Rapport d'évaluation préalable des naphtalènes chlorés : chapitre 3

Identité, utilisations, sources et rejets dans l'environnement

Identité de la substance

La figure 1 illustre la structure générale du naphtalène chloré (NC).

Figure 1. Structure générique d'une molécule de naphtalène chloré illustrant le noyau naphtalénique, le système de numérotation des atomes de carbone et les sites de substitution possibles par le chlore.

structure générale du naphtalène chloré

Les NC résultent de la substitution par le chlore des atomes d'hydrogène liés aux atomes de carbone numérotés, comme l'illustre la figure 1. La structure moléculaire des NC est C10H8-nCln (n = 1-8). Il est possible de former 75 congénères différents de NC. Leur système de nomenclature s'apparente à celui des biphényles polychlorés et utilise le système de numérotation illustré à la figure 1. Les NC se divisent en huit groupes d'homologues, qui se distinguent par le nombre d'atomes de chlore que porte la molécule. On désigne ces groupes d'homologues à l'aide des préfixes mono- à octa- (par exemple, mono-NC, di-NC). On trouve couramment l'expression « naphtalènes polychlorés » (NPC) dans la documentation scientifique. L'abréviation NC est utilisée dans le présent rapport parce qu'elle décrit mieux toute la classe des dérivés chlorés du naphtalène, y compris les congénères monochlorés. Les propriétés physicochimiques des congénères NC dépendent essentiellement du nombre d'atome de chlore que compte la molécule et, dans une moindre mesure, de leur position.

Les NC étaient vendus sous forme de mélanges. En Amérique du Nord, ils ont été fabriqués aux États-Unis par la firme Koopers Inc. jusqu'en 1977 et vendus sous le nom de marque Halowax (Kirk-Othmer, 1980). Les mélanges de marque Halowax ont été utilisés couramment dans les essais de toxicité des NC; des chercheurs ont cependant fait état de variations dans les proportions relatives des divers groupes d'homologues composant ces mélanges.

Les principales propriétés physicochimiques des NC et des mélanges de marque Halowax utiles dans l'estimation du devenir de ces substances dans l'environnement sont présentées dans les tableaux 1 et tableau2, respectivement. Lorsqu'on estime la solubilité dans l'eau de ces composés avec le programme ECOSAR (version 0.99h), on obtient des valeurs qui sont systématiquement plus élevées que les mesures analytiques, par un facteur autour de 10 habituellement. Les mesures de la solubilité des composés chimiques peu solubles dans l'eau (c'est-à-dire moins de 1 000 µg/L) peuvent ainsi comporter une erreur importante (Mackay et al., 1999); c'est pourquoi les valeurs obtenues avec le logiciel EPIWIN peuvent servir d'estimation prudente de la limite supérieure de solubilité.

Tableau 1. Valeurs ou plages de valeur des principales propriétés physicochimiques des naphtalènes chlorés (NC)
Types de NC Masse moléculaire (g/mol) Solubilité (µg/L)a Pression de vapeur (Pa)b (liquide sous-refroidi, 25 °C) Constante de la loi de Henry (Pa·m³/mol 25 °C)c Log Koed Point de fusion (°C) Point d'ébullition (°C)
Mono-NC 162,61 924; 2 870  (10 300) 5,59; 2,53 22,21-24,48 3,90-4,19 -2,3; 59,5-60 259-260
Di-NC 197,00 137-862 (2 713) 0,198-0,352 3,67-29,15 4,19-4,88 37-138 287-298
Tri-NC 231,50 16,7-65 (709) 0,0678-0,114 1,11-51,24 5,12-5,59 68-133 274*
Tétra-NC 266,00 3,70-8,30 (177) 0,0108-0,0415 0,87-40,66 5,76-6,38 111-198 Inconnu
Penta-NC 300,40 7,30 (44) 0,00275-0,00789 0,46-12,45 6,80 (penta-1,2,3,5,8);
7,00 (penta-1,2,3,4,6)
147-171 313*
Hexa-NC 335,00 0,11* (11) 0,00157-0,000734 0,31-2,27 7,50 (hexa-1,2,3,5,7,8);
7,70 (hexa-1,2,3,4,6,7);
194 331*
Hepta-NC 369,50 0,04* (2,60) 2,78 x 10-4, 2,46 x 10-4 0,11-0,19 8,20 194 348*
Octa-NC 404,00 0,08 (0,63) 6,84 x 10-5 0,02 6,42-8,50 198 365*

Source des données : IPCS (2001), sauf indication contraire.
a Les valeurs de solubilité dans l’eau qui ne sont pas entre parenthèses ont été déterminées expérimentalement pour les congénères solides avec la méthode de saturation en milieu aqueux (Opperhuizen et al., 1985); les valeurs indiquées entre parenthèses ont été estimées avec le logiciel ECOSAR (version 0.99; état physique non précisé).
b Source : Lei et al. (1999).
c Les valeurs sont tirées de Puzyn et Falandysz (2007).
d Les valeurs de Koe mesurées sont tirées de : Opperhuizen (1987), Opperhuizen et al. (1985) [méthode par agitation en flacon], Bruggeman et al. (1982), Lei et al. (2000) [méthode de la CLHP en phase inversée].
* Valeur estimée au moyen des méthodes décrites par Lyman et al. (1982).

Tableau 2. Principales propriétés physicochimiques des mélanges de marque Halowax
Mélange Halowax Numéro de registre CAS Taux de chloration (%) Point d'ébullition (°C) Point de fusion (°C) Pression de vapeur (Pa) Solubilité dans l'eau Constante de la loi de Henry (Pa·m³/mol)
Halowax 1031 25586-43-0 22 250a -25 1,9b Insolublea 31,9
Halowax 1000 58718-66-4 26 250a -33 Aucune valeur disponible Insolublea Aucune valeur disponible
Halowax 1001 58718-67-5 50 308a 98 Aucune valeur disponible Insolublea Aucune valeur disponible
Halowax 1099 39450-05-0 52 315a 102 Aucune valeur disponible Insolublea Aucune valeur disponible
Halowax 1013 12616-35-2 56 328a 120 Aucune valeur disponible Insolublea Aucune valeur disponible
Halowax 1014 12616-36-3 62 344a 137 Aucune valeur disponible Insolublea Aucune valeur disponible
Halowax 1051 2234-13-1 70   185 Aucune valeur disponible Aucune valeur disponible Aucune valeur disponible

Source des données : International Programme on Chemical Safety (IPCS) (2001).
a Brinkman et De Kok (1980).
b Valeur estimée.

Tableau 3a. Composition (% en poids) des mélanges de marque Halowax selon International Programme on Chemical Safety (IPCS) (2001)
Type de naphtalène chloré (NC) Halowax 1031 Halowax 1000 Halowax 1001 Halowax 1099 Halowax 1013 Halowax 1014 Halowax 1051
Mono-NC 95 60 0 0 0 0 0
Di-NC 5 40 10 10 0 0 0
Tri-NC 0 0 40 40 10 0 0
Tétra-NC 0 0 40 40 50 20 0
Penta-NC 0 0 10 10 40 40 0
Hexa-NC 0 0 0 0 0 40 0
Hepta-NC 0 0 0 0 0 0 10
Octa-NC 0 0 0 0 0 0 90
Tableau 3b. Composition (% en poids) des mélanges de marque Halowax selon d'autres sources1,2
Type of naphtalène chloré (NC) Halowax 1031 Halowax 1000 Halowax 1001 Halowax 1099 Halowax 1013 Halowax 1014 Halowax 1051
Mono-NC 65
(65-70,1)
15
(6,7-69)
0,06
(0,01-0,3)
0,04
(0 - 1,1)
0,04
(0-0,2)
0,04
(0-0,066)
0,08
(0-0,25)
Di-NC 30
(24,8-30)
76
(28-76,5)
4,4
(3,5-6,1)
3,6
(0 - 35,7)
0,45
(0-12.7)
0,66
(0-1,9)
0,11
(0-0,34)
Tri-NC 2,6
(0,8-2,6)
6,4
(1,2-44,1)
51,7
(48,1-54)
38,7
(38 - 54,6)
13,1
(8,2-53,2)
6,0
(2,8-17,1)
0,13
(0-0,4)
Tétra-NC 2,2
(0-2,2)
1,3
(1,2-47,4)
40,7
(38-44,7)
48
(9,5 - 52)
53,3
(26,3-56)
16
(12-18,2)
0,26
(0-0,77)
Penta-NC 0,38
(0-0,38)
0,44
(0,21-8,44)
3,3
(2,2-4,7)
9,0
(0,3 - 9,7)
30
(3-38)
47,7
(32,2-55)
0,10
(0-0,22)
Hexa-NC 0,054
(0-0,054)
0,33
(0,006-0,33)
0,12
(0-0,18)
0,50
(0 - 0,6)
3,2
(2,6-4,75)
25,3
(21-35,3)
0,31
(0-0,82)
Hepta-NC 0,016
(0-0,016)
0,073
(0,017-0,073)
0,02
(0-0,04)
0,05
(0 - 0,061)
0,12
(0,1-0,154)
3,0
(1,6-4,24)
7,6
(6,2-18,1)
Octa-NC 0,03
(0-0,03)
0,015
Aucune fourchette
0,01
(0-0,024)
0,02
(0 - 0,037)
0,01
(0,0089-0,013)
0,13
(0-6,6)
91,4
(81,8-93,5)

1 Les proportions relatives indiquées représentent la moyenne et la fourchette des valeurs tirées de Falandysz et al. (2006a et 2006). La proportion relative des homologues dans les mélanges de marque Halowax peut cependant varier; ainsi, on trouve des valeurs différentes dans Wiedmann et Ballschmiter (1993), Imagawa et Yamashita (1994), Harner et Bidelman (1997), Falandysz et al. (2006a), Falandysz et al. (2006b), Helm et Bidleman (2003), Espadaler et al. (1997) et Noma et al. (2004).
2 Les valeurs entre parenthèses indiquent la plage de chaque congénère.

