Évaluation scientifique du smog au Canada : faits saillants et messages clés : chapitre 10


Effets sur la santé

Sources et composants - La recherche portant sur la caractérisation des sources, de l’exposition, de l’épidémiologie et de la toxicologie des différents composants, propriétés et sources de particules (PM) qui pourraient être fortement liées aux effets sur la santé permettrait de réduire les incertitudes associées à l’estimation des risques associés à l’exposition aux particules.

Taille des particules - Bien que les effets associés aux particules grossières (PM10-2,5) soient probablement moindres que ceux qu’on observe  pour les particules d’environ 2,5 µm, on ne sait pas exactement si les activités de gestion des risques liés aux PM2,5 permettraient de prendre en charge les effets relatifs aux (PM10-2,5); c’est pourquoi un examen continu de ces effets est recommandé. En ce qui concerne les particules ultrafines, des études d’exposition-réponse très précises montrent des effets significatifs, mais davantage de travail est nécessaire pour déterminer la toxicité relative et les impacts sur la santé de ces particules par rapport à d’autres classes de tailles. De plus, comme le système de surveillance normalisé ne représente pas adéquatement les particules ultrafines, des études précises visant à comprendre la relation source-exposition se révèlent aussi nécessaires.

Exposition - D’autres activités de recherche sur l’exposition des personnes et des populations aux particules et à l’ozone (O3), particulièrement dans les conditions que l’on trouve au Canada, permettraient d’améliorer notre compréhension de l’exposition et l’interprétation des données épidémiologiques associées à ces polluants. Les travaux pourraient porter sur l’examen de l’étendue de l’exposition à divers composants et classes de tailles de particules ainsi que sur les facteurs déterminants de cette exposition, y compris les contributions des sources, les caractéristiques et les activités personnelles et les facteurs relatifs aux bâtiments. Les futurs travaux visant à examiner l’ampleur de l’erreur de mesure introduite par la différence entre les concentrations à une station centrale et les expositions réelles aux polluants permettront d’évaluer l’erreur connexe dans les estimations des risques associés aux effets des polluants dans les études épidémiologiques.

Relation concentration-réponse - D’autres activités de recherche sur les fonctions concentration-réponse liées à la morbidité et à la mortalité causées par la pollution atmosphérique permettraient de réduire les incertitudes associées à la caractérisation des risques. Par exemple, il pourrait s’agir d’études portant sur les concentrations relativement faibles de PM2,5 et d’ozone mesurées dans l’air ambiant au Canada, et réalisées en fonction d’un éventail élargi d’effets sur la santé, ainsi que (à mesure que d’autres données sont disponibles) sur les composants et les sources des particules fines.

Rôle des co-polluants sur les effets sur la santé - La recherche axée sur l’approfondissement de nos connaissances dans ce domaine permettrait d’accroître notre capacité à discerner les effets propres aux substances dont il est question ici parmi les nombreux polluants de l’air ambiant ainsi qu’à orienter la gestion des risque associés aux sources de pollution de l’air ambiant.

Durées d’exposition préoccupantes - Même si quelques études portent précisément sur ce sujet, elles ne couvrent pas l’ensemble des critères préoccupants ni des cadres temporels possiblement préoccupants. Comme les études toxicologiques indiquent les effets potentiels associés à toute la gamme de cadres temporels - de l’exposition ultra-aiguë à l’exposition chronique, d’autres activités de recherche visant à examiner les réactions de l’être humain sur le terrain et dans un environnement contrôlé sont nécessaires. Elles pourraient ainsi fournir de nouveaux cadres temporels pertinents pour la gestion des risques. La recherche portant sur les épisodes de très courte durée liés aux mécanismes inflammatoires, particulièrement en ce qui concerne les incidents cardiaques, serait très utile. Des études longitudinales des effets sur la santé liés à l’exposition chronique aux polluants peuvent fournir des renseignements particulièrement précieux en ce qui concerne les effets sur la santé de la pollution atmosphérique. Les auteurs de telles études devraient également tenter d’intégrer des caractéristiques de conception qui offriraient de l’information sur le degré auquel la pollution de l’air agit sur l’apparition et la progression des maladies.

