Coût du projet de loi C-288 pour les familles et les entreprises canadiennes

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G. Constatations analytiques

Les constatations analytiques présentent le coût général du changement de la politique pour l'ensemble de l'économie et ses principaux intervenants (les principaux secteurs de l'économie, y compris les consommateurs). L'analyse saisit également certains des avantages de l'action. Par exemple, un avantage qui découle de la politique est l'économie d'énergie provenant des investissements dans l'efficacité énergétique. Toutefois, il y a des avantages de l'action qui ne sont pas inclus dans cette analyse, par exemple les améliorations environnementales (p. ex. air plus pur) et les avantages implicites pour la santé, ou les avantages de l'innovation technologique, lesquels sont peu susceptibles de se concrétiser en un si court laps de temps. Ainsi, cette analyse offre une vision partielle des conséquences du scénario de base envisagé pour réaliser l'objectif de Kyoto du Canada.

Cette analyse est fondée sur un modèle énergétique technologique et macroéconomique intégré. Bien qu'il s'agisse d'un outil d'analyse très sophistiqué, aucune structure de modélisation ne peut saisir pleinement les interactions compliquées, associées au choc d'une politique donnée, entre les marchés et à l'intérieur de ceux-ci et entre les entreprises et les consommateurs. Toutefois, ce modèle et d'autres peuvent fournir une orientation en ce qui concerne les conséquences économiques générales qui découleront probablement d'un changement de politique en fonction de la meilleure information disponible et dans les limites des hypothèses formulées. Il existe plusieurs variations de modèles, chacun ayant des forces et des faiblesses différentes.

Le cadre de modélisation particulier utilisé pour la présente analyse comporte plusieurs limites connues. Sa force réside dans la modélisation des impacts à l'échelle nationale. Les répartitions régionales et sectorielles de ces impacts doivent être interprétées et améliorées de façon rigoureuse. En outre, les résultats sont générés à l'échelle de l'industrie - il n'existe aucune capacité d'évaluation des impacts sur une entreprise particulière.

Une autre limite provient du fait que le cadre de modélisation utilisé dans la présente analyse n'était pas calibré pour stimuler les effets d'une politique monétaire et d'une réponse au taux de change sur les répercussions économiques de la politique. On s'attendrait à ce qu'une telle réponse, en particulier le taux de change, contribue à tempérer le choc et à faciliter la reprise économique au fil du temps. Cela signifie que les répercussions économiques présentées peuvent être quelque peu surévaluées, particulièrement après 2009, en supposant qu'une politique monétaire et une réponse au taux de change pourrait accélérer la reprise économique sans augmenter en même temps les émissions canadiennes dépassant l'objectif de Kyoto. Les résultats présentés ici devraient être interprétés en fonction de la réaction initiale de l'économie suivant une mise en oeuvre complète du Protocole de Kyoto à court terme, et non de quelle manière et à quel moment l'économie se redresserait à la suite du choc subit.

Sauf indication contraire, les répercussions de la politique sur les indicateurs économiques clés sont présentées en écart en pourcentage du scénario du maintien du statu quo. Le maintien du statu quo (MSQ) fait référence au scénario associé aux tendances continues au plan économique, technologique et démographique actuelles et en l'absence de politique gouvernementale pour réduire les émissions de GES.

Réduction des émissions

Le diagramme 7 illustre la part des contributions des crédits nationaux et internationaux aux réductions des émissions du Canada pendant la période de Kyoto dans le cadre du scénario stratégique. Environ 25 % (65 Mt) de l'objectif annuel du Canada fixé à 260 Mt est pris en compte dans les achats internationaux chaque année. Des réductions nationales seraient à prévoir au cours de la période, alors que les entreprises et les personnes réagiront aux prix plus élevés de l'énergie. Pendant cette période, certaines petites réductions nationales découleraient de la séquestration du carbone, des gaz d'enfouissement et de méthodes agricoles améliorées, mais comme on le démontre ci-après, une part importante des réductions nationales proviendrait de la diminution des extrants sectoriels associée au choc provoqué par la taxe sur le carbone.

Diagramme 7 : Réductions des émissions
Diagramme 7 : Réductions des émissions

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Même si les achats de crédits en tant que partie des réductions totales diminuaient avec le temps, environ 1,8 milliards de dollars en dépenses seraient affectés annuellement à la réduction des émissions dans d'autres pays.

La taxe nationale sur le carbone générerait en moyenne des recettes de 105 milliards de dollars par année, que l'on suppose être recyclées en majorité sous la forme d'une diminution du fardeau fiscal des entreprises et des particuliers (répartie également entre les deux)13. Les diminutions d'impôt atténuent les répercussions de la taxe sur le carbone sur la demande nationale à court terme. Elles accroissent également l'efficacité économique à long terme en stimulant, par exemple, l'accumulation du capital, bien que celles-ci ne soient pas substantiellement importantes à court terme.