Comme le révèlent les tableaux 3a et 3b, les proportions relatives des différents groupes d'homologues formant les mélanges de marque Halowax varient selon les sources.

Sources d'origine naturelle

On pense que les NC présents dans l'environnement proviennent essentiellement de l'activité humaine. Une certaine quantité pourrait par ailleurs être produite naturellement par la combustion des matières ligneuses, durant les feux de forêt par exemple. Certains chercheurs (voir par exemple, Lee et al., 2005) ont signalé que la combustion du bois à des fins domestiques peut libérer des NC dans l'atmosphère, mais aucune étude sur les rejets attribuables à la combustion naturelle n'a été relevée.

Fabrication et importation

Les mono- et di-NC ainsi que les « naphtalènes, dérivés chloro » (un mélange de composition chimique variable qui regroupe les composés de la classe des naphtalènes chlorés, Nº CAS = 70776-03-3) figurent à la Liste intérieure des substances du Canada, ce qui indique que ces substances ont été utilisées à des fins commerciales au Canada entre le 1er janvier 1984 et le 31 décembre 1986. Durant cette période, 700-3 500 kg/an ont été importés au Canada, selon les données de la Liste. Ces substances ont été utilisées, entre autres usages déclarés, pour la fabrication de produits chimiques organiques, d'abrasifs, de polymères, de composantes plastiques et de résines de synthèse. Selon Holliday et al. (1982), on n'a jamais fabriqué de NC au Canada, ceux-ci étant probablement importés de fabricants américains. Les réponses à un questionnaire facultatif qu'Environnement Canada a fait parvenir à l'industrie en 2003 indiquent qu'aucun NC n'a été produit au Canada de 2000 à 2002. Une seule entreprise a déclaré en avoir importé (tri- et tétra-NC) de 2000 à 2002. Ces importations ont cessé depuis.

Dans les années 1990, la japonaise Sumitomo 3M a importé du Canada 54 tonnes d'une matière adhésive à base de Néoprène FB, un produit renfermant 3 % de tri-NC et 1 % de tétra-NC (Yamashita et al., 2003). Néoprène est une marque de commerce enregistrée de la firme DuPont.

Deux associations industrielles du Canada ont indiqué que des liquides pour remplir des manomètres de laboratoire contenaient de très petites quantités de mono-NC. Ces associations ont déclaré que ces fluides ont été remplacés par d'autres ne contenant pas de NC en 2004.

La firme Wellington Laboratories de Guelph, en Ontario, fournit des NC qui servent de matériel étalon en chimie analytique (par exemple, la série des mélanges de marque Halowax et des congénères spécifiques) et sont achetés par des laboratoires du monde entier, dont certains au Japon (Wellington Laboratories, 2005; Takasuga et al., 2004). On ignore s'il s'agit du seul fournisseur de ce type de matériel au Canada.

Utilisation

À l'heure actuelle, il n'existe aucune utilisation commerciale de NC au Canada, aux États-Unis et dans de nombreux autres pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Depuis 1980, on ne fabrique plus de NC aux États-Unis (International Programme on Chemical Safety (IPCS), 2001). Des données datant de 1981 indiquent qu'environ 15 tonnes étaient alors importées aux États-Unis chaque année, surtout pour servir avec les huiles de mesure des indices de réfraction et comme isolants électriques dans les condensateurs (IPCS, 2001).

La production commerciale de NC a débuté vers 1910; ceux-ci étaient vendus sous forme de mélanges de plusieurs groupes d'homologues destinés à divers usages. Les mono-NC et les mélanges de mono-NC et de di-NC ont été utilisés comme fluides de jauge résistant aux produits chimiques et comme matériau d'étanchéité pour instrument, comme fluides caloporteurs, comme solvants de spécialité à point d'ébullition élevé, comme agents de dispersion des colorants, comme additifs pour les carter de moteur et comme ingrédients pour les composés de mise au point des moteurs. Des mono-NC ont également été utilisés comme matière première dans la fabrication de colorants et comme agents de préservation du bois dotés de propriétés fongicide et insecticide (Crookes et Howe, 1993).

Des produits contenant des tri-NC et des dérivés plus chlorés ont été utilisés comme substances d'imprégnation pour divers types de condensateurs et de produits de trempage et d'enrobage en électronique et par l'industrie automobile, comme liants temporaires dans la fabrication de pièces de céramique, le couchage et l'imprégnation du papier, le moulage de précision des alliages, les agents d'arrêt en galvanoplastie, comme additifs dans les huiles pour engrenages et les composés de coupe, dans l'ignifugation et l'isolement des câbles et conducteurs électriques, comme agents d'étanchéité hydrofuges, comme séparateurs d'accumulateur, dans les huiles de mesure des indices de réfraction, comme composés de masquage en galvanoplastie et dans les lubrifiants pour meule (Kirk Othmer 1980; Fed. Reg. 1983).

Jusqu'au début des années 1970, General Motors du Canada utilisait des condensateurs pour automobiles contenant des NC importés des États-Unis (Holliday et al., 1982). Dow Chemical du Canada a déclaré qu'elle n'utilisait pas de NC dans ses installations canadiennes de production de chlore (Holliday et al., 1982).

Production et rejets accidentels dans l'environnement

Les NC constituent des sous-produits accidentels de nombreux procédés industriels à base de chlore, surtout en présence de chaleur, comme l'incinération des déchets et la production de ciment et de magnésium (Falandysz, 1998; SFT, 2001; Takasuga et al., 2004), l'affinage au chlore des métaux comme l'aluminium (Vogelgesang, 1986; Aittola et al., 1994) et la chloration de l'eau potable (Shiraishi et al., 1985). On pense que les procédés aux chloralcalis pourraient également produire des NC (Falandysz, 1998; Kannan et al., 1998), tout comme la production de pâtes et papiers (Rayne et al., 2004). On ignore cependant les quantités de NC rejetées dans l'environnement en provenance de ces sources.

Les préparations commerciales de biphényles polychlorés (BPC) renferment également des traces de contamination aux NC. Selon Falandysz (1998), les préparations d'Aroclor de qualité technique contiennent 67 µg/g de NC en moyenne; elle se situe entre 5,2 et 67 µg/g selon des données plus récentes (Yamashita et al., 2000). Si l'on tient compte des quantités de matières contenant des biphényles polychlorés (BPC) utilisées ou entreposées au Canada (Environnement Canada, 2003), et en supposant que leur teneur moyenne en NC est 67 µg/g de BPC, on estime que ces BPC renferment moins de une tonne de NC.

Lee et al. (2005) ont estimé que la combustion de charbon et de bois à des fins domestiques au R.-U. produisait 2 kg de NC par année, formés d'une grande diversité de congénères portant de trois à huit atomes de chlore, les tri- et tétra-NC arrivant en tête; notons que les dérivés mono- et dichlorés n'étaient pas inclus dans l'étude. Par comparaison, Lee et al. ont estimé que les émissions de NC attribuables aux BPC totalisaient 300 kg par année au R.-U.

Les incinérateurs municipaux et de déchets spéciaux constituent tout probablement une source importante de NC dans l'air, tant au Canada que dans le reste du monde.

  • Helm et al. (2000) ont analysé les cendres produites par un incinérateur de déchets médicaux, un four à ciment, un incinérateur de déchets solides municipaux et une installation de frittage, tous situés au Canada. Les échantillons provenant de l'incinérateur municipal, du four à ciment et de l'installation de frittage renfermaient de 1,3 à 2,0 ng de NC totaux par gramme de cendres alors que l'échantillon de l'incinérateur de déchets médicaux en contenait 3 600 ng par gramme de cendres.
  • Helm et Bidelman (2003) ont rapporté des teneurs moyennes en NC totaux (tri- à octa-NC) dans des échantillons de cendres volantes prélevés au Canada de 1,82 ng/g (incinérateur de déchets solides municipal), de 2,09 ng/g (four à ciment), de 2,66 ng/g (installation de frittage) et de 5 439 ng/g (incinérateur de déchets médicaux).
  • Helm et al. (2003) ont relevé la présence de marqueurs des congénères NC de la combustion dans l'air des Grands Lacs et aux alentours d'installations industrielles de Toronto.