Inflammation, oxydation et gamme d’effets - Comme il semble que ces mécanismes constituent l’un des aspects fondamentaux des effets des particules et de l’ozone sur la santé, il est de mise de procéder à des activités de recherche visant à mieux comprendre ces processus, particulièrement en ce qui concerne les personnes ayant des maladies ou des vulnérabilités préexistantes. En raison de la découverte de nouveaux liens  avec certaines maladies (appendicite, maladies inflammatoires de l’intestin, etc.), l’examen de cohortes actuellement atteintes de maladies inflammatoires pourrait offrir de nouveaux renseignements importants sur les répercussions de la pollution de l’air.

Populations vulnérables - À mesure que nous progressons dans l’élaboration d’outils de gestion des risques destinés aux individus (comme la cote air santé ou CAS), il est nécessaire de comprendre la vulnérabilité de sous-groupes précis de la population afin d’offrir des messages mieux ciblés ainsi que de meilleures estimations des répercussions de la pollution atmosphérique sur la qualité de vie. De plus, les nouvelles données indiquant que les personnes qui présentent un profil génétique particulier pourraient êtres plus vulnérables à la pollution de l’air (tout en étant, par ailleurs, en parfaite santé) nécessitent une attention considérable afin de mieux comprendre comment de tels facteurs génétiques peuvent agir sur la vulnérabilité et sur les effets sur la santé de la population en général.

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Effets sur l’environnement

On recommande des recherches additionnelles sur les relations exposition-réponse en ce qui concerne certaines espèces végétales du Canada. Il pourrait s’agir d’une méta-analyse (combinaison de données provenant de plusieurs études en vue de l’obtention d’une seule estimation) de l’information existante et de l’élaboration d’indices visant à prédire les fonctions dose-réponse pour des espèces végétales qui n’ont pas fait l’objet d’un examen direct fondé sur la sensibilité des plantes à l’ozone, établie par le passé. L’utilisation d’une approche basée sur le flux d’ozone pour estimer l’absorption par les végétaux et, en particulier, pour quantifier les mécanismes de protection des végétaux contre les dommages causés par l’ozone, est recommandée pour les espèces et les milieux d’Amérique du Nord.

On recommande aussi la réalisation d’études continues sur les liens entre l’ozone et d’autres polluants (p. ex. le dioxyde de carbone atmosphérique) dans le contexte des répercussions sur la croissance et la productivité des forêts. En outre, d’autres activités de recherche concernant les effets des particules et de l’ozone à l’échelle des écosystèmes permettraient de mieux évaluer les risques écosystémiques plus vastes qui sont associés à l’exposition d’espèces sensibles ou en voie de disparition aux particules et à l’ozone, ainsi que les répercussions sur les espèces sauvages.

Pour l’avenir, l’incidence du smog sur les écosystèmes du Canada devrait faire l’objet d’un plus grand nombre d’études d’évaluation primaires. De plus amples recherches portant sur les aspects scientifiques qui sous-tendent les facteurs physiques des effets du smog et sur la façon dont les Canadiens évaluent ces effets aideront à élaborer des mesures efficaces de réduction du smog. Il importe de mettre sur pied un cadre permettant de faire ressortir les relations non linéaires entre les émissions, la qualité de l’air et les impacts sur les êtres humains et l’environnement par l’entremise d’une méthode d’évaluation intégrée et d’une meilleure coordination entre les divers champs d’expertise concernés.

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Émissions

L’amélioration de la quantification spatiale et temporelle des émissions de précurseurs permettrait de résoudre certains des écarts constatés entre les concentrations ambiantes de smog et de précurseurs et les inventaires des émissions. Parmi les domaines qui bénéficieraient de travaux supplémentaires, on compte l’identification et la quantification des régions sources du transport intercontinental (p. ex. l’Asie), des différentes sources et espèces d’émissions de PM2,5 primaires et de composés organiques volatils (COV) naturels et anthropiques ainsi que des sources d’émissions mobiles (aviation, transport ferroviaire, biodiésel), par exemple au moyen de composés de PM2,5 permettant de marquer des sources particulières. Les inventaires des émissions historiques et les estimations actuelles des émissions de sources diffuses ont besoin d’être améliorés. Ces dernières sont importantes pour les applications des modèles de la qualité de l’air, car il est souvent difficile d’effectuer un rapprochement entre les valeurs observées et les estimations actuelles des émissions (p. ex. sources à ciel ouvert de particules comme la poussière soulevée sur les routes, l’agriculture, la construction et l’exploitation minière).

