Évaluation scientifique du smog au Canada : faits saillants et messages clés : chapitre 2


Mortalité

En ce qui concerne la mortalité, la documentation sur les effets de la pollution atmosphérique sur la santé se divise en deux grands types d’études : celles qui examinent la relation entre une exposition chronique ou à long terme (qui s’étend généralement sur de nombreuses années) et les taux de mortalité, et celles qui examinent la relation entre une exposition aiguë ou à court terme (qui dure de un à quelques jours) et les taux de mortalité.

Les études à long terme sont habituellement réalisées sur des cohortes suivies au moyen d’une base de données pour permettre l’étude de l’état de santé des sujets en relation avec divers facteurs de risque (p. ex. tabagisme, habitudes de vie). Ces études portent sur les sujets pris individuellement et sur les facteurs modulant le risque individuel qu’il est possible d’analyser pour obtenir de l’information sur les risques du groupe. Les études à court terme utilisent généralement les registres administratifs établis à diverses fins, comme la facturation et le suivi des soins de santé, afin d’examiner comment les populations réagissent aux facteurs de risque. Dans ces deux types d’études, l’exposition à la pollution atmosphérique est estimée d’après les concentrations mesurées dans les stations de surveillance de la qualité de l’air, qui ont été établies pour surveiller la conformité aux objectifs de qualité de l’air ambiant.

Les études de cohortes servant à évaluer les effets chroniques présentent l’avantage de contenir de l’information détaillée sur les facteurs de risque individuels qui peuvent être étudiés en plus des risques liés à la pollution atmosphérique en fonction du temps. Leur structure longitudinale permet en outre d’estimer l’impact, sur l’abrégement de la vie, d’un facteur de risque individuel comme la pollution atmosphérique. Les cohortes longitudinales sont cependant relativement rares, en raison de l’important fardeau financier et logistique qu’elles supposent. Et comme plusieurs effets de la pollution atmosphérique sur la santé sont également associés à d’autres facteurs de risque (p. ex. les cardiopathies, le tabagisme et l’alimentation), il faut réaliser des analyses approfondies pour discerner les effets propres à la pollution atmosphérique.

Les études d`exposition aiguë sont généralement plus courantes, étant donné que les bases de données dont elles dépendent sont habituellement tenues par des organismes de santé publique et qu’elles appliquent des classifications de mortalité et des méthodes de collecte des données normalisées sur des populations entières. Comme il s’agit d’études se déroulant sur une période relativement courte (qui suivent l’évolution de la mortalité sur une base quotidienne), il n’y a habituellement pas de corrélation entre la pollution atmosphérique et la plupart des autres facteurs de risque généralement associés à la mortalité, et il n’est donc pas nécessaire d’en tenir compte dans les analyses. Les facteurs les plus importants à considérer dans les études à court terme sont les variables météorologiques, même si cela exige une vaste modélisation statistique. Cependant, contrairement aux études à long terme, ces analyses renseignent peu sur les facteurs de risque et les autres facteurs (p. ex. les facteurs liés à la situation socioéconomique) qui modulent la relation avec la pollution atmosphérique et ne peuvent être évalués directement.

Les études à court terme et à long terme fournissent toutes deux de l’information sur l’ampleur du risque découlant de l’exposition à la pollution atmosphérique. Leurs résultats sont vraisemblablement de nature additive (c.-à-d. que les données associées à la mortalité observées dans un type d’étude ne sont pas comptabilisées dans l’autre) et peuvent renseigner sur la sensibilité à partir de l’examen des causes de décès de toutes origines confondues, des causes de décès d’origine respiratoire, des causes de décès d’origine cardiovasculaire et des causes de décès d’autres origines, ainsi qu’à partir d’analyses effectuées en fonction de l’âge. Les études de cohortes à long terme sont cependant considérées comme plus robustes et plus instructives, car elles tiennent compte d’autres facteurs de risque, et leur période de suivi permet l’examen d’enjeux importants, comme la durée de vie perdue.

À la suite de la parution en 1999 des évaluations scientifiques canadiennes6 sur les particules (PM) et sur l’ozone (O3), et étant donné les questions qui ont été soulevées quant à l’analyse des grandes études américaines sur l’exposition chronique7 et leur applicabilité à la population canadienne, il a été déterminé que l’accent devait être mis sur les associations à court terme entre ces polluants et le taux de mortalité. La priorité accordée à l’exposition à court terme aux particules et à l’ozone a donc orienté le calcul des standards pancanadiens sur une période de 24 heures pour les PM2,5 et de huit heures pour l’ozone. Les travaux effectués depuis une dizaine d’années indiquent que, même si les standards à court terme restent fondés scientifiquement, on dispose actuellement de données pour l’exposition à long terme et l’impact sur la mortalité prématurée, qui justifient pleinement l’établissement d’un standard canadien pour la qualité de l’air davantage axé sur le long terme (soit une valeur annuelle).

Mortalité attribuable à une exposition chronique

Même si d’autres cohortes ont été analysées, l’étude de l’ACS et celle dite des « six villes » demeurent les plus importantes et fournissent les estimations de risques les plus fiables, essentiellement pour des raisons méthodologiques comme leur vaste effectif et leur structure basée sur l’ensemble de la population. Les nouvelles analyses des résultats de ces études ainsi que d’autres travaux ont confirmé les résultats précédents, mais ont également permis de mieux étayer l’impact des particules sur les sous-populations vulnérables, comme les personnes atteintes de cardiopathie ischémique. En raison de sa grande taille et de sa période prolongée de suivi, la cohorte de l’ACS sert généralement à estimer les risques. L’étude des six villes est toutefois également utilisée et génère des estimations de risques encore plus élevés que l’étude de l’ACS. Ces deux études ont servi à estimer la durée de vie perdue attribuable à l’exposition aux polluants atmosphériques, et malgré les écarts observés, les valeurs obtenues sont importantes, allant de plusieurs mois à deux ans. Par ailleurs, la cohorte de l’ACS a révélé l’existence d’un lien statistiquement significatif avec la mortalité et le cancer du poumon, même si les résultats ne permettent pas d’établir une association avec le déclenchement de ce type de cancer. Malgré leur moindre puissance statistique du fait de leur plus faible effectif et de leur méthodologie, de récentes études de cohortes canadiennes ont également révélé un risque important de mortalité, et certains résultats ont mis en lumière le rôle potentiel des facteurs socio-économiques pour ce qui est de la nature exacte des effets (c.-à-d. un impact plus important observé chez les groupes socio-économiquement défavorisés).