En Allemagne, Schneider et al. (1998) ont détecté la présence de tous les groupes d'homologues des NC dans les cendres volantes d'un incinérateur de déchets municipaux. Les échantillons contenaient surtout des di- à penta-NC; les mono- à tri-NC étaient également présents en grande quantité durant la phase gazeuse de l'incinération. Il y avait également formation de grandes quantités de hexa-1,2,3,5,6,7 chloronaphtalène accompagné d'autres hexa-isomères (Schneider et al., 1998). Dans une étude sur la production accidentelle de NC par des incinérateurs de déchets municipaux du Japon, Takasuga et al. (2004) ont constaté la présence de tous les groupes d'homologues de NC dans les effluents gazeux, les mono- à tétra-NC étant les plus importants. Les chercheurs ont étudié la formation de NC durant l'incinération des déchets et leur présence dans l'air ambiant lors du démarrage, du fonctionnement en régime continu et de l'arrêt de l'installation municipale (Takasuga et al., 2004). En 1992, les concentrations des mono- à octa-NC ont été mesurées dans des échantillons d'air ambiant provenant de trois installations d'incinération de l'ouest du Japon. Les concentrations totales de NC dans les effluents gazeux étaient de 15 000, 4 300 et 13 000 ng/m3 durant les opérations de démarrage, d'exploitation en régime continu et d'arrêt, respectivement. Les concentrations de NC dans les échantillons prélevés en hiver étaient légèrement plus élevées que dans ceux recueillis l'été (Takasuga et al., 2004). Notons cependant que les incinérateurs au Japon fonctionnent à des températures moins élevées que celles prescrites au Canada, ce qui peut influer sur la production de NC.

Les produits mis en décharge et qui contiennent des NC et les anciennes installations industrielles où des NC étaient en usage peuvent également constituer des sources de ces substances dans l'environnement. Les rejets environnementaux associés à ces sources n'ont par ailleurs pas été mesurés au Canada.

Devenir environnemental

Le devenir de chaque groupe d'homologues de NC a été évalué séparément parce que, comme nous l'avons indiqué précédemment, les propriétés physicochimiques de ces substances dépendent pour une large part du nombre d'atomes de chlore de leur structure (voir le tableau 1). D'après les profils d'utilisation actuels, les rejets se limiteraient au milieu atmosphérique, mais la libération de ces substances directement dans l'eau reste toujours possible.

Distribution dans les divers milieux

On a utilisé un modèle de fugacité de niveau III (tableau 4) pour déterminer comment les NC se répartiraient dans les divers compartiments environnementaux. Leurs rejets atmosphériques se distribuent essentiellement dans l'air et le sol alors que les rejets dans le milieu aquatique se distribuent surtout dans l'eau et les sédiments.

Tableau 4. Distribution des naphtalènes chlorés (NC) dans l'environnement selon le modèle de prédiction*
Type de NC Milieux récepteurs Répartition en pourcentage dans l'air Répartition en pourcentage dans l'eau Répartition en pourcentage dans le sol Répartition en pourcentage dans les sédiments
Mono-NC Air 97,50 0,61 1,84 0,068
Mono-NC Eau 5,37 85,10 0,10 9,44
Mono-NC Sol 0,62 0,08 99,30 0,01
Di-NC Air 96,60 0,94 2,26 0,20
Di-NC Eau 9,44 74,70 0,22 15,60
Di-NC Sol 0,43 0,05 99,50 0,01
Tri-NC Air 64,80 0,21 34,50 0,49
Tri-NC Eau 4,59 28,00 2,45 65,00
Tri-NC Sol 0,22 0,01 99,80 0,02
Tétra-NC Air 33,40 0,12 65,50 0,99
Tétra-NC Eau 1,59 10,60 3,12 84,70
Tétra-NC Sol 0,19 0,27 97,40 2,13
Penta-NC Air 3,99 0,09 91,80 4,09
Penta-NC Eau 0,08 2,05 1,72 96,20
Penta-NC Sol 0,00 0,00 99,90 0,11
Hexa-NC Air 56,20 0,17 34,00 9,62
Hexa-NC Eau 0,02 1,77 0,01 98,20
Hexa-NC Sol 0,00 0,00 99,90 0,12
Hepta-NC Air 36,40 0,22 50,90 12,50
Hepta-NC Eau 0,00 1,71 0,01 98,30
Hepta-NC Sol 0,00 0,00 99,90 0,13
Octa-NC Air 14,60 0,40 70,20 14,80
Octa-NC Eau 0,20 2,61 0,97 96,20
Octa-NC Sol 0,69 1,50 42,40 55,40

La somme des pourcentages de chaque rangée ne totalise pas nécessairement 100 étant donné que les valeurs ont été arrondies à deux décimales.

Persistance et transport atmosphérique à grande distance

Selon les modélisations de la cinétique de dégradation par réaction avec les radicaux hydroxyle effectuées avec le logiciel AOPWIN (version 1.75) de la Syracuse Research Corporation, et en supposant une concentration quotidienne (24 heures) de radicaux hydroxyle de 5 × 10molécules/cm³, une valeur caractéristique dans l'hémisphère Nord, tous les NC, sauf les chloronaphtalènes, présentent une demi-vie de plus de deux jours (tableau 5). Si l'on utilise la constante cinétique d'hydroxylation mesurée pour le di-1,4 NC, qui est la seule dont on dispose, on obtient également une demi-vie atmosphérique supérieure à deux jours (Klöpffer et al., 1988). Comme l'estimation de la demi-vie atmosphérique par AOPWIN ne tient pas compte de la position des atomes de chlore dans les anneaux naphtaléniques, il se peut que la vitesse de réaction de chacun des isomères soit un peu plus élevée ou plus basse que celle prévue pour l'ensemble de son groupe d'homologues.

Tableau 5.  Demi-vie atmosphérique estimée des naphtalènes chlorés (NC), selon le modèle AOPWIN de la Syracuse Research Corporation
Type de NC kOH estimée
(cm³/mol par seconde)
Demi-vie atmosphérique
estimée (jours)
Mono-NC 15,2 × 10-12 1,06
Di-1,4 NC 4,44 × 10-12 3,62
Di-2,7 NC 4,44 × 10-12 3,62
Tri-NC 2,01 × 10-12 7,98
Tétra-NC 9,11 × 10-13 17,6
Penta-NC 4,13 × 10-13 38,8
Hexa-NC 1,87 × 10-13 85,7
Hepta-NC 8,48 × 10-14 189
Octa-NC 3,84 × 10-14 417

Le modèle TaPL3 a été utilisé pour estimer la distance de transport caractéristique, définie comme étant la distance maximale parcourue par 63 % de la substance après son rejet dans l'environnement. Beyer et al. (2000) ont proposé de considérer le potentiel de transport à grande distance (PTGD) comme étant élevé si la distance de transport caractéristique est supérieure à 2 000 km, moyen, si elle est de 700 à 2 000 km et faible, si elle est inférieure à 700 km. Selon les estimations, le PTGD des émissions atmosphériques de NC est faible pour les mono-NC, moyen pour les di-NC et élevé pour les tri- à octa-NC. D'après le modèle, les mono-NC devraient rester principalement dans les secteurs à proximité de leurs sources d'émission alors que les tri- à octa-NC peuvent être transportés par voie atmosphérique jusqu'aux régions aussi éloignées que l'Arctique.

On a décelé la présence de tri-NC et de dérivés plus chlorés dans l'air et le biote de l'Arctique, de l'Antarctique et d'autres régions sans source locale importante de NC, signe d'un transport atmosphérique à grande distance (Helm et al., 2004). Les congénères tri- et tétrachlorés constituaient 90 à 95 % de la masse totale des NC contenus dans les échantillons atmosphériques prélevés dans l'Arctique canadien par Harner et al. (1998), le reste étant constitué de penta- et hexa-NC. Comme les tétra-, penta- et hexa-NC sont les groupes d'homologues les plus fréquemment décelés dans les tissus de la faune des régions polaires (Corsolini et al., 2002; Helm et al., 2002), les penta- et hexa-NC pourraient également y être transportés en quantités appréciables. Helm et Bidelman (2005) ont étudié la distribution des NC entre les phases particulaire et gazeuse dans l'air de l'Arctique et ont constaté que leurs mesures concordaient avec le coefficient de partage octanol-air (KOA) prévu. En hiver, la fraction particulaire était égale ou inférieure à 5 % pour les dérivés tri- et tétrachlorés, de 20 à 35 % pour les penta-NC et de 80 à 100 % pour les hexa-, hepta- et octa-NC. Herbert et al. (2005) a observé que la somme de tous les congénères de NC (SDNC) décelés dans les îles de Ny Ålesund et de Tromsø, en Norvège, était de 27 à 48 pg/m³ et de 9 à 47 pg/m³, respectivement. Selon Lee et al. (2007), les concentrations atmosphériques des SDNC dans l'Arctique étaient de 1 à 8 pg/m³, les variantes tri- et tétrachlorées étant les plus importantes.

Wania (2003) a calculé le potentiel de contamination de l'Arctique (PCA) des substances organiques persistantes à partir de leur coefficient de partage octanol-air (KOA) et de leur coefficient de partage air-eau (KAE, la constante de la loi de Henry sans dimension). Les deux ensembles de données sur le partage présentant un PCA élevé se chevauchent dans la plage 6,5 < log KOA < 10 et -0,5 > log KAE > -3, ce qui correspond également à une fourchette de log KOE allant de 5 à 8 (c'est-à-dire les substances dont le potentiel de bioaccumulation est élevé) [Wania, 2003]. La plage du log KAE à 25 °C de chaque groupe d'homologues (à l'exception des di- et octa-NC) a été estimée à partir des fourchettes des constantes de la loi de Henry présentées au tableau 1, à l'aide de la formule suivante :

KAE = Constante de la loi de Henry / (RV X T)

Les valeurs de log KOA ont été mesurées par Harner et Bidleman (1998) ou estimées pour les mono-NC avec la formule suivante :

 

KOA = KOE/KAE

Cette information est présentée au tableau 6. Les zones ombragées marquent les valeurs se situant dans les fourchettes établies par Wania (2003). Selon ces critères, au moins une partie des congénères de NC appartenant aux groupes di-, tri-, tétra- et pentachlorés posséderaient un PCA élevé.