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Impacts économiques

Le Produit intérieur brut (PIB) est le meilleur indicateur disponible de la santé globale de l'économie du Canada, car il mesure la valeur marchande de tous les biens et services produits au sein de l'économie canadienne (ou la valeur ajoutée totale par tous les secteurs de l'économie).

L'analyse indique que le PIB déclinerait de plus de 6,5 % par rapport aux projections actuelles en 2008 en raison de la politique, tombant à un niveau d'environ 4,2 % en dessous de celui de 2007 (tableau 1). Cela supposerait une profonde récession en 2008, avec une perte nette d'activité économique nationale de l'ordre de 51 milliards de dollars pour une année par rapport aux niveaux de 2007. En comparaison, la plus grave récession pour le Canada à survenir dans la période suivant la Deuxième Guerre mondiale, telle que mesurée par la chute du PIB, est celle qui s'est produite entre 1981 et 1982. Le PIB réel a chuté de 4,9 % entre le deuxième trimestre de 1981 et le quatrième trimestre de 1982.

Tableau 1 : Répercussions à court terme sur le PIB réel et l'emploi
  2008 2009
  Différence du MSQ, pourcentage
PIB réel -6,7 -7,2
Emploi -2,5 -4,1
  2008 2009
  Taux de croissance estimé, pourcentage
PIB réel -4,2 -2,2
Emploi -1,4 -0,3

Après 2008, le PIB recommencerait à croître, mais d'après ce modèle, il ne retrouverait les niveaux de 2007 qu'après 2010. Cependant, comme on l'a noté, la présente analyse ne tient pas compte d'une politique monétaire et d'une réponse aux taux de change qui devraient atténuer cette perte, en particulier après 2009. En effet, après une augmentation ponctuelle du niveau des prix en 2008 (un bond d'environ 6 %), les résultats indiquent une chute importante du taux d'inflation au cours des années suivantes sous les niveaux du MSQ ainsi qu'une détérioration importante de la balance commerciale du Canada. Indépendamment d'une réaction d'une politique monétaire, cela déclencherait probablement une dépréciation du dollar canadien, ce qui aiderait à rétablir la concurrence du Canada avec le temps. En outre, bien que la réaction d'une politique monétaire en 2008 soit compliquée par la présence d'une augmentation ponctuelle du niveau des prix et d'une dépréciation de la monnaie, la récession, ainsi que la prévision du retour de l'inflation à des niveaux sous celui du MSQ, entraîneraient tout probablement une politique monétaire plus adaptée. L'importance de la perte du PIB, relative au MSQ, qui pourrait du moins être partiellement compensée en raison d'une telle réponse est représentée par la ligne tiretée du diagramme 8. Il convient aussi de noter que la nécessité de s'assurer que les objectifs d'émissions de Kyoto continuent d'être respectés tout au long de cette période exigerait probablement de nouvelles hausses du taux de la taxe sur le carbone pour veiller à ce que l'économie en voie de rétablissement ne dépasse pas le plafond de GES de Kyoto.

Diagramme 8 : Impact sur le PIB
Diagramme 8 : Impact sur le PIB

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* N'incorpore pas la réponse probable de politique monétaire et taux de change nominal

Toutes les provinces et tous les secteurs connaîtraient une diminution considérable de leurs activités économiques en vertu de ce scénario. L'Alberta, en raison de sa grande dépendance à l'égard de sa production pétrolière et gazière à grande échelle serait particulièrement touchée.

Ces répercussions négatives sur le PIB, malgré le fait que les recettes provenant de la taxe sur le carbone sont recyclées, sont expliquées par un certain nombre de facteurs clés. D'abord, il y aurait un décalage important entre le recyclage des recettes fiscales et tout effet de rebond économique connexe, à mesure que les entreprises harmonisent les investissements en capital à la lumière de la soudaine réalité de l'économie limitant le carbone et que les consommateurs économisent, à court terme, une partie des recettes recyclées qu'ils reçoivent. Ensuite, il y aurait une « fuite » de la taxe sur le carbone recyclée de l'économie canadienne associée à la hausse des coûts de production nationale; les importations de biens et services étrangers augmenteraient et, en même temps qu'un déclin de toutes les exportations, la balance commerciale du Canada serait détériorée. Enfin, environ 30 % des recettes provenant de la taxe sur le carbone sont conservées par les gouvernements fédéral et provinciaux pour compenser les pressions sur leur position fiscale respective découlant du choc d'une politique, cela équivaut à une augmentation nette du fardeau fiscal global, accompagnée des coûts économiques connexes.

