Rapport d’évaluation écologique préalable sur le sulfonate de perfluorooctane, ses sels et ses précurseurs :chapitre 5


5. Analyses du quotient de risque

On a effectué des analyses du quotient de risque pour le SPFO, qui tenaient compte des expositions connues ou possibles à effets environnementaux nocifs connus ou possibles. Après une analyse des voies d'exposition, on a identifié les récepteurs sensibles pour sélectionner les paramètres d'évaluation environnementale (la réduction du gain pondéral, la mortalité accrue de la progéniture, des réductions dans le développement, des effets histopathologiques nocifs chez les mammifères, etc.). Pour chacun de ces paramètres, on a sélectionné une valeur estimée de l'exposition (VEE) fondée sur les données empiriques des études de surveillance. On a utilisé de préférence les données de surveillance de l'environnement canadien pour déterminer ces VEE, mais on a aussi examiné les données des États-Unis ou d'autres pays pour compléter les données canadiennes et comme indication de l'exposition possible à cette substance persistante et bioaccumulable. Ces VEE, qui représentaient habituellement des scénarios de protection, servaient à indiquer la possibilité que ces substances atteignent des concentrations préoccupantes, ainsi qu'à déterminer les régions qui devraient être les plus préoccupantes. On a déterminé la valeur estimée sans effet observé (VESEO) en divisant la VCT par un facteur d'application, alors que la VCT représentait habituellement la valeur minimale d'écotoxicité établie à partir d'un ensemble de données acceptables et disponibles. Étant donné les propriétés physicochimiques du SPFO et de ses sels, on a habituellement accordé la préférence aux données de toxicité chronique, en réponse aux inquiétudes relatives à l'exposition à long terme. Lorsque ces données n'étaient pas disponibles, on a utilisé des données de toxicité aiguë. On a calculé les facteurs d'application selon une approche multiplicative, qui utilisait des facteurs de 10 (à moins qu'il ne soit possible d'évaluer des facteurs propres à des cas particuliers) pour tenir compte des diverses sources d'incertitude associées aux extrapolations et aux conclusions concernant les facteurs suivants : les variations intra- et interspécifiques, les paramètres biologiques à sensibilité différentielle, les répercussions des extrapolations des conditions de laboratoire aux conditions sur place, l'extrapolation aux écosystèmes des essais pour une seule espèce et l'extrapolation des concentrations à effets faibles aux concentrations chroniques sans effet observé.

Bien que les quotients de risque puissent servir à indiquer la possibilité d'effets néfastes sur l'environnement attribuables à des substances persistantes et bioaccumulables, ces risques sont vraisemblablement sous-estimés par les approches habituelles de détermination du quotient. Par exemple, si les rejets d'une substance persistante se sont poursuivis ou ont augmenté au cours des dernières années, sans que les concentrations maximales à l'équilibre aient été atteintes dans l'environnement, les VEE mesurées peuvent sous-estimer l'exposition possible. De plus, les VESEO peuvent sous-estimer la possibilité d'impacts à long terme de substances persistantes et bioaccumulables, étant donné que les concentrations maximales ne sont pas souvent atteintes dans les tissus des organismes étudiés en laboratoire parce que la durée des essais de toxicité est insuffisante pour l'atteinte des concentrations à l'équilibre. On présente dans les annexes annexe 33, annexe 44 et annexe 55 un résumé des quotients de risque calculés pour le SPFO et ses précurseurs.

Faune mammalienne

Au Canada, une étude sur des ours blancs de sept régions circumpolaires a rapporté les plus fortes concentrations moyennes de SPFO chez les espèces fauniques. On a mesuré les concentrations canadiennes les plus élevées chez les ours blancs du sud de la baie d'Hudson [entre 2 000 et 3 770 µg.kg-1 de foie (p. h.), avec une moyenne de 2 730 µg.kg-1 de foie (p. h.)] (Smithwick et al., 2005b). Les concentrations mesurées chez l'ours blanc de l'Arctique canadien comptent parmi les plus élevées pour les ours blancs du monde entier, mais on ne considère pas que ces concentrations d'exposition soient anormales, étant donné qu'on a noté des concentrations semblables chez des ours blancs d'autres régions de l'Amérique du Nord et de l'Arctique européen, et des concentrations supérieures chez d'autres espèces fauniques à l'échelle mondiale (p. ex. chez les poissons au Japon et aux Pays-Bas). Compte tenu de la taille relativement petite de l'échantillon, qui semble indiquer qu'un nouvel échantillonnage pourrait mettre en évidence des concentrations supérieures, ainsi que du fait que cette espèce est un prédateur du niveau supérieur, on a jugé que la concentration d'exposition maximale dans le foie de l'ours blanc canadien était utile pour le calcul du quotient de risque.