Tableau 6. Potentiel de contamination de l'Arctique des naphtalènes chlorés (NC)
Type de NC Log KAE à 25 °C Log KOA à 25 °C1
Mono-NC -2,05--2,01 4,61-4,96 *
Di-NC -2,83--1,93 6,93
Tri-NC -3,35--1,68 7,27-7,56
Tétra-NC -3,45--1,78 8,08-8,64
Penta-NC -3,73--2,3 8,73-9,15
Hexa-NC -3,9--3,04 9,70-10,37
Hepta-NC -4,35--4,12 8,18-8,24 *
Octa-NC -5,09 9,25 *

1 Valeurs mesurées tirées de Harner et Bidleman (1998)
* Ces valeurs ont été calculées avec la formule KOA = KOE/KAE en utilisant une valeur médiane de KOE et la valeur KAE estimée avec la formule susmentionnée.

Persistance dans l'eau, les sédiments et les sols

On dispose de peu de données sur la dégradation abiotique et biotique des NC. On n'a constaté aucune dégradation des variantes tétra- à hexa-NC lors d'un essai de biodégradation en milieu aérobie de 28 jours sur des sédiments lacustres naturels enrichis (Järnberg et al., 1999). Lors d'un essai de biodégradation aérobie de 5 jours effectué dans un milieu de culture liquide, Kitano et al. (2003) ont constaté que 100 % du 2-NC, 95 % du di-1,4 NC et 50 % du di-2,7 NC avaient été transformés en divers produits hydroxylés.

Comme l'ont souligné Gevao et al. (2000), il est possible qu'une réaction de déchloration des NC (semblable à celle observée pour les BPC) se produise en milieu anaérobie même si le phénomène n'a pas encore été observé. Il se pourrait donc qu'une partie des NC moins chlorés détectés dans les couches sédimentaires anaérobie constituent des produits de dégradation des congénères à plus forte teneur en chlore.

Selon le modèle BIOWIN (version 3.52 de la Syracuse Research Corporation [SRC]) et la méthode d'extrapolation Boethling/SRC, la demi-vie de biodégradation aérobie ultime en milieu aqueux a été estimée à 37,5 jours pour les mono- et di-NC, à 60 jours pour les tri-NC et les tétra-NC et à 182 jours pour les penta- à octa-NC. On considère que le modèle BIOWIN fournit des mesures de la persistance plus utiles que celles obtenues avec la méthode Boethling/SRC étant donné qu'il s'agit d'une estimation du temps requis pour la minéralisation complète (c'est-à-dire la transformation en CO2, H2O, etc.) des composés.

On a décelé des tri- à hepta-NC dans des échantillons de sédiments lacustres et de sols recueillis plus de 18 années auparavant (Gevao et al., 2000; Meijer et al., 2001); d'après les quantités mesurées, les demi-vies des divers NC dans les sédiments et les sols seraient supérieures à un an et à six mois, respectivement (les mono-, di- et octa-NC n'ont pas été analysés dans ces études). On trouvera les calculs à l'appui de cette conclusion à l'annexe A. À partir des données de Meijer et al. (2001), on peut estimer les demi-vies de dégradation suivantes dans des sols enrichis de boues d'épuration contenant des NC, selon l'analyse effectuée d'un échantillon conservé depuis 1972 et d'un échantillon datant de 1990 : 7,4 ans pour les tri-NC, 13,1 ans pour les tétra-NC et 35,3 ans pour les penta-NC. Les chercheurs n'ont pas été en mesure de calculer la demi-vie des hexa-NC et des hepta-NC parce que leur concentration dans les échantillons n'avait pas diminué de façon significative.

Selon le poids de la preuve, à savoir la persistance prévue des di- à octa-NC dans l'air, les distances de transport caractéristiques élevées des tri- à octa-NC, la valeur élevée du potentiel de contamination de l'Arctique estimée des di- à penta-NC, les données empiriques sur le transport atmosphérique à grande distance de plusieurs NC dans l'Arctique, les données empiriques sur la persistance des dérivés tri- à heptachlorés dans les sédiments et les sols et la persistance estimée des penta- à octa-NC dans l'eau, la conclusion est que les dérivés di- à octachlorés de naphtalène sont des substances persistantes, telles que définies dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE (Canada, 2000).

Bioaccumulation

Des études sur le terrain ont démontré que les substances organiques lipophiles ayant une valeur log Koe égale ou supérieure à 5, et/ou un facteur de bioconcentration (FBC) et un facteur de bioaccumulation (FBA) égaux ou supérieurs à 5000, comme les BPC, le DDT et le chlordane, s'accumulent et se bioamplifient dans les tissus des espèces fauniques des niveaux trophiques supérieurs (Canada, 1995). Par conséquent, le fait qu'une substance possède un facteur de bioamplification (FBM) nettement plus élevé que 1 peut constituer un important élément de preuve à l'appui de son potentiel de bioaccumulation, tout particulièrement lorsque les données pertinentes sur le FBC et le FBA sont limitées. L'analyse du poids de la preuve à l'égard de la bioaccumulation des NC tiendra donc compte de l'information sur leur bioamplification le long des chaînes trophiques, dans le cadre de l'application du Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE 1999 (Canada, 2000).

Les dérivés tri- à octachlorés du naphtalène sont des substances organiques neutres et des mesures effectuées avec la méthode par agitation en flacon (Opperhuizen, 1987; Opperhuizen et al., 1985) ou la chromatographie en phase liquide à haute performance (CLHP) en phase inversée (Lei et al., 2000) indiquent que leur valeur log Koe est égale ou supérieure à 5, comme le montrent les données résumées au tableau 1.

On a mesuré des FBC supérieurs à 5 000 dans les organismes du biote aquatique pour les di- à penta-NC, comme l'indiquent les données résumées au tableau 7. On ne dispose d'aucune valeur de FBC pour les dérivés hexachlorés. Les études sur le FBC effectuées par Oliver et Niimi (1984, 1985) sont jugées acceptables, même si l'une d'elles a été faite avec un agent solubilisant (méthanol), parce que les concentrations d'exposition (limite inférieure de la fourchette en ng/L) se situaient à l'intérieur de la plage de solubilité dans l'eau établie pour les NC à l'étude (voir le tableau 1). Les valeurs de FBC issues des travaux de Matsuo (1981) se trouvent également au tableau 7; il s'agit cependant d'une source secondaire et ni ces valeurs ni les méthodologies utilisées ne semblent figurer dans la source originale (Kawasaki, 1980) des données sur le FBC que cite Matsuo (1981). On ne dispose cependant d'aucune autre référence sur les valeurs mesurées du FBC pour les penta-NC.

L'information recueillie sur le FBC indique que les di-, tri-, tétra- et penta-NC présentent un potentiel élevé de bioconcentration dans le poisson. Ce ne semble pas être le cas des octa- et hepta-NC (Opperhuizen et al., 1985); notons cependant que la durée d'exposition à ces derniers était peu élevée (sept jours). On ne dispose d'aucune étude sur la bioconcentration des hexa-NC. Toutefois, comme les valeurs log Koe des dérivés plus chlorés sont supérieures à 5, on prévoit que l'apport dû à l'alimentation soit nettement supérieur à celui attribuable à l'eau (Arnot et Gobas, 2003). On a décelé des quantités relativement importantes de dérivés hexa- et heptachlorés dans les tissus du marsouin commun (Falandysz et Rappe, 1996) et du pygargue à queue blanche (Falandysz et al., 1996). On a également constaté que les congénères 66-67 des hexa-NC se bioamplifient dans de nombreuses espèces d'organismes aquatiques et d'oiseaux prédateurs (Falandysz, 1997), comme nous le verrons plus loin.