Une nouvelle analyse des résultats issus de plusieurs cohortes a constitué la principale démarche d’examen des relations entre une exposition chronique à la pollution atmosphérique et la mortalité. Il s’agit essentiellement de la cohorte de l’American Cancer Society (ACS) et de celle de l’étude de Harvard sur six villes. Bien que les résultats de ces études soient accessibles depuis le milieu des années 1990, certains aspects de l’analyse ont soulevé des questions quant à l’interprétation des résultats. Des analyses subséquentes ont permis de résoudre ces questions et d’ouvrir de nouvelles perspectives dans la compréhension globale des effets. Plusieurs autres cohortes, quoique plus petites, ont également été analysées. Toutes ces analyses ont révélé l’existence de relations positives, généralement statistiquement significatives, entre l’exposition à long terme à la pollution atmosphérique et la mortalité prématurée, notamment la mortalité pour toutes causes confondues, ainsi que plusieurs sous-catégories de causes comme les causes cardiovasculaires et respiratoires.

Les analyses ont notamment permis de constater la prédominance des effets délétères sur la santé attribuables aux particules fines par rapport à ceux qui sont attribuables aux particules grossières (PM10-2,5) et aux co-polluants comme le dioxyde d’azote (NO2) et le monoxyde de carbone (CO). Dans certains cas, le dioxyde de soufre (SO2) est également lié de manière statistiquement significative à des effets néfastes, bien que certains chercheurs aient soutenu qu’il s’agit plutôt d’un indicateur de particules issues de sources précises. Les effets sur le système cardiovasculaire ont également été mieux caractérisés, et bien que des mécanismes respiratoires semblent aussi entrer en jeu, on sait aujourd’hui que la plupart des décès liés à la pollution atmosphérique résultent de ses effets sur la santé cardiovasculaire.

Des études américaines reliant l’exposition chronique à la mortalité ont été utilisées dans le monde entier par diverses organisations comme l’OMS et l’Union européenne (UE) pour caractériser la mortalité liée aux particules. On ne disposait pas d’études de cohortes canadiennes jusqu’à tout récemment. Deux cohortes regroupant des millions de Canadiens viennent cependant d’être constituées, et les données sur les effets de l’exposition chronique à plusieurs polluants atmosphériques, y compris les particules et l’ozone, sont en cours d’analyse. Ces cohortes permettront d’examiner les relations dans le contexte relativement peu pollué de l’environnement canadien; elles fourniront une grande quantité d’information sur la sensibilité, ce que les autres cohortes ne peuvent faire, et permettront d’étudier les associations avec divers facteurs de risque propres au Canada. Elles se prêteront en outre à une analyse axée sur le déclenchement de la maladie. Les premiers résultats devraient être disponibles en 2011.

Étant donné son importance, il convient de mentionner l’analyse de la cohorte de l’ACS effectuée en 2009, et ce, malgré que cette étude ait été publiée en dehors de la période visée par la présente évaluation. Des années supplémentaires de données ont été utilisées pour évaluer entre autres choses la relation de l’ozone et des particules avec les causes de décès d’origine respiratoire et cardiaque. L’une des caractéristiques importantes de l’étude est que, contrairement aux analyses précédentes de la cohorte de l’ACS, elle révèle l’existence d’une relation statistiquement significative entre l’exposition à long terme à l’ozone et la mortalité prématurée. De plus, cette relation semble se limiter aux causes de décès d’origine respiratoire (les particules sont avant tout associées aux causes de décès d’origine cardiaque) et être fonction de la moyenne estivale (les effets des particules dépendent des moyennes annuelles). Les résultats relatifs à l’ozone laissent supposer l’existence d’un seuil (contrairement aux particules qui ne présentent pas de seuil apparent). Cette constatation sur l’ozone pourrait résulter de l’amélioration des techniques d’analyse, mais elle est plus probablement due aux années supplémentaires de données, qui améliorent la puissance statistique de l’étude (comme la mortalité d’origine respiratoire est une cause de décès beaucoup moins fréquente que celle d’origine cardiaque, il peut s’avérer plus difficile d’observer ces effets).

Dans l’ensemble, la base de données sur la mortalité liée à l’exposition chronique s’est grandement bonifiée depuis 1999, en raison des nouvelles études et des nouvelles analyses des données de cohortes existantes qui révèlent que les particules fines (PM2,5) constituent un important enjeu de santé publique. Les PM2,5 continuent d’être le principal facteur qui explique les effets à long terme de la pollution atmosphérique sur la mortalité prématurée, et ce paramètre offre un fondement scientifique solide pour l’établissement d’un objectif de qualité de l’air ambiant visant le long terme. Alors qu’on ne disposait que de peu d’information au sujet du lien entre l’exposition chronique à l’ozone et la mortalité, une analyse toute récente de l’étude de cohorte de l’ACS souligne l’importance possible de ce paramètre comme cause de mortalité d’origine respiratoire. Cette conclusion doit cependant être confirmée et nécessite des connaissances additionnelles pour en dégager la pertinence dans le contexte canadien.

Mortalité attribuable à une exposition aiguë

Les études sur une seule ville sont plus fréquentes, mais les études sur plusieurs villes sont généralement considérées comme étant plus robustes. Ces dernières présentent souvent une plus forte variabilité de réponses (attribuable à la grande variété de conditions dans les différentes villes incluses), mais elles peuvent être supérieures aux études sur une seule ville, car elles examinent une plus grande variété de conditions, ne souffrent pas de biais de publication (la possibilité que les études négatives sur une seule ville ne soient pas publiées) et affichent une plus grande puissance statistique en raison de la plus grande taille de leur échantillon. Elles permettent donc l’examen de catégories d’âges et de maladies plus précises qu’il serait impossible d’étudier autrement. Les méta-analyses combinent les résultats de plusieurs études (habituellement sur une seule ville).