La baisse de production signifie que les emplois nets se situeraient sous le niveau du MSQ de plus de 4 % (ou 705 000 emplois) en 2009, puisque les entreprises abaissent leur niveau de production ou cessent leur production en réponse à la demande réduite et aux coûts élevés (tableau 1). Cela augmenterait le taux de chômage d'environ 1,5 point de pourcentage en 2009 (environ 25 % plus élevé que les projections actuelles). Le niveau absolu d'emploi chuterait d'environ 1,7 % (ou 276 000 emplois) entre 2007 et 2009. La baisse prévue en emploi est moindre que lorsqu'on envisage le PIB réel parce que les industries les plus touchées, les industries à forte intensité en carbone, oeuvrent davantage avec le capital qu'avec la main d'oeuvre comparativement à d'autres secteurs14. De plus, il y aurait une réduction des niveaux de revenu disponible réel par habitant par rapport au MSQ d'environ 2,5 % en 2009 (ou d'environ 1 000 $ par Canadien en dollars d'aujourd'hui).

En raison des coûts de production beaucoup plus élevés associés à l'imposition d'une taxe majeure sur le carbone sur les intrants énergétiques, on s'attendrait à ce que les exportations d'énergie du Canada diminuent considérablement (diagramme 9).

Diagramme 9 : Impact sur les échanges commerciaux
Diagramme 9 : Impact sur les échanges commerciaux

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Les exportations nettes des produits pétroliers du Canada subiraient un recul très prononcé par rapport aux niveaux MSQ, car les coûts de production plus élevés rendraient une grande partie de notre industrie pétrolière non concurrentielle face aux prix qui se pratiquent actuellement sur le marché mondial, surtout en ce qui concerne la production des sables bitumineux à forte intensité d'énergie.

En général, l'analyse indique que la production de pétrole au Canada pour les marchés tant national que d'exportation serait d'environ 30 % inférieure à celle du scénario du MSQ en 2008.

Cela entraînerait également une réduction des exportations nettes de gaz naturel en raison de la réduction de la production nationale due aux coûts d'environ 15 % en moyenne de 2008 à 2012. On s'attendrait à ce que les importations de charbon chutent de près de 15 % en moyenne pendant cette période par rapport aux projections du MSQ, à mesure que l'élimination et la fermeture progressives des installations de production d'électricité alimentées au charbon s'accélèrerait - en raison de la stabilité relative des exportations brutes de charbon, les exportations nettes de charbon augmenteraient légèrement.

En ce qui concerne les exportations nettes d'électricité, il est probable qu'elles seraient un peu plus importantes en conséquence de la politique parce que la demande intérieure réduite d'électricité, associée au déclin économique général, créerait un excédent d'électricité canadienne « propre » dans les provinces riches en hydroélectricité (Québec, Manitoba, Colombie-Britannique) que l'on pourrait exporter pour répondre à la demande américaine.

La taxe sur le carbone aurait également des répercussions sur les prix de l'énergie auxquels seraient confrontés les consommateurs canadiens (diagramme 10). En moyenne, les prix du gaz naturel feraient plus que doubler dans les premières années par rapport aux prix du MSQ en conséquence de la taxe sur le carbone. Par contre, on s'attendrait à ce que les prix de l'électricité à l'échelle nationale restent relativement stables au cours des premières années puisque l'approvisionnement total demeure presque conforme au scénario de base, puisque des exportations élevées compensent pour une demande nationale réduite (cependant, il y aurait probablement des variations importantes à l'échelle régionale sur le prix de l'électricité). Au cours des dernières années, on prendrait probablement la décision de reporter l'expansion prévue de la capacité de production d'électricité ou d'opter pour des sources de génération d'électricité relativement plus coûteuses comme les énergies renouvelables et le gaz naturel, ce qui ferait probablement augmenter les prix de l'électricité d'environ 50 %, en moyenne, après 2010.

Diagramme 10 : Augmentation du prix de l'énergie
Diagramme 10 : Augmentation du prix de l'énergie

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Les prix des carburants pour le transport augmenteraient également de façon marquée - environ 60 % de plus par rapport au maintien du statu quo. Au prix actuel de l'essence d'environ 1,00 $ le litre, cela se traduirait par un prix moyen de plus de 1,60 $ le litre en raison de la politique.

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13 Le gouvernement conserve une partie des recettes pour veiller à ce que le solde total de l'État demeure conforme aux valeurs projetées dans le scénario de base.

14 En conséquence, l'effet négatif sur l'emploi et le taux de chômage est moindre que ce que l'on a connu durant la récession de 1981-1982.

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