Tableau 7a. Facteurs de bioconcentration des naphtalènes chlorés (NC) dans le poisson (d'après IPCS, 2001)
Type of NC/Mélange Halowax Espèce Concentration d'exposition (µg/L) Durée de l'exposition (dépuration) Facteur de bioconcentration Source
Mono-NC Carpe commune
(Cyprinus carpi)
Valeur non indiquée Valeur non indiquée 191 Matsuo (1981)
2-NC Guppy
(Poecilia reticulate)
100-1 000a 7 jours (84 jours) 4 300 Opperhuizen et al. (1985)
Di-1,4 NC Guppy
(Poecilia reticulate)
10-1 000a 7 jours (84 jours) 2 300 Opperhuizen et al. (1985)
Di-1,4 NC Oncorhynchus mykiss (truite arc-en-ciel) 1,7 × 10-3 Valeur non indiquée 5 600 Oliver et Niimi (1984)
Di-1,8 NC Guppy
(Poecilia reticulate)
10-100a 7 jours (84 jours) 6 100 Opperhuizen et al. (1985)
Di-2,3 NC Guppy
(Poecilia reticulate)
10-100a 7 jours (84 jours) 11 000 Opperhuizen et al. (1985)
Di-2,7 NC Guppy
(Poecilia reticulate)
10-100a 7 jours (84 jours) 11 000 Opperhuizen et al. (1985)
Tri-NC Cyprinus carpio (carpe commune) Valeur non indiquée Valeur non indiquée 4 677 Matsuo (1981)
Tri-1,3,7 NC Guppy
(Poecilia reticulate)
1-100a 7 jours (84 jours) 27 000 Opperhuizen et al. (1985)
Tétra-NC Carpe commune
(Cyprinus carpio)
Valeur non indiquée Valeur non indiquée 8 710 Matsuo  (1981)
Tétra-1,2,3,4 NC Guppy
(Poecilia reticulate)
0,1-10a 7 jours (84 jours) 33 000b Opperhuizen et al. (1985)
Tétra-1,2,3,4 NC Oncorhynchus mykiss (truite arc-en-ciel) 5,6 × 10-3 Valeur non indiquée 5 100 Oliver et Niimi (1985)
Tétra-1,3,5,7 NC Guppy
(Poecilia reticulate)
0,1-1a 7 jours (84 jours) 34 000b Opperhuizen et al. (1985)
Tétra-1,3,5,8 NC Guppy (Poecilia reticulate) 1-10a 7 jours (84 jours) 25 000b Opperhuizen et al. (1985)
Penta-NC Carpe commune (Cyprinus carpio) Valeur non indiquée Valeur non indiquée 10 000 Matsuo (1981)
Hepta-NC Guppy
(Poecilia reticulate)
Valeur non indiquée 7 jours (84 jours) 0 Opperhuizen et al. (1985)
Octa-NC Guppy
(Poecilia reticulate)
Valeur non indiquée 7 jours (84 jours) 0 Opperhuizen et al. (1985)
Octa-NC Oncorhynchus mykiss
(truite arc-en-ciel)
1,3 × 10-2 Valeur non indiquée 330 Oliver et Niimi (1985)

a Les concentrations d’exposition sont des plages estimées à partir d’une présentation graphique des résultats.
b L’état d’équilibre n’a pas été atteint durant l’expérience.

Tableau 7b. Facteurs de bioconcentration des naphtalènes chlorés (NC) dans d'autres espèces aquatiques (d'après IPCS, 2001)
Type of NC/Mélange Halowax Espèce Concentration d'exposition (µg/L) Durée de l'exposition (dépuration) Facteur de bioconcentration Source
Halowax 1000, 1013 et 1014 Chlorococcum (algue marine) 5-100 µg/L 1 jour 25-140 Walsh et al. (1977)
Halowax 1000,1013 et 1099 (Palaemonetes pugio crevette 40 µg/L 15 jours 63-257 Green et Neff (1977)
Tétra-1,2,3,4 NC  (Tubifex tubifexLimnodrilus hoffmeisteri (vers fouisseurs) 1 300 ng/g de poids sec 0,310 µg/L d'eau interstitielle 79 jours 21 000, (dépuration t1/2 = 30 jours) Oliver (1987)

Les chercheurs Tysklind et al. (1998) et Åkerblom et al. (2000) ont étudié le phénomène de bioaccumulation des NC chez des alevins de saumon Atlantique (Salmo salar). Les poissons ont reçu de la nourriture contenant de 0,1 à 10 µg de Halowax 1001, 1014 et 1051 par gramme d'aliments. L'étude a duré 41 semaines. Après 17 semaines, les facteurs de bioamplification (BMF) mesurés allaient de 0,73 à 2,5 pour les congénères à élution simple, chez les alevins ayant reçu 2 µg de NC par gramme d'aliments (Tysklind et al., 1998). Les congénères tétrachlorés (nº 42), pentachlorés (nos 58 et 61) et hexachlorés (nos 65 et 69) présentaient un BMF allant de 1,0 à 2,5. En appliquant un modèle RQSA aux résultats de l'étude, on a estimé que les variantes 66, 67 et 68 des hexa-NC auraient un BMF allant de 1,0 à 1,5, alors que celui des isomères 64, 70 et 71 se situerait entre 0,90 et 0,97. À la fin des 41 semaines, les valeurs log BMF des tri- à octa-NC totaux allaient de 3,34 à 3,54 (Åkerblom et al., 2000).

On a constaté que les dérivés tétra- à heptachlorés avaient des BMF supérieurs à 1 dans plusieurs chaînes alimentaires aquatiques. Selon Hanari et al. (2004), les teneurs de NC décelées dans la St. Clair River près de Marine City, au Michigan, correspondraient à un BMF d'environ 3 pour les algues benthiques, la moule zébrée et le gobie à taches noires. Dans leurs travaux sur une chaîne trophique benthique de la mer Baltique, Lundgren et al. (2002) ont obtenu des valeurs BMF de 1,1 et de 1,4, respectivement, pour les variantes 66-67 et 69 des hexa-NC. Dans une chaîne pélagique de la mer de Baltique, les valeurs BMF obtenues pour les hexa-NC 66-67 étaient de 10,9 dans le binôme plancton-hareng et de 1,2 dans le binôme marsouin commun-hareng (Falandysz et Rappe, 1996).

Falandysz (1997) a calculé les BMF des congénères tétra- à heptachlorés du naphtalène pour de nombreux types de prédateur-proie du biote aquatique de la mer de Baltique. Le chercheur a fait l'hypothèse que l'exposition se limitait à la voie alimentaire (proie). Il a étudié les paires prédateur-proie suivantes : hareng-plancton, épinoche-plancton, lançon-plancton, limande-moule, cormoran noir-poisson, pygargue à queue blanche-plancton, pygargue à queue blanche-cormoran et marsouin commun-hareng. Il a constaté que presque tous ces organismes présentaient des BMF supérieurs à 1 pour au moins quelques-uns des tétra-NC, le couple pygargue à queue blanche-poisson affichant la valeur la plus élevée, soit 95. La plupart des prédateurs bioamplifient par l'alimentation au moins quelques-uns des penta-NC, à l'exception du binôme marsouin commun-hareng; le couple pygargue à queue blanche-poisson affiche la valeur la plus élevée avec un BMF de 150. Le phénomène de bioamplification alimentaire des congénères hexachlorés 66-67 s'observe chez tous les prédateurs et certains d'entre eux bioamplifient également d'autres congénères hexachlorés. Les pygargues à queue blanche présentaient le facteur de bioamplification des contaminants du poisson le plus élevé, les valeurs étant supérieures à 30 pour certains congénères tétra-, penta- et hexachlorés. Les paires hareng-plancton, limande-moule, pygargue à queue blanche-cormoran bioamplifiaient au moins un des hepta-NC étudiés ou les deux, la valeur la plus élevée étant de 5,7, relevée chez le couple pygargue à queue blanche-poisson.

Il existe deux autres manières de démontrer l'existence du phénomène de bioamplification des NC (voir le tableau 8). Premièrement, le rapport des concentrations de NC et de BPC reste relativement stable le long d'une chaîne alimentaire (krill, poisson d'eau glacée et labbe de McCormick). Comme les BPC ont la propriété de se bioamplifier, on peut s'attendre à ce que cela soit le cas également des NC puisque le rapport de leur concentration se maintient (Corsolini et al., 2002). Deuxièmement, on constate que les concentrations de NC augmentent à chaque maillon suivant de la chaîne trophique.

Tableau 8. Concentration des naphtalènes chlorés (NC) et des biphényles polychlorés (BPC) totaux (ng/g) le long de la chaîne trophique
Espèce NC BPC Rapport des concentrations (NC/BPC)
Krill 1,5 x 10-3 1,9 7,9 x 10-4
Poisson crocodile 3,4 x 10-3 8,4 4,0 x 10-4
Labbe de McCormick (foie) 2,55 11 150 2,30 x 10-4
Labbe de McCormick (tissus musculaires) 9,7 x 10-2 2 630 4,00 x 10-5

Source des données : Corsolini et al., 2002.

On a établi que l'efficacité d'assimilation alimentaire des NC chez le grand brochet était de 35 % pour les octa-NC, de 66 % pour les hepta-NC et de 63 % et 78 % pour les hexa-NC, selon le congénère étudié. Ces valeurs sont nettement supérieures à celles estimées par le modèle empirique de Gobas et al. (1988) pour les molécules de cette taille (Burreau et al., 1997). Les demi-vies de certains congénères hexachlorés chez le rat et l'humain s'apparentent à celles des composés récalcitrants comme les dibenzodioxines polychlorées (PCDD) et les dibenzofurannes polychlorés (PCDF), dont le potentiel d'accumulation dans les organismes et d'amplification dans les chaînes trophiques est avéré (Asplund et al., 1994a et b; Ryan et al. 1993).

Asplund et al. (1994a) ont étudié la rétention chez le rat d'un mélange des congénères hexaclorés 66-67 et d'un autre congénère hexachloré non précisé. Ils ont obtenu des demi-vies de 41 jours dans les tissus adipeux et de 36 jours dans le foie, qui sont des valeurs comparables à celles mesurées pour les congénères des PCDF substitués aux positions 2,3,7 et 8 les plus longs à éliminer (Asplund et al., 1994a). On a analysé pendant une dizaine d'années environ les concentrations du hexa-1,2,3,4,6,7 NC et du hexa-1,2,3,5,6,7 NC dans des échantillons de sang prélevés chez trois sujets ayant été exposés à de l'huile de riz contaminé aux NC, en 1979, à Taiwan. On a calculé que les demi-vies correspondant aux concentrations mesurées dans les échantillons se situaient entre 1,5 et 2,4 années (Ryan et Masuda, 1994). Ces demi-vies élevées chez l'humain s'apparentent à celles signalées pour certains PCDF (Ryan et al., 1993).