Selon les documents des évaluations scientifiques canadiennes de 1999, il y avait des preuves substantielles d’une association entre l’exposition à court terme à des concentrations plus élevées d’ozone et de particules fines et la mortalité prématurée. Depuis ce temps, on dispose d’un certain nombre d’études sur une ou plusieurs villes,  en plus de méta-analyses.

D’après la majorité de ces études (anciennes et nouvelles), les particules ont des effets positifs et généralement statistiquement significatifs sur le taux de mortalité. Bien que ces études mettent l’accent sur le rôle des particules fines, la fraction grossière des particules (PM10-2,5) ne peut être ignorée.

Les risques estimés sont toutefois presque toujours plus élevés pour les particules fines, tout particulièrement dans les études portant sur les causes précises de décès (c.-à-d. d’origine respiratoire et cardiovasculaire). De nombreuses études ont examiné des catégories de mortalités plus précises comme les accidents vasculaires cérébraux, les infarctus du myocarde, les cardiopathies ischémiques, l’insuffisance cardiaque chronique, la pneumonie et la maladie pulmonaire obstructive chronique. Dans presque tous les cas, le risque s’accroît en présence d’une maladie préexistante. L’intervalle de temps qui s’écoule entre l’exposition à des concentrations élevées et la mortalité qui en résulte est assez court, généralement de l’ordre d’un jour; l’existence d’intervalles de plusieurs jours indique toutefois un effet prolongé et un risque global plus élevé que pour toute situation où l’intervalle n’est que d’une journée.

L’étude canadienne sur plusieurs villes a permis de constater que les particules fines présentent des effets semblables à ceux observés dans d’autres analyses (études sur une seule ville et autres études sur plusieurs villes). La recherche a également mis en lumière l’impact considérable du dioxyde d’azote (NO2) et de l’ozone. Les particules se sont révélées être le premier facteur déterminant par rapport à la mortalité dans une vaste étude américaine sur plusieurs villes (NMMAPS8). L’envergure de cette étude a permis l’examen d’un grand nombre de sous-questions. Entre autres conclusions, il a été établi que les variables météorologiques ne pouvaient pas expliquer les associations entre la pollution atmosphérique et la mortalité découlant d’une exposition aiguë; les effets ne se limitaient pas à une seule saison, mais semblaient relativement uniformes tout au long de l’année. Les méthodologies statistiques (c.-à-d. l’utilisation de modèles additifs généralisés [MAG]) qui avaient auparavant soulevé des critiques au sujet des résultats d’études sur une seule ville ne constituaient plus un enjeu important. Les caractéristiques du modèle (mode précis de traitement statistique des données), même s’ils modifiaient un peu les résultats, n’ont pas eu d’impact notable sur les résultats globaux. Bien que l’étude NMMAPS ait déterminé que les particules étaient le principal facteur déterminant pour la mortalité, l’ozone constituait aussi un facteur de risque important, l’étude originale ayant établi l’existence d’un effet positif et statistiquement significatif durant la saison chaude et d’un effet positif non statistiquement significatif durant l’année. Selon une analyse de suivi portant sur un plus grand nombre d’années, il y avait des effets similaires pour ce qui concerne l’été et un effet statistiquement significatif pour ce qui concerne l’ensemble de l’année (qui reflète peut-être la meilleure puissance statistique associée à la plus grande série de données). Comme ce fut le cas dans d’autres études, l’analyse de la NMMAPS a également mené aux conclusions suivantes : les risques associés aux décès d’origine cardio-pulmonaire sont plus élevés que ceux associés aux décès de toutes causes confondues; la prise en compte des co-polluants ne modifie pas les résultats associés à l’ozone; et les risques relatifs les plus élevés sont associés aux intervalles les plus courts (de 0 à 1 jour), mais les risques accrus persistent pendant quelques jours au-delà de cet intervalle.

Dans une importante étude européenne sur plusieurs villes9 on a obtenu des résultats semblables à ceux constatés en Amérique du Nord. On a observé un impact plus élevé sur l’ensemble des effets nocifs durant l’été ainsi que des risques accrus associés aux catégories de décès d’origine cardiovasculaire et respiratoire. Ces travaux ainsi que d’autres études ont également examiné l’importance de diverses concentrations d’ozone pondérées dans le temps (c.-à-d. une heure, huit heures et 24 heures). Si les temps d’exposition plus courts produisaient des estimations de risques légèrement plus élevées, les différences n’étaient pas statistiquement significatives.

On trouve généralement des relations statistiquement significatives entre la mortalité prématurée et les expositions aiguës aux particules et à l’ozone dans les études portant sur une seule ville. Ces études viennent confirmer que l’effet de l’ozone est plus prononcé durant la saison chaude, et que les risques liés aux particules semblent être relativement constants tout au long de l’année.

Beaucoup d’études d`expositions à court terme ont examiné comment les associations entre pollution et mortalité se modifiaient lorsque les expositions aux co-polluants étaient prises en compte. Les estimations du risque lié aux particules demeurent robustes après ajustement en fonction des autres polluants. Bien qu’elles diminuent parfois dans les modèles qui incluent les polluants gazeux (en particulier le NO2, qui est souvent fortement corrélé avec les particules), elles restent positives et la plupart du temps statistiquement significatives.

Dans l’ensemble, à quelques exceptions près, l’incidence de l’ozone sur la mortalité prématurée n’est pas sensiblement modifiée par la prise en compte des particules ou d’autres polluants. Parce que les concentrations d’ozone et la température sont fortement corrélées, un certain nombre d’études ont examiné l’influence des variations de la température de l’air ambiant dans leurs modèles de mortalité pour déterminer si les effets de l’ozone étaient sensibles à cette variable. Les résultats indiquent que les méthodes utilisées dans les études épidémiologiques qui rendent compte des effets de la température sont adéquates : la température de l’air ne module pas de manière notable la relation entre l’ozone et la mortalité ou les particules et la mortalité.

