébrés, les poissons juvéniles ainsi que leurs prédateurs. Bien qu’ils jouent un rôle majeur comme habitat, les scientifiques indiquent qu’une diversité proportionnelle des milieux humides est préférable à la dominance d’un type de milieu. Un autre phénomène observé par les scientifiques est la colonisation de ces hauts marais par les plantes envahissantes dont le phragmite commun (Phragmites australis).  

Haut marais récemment colonisé par le phragmite
© Caroline Savage, Environnement Canada
Haut marais récemment colonisé par le phragmite commun

Quatre fois moins d’herbiers aquatiques en 2010 qu’en 2002

Les herbiers aquatiques (bleu), situés en eau peu profonde, ne représentaient que 10 p.100 des milieux humides au parc des Îles-de-Boucherville en 2010, alors qu’ils étaient quatre fois plus importants en 2002. Ce sont des habitats essentiels à plusieurs espèces végétales (nénufars, myriophylles, potamots, etc.) et fauniques (invertébrés, amphibiens, poissons, oiseaux, etc.). La Perchaude et le Grand Brochet frayent à ces endroits. La disparition ou la transformation de ces milieux peut entraîner des impacts sur les fonctions écologiques de l’écosystème du Saint-Laurent.

« Ces changements ne sont peut-être pas permanents puisqu’ils sont potentiellement associés aux fluctuations des niveaux d’eau. La baisse des niveaux d’eau du Saint-Laurent en 2010 a pu  provoquer la disparition de la végétation submergée, caractéristique des herbiers aquatiques, pour faire place à de l’eau libre, exempte de végétation. Le suivi des milieux humides du parc des Îles-de-Boucherville demeure nécessaire pour comprendre leur évolution », affirme Martin Jean.

Le saviez-vous?
Une espèce végétale envahissante est une espèce dont l'introduction ou la propagation menace l'environnement, l'économie ou la société, y compris la santé humaine. Elle peut être indigène, lorsqu'elle croît naturellement dans un milieu sans intervention humaine, ou exotique lorsqu'elle a été introduite dans un milieu hors de son aire de répartition naturelle par l'intervention humaine.

Des initiatives de conservation et de restauration

L’état général des milieux humides de ces secteurs est considéré relativement bon malgré les  changements préoccupants qu’ils subissent. Le statut de parc national conféré aux Îles de Boucherville leur assure une protection. Quant au lac Saint-Pierre, des aménagements visant la conservation et la restauration des milieux humides ont été réalisés par différents organismes dont la Société d’aménagement de la Baie Lavallière, la Société d’aménagement récréatif pour la conservation de l’environnement du lac Saint-Pierre, la Société canadienne pour la conservation de la nature, Canards Illimités Canada ainsi que le Service canadien de la Faune.

 Parmi les initiatives visant la conservation et la restauration des milieux humides, le Fonds national de conservation des milieux humides appuie les projets qui visent à:

  • restaurer les milieux humides dégradés ou perdus;
  • aménager les milieux humides dégradés;
  • évaluer scientifiquement et surveiller la santé et la fonctionnalité des milieux humides et des espèces qui les utilisent;
  • encourager l'intendance et l'appréciation des milieux humides par un large éventail de partenaires pour instaurer un appui aux futures activités de conservation et de restauration des milieux humides (Environnement Canada, site Internet consulté en novembre 2014).

Environnement et Changement climatique Canada poursuit ses activités de suivi des milieux humides en eau douce du Saint-Laurent en statuant sur leur état et leur évolution. Pour ce faire, les scientifiques utilisent et développent des indicateurs environnementaux dans le souci de poser un diagnostic juste, fiable et utile. Les résultats de leurs travaux contribuent à approfondir les connaissances sur la dynamique de ces écosystèmes et peuvent s’appliquer à la compréhension d’enjeux émergents tels que la prolifération d’algues nuisibles.

Références

Groupe de travail Suivi de l’état du Saint-Laurent. 2014. Portrait global de l'état du Saint-Laurent 2014. Plan Saint-Laurent. Environnement Canada, ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, Parcs Canada, Pêches et Océans Canada et Stratégies Saint-Laurent, 53 p.

Comité de concertation Suivi de l'état du Saint-Laurent. 2008. Portrait global de l'état du Saint-Laurent 2008. Plan Saint-Laurent. Environnement Canada, ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec, Pêches et Océans Canada et Stratégies Saint-Laurent. 28 pages.

Jean, M. et G. Létourneau. 2014. Les milieux humides en eau douce - 3e édition. Environnement Canada, Direction générale des sciences et de la technologie, Monitoring et surveillance de la qualité de l’eau. Fiche d’information de la collection « Suivi de l’état du Saint-Laurent ».

Jean, M. et G. Létourneau. 2011. Changements dans les milieux humides du fleuve Saint-Laurent de 1970 à 2002. Environnement Canada, Direction générale des sciences et de la technologie, Monitoring et surveillance de la qualité de l’eau au Québec, Rapport technique numéro 511, 302 pages.

Savage, C. et M. Jean. 2008. Espèces végétales envahissantes des milieux humides du Saint-Laurent. Environnement Canada - Région du Québec et ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec. Fiche d’information de la collection « Suivi de l’état du Saint-Laurent ».

Liens

Gouvernement ouvert - Données de terrain pour la cartographie des milieux humides du lac Saint-Pierre (fleuve Saint-Laurent), 2012

Gouvernement ouvert - Données de terrain pour la cartographie des milieux humides du secteur des îles de Boucherville (fleuve Saint-Laurent), 2012

Gouvernement ouvert - Données de terrain pour la cartographie des milieux humides du fleuve Saint-Laurent entre Cornwall et Trois-Pistoles, 2000-2001

Environnement et Changement climatique Canada - Les terres humides

Environnement et Changement climatique Canada - Le Fonds national de conservation des milieux humides

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