Selon le poids de la preuve, notamment les valeurs log Koe mesurées des tri- à octa-NC (tableau 1) et les valeurs de BCF mesurées des di- à penta-NC chez le poisson (tableau 7), et compte tenu des autres éléments d'information dont on dispose sur les facteurs de bioamplification mesurés des tétra- à hepta-NC, sur l'efficacité d'assimilation alimentaire élevée des hexa- à octa-NC chez le grand brochet et sur la très faible vitesse d'élimination systémique des hexa-NC chez le rat et l'humain, la conclusion est que les di- à octa-NC sont bioaccumulables, au sens du Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE (Canada, 2000).

Effets environnementaux

Organismes aquatiques

Comme on dispose de peu de mesures écotoxicologiques fiables pour la plupart des groupes d'homologues des NC, on a eu recours au modèle ECOSAR (version 0.99h) pour étudier la toxicité de ces substances. Ce modèle a également servi à estimer leurs valeurs Koe et leur solubilité dans l'eau. Les valeurs Koe obtenues se comparent dans l'ensemble aux valeurs Koe mesurées dont on dispose, les valeurs de solubilité dans l'eau estimées étaient généralement supérieures aux valeurs mesurées disponibles (voir le tableau 2). Comme le modèle ECOSAR d'estimation des effets aigus et des effets chroniques utilise des valeurs de coupure de 5,0 et de 8,0, respectivement, pour le log Koe, les estimations obtenues pour les homologues possédant des valeurs Koe supérieures aux valeurs de coupure n'ont pas été incluses au tableau 9. Et, toutes les valeurs de toxicité supérieures aux valeurs de solubilité dans l'eau prévues ont également été exclues du tableau 9. C'était le cas pour toutes les valeurs de concentration médiane létale (CL50)-14 jours modélisées pour le ver de terre.

Tableau 9. Estimations de la toxicité des naphtalènes chlorés (NC), selon le modèle ECOSAR (résultats indiqués en µg/L)
Type de NC Toxicité aiguë invertébré concentration médiane létale (CL50) Poisson CL501
valeur médiane (fourchette)
Algues vertes CL50  
96-heures/toxicité chronique
Poisson
valeur d'effet chronique - 30 jours
Daphnies
valeur d'effet chronique CL502 16 jours
Mono-NC 190 1858 (1318-2911) 2020/575 413 330
Di-NC 35 624 (536-712) 651/270 136 136
Tri-NCa 7 212 (209-215) 208/125 44 55
Tétra-NC NV NV 63/55 14 22
Penta-NC NV NV 19/25 4 8
Hexa-NC NV NV NV 1,3 3
Hepta-NC NV NV NV 0,4 1,2
Octa-NC NV NV NV NV NV

1 CL50 – Concentration d’une substance qui est jugée létale pour 50 % des organismes d’essai.
2 CE50 – Concentration d’une substance qui est jugée susceptible de causer un effet toxique sublétal chez 50 % des organismes d’essai.
a Les résultats de l’essai de toxicité aiguë sont inclus dans le tableau, même si la valeur Koe calculée pour les tri-NC (5,10) et légèrement supérieure à la valeur de coupure de 5,00.
NV : résultats non valides, en raison des valeurs log Koe trop élevées ou de solubilité dans l’eau trop basses.

Des études toxicologiques sur les NC, surtout les mélanges de marque Halowax, ont été effectuées sur une diversité d'espèces aquatiques comme des plantes, des invertébrés, des poissons et des grenouilles. Le PISSC a publié en 2001 un résumé de la plupart de ces études. Les travaux plus récents dont ne fait pas état le document du PISSC ont également été examinés et les résultats des principales études sont présentés ci-dessous. Comme certains essais ont été réalisés avec des agents solubilisants telle l'acétone, les concentrations d'essai obtenues dépassent la solubilité dans l'eau de certains des homologues ou des mélanges de NC. Cet aspect doit donc être pris en compte dans l'examen de la validité de chaque étude et dans l'interprétation des résultats. Rappelons que les solubilités des mélanges de marque Halowax ne sont pas bien caractérisées : tous les produits de cette marque sont qualifiés d'insolubles dans le rapport du PISSC (2001) et leur solubilité réelle n'est pas indiquée, comme c'est le cas pour certains isomères spécifiques (se reporter au tableau 1 pour les valeurs estimatives de la solubilité des groupes d'homologues). Par conséquent, les solubilités des mélanges de marque Halowax ont été estimées de façon approximative à partir des valeurs indiquées (voir le tableau 1) pour les principaux groupes de congénères composant le mélange (se reporter au tableau 3b), afin de comparer les solubilités aux concentrations d'essai des études de toxicité. Les valeurs de toxicité de chacun des groupes d'homologues des NC sont résumées ci-dessous pour les organismes aquatiques les plus sensibles.

Mono-NC

Dans les essais de létalité effectués avec les mono-NC, l'invertébré le plus sensible est la mysis effilée, chez qui la CL50-96 h était de 370 µg/L (EPA, 1980). On n'a relevé aucune étude de toxicité chronique sur les organismes aquatiques. Cette valeur est supérieure à la CL50-96 h de 190 µg/L obtenue par ECOSAR pour la même espèce et est similaire à la valeur CL50-16 jours de toxicité chronique établie par le modèle ECOSAR pour les daphnies. Le mené-tête-de-mouton s'est révélé l'organisme vertébré le plus sensible avec une CL50-96 h de 690 µg/L (Ward et al., 1981).

Dans les essais de toxicité chronique effectués avec le mélange Halowax 1000, l'effet le plus marqué a été une réduction de 11 % de la croissance de l'algue marine Dunaliella tertiolecta obtenue à 100 µg/L lors d'une étude de sept jours (Walsh et al., 1977). Cette valeur est inférieure à la valeur de toxicité chronique de 575 µg/L prévue pour les algues, mais elle se situe dans les plages de valeur de toxicité aiguë estimées par ECOSAR pour les invertébrés. Toutes ces valeurs sont inférieures aux valeurs de solubilité mesurées et estimées des mono-NC (tableau 1). Selon le document du PISSC publié en 2001, le mélange Halowax 1000 se compose de 60 % de mono-NC et de 40 % de di-NC (voir le tableau 3a), mais ces valeurs ne concordent pas avec la moyenne (et les plages de valeur) suivantes des pourcentages obtenues expérimentalement (voir le tableau 3b) : 15 (6,7-69), 76 (28-76,5) et 6.5 (1,2-44,1) pour les mono-, di- et tri-NC, respectivement.

Di-NC

On n'a relevé aucune étude de toxicité portant uniquement sur ce groupe d'homologues. L'effet aigu le plus important du Halowax 1000, mélange composé de 76 % de di-NC et de 15 % de mono-NC, a été obtenu à 100 µg/L, d'après les moyennes rapportées par Falandysz et al. (2006b) [voir le tableau 3b]. Il s'agit d'une réduction de 11 % de la croissance de l'algue marine Dunaliella tertiolecta observée lors d'une étude sur sept jours (Walsh et al., 1977). Cette valeur est inférieure à la valeur d'effet chronique de 270 µg/L prévue par ECOSAR pour les algues, mais elle se situe dans la plage des autres valeurs de toxicité aiguë et chronique prévues par le modèle pour les invertébrés et les poissons. Ces valeurs d'effet toxique se situent généralement en deçà des valeurs de solubilité mesurées et estimées des di- et mono-NC (tableau 1).

Tri-NC

On n'a relevé aucune étude de toxicité portant uniquement sur ce groupe d'homologues. Signalons cependant que, selon les moyennes rapportées par Falandysz et al. (2006b), le mélange Halowax 1099 comprend environ 38,7 % de tri-NC (voir le tableau 3b). Dans une étude effectuée avec ce mélange (qui renferme également 48 % de tétra-NC environ), on a obtenu une valeur de CL50-96 h de 69 µg/L pour la crevette Palaemonetes pugio (Green et Neff, 1977). En 1977, Neff et Giam ont exposé des limules (Limulus polyphemus) juvéniles à un mélange de Halowax 1099 pendant 96 jours. Ils ont constaté que la moitié des animaux au stade final T1 étaient morts après 27 jours à la concentration d'exposition la plus forte de 80 µg/L (valeur nominale). Ils ont observé des effets importants sur la durée de la période d'intermue à 80 µg/L. Les chercheurs ont utilisé de l'acétone comme agent solubilisant dans les deux études. Ces valeurs de toxicité sont environ dix fois plus élevées que la limite de solubilité mesurée des tri-NC et des tétra-NC, mais elles sont inférieures aux valeurs de solubilité estimées avec le modèle ECOSAR. Elles tombent également dans la plage des valeurs d'effets aigu et chronique prévues pour les invertébrés et le poisson par ce logiciel.

Tétra-NC

On n'a relevé aucune étude de toxicité portant uniquement sur ce groupe d'homologues. Signalons cependant que, selon les moyennes rapportées par Falandysz et al. (2006b), le mélange Halowax 1099 comprend environ 48 % de tétra-NC et le mélange Halowax 1013 en contient 53,3 % (voir le tableau 3b). Les études menées avec le mélange Halowax 1099 sont décrites ci-dessus (voir la section sur les tri-NC). Le mélange Halowax 1013 (qui renferme également environ 30 % de penta-NC) provoque une réduction de la croissance des algues marines Nitzschia sp. à 500 µg/L (Walsh et al., 1977). On a obtenu une CL50-96 h de 74 µg/L pour la crevette Palaemonetes pugio avec ce mélange (Green et Neff, 1977). Ces valeurs sont généralement dix fois plus élevées environ que la limite de solubilité mesurée des tétra-NC et elles sont inférieures à la solubilité estimée avec le modèle ECOSAR. De l'acétone a été utilisée comme agent solubilisant dans cette étude. La valeur de toxicité mesurée chez la crevette est supérieure aux valeurs de toxicité chronique pour les invertébrés et le poisson prévues par ECOSAR, mais du même ordre de grandeur. La valeur de toxicité mesurée pour les algues marines est dix fois plus élevée que celles prévues par le modèle ECOSAR pour les algues.