Un certain nombre d’études sur la santé de la population ont examiné le phénomène des concentrations seuils par rapport aux effets de l’ozone et des particules sur le taux de mortalité. Des ajustements ont été apportés aux modèles de rechange, et une distinction a été effectuée entre jours de forte et jours de faible pollution (qui correspondent habituellement au partage entre les valeurs conformes et non conformes à une norme de qualité de l’air) afin de déterminer si les estimations des risques varient. La forme de la courbe dose-réponse particules-mortalité associée à une exposition à court terme a été examinée dans plusieurs études. Dans chaque cas, l’analyse a révélé une association quasi linéaire sans seuil apparent. Pour l’ozone, la plupart des études existantes ne permettent pas d’appuyer l’hypothèse d’une concentration « sans effet ».

L’absence relative de données aux niveaux d’exposition faibles, le risque d’erreur de classification de l’exposition ainsi que l’hétérogénéité propre aux populations humaines imposent certaines limites à l’interprétation de la forme de la relation exposition-mortalité, en particulier aux concentrations faibles. L’analyse de la NMMAPS pour l’ozone portant précisément sur cet aspect n’a pas démontré une baisse des risques aux concentrations les plus faibles et a conclu qu’un seuil, si tant est qu’il y en ait un, ne pourrait se situer qu’à des concentrations bien inférieures aux concentrations naturelles. Cette constatation s’apparente aux analyses faites pour documenter l’évaluation scientifique canadienne de 1999, qui relevaient des associations entre la mortalité et les hospitalisations, tant pour l’ozone que pour les particules, aux plus faibles concentrations ambiantes mesurables. Bien qu’il soit fort probable que des seuils d’effet existent à l’échelle individuelle, la présence de très grandes « sous-populations » atteintes de maladies cardiorespiratoires préexistantes, la grande variabilité interindividuelle quant aux effets observés dans les études d’exposition contrôlée, l’existence d’une sensibilité de nature génétique et d’autres facteurs donnent à penser qu’il n’y aurait pas de seuils d’effet à l’échelle des populations ou qu’un tel seuil n’existerait qu’à de très faibles concentrations.

La question du déplacement temporel des décès, attribuable à une exposition aux polluants atmosphériques, a été examinée dans plusieurs études de la mortalité associée à une exposition aiguë. Même si leur analyse et leur interprétation s’avèrent difficiles, les études portant sur cette question (qui prolongent habituellement la période d’analyse de plusieurs jours à quelques semaines) n’ont pas réussi à démontrer clairement que le délai avant le décès avait été seulement écourté brièvement. Il s’agit d’une conclusion importante, car un décalage de quelques jours seulement est peu significatif sur le plan de la santé publique. Ces résultats appuient l’hypothèse voulant que l’exposition à la pollution atmosphérique affecte considérablement la date du décès, et que ces décès ne surviennent pas chez des personnes fragiles déjà en fin de vie et dont le décès ne s’est produit que quelques jours plus tôt. L’exposition à court terme à la pollution atmosphérique semble plutôt devancer la date de décès des personnes sensibles de l’ordre de quelques semaines ou mois.

Études d’intervention

Au cours des dix dernières années tout particulièrement, les occasions d’examiner les bienfaits pour la santé publique d’une réduction (intentionnelle ou non) de la pollution atmosphérique se sont multipliées. À trois occasions, on a enregistré une réduction très importante de la pollution atmosphérique due aux particules pendant une période suffisamment longue pour permettre l’étude des bienfaits de cette diminution sur la santé du point de vue du taux de mortalité. Dans chacun des cas (soit lors d’une grève dans une usine sidérurgique de la vallée de l’Utah, d’une interdiction d’utiliser du charbon pour le chauffage domestique à Dublin et d’une amélioration considérable de la qualité du carburant à Hong Kong), la pollution associée aux particules ambiantes a chuté rapidement et de manière prolongée. Une analyse ultérieure a démontré une diminution concomitante de la mortalité (et d’autres effets néfastes). D’autres études ont révélé que l’accumulation progressive de mesures visant un plus grand nombre de sources différentes, comme celles adoptées au cours des 30 dernières années en Amérique du Nord et en Europe, a également permis de réduire les concentrations de particules et entraîné une baisse de la mortalité d’origine cardiovasculaire et respiratoire et des symptômes respiratoires chez les enfants. Malgré les limites inhérentes à la méthodologie utilisée, ces études viennent appuyer les observations faites dans les analyses épidémiologiques présentées précédemment.

Conclusions

Dans l’ensemble, les études plus récentes ont confirmé les résultats antérieurs et ont également permis de mieux comprendre l’impact des particules et de l’ozone sur la mortalité prématurée. La confirmation des impacts d’une exposition à long terme aux particules et l’orientation que ce constat donne à l’adoption d’un objectif de qualité de l’air ambiant fondé sur cette relation (c.-à-d. une norme annuelle) revêtent une importance particulière. Bien que les pointes quotidiennes de pollution atmosphérique aient des effets importants et justifient l’établissement de normes visant les courtes durées (24 heures ou moins), l’exposition à long terme s’accompagne d’effets considérablement plus importants. Étant donné que les mesures de gestion des risques liés à une exposition prolongée peuvent différer de celles qui sont associées à une exposition à court terme, il apparaît justifié d’adopter ces deux types de normes. Les résultats associés aux effets cardiovasculaires, y compris les critères d’évaluation précis tels que les cardiopathies ischémiques, indiquent que l’appareil respiratoire, premier point d’impact de la pollution, n’est pas le seul système à subir les effets néfastes de la pollution atmosphérique. En outre, bon nombre des résultats indiquent que les particules contribuent à l’apparition de cardiopathies en plus d’exacerber les maladies préexistantes.