Surveillance et analyse des tendances

À mesure que les émissions de précurseurs de particules et d’ozone continuent à diminuer en Amérique du Nord, il est probable que les répercussions des concentrations de fond de particules et d’ozone sur la qualité de l’air à l’échelle locale deviennent de plus en plus importantes. Davantage de mesures, particulièrement en ce qui concerne les PM2,5 dans des sites isolés (ou de référence), d’altitude élevée et arctiques, sont recommandées. De plus, d’autres activités de recherche sont nécessaires pour comprendre la contribution des polluants transportés d’un continent à l’autre aux concentrations ambiantes au Canada. L’établissement d’un plus grand nombre de sites de spéciation des PM2,5 dans l’ensemble du Canada faciliterait le suivi de la fraction de substances chimiques transportées à partir d’autres continents, afin de déterminer celle qui contribue le plus aux concentrations locales de PM2,5.

On recommande l’établissement de stations de mesure à proximité des routes pour effectuer un meilleur suivi des émissions issues des véhicules routiers, car celles-ci semblent dominer les concentrations observées de précurseurs de particules et d’ozone dans l’air ambiant et peuvent offrir une plateforme pour la réalisation d’études spéciales. Une lacune en matière d’échantillonnage est le biais dans les mesures des oxydes d’azote (NOx), ce qui entraîne une surestimation des concentrations de NOx dans les zones rurales et qui nécessite une quantification par un échantillonnage en région urbaine et en région rurale des NOx et d’autres espèces d’azote.

Des études à long terme et à court terme soigneusement conçues, notamment des mesures des composés permettant de marquer les sources d’émissions précises, sont requises pour réduire au minimum certains des écarts constatés entre les estimations fondées sur les inventaires des émissions et les observations des concentrations ambiantes de particules et de COV (anthropiques et naturels). Il existe des possibilités considérables d’étendre les applications de télédétection qui sont en cours de développement ailleurs à des objectifs propres au Canada afin d’améliorer les observations de la qualité de l’air en surface, de fournir des contraintes sur les émissions et de suivre le transport sur de grandes distances.

Pour comprendre le rôle de l’ammoniac (NH3) dans la formation des particules, particulièrement dans l’éventualité probable d’une diminution des émissions d’autres précurseurs, davantage de mesures du NH3 et des particules sont recommandées dans les régions qui se trouvent sous les vents provenant des zones d’agriculture intensive au Canada et aux États-Unis. Ces mesures sont nécessaires pour examiner la sensibilité des PM2,5 aux changements dans les émissions de NH3 ainsi que pour quantifier le flux transfrontalier de ces émissions.

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Compréhension des processus

La compréhension des processus qui agissent sur la formation du smog doit être constamment approfondie, car ce sont eux qui appuient les modèles de la qualité de l’air employés pour évaluer les répercussions des mesures de gestion des risques proposées. Une combinaison d’études sur le terrain et en laboratoire ainsi que des analyses intégrées des données de surveillance existantes sont requises pour élucider ces processus chimiques, physiques et météorologiques non linéaires. Plus particulièrement, ceux-ci comprennent le rôle des différentes espèces de COV, du sel de mer, des conditions météorologiques locales, de la composition chimique atmosphérique locale et de l’influence des nuages et des milieux urbains et côtiers dans la formation du smog. De plus, il importe de mieux caractériser les processus aux échelles locale et régionale à des fins d’inclusion dans les modèles de qualité de l’air à résolution spatiale plus élevée visant à réaliser des évaluations de l’exposition humaine.

D’autres activités de recherche sont nécessaires pour améliorer notre compréhension des relations entre l’ozone, le soufre, la poussière et les matières organiques au cours du transport intercontinental, afin de mieux intégrer les résultats globaux à un système de modélisation régionale visant à évaluer plus en détail l’incidence intercontinentale.