Penta-NC

On n'a relevé aucune étude de toxicité portant uniquement sur ce groupe d'homologues. Signalons cependant que, selon les moyennes rapportées par Falandysz et al. (2006b), le mélange Halowax 1014 renferme 47,7 % environ de penta-NC (voir le tableau 3b). Ce mélange renferme également 25,3 % de hexa-NC, dont certains se sont révélés très toxiques pour les mammifères, en raison de leur mode d'action apparenté à celui des dioxines, comme il en sera question plus loin. Les penta-NC forment environ 30 % du mélange Halowax 1013 (qui renferme également 53,3 % de tétra-NC et 13,1 % de tri-NC). Green et Neff (1977) ont obtenu une CL50-96 h de 74 µg/L pour la crevette Palaemonetes pugio avec le mélange Halowax 1013. Cette valeur de toxicité est environ dix fois plus élevée que la limite de solubilité mesurée des penta-NC et légèrement supérieure à celle prédite avec le modèle ECOSAR pour ce groupe d'homologues et sous les valeurs prévues par le modèle pour les tri- et tétra-NC. Selon le modèle ECOSAR, les valeurs de toxicité chronique des penta-NC pour le poisson et les daphnies, ainsi que les algues vertes sont inférieures à 10 µg/L et à 25 µg/L, respectivement.

L'EPA (1980) a effectué une série d'études de toxicité aiguë avec le mélange Halowax 1014 (proportion de tétra-, penta-, et hexa-NC = 16:47,7:25,3) et la crevette brune (Penaeus aztecus), la crevette Palaemonetes pugio, le mené tête-de-mouton (Cyprinodon variegatus) et le mulet cabot (Mugil cephalus). Les CL50-96 heures (exprimées en µg/L) ont été établies à 7,5, 248, plus de 343 et plus de 263, respectivement; le rapport publié par l'EPA ne précisait cependant pas le protocole particulier utilisé pour les expériences. Le mélange Halowax 1014 n'a pas affecté significativement la croissance des quatre espèces d'algues marines à des concentrations allant jusqu'à 1 000 µg/L durant les études de sept jours (Walsh et al., 1977). Une concentration de 100 µg/L de Halowax 1014 a tué 52 % des larves de la grenouille Rana agilis après 18 heures, et retardé de trois semaines dans la métamorphose des têtards survivants (Buggiani, 1980). Seule la valeur CL50 de 7,5 µg/L obtenue pour la crevette brune se compare ou est inférieure aux valeurs de solubilité des penta-NC mesurée et estimée par le modèle ECOSAR.

Talykina et al. (2003) ont étudié les effets du mélange Halowax 1014 sur les érythrocytes (globules rouges) de poissons medaka adultes (Oryzias latipes) après une exposition in ovo. Ils ont observé une augmentation de la fréquence des micronoyaux dans les érythrocytes à la plus faible concentration d'essai, soit 300 ng de Halowax 1014/g d'œuf (ce qui équivaut à 300 ppb).

Villalobos et al. (2000) ont réalisé des essais de toxicité du cycle de vie partiel en injectant dans des œufs de medaka (Oryzias latipes, stade précoce de la gastrula) des mélanges de Halowax 1013, 1014 ou 1051 dissous dans de la trioléine. Ils ont ensuite laissé les embryons se développer et les alevins atteindre leur maturité sexuelle (quatre mois) avant de les sacrifier. Le mélange Halowax 1013 a provoqué la mort de 64 % des œufs après 16 jours à une dose de 10 ng/oeuf (environ 10 ppm), la moitié des morts survenant le troisième jour et la dose la plus élevée (30 ng/oeuf) a tué 28 % des sujets au dernier stade de développement (Villalobos et al., 2000). Ce mélange a également provoqué l'éclosion prématurée des embryons à toutes les doses d'essai (0,3-30 ng/oeuf). La dose médiane létale (DL50) est la dose létale (DL) qui provoque la mort de la moitié de la population d'essai. Les chercheurs n'ont pas été en mesure de calculer la DL50 associée au mélange Halowax 1013 parce qu'ils n'ont pas observé de relation dose-réponse monotoxique. Il semble donc que la dose seuil de Halowax 1013 dans cette étude se situe à 0,3 ng/oeuf (environ 0,3 ppm).

Hexa-NC

Aucune étude de toxicité portant exclusivement sur les hexa-NC n'a été relevée. Le mélange Halowax 1014 et le seul mélange de cette marque qui contient une proportion significative de hexa-NC, soit environ 25,3 % (21-35,3 %), selon les données rapportées par Falandysz et al. (2006b) [voir le tableau 3b]. Les résultats des études de toxicité aiguë faites avec le Halowax 1014 sont présentés ci-dessus, les CL50 obtenues allant de 7,5 µg/L à plus de 343 µg/L pour les invertébrés, le poisson et les grenouilles. La valeur la plus basse, soit une CL50 de 7,5 µg/L chez la crevette brune, est environ cent fois plus élevée que la solubilité des hexa-NC mesurée et sous la valeur prédite par le modèle ECOSAR. Ce modèle prévoit des valeurs de toxicité chronique de 1 à 3 µg/L pour le poisson et les daphnies. [1]

[1] Tout comme lors de la Catégorisation (Environnement Canada, 2003), seules les valeurs de toxicité se situant autour de deux ordres de grandeur ou moins des valeurs de solubilité rapportées dans la littérature ont été retenues pour tenir compte des incertitudes associées aux mesures de solubilité des NC dans l'eau, surtout pour les homologues très peu solubles.

Hepta-NC

Aucune étude de toxicité portant exclusivement sur les hepta-NC n'a été relevée. Les valeurs de toxicité chronique de ce groupe d'homologues prévues par le modèle ECOSAR pour le poisson et les daphnies sont de l'ordre de quelque µg/L (voir le tableau 9). Le Halowax 1051 est le seul mélange de cette marque qui renferme une proportion significative de hepta-NC qui, selon les données rapportées par Falandysz et al. (2006b), se limite à 7,6 % environ, la proportion des octa-NC étant de 91,4 % (voir le tableau 3b). Les études de toxicité effectuées avec le Halowax 1051 sont décrites ci-dessous.

Villalobos et al. (2000) ont injecté du Halowax 1051 dans des embryons de medaka, selon le protocole décrit précédemment. Le produit s'est révélé être le moins toxique des trois mélanges Halowax étudiés; chez les embryons, la mortalité n'a jamais dépassé 20 % pour toutes les doses d'essai après 8 à 16 jours d'exposition. Ce mélange a cependant provoqué une diminution significative des indices gonadosomatiques chez les femelles après 122 jours d'exposition aux quatre doses d'exposition (0,3-10 ng/oeuf), sans toutefois que l'on puisse en dégager une relation dose-réponse.

Talykina et al. (2003) ont étudié les effets du mélange Halowax 1051 sur les érythrocytes (globules rouges) de poissons medaka adultes (Oryzias latipes) après une exposition in ovo. Ils ont observé une augmentation de la fréquence des micronoyaux dans les érythrocytes à la plus faible concentration d'essai, soit 300 ng de Halowax 1051/g d'œuf (0,3 ng/embryon) [ce qui équivaut à 300 ppb].

Octa-NC

Trois études de toxicité chronique ont été relevées sur les octa-NC : il s'agit d'essais effectués sur les puces d'eau (Daphnia magna) par LeBlanc, en 1980, sur le mené tête-de-mouton (Cyprinodon variegatus) par Heitmuller et al., en 1981, et sur la mysis effilée (Mysidopsis bahia) par l' EPA, en 1980. Dans les deux premières études, les chercheurs n'ont observé aucun effet aux concentrations d'essai les plus élevées (530 mg/L et 560 mg/L, respectivement). L' EPA a obtenu une CL50-96 heures supérieure à 500 mg/L (il s'agit du seul résultat expérimental rapporté dans l'article). Cela indique que les octa-NC possèdent une toxicité aiguë relativement faible pour les organismes aquatiques. Ces concentrations d'effet sont nettement supérieures aux valeurs de solubilité mesurée et prédite pour les octa-NC. On ne dispose d'aucune estimation de la toxicité pour ce groupe d'homologues, étant donné que le Koe des octa-NC se situe hors de la fourchette des valeurs acceptables du modèle.

Les résultats des études de toxicité menées avec le Halowax 1051, qui comprend environ 91,4 % de octa-NC, sont décrites dans la section précédente sur les hepta-NC.

Espèces fauniques terrestres

La présente section porte sur la toxicité des dérivés hexa- à octachlorés de naphtalène, tout particulièrement sur l'exposition par voie alimentaire, étant donné que l'on s'attend à ce que ce soit l'ingestion de nourriture qui constitue le principal mode d'exposition à ces groupes d'homologues à log Koe élevé (7,5-8,5).