L’apparition d’une maladie est considérée comme étant plus significative que l’aggravation d’une maladie existante, car elle implique l’émergence de nouveaux cas et/ou la progression de la maladie vers des stades plus avancés. Cela indique que les méthodes actuelles d’évaluation des effets néfastes de la pollution atmosphérique engendrent des sous-estimations. Les travaux plus récents sur la relation entre la mortalité respiratoire et l’ozone révèlent qu’il est possible de réglementer ce polluant par l’établissement d’un standard visant l’exposition chronique (qui pourrait être une moyenne durant la saison chaude). Une analyse plus poussée semble cependant nécessaire avant d’envisager définitivement cette mesure. Des données plus récentes et la majorité des données confirment également la nécessité de conserver des standards fondés sur une moyenne à court terme (24 heures pour les PM2,5 et huit heures pour l’ozone). La base de données scientifiques confirme également que la mortalité survient tout au long du continuum de l’exposition subie par la population canadienne, et qu’une approche sans seuil, fondée sur la population, constitue pour le moment l’interprétation la plus juste des données.

Morbidité associée à une exposition chronique

L’étude de la morbidité liée à l’exposition chronique continue de privilégier les maladies cardiovasculaires et respiratoires, même si les nouvelles études sont plutôt rares et que les effets de type respiratoire sont ceux les plus observés à ce jour. Les études antérieures révèlent que l’ozone affecte de manière importante la santé pulmonaire des enfants. Ces résultats se fondent cependant largement sur des niveaux d’exposition élevés non observés au Canada. Les résultats associés à des concentrations d’ozone plus caractéristiques du contexte canadien ne sont pas concluants, et globalement, il y a relativement peu d’études qui portent sur l’exposition chronique et la morbidité.

Présentement, d’importants travaux de recherche visent surtout à comprendre dans quelle mesure la pollution atmosphérique provoque des maladies chroniques ou contribue à leur progression. Une grande partie de ces travaux s’intéressent à la santé cardiovasculaire en raison de l’importance globale des cardiopathies dans la société actuelle. Les plus récentes recherches semblent indiquer que la pollution atmosphérique (surtout les particules fines) favorise la progression de plusieurs effets cardiaques majeurs.

L’étude récente la plus importante dans ce champ de recherche est celle sur la santé des enfants réalisée en Californie. Cette étude de cohorte prospective bien conçue a examiné une diversité de polluants atmosphériques et les effets néfastes associés à une vaste plage de concentrations. Si les particules fines (et le carbone élémentaire) étaient associées à la plupart des paramètres étudiés (p. ex. croissance des poumons, symptômes respiratoires, asthme), il en était de même pour d’autres co-polluants comme les vapeurs d’acides et le dioxyde d’azote. La fonction pulmonaire, la croissance et le développement des poumons sont affectés par ces polluants, mais aucun polluant ne se distingue des autres par un effet particulier. La croissance et le développement des poumons sont affectés jusqu’à l’âge de 18 ans, ce qui correspond à la maturité pulmonaire et au point où les lésions sont peu susceptibles de guérir, ce qui compromet la santé pulmonaire à long terme du sujet. En outre, les enfants qui ont quitté dans leur plus jeune âge les zones à concentrations élevées de particules pour s’établir dans un secteur moins pollué présentaient un rétablissement notable de la fonction pulmonaire, et vice versa. Il n’existe pas d’association entre la plupart des paramètres et les concentrations ambiantes d’ozone. Deux effets indésirables particuliers, l’absentéisme scolaire en raison de troubles respiratoires et le développement de l’asthme, ont cependant été associés à une exposition à des concentrations élevées d’ozone, mais pas à une exposition aux autres polluants. Dans ces analyses, l’asthme n’est apparu que dans les groupes d’enfants vivant dans les collectivités les plus exposées à l’ozone (concentrations supérieures à celles enregistrées au Canada) et qui jouaient beaucoup dehors. L’absentéisme scolaire a été observé à diverses concentrations, y compris à celles correspondant au contexte de qualité de l’air canadien.

L’étude sur la santé des enfants de la Californie, qui a débuté en 1992, est une grande étude à long terme des effets de l’exposition chronique à la pollution atmosphérique sur la santé des enfants vivant dans le sud de la Californie. Les enfants sont davantage vulnérables à la pollution atmosphérique que les adultes, parce que leurs poumons et leur corps sont encore en développement. Ils sont également davantage exposés à la pollution atmosphérique que les adultes, car ils respirent plus rapidement et s’adonnent davantage à des activités extérieures exigeant un effort.

Environ 5500 enfants de 12 localités ont pris part à l’étude, dont les deux tiers étaient des élèves de quatrième année. Des données sur la santé des enfants, l’exposition à la pollution atmosphérique et divers facteurs qui modifient leurs réactions à la pollution atmosphérique ont été recueillis chaque année jusqu’à ce que les enfants obtiennent leur diplôme d’études secondaires. Les premiers résultats de recherche ont paru en 2000, et de nouveaux articles sont publiés à mesure que les données sont analysées.

Plusieurs études réalisées en Europe et en Amérique du Nord (y compris dans la région de Vancouver, en Colombie-Britannique) ont relevé des relations statistiquement significatives entre l’exposition aux particules (et, dans certains cas, à des sources précises de particules) et des effets néfastes sur le système auditif de l’enfant. Bien que souvent caractérisées comme étant de moindre importance que d’autres effets nocifs, les otites de l`oreille moyenne (principale cause de prescription d’antibiotiques chez les plus jeunes) et divers autres paramètres de santé ont été associés aux concentrations de particules observées. Il s’agit là d’un enjeu important pour la santé de la population, parce que ces problèmes sont, dans certains cas, la cause la plus fréquente d’hospitalisation chez les plus jeunes.

Morbidité associée à une exposition aiguë - Hospitalisations et consultations en salle d’urgence

Des études antérieures sur les hospitalisations et les consultations en salle d’urgence (CSU) relèvent une relation relativement robuste, et statistiquement significative dans la plupart des recherches, avec les concentrations ambiantes d’ozone et de particules (indépendantes les unes des autres).