La turbulence atmosphérique agit considérablement sur les concentrations de polluants atmosphériques, mais les mécanismes de la turbulence dans les milieux urbains sont encore à l’étude. D’autres observations et évaluations de modèles de turbulence sont nécessaires pour accroître la précision des simulations des modèles de la pollution atmosphérique, particulièrement dans les milieux urbains et côtiers.

En dernier lieu, des études systématiques conçues pour examiner des processus précis importants de la formation du smog à l’échelle régionale et à une résolution adéquate sont nécessaires. Ces études doivent également tenir compte de la modification du climat et des émissions à l’échelle régionale.

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Modélisation

À mesure que l’utilisation des analyses de scénarios augmentera, les efforts constants visant à élaborer et à évaluer les modèles de la qualité de l’air permettront d’accroître la précision de ceux-ci ainsi que la fiabilité des indications fournies par les analyses. Plus particulièrement, l’amélioration des représentations des sources d’émission et des processus influant sur la production des aérosols secondaires est requise. L’élaboration et l’évaluation de modèles dépendent de la disponibilité de données d’observation pertinentes sur l’ozone, la masse des PM2,5, et la composition chimique des PM2,5 et d’autres importants précurseurs recueillies dans le cadre d’études de surveillance et d’observations sur le terrain. Ces données, combinées aux observations satellitaires, peuvent aussi être intégrées aux modèles afin d’améliorer les prévisions et, de ce fait, les estimations des émissions réalisées par modélisation inverse. L’approfondissement continu de ces méthodes est recommandé.

L’influence des secteurs sources individuels sur les concentrations ambiantes de particules et d’ozone à l’échelle nationale, telle qu’estimée par les scénarios de modélisation, doit être vérifiée et, dans certains cas, examinée davantage dans le cadre d’études plus approfondies. Mis à part les sources déjà surveillées régulièrement et pour lesquelles des données sur les émissions sont disponibles, il importe aussi d’envisager la réalisation d’études sur les sources intermittentes (incendies de forêt, vent, poussière, etc.). L’importance de ces sources augmentera probablement à mesure que les émissions de précurseurs diminueront et que l’incidence des changements climatiques deviendra plus prononcée.

Les études dans lesquelles les données des modèles peuvent être échangées de façon interactive entre les échelles mondiale, régionale et locale sont également recommandées pour obtenir l’information spatiale complète sur la qualité de l’air, y compris en ce qui concerne l’influence des concentrations de fond et une meilleure quantification de l’influence des sources ponctuelles, des sources locales et des processus de formation du smog.

Un certain nombre d’approches d’évaluation des modèles, soit l’évaluation opérationnelle (comparaison des prévisions des modèles aux données de surveillance régulière), l’évaluation dynamique (réponse des modèles aux changements dans les conditions météorologiques ou les émissions) et l’évaluation diagnostique (simulation des processus atmosphériques), nécessitent une élaboration continue. Les deux dernières méthodes d’évaluation sont particulièrement importantes afin d’assurer la crédibilité des modèles pour l’évaluation des scénarios de contrôle des émissions. Les approches de modélisation probabilistes fondées sur les incertitudes dans les entrées et les formules des modèles doivent aussi être envisagées pour évaluer les incertitudes des modèles en ce qui concerne les prévisions et les applications stratégiques.

Les modèles constituent actuellement le meilleur moyen existant pour estimer les effets des changements climatiques sur la qualité de l’air. Relativement peu d’études combinent la modélisation des changements climatiques et de la qualité de l’air, et davantage de travaux sont nécessaires dans ce domaine. Une partie intégrante de la caractérisation des répercussions des changements climatiques consistera, au départ, à comprendre la variabilité inhérente causée par les changements annuels des conditions météorologiques. L’élaboration de simulations pluriannuelles de la qualité de l’air pour caractériser la variabilité interannuelle est particulièrement importante dans l’examen des répercussions potentielles des changements climatiques sur les conclusions issues des analyses de modélisation qui évaluent l’efficacité de la réglementation proposée en matière de contrôle des émissions. De plus, des simulations pluriannuelles permettraient l’évaluation des réductions progressives des émissions et des effets connexes sur un certain nombre d’années plutôt que d’un seul coup, comme le font les simulations à l’heure actuelle. Des simulations pluriannuelles sont également nécessaires pour caractériser la variabilité interannuelle du transport transpacifique.

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