Le document du PISSC (2001) comporte un résumé des études effectuées sur la toxicité des NC sur les mammifères; d'autres études ont également été examinées. Aucune étude de toxicité à long terme sur les mammifères n'a été relevée. Une étude de 135 jours sur des brebis a été recensée (Brock et al., 1957). La plupart des travaux relevés étaient des études à court terme, dont bon nombre avaient été menés sur des animaux de laboratoire comme le rat, le lapin et le cobaye. Il semble que les bovins soient plus sensibles aux NC que les animaux de laboratoire de type rongeur; ils sont également plus sensibles à ces produits que le mouton (IPCS, 2001). Aucune étude sur les mono- ou di-NC n'a été effectuée sur les bovins.

Mélanges de penta- et hexa-NC

Seules deux études sur la toxicité des NC pour les oiseaux ont été relevées. Elles portaient sur des dindonneaux et des poulets soumis à un régime contenant du Halowax 1014 (25,3 % de hexa-NC, 47,7 % de penta-NC et 16 % de tétra-NC; voir le tableau 3b) pendant 40 jours (Pudelkiewicz et al.,1958, 1959). Une dose de 20 mg/kg de moulée a provoqué la mort de la moitié des dindonneaux sans cependant causer d'effet important sur les poulets. Chez les dindonneaux, on a observé un taux de mortalité de 6,5 % et une réduction du gain pondéral de 33 % à une dose de 5 mg/kg de moulée.

Flinn et Jarvik (1936) ont administré deux mélanges de NC à des lapins en simultané. Tous les lapins ayant reçu une dose quotidienne de 30 mg (incorporée dans de l'huile de paraffine) des deux mélanges, essentiellement composés respectivement de tétra- et de penta-NC, et de penta- et de hexa-NC, sont morts (5 sur 5 dans chaque groupe) entre le 12e et le 26e jour. L'autopsie a révélé la présence dans le foie de nombreuses zones jaunes et d'une importante nécrose (Flinn et Jarvik, 1936).

On a noté des changements modérés des tissus hépatiques (cellules gonflées et vacuolisées, ainsi qu'une nécrose et une dégénérescence de cellules isolées) chez des rats nourris ave un mélange de penta- et hexa-NC (à raison de 125 mg/ animal un jour sur deux) pendant 26 jours. L'examen microscopique des autres organes (non précisés dans l'article) n'a révélé aucune anomalie (Bennett et al., 1938). Des groupes de dix rats auxquels on a administré un mélange de dérivés penta- et hexa-NC dans de la moulée, à une dose de 100 mg/animal par jour pendant 55 jours ou de 300 mg/animal par jour pendant 33 jours, sont tous morts ou ont atteint un état moribond (Drinker et al., 1937; Bennett et al., 1938).

Des lésions gastro-intestinales et de graves dommages au foie ou des décès ont été signalés chez des moutons ayant reçu une dose orale de 1,1 mg/kg de poids corporel par jour d'une mélange de Halowax 1014 sur une période de 90 à 135 jours (Brock et al., 1957).

On a observé une chute de la production spermatique chez des taureaux nourris d'un mélange de penta- et hexa-NC (à raison de 50 à 200 mg par jour pendant environ sept semaines) [Vlahos et al., 1955].

Hexa-NC

Une dégénérescence hépatique et rénale ainsi que des décès ont été observés chez des cochons nourris de hexa-NC à raison de 19-22 mg/kg de poids corporel par jour jusqu'à dix jours alors qu'une dose de 17,1-17,6 mg/kg de poids corporel par jour a entraîné une baisse des taux de vitamine A (Link et al., 1958; Huber et Link, 1962). L'exposition de rats par voie orale à des hexa-NC à raison de 0,3-2,3 mg/ animal par jour sur une période allant de 56 à 84 jours a entraîné une augmentation en fonction de la dose des poids relatifs du foie et des doses de 20 et de 60 mg/animal/jour ont provoqué des lésions hépatiques (Weil et Goldberg, 1962). Une dose orale de 1,1 mg/kg de poids corporel par jour de congénères de hexa-NC administrée à des bovins dans des capsules de gélatine pendant une période de 5 à 10 jours a provoqué de graves maladies systémiques (hyperkératose) [Bell, 1953].

Hepta-NC

Des doses orales de 0,69 à 2,4 mg/kg de poids corporel par jour de hepta-NC administrées à des bovins dans des capsules de gélatine pendant de 7 à 9 jours ont entraîné de graves maladies systémiques (hyperkératose) [Bell, 1953]. Une dose orale unique de 500 mg/kg de poids corporel de hepta-NC a provoqué la mort des trois lapins de l'étude en sept jours (Cornish et Block, 1958).

Octa-NC

Une dose orale unique de 500 mg/kg de poids corporel de octa-NC a entraîné la mort des trois lapins de l'étude en sept jours (Cornish et Block, 1958). Une dose orale de 2,4 mg/kg de poids corporel par jour de octa-NC administrée dans des capsules de gélatine pendant 9 jours a provoqué une maladie systémique grave (hyperkératose), alors qu'une dose orale de 1,0 mg/kg de poids corporel par jour pendant 11 jours a entraîné une hyperkératose légère (Bell, 1953).

Mécanismes d'action toxicologiques

Comme pour les autres halohydrocarbures arylés, tels les BPC et les PCDD ou les PCDF, on pense que certaines des réactions biochimiques (par exemple, induction des enzymes de métabolisation des médicaments, changements hormonaux) et toxiques (p. ex. troubles cutanés, perte pondérale, hépatotoxicité, toxicité sur la reproduction) aux NC passent par les récepteurs cytosoliques des hydrocarbures arylés (Ah) [Goldstein et Safe, 1989], un processus qui a été très bien étudié pour le composé modèle aryl-hydroxylase des hydrocarbures (AHH) (IPCS, 2001). Les composés apparentés aux AHH déclenchent une induction par le méthyl-3 cholanthrène (MC) [induction du CYP1A1 sous l'action des récepteurs Ah, surtout mesurée par l'activité de l'éthoxyrésorufine-O-dééthylase [ÉROD] et/ou de l'AHH).

Il existe plusieurs bioessais permettant de mesurer la force du lien d'un composé au récepteur Ah, notamment les essais EROD, AHH et de l'activité luciférase.

Les NC peuvent induire l'activité des monooxygénases microsomales dépendantes du cytochrome P-450, comme le démontrent des études effectuées sur le rat in vivo (Wagstaff, 1973; Ahotupa et Aitio, 1980; Campbell et al., 1981, 1983; Cockerline et al., 1981; Safe et al., 1981; Mäntylä et Ahotupa, 1993) et in vitro (cellules d'hépatome de rat; Hanberg et al., 1990, 1991), sur des embryons de poulet in ovo (Engwall et al., 1993, 1994) et in vitro (Brunström et al., 1995), sur des embryons de canard eider in ovo (Engwall et al., 1993, 1994) et sur des poissons in vivo (Holm et al., 1993, 1994; Norrgren et al., 1993).

Comme cela a été observé pour d'autres halohydrocarbures arylés, la capacité relative d'induction des NC semble être liée à l'importance et à la position de la substitution de l'hydrogène par l'atome de chlore dans le noyau naphtalénique, dont il est question ci-dessous. Dans plusieurs systèmes d'essai, les hexa-1,2,3,4,6,7 et 1,2,3,5,6,7 NC, le hepta-1,2,3,4,5,6,7 NC et d'autres congénères non identifiés du mélange de marque Halowax 1014 se sont révélés être les inducteurs les plus puissants des enzymes EROD et AHH (Campbell et al., 1983; Hanberg et al., 1990, 1991; Engwall et al., 1993, 1994; Norrgren et al., 1993; Brunström et al., 1995). Campbell et al. (1981) ont également constaté que les octa-NC provoquaient une augmentation de l'activité AHH en fonction de la dose dans les microsomes de rat. Dans des cultures de cellules hépatiques d'embryons de poulet, Brunström et al. (1995) ont également observé que le mélange de marque Halowax 1014 (tétra-, penta- et hexa-NC dans une proportion de 20:40:40) et deux isomères hexachlorés produisaient une induction maximale de l'enzyme EROD à un taux correspondant à environ 15-20 % de l'activité maximale induite par la AHH sur des cellules d'hépatome H4IIE de rat cultivées in vitro. Hanberg et al. (1990) ont établi que la puissance relative des NC par rapport à la AHH s'établissait à 0,002 pour le hexa-1,2,3,4,6,7 NC et le hexa-1,2,3,5,6,7 NC et deux autres isomères hexachlorés et à 0,003 pour un congénère heptachloré. Dans un essai effectué avec un mélange de hexa-1,2,3,4,6,7 NC et de hexa-1,2,3,5,6,7 NC administré dans le sac alvéolaire, Engwall et al. (1993, 1994) ont déterminé que la dose minimale d'induction de l'activité EROD chez des embryons de poulet se situait à 0,1 mg/kg de poids (œuf). La dose médiane efficace (DE50) représente la dose efficace (DE) produisant un effet chez la moitié de la population d'essai. Engwall et al. (1993, 1994) ont estimé que la DE50 de ce mélange de hepta-NC et du mélange Halowax 1014 était de 0,06 mg/kg de poids (œuf) et de 0,2 mg/kg de poids (œuf), respectivement, chez des embryons de poulet, pour le critère d'induction de l'activité EROD (1993, 1994).

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