Les études de ce type sont moins fréquentes que celles sur la mortalité prématurée, en grande partie parce que les bases de données centralisées sur les hospitalisations sont moins nombreuses et plus difficiles à utiliser. Dans l’ensemble, les résultats des travaux récents de ce type sont compatibles avec les recherches antérieures. Globalement, les résultats révèlent des relations statistiquement significatives entre les hospitalisations non planifiées et les concentrations de particules (généralement PM10) et d’ozone. Comme ces études présentent généralement une moindre puissance statistique (en raison de la taille de l’échantillon) que celles portant sur la mortalité, les causes précises de morbidité se prêtent moins à une analyse détaillée. Dans les études qui sont assez vastes pour s’y prêter cependant, les risques et le niveau de signification statistique s’avèrent plus élevés pour certaines catégories de maladies (en particulier les maladies cardiorespiratoires) et dans le groupe des personnes âgées (les maladies cardiorespiratoires sont beaucoup plus répandues chez les 55 ans et plus). En outre, les asthmatiques, et en particulier les enfants asthmatiques, semblent être plus sensibles aux effets des particules et de l’ozone que l’ensemble de la population.

Tout comme dans les études sur la mortalité, certaines tendances saisonnières se dégagent dans la relation entre les consultations à l’hôpital et l’exposition à l’ozone. Bien qu’il y ait, en général, concordance entre les concentrations d’ozone et les effets néfastes sur la santé, la relation est nettement plus forte pendant la saison chaude (les difficultés liées au traitement de la variance entre les saisons ou la probabilité accrue d’exposition en saison chaude peuvent être en cause). Cette relation s’avère également dans les études des CSU, en particulier pour l’asthme. Les associations entre l’exposition aux particules et les consultations à l’hôpital n’affichent pas de saisonnalité, comme l’indique le fait que les analyses centrées sur une saison génèrent des résultats semblables à celles qui portent sur l’ensemble de l’année.

La prise en compte de co-polluants qui pourraient être associés à une morbidité aiguë ne modifie pas de manière significative les effets de l’ozone sur les CSU et les hospitalisations. Cette observation est moins évidente dans le cas des particules, car on a observé dans certaines études (y compris celles réalisées au Canada) que les résultats associés aux particules variaient parfois lorsque d’autres polluants étaient inclus (surtout le NO2). Ces études utilisent souvent des indicateurs variés en ce qui concerne la taille des particules (p. ex. PM10 ou PM2,5), ce qui rend difficile l’obtention de conclusions exactes et illustre en même temps le fait qu’aucune étude n’est parfaitement adaptée pour observer une réponse.   

Morbidité associée à une exposition aiguë - Études par panel

Les études par panel comportent l’examen de petits groupes de personnes qui accomplissent leurs tâches quotidiennes normales ou des activités particulières. Ces études consistent à recueillir des données individuelles sur l’activité et l’exposition et à chercher s’il existe des relations entre ces données et l’état de santé. Les études par panel peuvent servir de pont entre les vastes analyses épidémiologiques et les études menées en laboratoire dans des conditions contrôlées, mais on a de plus en plus tendance à les utiliser isolément pour mettre en lumière l’existence de relations importantes. Jusqu’au moment de la préparation du présent document, la plupart des études par panel s’étaient limitées aux seuls paramètres respiratoires. Des travaux plus récents s’intéressent toutefois aux maladies cardiovasculaires, et des conclusions dans ce domaine sont attendues sous peu.

Les recherches sur les effets de la pollution atmosphérique se font souvent auprès de sujets asthmatiques en raison de leur plus grande sensibilité et vulnérabilité aux polluants, les enfants étant les sujets de choix de la plupart de ces études. On constate habituellement un accroissement des symptômes respiratoires et de l’usage de médicaments, accompagné d’une réduction de la fonction pulmonaire, à la suite d’une exposition à la pollution atmosphérique. Dans le petit nombre d’études ayant porté sur la gravité des réactions de type asthmatique, il semble que les cas d’asthme les plus sévères sont susceptibles d’éprouver des effets néfastes plus importants. Chez les personnes non asthmatiques, on constate une hausse des symptômes respiratoires, qui ne se traduit cependant pas d’emblée par une atteinte de la fonction pulmonaire. Inversement, les personnes atteintes de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) présentent une atteinte de la fonction pulmonaire qui n’est cependant pas assortie d’un usage accru de médicaments ou d’une accentuation des symptômes. Cependant, les difficultés associées à l’étude de ce groupe dont la santé est souvent lourdement atteinte ne permettent pas toujours de tirer des conclusions définitives.

Les études par panel sur la morbidité aiguë ont trouvé des associations entre divers symptômes respiratoires et l’utilisation de médicaments et la présence de PM10 et de PM2,5. Malgré le nombre restreint d’études, il existe des indications claires qui suggèrent que les PM10 sont davantage associées à des symptômes touchant les voies respiratoires supérieures, tandis que les PM2,5 sont plus clairement associées à des symptômes touchant les voies aériennes inférieures, ce qui correspond aux régions des poumons où les particules ont le plus tendance à se déposer. On a également observé une association entre les particules ultrafines et diverses atteintes respiratoires et cardiaques dans un faible nombre d’études, mais les résultats de ces études ne concordent pas entièrement.

Un nouveau champ de recherche, celui des biomarqueurs d’effet (une mesure d’un phénomène physiologique ou biologique qui n’est pas en soi indésirable, mais qui signale un processus qui peut ou va conduire à un effet néfaste), permet de mesurer des effets de façon moins invasive que dans la plupart des études par panel ou en laboratoire. De plus, cette technique peut s’appliquer à un plus grand nombre de personnes, y compris à celles dont la santé est davantage atteinte. Ces études s’intéressent essentiellement aux processus inflammatoires et cardiovasculaires dont plusieurs seraient responsables d’effets aigus et chroniques sur la santé. Ces études ont notamment permis de relever une production accrue de marqueurs de l’inflammation pulmonaire chez les asthmatiques par rapport aux sujets sains, ce qui pourrait expliquer en partie la sensibilité de cette sous-population à l’ozone et aux particules.

