Rapport d'évaluation préalable des naphtalènes chlorés : chapitre 1

Synopsis

Les ministres de l'Environnement et de la Santé ont réalisé l'évaluation préalable des naphtalènes chlorés (NC), conformément à l'article 74 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999). Les naphtalène, dérivés chloro (ou dérivés chlorés du naphtalène), dont le numéro de registre du Chemical Abstracts Service est 70776-03-3, répondaient aux critères de la catégorisation pour la persistance, le potentiel de bioaccumulation et la toxicité intrinsèque pour les organismes non humains. L'appellation « dérivés chlorés du naphtalène » désigne un mélange de substances de composition variable appartenant à la classe chimique des NC.

Les NC n'ont pas été déclarés d'intérêt très prioritaire pour l'évaluation des risques qu'ils présentent pour la santé humaine à la lumière des résultats fournis par les outils simples de détermination du risque pour la santé et du risque d'exposition mis au point par Santé Canada pour la catégorisation visant la Liste intérieure. La présente évaluation est donc axée sur les renseignements utiles à l'évaluation des risques pour l'environnement.

La formule moléculaire brute des naphtalènes chlorés est C10H8-nCln (n = 1-8). Il est possible de former 75 congénères différents de naphtalènes chlorés, qui sont classés en huit groupes d'homologues identifiés par les préfixes mono- à octa-, selon le nombre d'atomes de chlore que compte la molécule (par exemple, naphtalènes monochlorés et dichlorés). Les propriétés physiques et chimiques des divers congénères de NC tiennent, dans une large part, au nombre d'atomes de chlore de leur molécule et, dans une moindre mesure, à la position que ceux-ci y occupent.

Les principales propriétés physiques et chimiques constituent des paramètres utiles pour prédire quel sera le devenir des NC dans l'environnement. Les valeurs numériques de la solubilité dans l'eau, de la pression de vapeur et de la constante de la loi de Henry diminuent généralement avec le taux de chloration de la molécule, alors qu'on observe la tendance inverse pour les valeurs du log Koe, du point de fusion et du point d'ébullition.

Les NC présents dans l'environnement sont surtout d'origine anthropique. La production commerciale de dérivés mono- à octachlorés destinés à divers usages a débuté vers 1910. Les NC n'ont probablement jamais été fabriqués au Canada, ceux-ci étant plutôt importés des États-Unis. Même si leur utilisation commerciale a cessé au pays depuis plus de deux décennies, les NC peuvent constituer un sous-produit involontaire de divers procédés industriels utilisant du chlore, surtout s'il y a présence de chaleur, tels que l'incinération des déchets, la production de ciment et de magnésium, l'affinage des métaux comme l'aluminium, la chloration de l'eau potable et la production de pâtes et papiers (procédé au chloralkali). On connaît mal la nature des rejets issus de certains de ces procédés. Les produits mis en décharge qui contiennent des NC et les anciennes installations industrielles qui en faisaient usage constituent d'autres sources possibles de ces substances dans l'environnement. Selon certains relevés, la combustion du bois à des fins domestiques entraînerait le rejet de NC dans l'atmosphère. La combustion du bois durant les feux de forêt pourrait également constituer une source non anthropique (c.-à-d. naturelle) d'émissions de NC dans l'environnement.

Les modèles de fugacité servent à prédire comment se répartiront les NC dans les divers milieux environnementaux. On retrouve les émissions atmosphériques de NC surtout dans l'air et au sol alors que les rejets en milieu aquatique se distribuent surtout dans l'eau et les sédiments.

Au Canada, on a décelé des NC dans les milieux ou les organismes suivants : air des régions arctiques et urbaines, eau du lac Ontario, poissons et oiseaux de la région des Grands Lacs et des environs, épaulards de la côte du Pacifique, phoques et baleines de l'Arctique canadien et marmottes de l'île de Vancouver. On dispose de données limitées sur les concentrations environnementales de NC au Canada. Des données beaucoup plus nombreuses ont cependant été recueillies sur leur présence aux États-Unis et en Europe, notamment dans les sédiments et les sols.