Dans l'évaluation du risque pour les espèces fauniques canadiennes, on a utilisé une concentration d'exposition de 3 770 µg.kg-1 de foie (p. h.) chez les ours blancs du sud de la baie d'Hudson comme VEE pour les espèces fauniques. On a établi la VCT pour la faune mammalienne à partir d'une étude alimentaire de deux ans chez les rats, au cours de laquelle on a observé des effets histopathologiques dans le foie de mâles et de femelles à des apports aussi faibles que 0,06 à 0,23 mg.kg-1 p. c. /jour et 0,07 à 0,21 mg.kg-1 p. c. /jour, respectivement (Covance Laboratories Inc., 2002). On a déterminé des valeurs moyennes pour les mâles et les femelles afin d'établir une DMEO correspondante de 40,8 µg.g-1 dans le foie, ce qui donne une VESEO de 0.408 µg.g-1 de foie avec un facteur d'application de 100. Ainsi, on a calculé un quotient de risque de 9,2 basé sur une concentration d'exposition maximale de 3 770 µg.kg-1 de foie (p. h.) chez les ours blancs du sud de la baie d'Hudson (annexe 5). Toutefois, on a aussi calculé d'autres quotients de risque, étant donné l'étendue des paramètres toxicologiques, mais avec la même concentration d'exposition maximale de 3 770 µg.kg-1 de foie (p. h.) chez l'ours blanc du sud de la baie d'Hudson. Ces quotients de risque, compris entre 2,1 et 19, étaient régulièrement supérieurs à l'unité (annexe 4). Bien que la concentration maximale du SPOF dans les ours polaires du Sud de la baie d'hudson soit de 3770 ug.kg-1 de foie (p.h.) et que les quotients de risque sont calculés à partir de cette valeur, la concentration moyenne de cette population est de 2730 ug.kg-1 de foie (p.h.) et les quotients de risques seraient alors environ 27% plus bas tout en étant dans le même ordre de grandeur que ceux calculés utilisant la valeur de la concentration maximale. On a aussi noté que la concentration moyenne de SPFO dans le foie des ours blancs de trois autres emplacements canadiens (Extrême-Arctique, Territoires du Nord-Ouest et sud de l'île Baffin) était comprise entre 1 170 et 1 390 µg.kg-1. On a calculé des quotients de risque de 2,9 à 3,4 à partir des VCT et des concentrations moyennes de l'étude de deux ans chez les rats.

Il faut noter que la concentration maximale chez les ours blancs de l'est du Groenland était supérieure (6 340 µg.kg-1) à celle obtenue pour les ours du sud de la baie d'Hudson et qu'on pourrait calculer un quotient de risque de 15,4 à partir de cette valeur à l'aide des mêmes facteurs d'application. À partir des plus fortes concentrations dans les tissus (4 870 µg.kg-1 de foie) mesurées chez le vison dans le Midwest des États-Unis, on obtiendrait un quotient de risque (11,9) du même ordre de grandeur, qui pourrait aussi être jugé pertinent pour les espèces fauniques canadiennes des latitudes moyennes. Les analyses du quotient de risque indiquent qu'on observe le risque potentiel le plus élevé du SPFO dans l'environnement chez les mammifères du niveau trophique supérieur.

Organismes pélagiques

Une étude récente de Macdonald et al. (2004) a rapporté une CSEO de 10 jours de 0,0491 mg.L-1 pour la croissance et la survie du moucheron aquatique (Chironomus tentans). À ce titre, on a choisi comme VCT la CSEO de 10 jours de cette étude, jugée la plus appropriée. On lui a appliqué un facteur d'application de 10 pour tenir compte des variations entre les études en laboratoire et sur place, et un autre facteur d'application de 10 pour convertir un paramètre de toxicité aiguë en paramètre de toxicité chronique, ce qui a donné une VESEO de 0,491 µg.L-1. La VEE choisie pour les eaux canadiennes est la valeur mesurée la plus élevée de l'étude de Boulanger et al. (2004) (121 ng.L-1 pour le lac Ontario). Le calcul du quotient de risque se fait comme suit : 0,121 / 0,491 = 0,25 (annexe 5).

Espèces aviaires

Dans le cas des espèces aviaires, la VCT est fondée sur les effets observés pour les canards colverts mâles du groupe exposé à 10 ppm de SPFO dans l'alimentation selon une étude d'exposition de 21 semaines. À cette dose, les concentrations de SPFO dans le sérum et dans le foie (p. h.) étaient de 87,3 µg.mL 1 et de 60,9 µg.g-1, respectivement. Étant donné l'incertitude de cette valeur (en l'absence d'une CSENO pour cet effet) et que les effets chez les mâles (taille réduite des testicules et effets sur la spermatogenèse) puissent être survenus avant la fin de l'étude, au moment des mesures de concentration de SPFO dans le foie, on a appliqué, pour les mesures du SPFO dans le foie, un facteur d'application de 10 afin de tenir compte de la variabilité interspécifique et de l'extrapolation des conditions en laboratoire aux conditions sur place, ainsi qu'un autre facteur d'application de 10 pour tenir compte de l'extrapolation du niveau d'effet observé à une CSENO. Donc, la valeur estimée sans effet observé (VESEO) du SPFO chez les oiseaux est de 0,87 µg.mL-1 pour le sérum et de 0,609 µg.g-1 pour le foie. On a calculé les quotients de risque à l'aide de ces VESEO par rapport à la VEE d'un certain nombre d'espèces aviaires indigènes du Canada, notamment un grand nombre d'oiseaux piscivores et d'espèces migratrices (voir l'annexe 3). Les valeurs des quotients de risque sont soit supérieures à l'unité ou voisines de celle-ci, ce qui indique une possibilité d'effets nocifs aux concentrations observées chez les espèces indigènes, notamment les espèces migratrices.

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