Une variété de marqueurs de l’inflammation cardiaque et circulatoire, indicateurs possibles d’un stress cardiovasculaire aigu et chronique, font également l’objet d’un examen attentif. Des résultats statistiquement significatifs ont été obtenus chez les populations âgées, mais il convient de mentionner que l’on a observé des marqueurs de stress chez de jeunes sujets sains. Il existerait des voies menant à des manifestations coronariennes aiguës (chez les sujets ayant une maladie préexistante) ainsi qu’à des lésions des tissus cardiaques et circulatoires, à des troubles ou à des pathologies à long terme. Les derniers travaux se sont concentrés sur les indicateurs de la fonction cardiaque (comme la variabilité du rythme cardiaque) et confirment les effets directs et indirects des particules inhalées sur la fonction cardiaque. Dans l’ensemble, les études sur les biomarqueurs viennent corroborer les relations épidémiologiques associées à la mortalité prématurée et aux hospitalisations.

Bien qu’il existe relativement peu d’études récentes sur l’ozone dans ce domaine, les travaux de caractérisation de l’exposition à ce gaz dans des camps d’été et auprès de randonneurs viennent confirmer les résultats d’études antérieures, tout en procurant quelques renseignements supplémentaires. Ces résultats révèlent une baisse de la fonction pulmonaire et une hausse des symptômes respiratoires, associées à une exposition croissante à l’ozone, effets pouvant être plus prononcés chez les asthmatiques. La présence de particules et d’autres co-polluants semble par ailleurs n’avoir aucune incidence sur ces effets, et ceux-ci s’observent à des concentrations inférieures à celles utilisées en laboratoire.

Conclusions

Les études portant sur les effets d’une exposition à long terme sur la morbidité respiratoire relèvent des associations positives et statistiquement significatives entre les particules fines et des effets respiratoires comme la réduction de la fonction pulmonaire et les maladies respiratoires chroniques comme la bronchite chronique. Selon les travaux actuels sur l’ozone, une exposition à ce gaz pourrait entraîner des effets respiratoires chroniques. On ne sait toutefois pas avec certitude si les effets décelés dans ces études ne sont observés qu’après une exposition à de fortes concentrations, et les travaux plus récents n’ont apporté aucune réponse à la question. L’étude sur la santé des enfants de la Californie révèle que l’exposition à des particules et à l’ozone (ainsi qu’à d’autres polluants) provoque diverses manifestations respiratoires défavorables et qu’elle affecte plus particulièrement la croissance pulmonaire.

Les études sur la morbidité cardiaque renseignent également sur les mécanismes (p. ex. inflammation, arythmies cardiaques et autres paramètres du débit cardiaque) par lesquels les particules pourraient entraîner des maladies chroniques et créer des conditions menant à des événements cardiaques soudains conduisant à l’hospitalisation ou au décès.

Les études épidémiologiques révèlent l’existence d’associations entre l’exposition à court terme aux PM2,5 et à l’ozone et les effets cardio-respiratoires, les hospitalisations et les consultations en salle d’urgence. L’étude des causes précises pour certaines maladies (crise cardiaque, pneumonie) met également en cause ces deux polluants. Cependant, à cause de leur faible nombre de cas, ces études  rapportent des résultats moins fiables que ceux observés lors d’études utilisant la classification générale des maladies.

Dans l’ensemble, les données confirment que l’exposition aux particules et à l’ozone est associée à divers effets respiratoires, que l’exposition aux PM2,5 peut avoir divers effets cardiovasculaires et que l’exposition à ces deux polluants est associée à une augmentation des consultations médicales et hospitalières.

Preuves à l`appui tirées d’autres types d’études

La plupart des études épidémiologiques sur les effets des particules et de l’ozone sur la santé utilisent les concentrations atmosphériques mesurées dans des stations de surveillance centralisées comme mesure de remplacement de l’exposition. Cette approche a souvent été critiquée en raison de l’incertitude qu’elle risque d’introduire dans les études et, par conséquent, dans la validité de leurs conclusions. Selon de récentes études menées pour évaluer la valeur de cette approche comme remplacement de l’exposition individuelle, celle-ci constituerait un bon indicateur de l’exposition des populations aux particules et à l’ozone atmosphériques. Par conséquent, les mesures prises par les appareils de mesure des stations de surveillance centralisées se prêtent aux études épidémiologiques sur la pollution atmosphérique. Voici d’autres observations importantes à signaler :

  • Les PM2,5 semblent pénétrer dans les bâtiments de manière très efficace, de telle sorte que les concentrations ambiantes de PM2,5 sont fortement corrélées avec l’exposition individuelle d’origine ambiante (c.-à-d. que les appareils de mesure des concentrations ambiantes caractérisent bien l’exposition aux particules d’origine ambiante, même dans les environnements intérieurs);
  • Même s’il peut y avoir d’importantes sources de particules à l’intérieur, ces sources sont distinctes des sources extérieures et n’influencent pas les mesures de celles-ci. Les appareils de mesure extérieurs caractérisent donc correctement l’exposition humaine aux particules de l’extérieur, en particulier dans le cas des PM2,5; ainsi, il n’y a pas de corrélation entre les concentrations intérieures et extérieures de particules. Par conséquent, s’il peut y avoir des effets liés aux particules d’origine intérieure, ce ne sont pas ces effets que les études épidémiologiques de l’air extérieur permettent d’observer;
  • Les appareils de mesure du milieu ambiant caractérisent moins bien l’exposition aux particules grossières et ultrafines, ce qui limite la capacité des études utilisant de tels appareils à bien identifier les effets de ces types de particules;
  • Bien que l’exposition individuelle à l’ozone varie énormément, les études indiquent que celle-ci est fortement corrélée avec les concentrations enregistrées par les appareils de mesure du milieu ambiant;
  • L’exposition à l’ozone dépend fortement de la ventilation des milieux intérieurs fréquentés et du temps passé à l’extérieur, et elle est beaucoup plus élevée en été. Les concentrations mesurées par les appareils de mesure du milieu ambiant sont donc plus représentatives de l’exposition individuelle durant la saison chaude, d’autant que les effets de l’ozone sur la santé se limitent souvent à cette période de l’année;
  • La relation entre les concentrations ambiantes et l’exposition individuelle aux particules et à l’ozone varie en fonction des différences qui existent entre les personnes, les villes et les régions, ce qui entraîne une erreur de mesure et un biais possible dans l’estimation du risque. Ce biais peut être positif ou négatif, mais on s’attend à ce qu’il entraîne la plupart du temps une sous-estimation des risques et rende plus difficile l’identification d’un effet sur la santé.