Les naphtalènes di- à octachlorés persistent dans l'atmosphère. Selon les estimations, le potentiel de transport à grande distance des naphtalènes dichlorés est modéré et il est élevé pour les dérivés tri- à octachlorés, ce qui indique que certains d'entre eux peuvent être transportés dans l'air jusque dans des régions aussi éloignées que l'Arctique. En outre, selon les estimations, les dérivés di- à octachlorés seraient persistants dans l'eau et les dérivés tri- à heptachlorés sont persistants, tant dans les sédiments que dans les sols. D'après les données recueillies selon la méthode du poids de la preuve, notamment les mesures de log Koe des naphtalènes di- à octachlorés, les mesures du facteur de bioconcentration des naphtalènes di- à pentachlorés chez les poissons, les mesures du facteur de bioamplification des naphtalènes tétra- à heptachlorés, l'efficacité d'assimilation alimentaire élevée des dérivés hexa- à octachlorés chez le brochet et la très faible vitesse d'élimination systémique des hexachloronaphtalènes chez le rat et l'humain, on conclut que les dérivés di- à octachlorés de naphtalène sont également des substances bioaccumulables.

Les données empiriques et modélisées dont on dispose sur la toxicité des NC en milieu aquatique indiquent que les dérivés di-, tri-, tétra- et pentachlorés peuvent être nocifs pour les organismes aquatiques à des concentrations relativement faibles (moins de 1,0 mg/L dans les essais de toxicité aiguë et 0,1 mg/L, dans ceux de toxicité chronique). On a également constaté que les dérivés hexa-, hepta- et octachlorés provoquaient des effets nocifs chez les mammifères (particulièrement les bovins) à des doses de 0,69 mg/kg p.c./j et à des doses supérieures.

L'existence d'éléments démontrant qu'une substance est fortement persistante et bioaccumulable au sens du Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE (1999), conjuguée avec la possibilité de rejet ou de formation dans l'environnement et avec le potentiel de toxicité pour les organismes, constituent une forte indication que la substance peut pénétrer dans l'environnement dans des conditions de nature à avoir des effets nocifs à long terme. Les substances persistantes demeurent longtemps dans l'environnement après y avoir été rejetées, ce qui accroît l'ampleur et la durée possibles de l'exposition. Celles dont la demi-vie est élevée dans les milieux mobiles (air et eau) et qui sont sujettes à s'y répartir en proportions appréciables peuvent causer une contamination étendue. Le rejet de faibles quantités de substances bioaccumulables peut donner lieu à des concentrations internes élevées chez les organismes exposés. Les substances fortement bioaccumulables et persistantes sont particulièrement préoccupantes en raison de leur bioamplification possible dans les réseaux trophiques, ce qui peut entraîner une exposition interne très élevée en particulier chez les prédateurs des niveaux trophiques supérieurs.

À la lumière des éléments d'information exposés ci-dessus, tout particulièrement la capacité avérée des NC de persister dans l'environnement, de s'accumuler dans les organismes et d'être nocifs à faibles doses et, compte tenu des limites des méthodes actuelles d'estimation quantitative du risque pour les substances de cette nature, tout particulièrement en présence de données limitées, comme c'est le cas pour les NC, et considérant, malgré le fait qu'il n'y ait plus de production commerciale de NC au Canada, qu'ils continuent d'être rejetés dans l'environnement au pays en raison de leur production involontaire et du transport à distance des polluants atmosphériques, on conclut que les naphtalènes di- à octachlorés peuvent avoir des effets nocifs sur l'environnement au Canada.

Il est donc proposé de conclure que les naphtalènes polychlorés, ou les naphtalènes di- à octachlorés, pénètrent dans l'environnement en une quantité ou à une concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement ou sur la diversité biologique.

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