Le travail avec des volontaires humains dans des milieux contrôlés en laboratoire (parfois appelé « étude clinique ») a permis de dégager plusieurs conclusions qui corroborent les résultats observés dans les études épidémiologiques. Même si des considérations d’ordre éthique et logistique viennent limiter la portée des études d’exposition humaine en milieu contrôlé, celles-ci ont révélé l’existence de groupes vulnérables au sein de la population générale, l’évolution temporelle des lésions cardiopulmonaires et les mécanismes par lesquels l’ozone et les particules sont susceptibles d’induire leurs effets (bien que les preuves soient beaucoup moins concluantes dans le cas des particules). Voici d’autres résultats issus de ce type d’études :

  • Des preuves supplémentaires de l’existence, au sein de la population, de sujets par ailleurs en bonne santé qui sont sensibles même à des niveaux très faibles de pollution atmosphérique (d’ozone en particulier);
  • La capacité de l’ozone et possiblement des particules d’accroître l’hyperréactivité bronchique (HRB) en présence d’allergènes communs. L’HRB est une caractéristique de l’asthme; ces résultats expliqueraient peut-être la plus grande vulnérabilité des asthmatiques observée dans les études sur les consultations à l’hôpital et d’autres types d’études;
  • La constatation, à la lumière des résultats de diverses études sur l’exposition à l’ozone, du fait que l’inflammation pulmonaire, les symptômes respiratoires, l’atteinte de la fonction pulmonaire et les lésions cellulaires se résorbent (après l’exposition) à un rythme très différent, les lésions cellulaires se poursuivant après le retour à la normale des autres paramètres d’étude;
  • L’observation de niveaux de réponse individuelle très différents pour tous les paramètres susmentionnés, signe d’une grande variabilité et d’une vulnérabilité inégale au sein de la population;
  • La constatation du fait que l’activité physique augmente la dose inhalée et accroît de ce fait la sensibilité individuelle aux effets néfastes de l’ozone.

Les expériences menées sur des animaux de laboratoire sont de plus en plus révélatrices, malgré les contraintes imposées à l’interprétation à cause des problèmes liés à l’extrapolation hétérospécifique. Des travaux antérieurs, portant par ailleurs sur des expositions à de fortes concentrations, ont permis de discerner un ensemble de mécanismes pouvant expliquer les effets de l’ozone sur la santé. Cette recherche a progressé avec la découverte de mécanismes d’action plus complexes pour l’ozone et d’un ensemble encore plus complexe de mécanismes d’action sur les fonctions pulmonaire et cardiaque pour les particules. Il s’agit notamment des observations suivantes :

  • Une inflammation pulmonaire et des réponses immunitaires modifiées, accompagnées d’une plus forte tendance à l’infection;
  • Une HRB dans les modèles animaux d’asthme, reproduisant les résultats observés chez les volontaires humains et venant appuyer les conclusions des études épidémiologiques sur les asthmatiques;
  • L’utilisation de différentes souches génétiques d’animaux de laboratoire a permis de constater qu’il existe une sensibilité génétiquement déterminée aux particules et à l’ozone, laquelle varie parfois de plusieurs ordres de grandeur;
  • La variabilité interindividuelle des régimes de protection antioxydante corrobore les résultats d’études menées auprès de personnes et de sous-populations sensibles;
  • L’inflammation associée aux particules (et possiblement à l’ozone) ne se limite pas aux poumons et peut également toucher le système cardiovasculaire, un aspect peut-être plus important encore. Cette inflammation combinée au stress oxydatif entraîne une série de changements biologiques, notamment une augmentation des facteurs de coagulation et une modification de la vasoconstriction, du rythme cardiaque et de la variabilité du rythme cardiaque, lesquels sont tous des facteurs de risque connus d’événements cardiovasculaires néfastes;
  • Un nombre limité d’études indique que les particules aux concentrations quasi ambiantes peuvent entraîner la progression des plaques d’athérosclérose, fournissant une voie mécaniste précise pour soutenir les observations tirées des études épidémiologiques sur les relations entre les particules et la mortalité liées aux expositions aiguë et chronique;
  • Bien que les modèles animaux aient montré que les diverses propriétés (chimiques ou physiques) des particules provoquent différents effets, rien ne permet de conclure pour l’instant que certains constituants ou certaines formes de particules sont sans effet.

La plupart des travaux sur les polluants associés au smog continuent de s’intéresser aux effets cardiovasculaires et respiratoires, mais les recherches émergentes indiquent que d’autres systèmes et appareils pourraient être atteints. Il est question notamment d’effets sur la fonction reproductrice (p. ex. poids faible à la naissance et autres problèmes liées à la grossesse) et d’effets possibles générés via le système nerveux. D’autres travaux de recherche doivent être menés avant qu’il ne soit possible de faire des inférences causales sur ces deux types d’effets et sur d’autres d’effets.

6 Groupe de travail fédéral-provincial sur les objectifs et les lignes directrices concernant la qualité de l’air, op. cit.

7 American Cancer Society Study, Pope III, C.A., 1995. « Particulate air pollution as a predictor of mortality in a prospective study of U.S. adults », American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine, 151 : 669-674.

Dockery, D.W. et al., 1993. « An association between air pollution and mortality in six U.S. cities », New England Journal of Medicine, 329 : 1753-1759. (Étude de Harvard sur six villes.)

8 National Morbidity, Mortality and Air Pollution Study.

9 Air Pollution and Health: A European Approach.

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